Conflit relatif à des travaux de rénovation et à la responsabilité des désordres constatés

·

·

Conflit relatif à des travaux de rénovation et à la responsabilité des désordres constatés

Monsieur [I] [U] a engagé Monsieur [H], entrepreneur individuel, pour des travaux de gommage et de sablage sur le bardage extérieur de sa maison, selon un devis de 23 479,23 euros daté du 28 décembre 2017. Les travaux ont été tacitement réceptionnés le 22 mai 2018. En raison de désordres constatés, Monsieur [U] a assigné Monsieur [H] en réparation des préjudices le 23 décembre 2022. Il a également demandé une expertise judiciaire. Par ordonnance du 19 septembre 2023, le juge a débouté Monsieur [U] de ses demandes et l’a condamné à verser 1 000 euros à Monsieur [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Monsieur [U] a interjeté appel, demandant la réformation de la décision et l’organisation d’une expertise judiciaire. Dans ses conclusions, il a présenté divers rapports d’expertise et a souligné des désordres dans son habitation. Monsieur [H] a contesté l’appel, demandant la confirmation de l’ordonnance et le déboutement de Monsieur [U], tout en évoquant une carence probatoire de ce dernier. La cour a finalement infirmé l’ordonnance initiale, ordonné une mesure d’expertise, et précisé les modalités de cette expertise, tout en condamnant Monsieur [H] aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG
24/00338
N° RG 24/00338 – N° Portalis DBVM-V-B7I-MDE4

N° Minute :

C2

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES

la SCP GARNIER – BAELE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 8 OCTOBRE 2024

Appel d’une ordonnance (N° R.G. 23/00061) rendue par le juge de la mise en état de Bourgoin Jallieu en date du 19 décembre 2023, suivant déclaration d’appel du 16 janvier 2024

APPELANT :

M. [I] [U]

né le 27 septembre 1948 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté et plaidant par Me Erick ZENOU de la SELARL CABINET ERICK ZENOU AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VIENNE

INTIMÉ :

M. [Z] [H]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté par Me Nathalie GARNIER de la SCP GARNIER – BAELE, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU, postulant et Me Eric CESAR du cabinet LEGI AVOCATS, avocat au barreau de LYON, plaidant et substitué par Me LE CALVEZ, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 juin 2024, Mme Emmanuèle Cardona, présidente chargée du rapport, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, en présence de Mme [X] [O], greffière stagiaire a entendu seule les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] [U] a sollicité Monsieur [H] (entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne individuelle AANGS), pour des travaux de gommage, de sablage sur bardage extérieur de sa maison d’habitation.

Suivant devis n°A02382 établi le 28 décembre 2017, le montant total était de 23 479,23 euros.

Les travaux ont été réceptionnés tacitement au 22 mai 2018.

Se prévalant de désordres, par acte de commissaire de justice en date du 23 décembre 2022, Monsieur [U] a fait assigner Monsieur [H] en réparation des préjudices allégués.

M. [U] a saisi le juge de la mise en état aux fins de solliciter une mesure d’expertise judiciaire.

Par ordonnance du 19 septembre 2023, le juge de la mise en état de Bourgoin-Jallieu :

– a débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes,

– l’a condamné au paiement de la somme de 1 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

M.[U] a interjeté appel de l’ordonnance.

Dans ses conclusions notifiées le 18 juin 2024, Monsieur [U] demande à la cour de :

Vu les articles 789 du code de procédure civile, 144 et 146 du même code,

Vu la jurisprudence (cf. celle développée inutilement par Monsieur [H]),

Vu les pièces,

Vu le rapport d’analyse du laboratoire ABARCO en date du 28 octobre 2021,

Vu le rapport d’expertise rendu par le Cabinet d’expertise 3D en date du 28 septembre 2022,

Vu le nouveau rapport de Monsieur [N], expert judiciaire inscrit sur la liste des experts près la Cour d’appel de Chambéry, ingénieur bois,

Vu la sommation de communication de pièces délivrées à l’intimé par RPVA en date du 3 juin 2024 demeurée sans réponse,

– réformer la décision entreprise rendue par le juge de la mise en état en toutes ses dispositions,

– surseoir à statuer sur le fond,

– constater le parfait intérêt légitime de l’appelant à solliciter l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire,

Y ajoutant,

– voir désigner tel expert qu’il plaira avec mission telle que décrite au terme des motifs des présentes écritures,

– condamner, en outre, Monsieur [H] à verser à Monsieur [U] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700, au regard des frais irrépétibles que celui-ci a dû avancer et notamment eu égard à la condamnation de première instance rendue par juge de la mise en état à ce même titre qui a condamné l’appelant initialement à la somme de 1 000 euros sur ce fondement, et les entiers dépens de première instance et d’appel distraits au profit de la SELARL Zenou & associés, avocat, sur son affirmation de droit.

Au soutien de ses demandes, M.[U] s’appuie sur les pièces déjà fournies ainsi que sur un nouveau rapport d’expertise établi courant mars 2024 qui décrit les différents désordres affectant son habitation, en l’absence de travail effectué dans les règles de l’art. Il fait état de la différence entre la façade de son habitation et celle de son garage, les deux façades n’ayant pas été traitées par les mêmes entreprises.

Dans ses conclusions notifiées le 11 juin 2024, M.[H] demande à la cour de :

Vu les articles 144 et 146 du code de procédure civile,

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces versées au débat,

– déclarer mal fondé l’appel de Monsieur [I] [U] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 19 décembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourgoin Jallieu,

En conséquent,

– confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

– débouter Monsieur [I] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

– condamner Monsieur [I] [U] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

M. [H] indique qu’il avait établi un premier devis le 16 avril 2009, suite à une demande de l’appelant, en lien avec la présence de champignons lignicoles, causant un aspect grisâtre du bois, mais que ce dernier n’a pas donné suite, qu’il a sollicité un nouveau devis en 2017 pour les mêmes motifs.

Il fait état de la carence probatoire de l’appelant.

Il déclare que tant au regard du rapport d’expertise de l’assureur, que du rapport d’expertise du bureau AS Partner, la formation de champignon lignicole est uniquement en surface du feuil de peinture.

Il conteste les conclusions du rapport d’expertise amiable déposé par M. [U] en faisant valoir que seules des analyses complémentaires en laboratoire auraient pu permettre de déterminer le nombre de couches de peinture appliquées sur le support, mais que M [U] a refusé de supporter le coût de telles analyses.

La clôture a été prononcée le 5 juin 2024.

MOTIFS

Sur la demande d’expertise

A l’appui de sa demande d’expertise judiciaire, M. [U] s’appuie sur trois documents:

– dans son rapport d’expertise en date du 28 septembre 2022, l’expert indique que le phénomène consistant en l’apparition de traces noires sur le bardage est évolutif. L’expert relève que le bardage du garage, qui n’a pas fait l’objet d’un sablage mais qui a seulement été repeint est beaucoup plus lisse que le bardage traité par la société AANGS.

L’expert énonce que l’orientation de la maison ne peut pas être en cause dès lors que toutes les façades de la maison sont concernées.

Au regard des premières conclusions de la société Abarco, il indique comprendre le rapport comme le fait qu’une seule couche de peinture a été posée sur le bardage, alors que la marque Sikkens préconise une mise en oeuvre de sa peinture en trois couches. A cet égard, il sera relevé que les analyses complémentaures n’ont pas été effectuées, mais que l’expert amiable était en désaccord avec le montant de la nouvelle prestation à réaliser, considérant que celle-ci était incluse dans la prestation initiale et refusant en conséquence de verser de nouveaux frais. Il a, par ailleurs, indiqué qu’en tout état de cause, les désordres restaient esthétiques.

– M. [U] s’appuie également sur le constat de l’entreprise Dunoyer qui n’est certes pas un expert, mais qui construit selon le second expert des maisons haut de gamme, la maison concernée ayant été construite en 2002. Cette entreprise préconise un remplacement complet des bardages extérieurs dès lors que, selon elle, les bardages existants ont été creusés par le sablage et donc rendus rugueux, ce qui génère de l’humididité par rétention d’eau et favorise la prolifération de champignons lignicoles.

– enfin, le second rapport d’expertise établi suite à une visite réalisée le 1er février 2024 fait également état d’un creusement important des parements, une mauvaise tenue des finitions sur les subjectiles, en lien avec un sablage que l’expert a qualifié d’intense, ce qui a conduit à enlever intégralement le traitement fongicique. L’expert ajoute que les préconisations du DTU n’ont pas été respectées.

M. [H] conteste le fait qu’une seule couche de peinture ait été posée, faisant valoir que les factures, éditées postérieurement à chaque application de peinture, ne l’ont été qu’à des intervalles supérieurs aux préconisations du DTU, ce qui atteste de son respect des règles de l’art.

Il conteste également le fait que le champignon lignicole ne soit présent qu’en surface, faisant valoir qu’il avait déjà établi un premier devis en 2009 pour justement déjà remédier à cette difficulté. Il réfute avoir procédé à un sablage intense.

Au vu de ce qui précède, dès lors que les parties s’opposent sur les raisons ayant conduit à l’apparition de champignons lignicoles et le cas échéant, sur le coût de la réparation des préjudices allégués, il apparaît nécessaire d’organiser une mesure d’expertise judiciaire, l’ordonnance sera infirmée.

M. [H] supportera la charge des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme l’ordonnance déférée et statuant de nouveau,

Ordonne une mesure d’expertise et commet pour y procéder

M. [T] [D]

[Adresse 5]

Port. : [XXXXXXXX01]

Mèl : [Courriel 9]

avec pour mission de :

– convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettre recommandée avec accusé de réception,

– se faire remettre sans délai par les parties ou par tout tiers détenteur les documents qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,

– recueillir les déclarations des parties et éventuellement celles de toute personne informée,

et afin de :

– se rendre sur les lieux, [Adresse 2] [Localité 6],

– se faire communiquer par les parties tous documents utiles établissant leur rapport de droit, la mission précise de chaque intervenant et le calendrier des travaux,

– à défaut de production d’un procès verbal de réception donner toutes indications utiles aux fins de fixation de la date de réception éventuelle, en précisant également la date de prise de possession effective des locaux,

– visiter l’immeuble, décrire les désordres, préciser leur importance ; indiquer les parties de l’ouvrage qu’ils affectent, en spécifiant tous éléments techniques permettant d’apprécier s’il s’agit d’éléments constitutifs ou d’éléments d’équipement faisant corps ou non, de manière indissociable avec des ouvrages de viabilité, de fondations, d’ossature, de clos ou de couvert,

– dire si les désordres étaient apparents ou non lors de la réception ou de la prise de possession; au cas où ils auraient été cachés, rechercher leur date d’apparition,

– dire si les désordres apparents ont fait l’objet de réserves, s’il y a eu des travaux de reprise, et préciser si et quand les réserves ont été levées,

– indiquer si les désordres compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, ou s’ils affectent la solidité des éléments d’équipement formant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondations, d’ossature, de clos ou de couvert,

– rechercher la cause des désordres en précisant pour chacun des désordres s’il y a eu vice du matériau, malfaçons dans l’exécution, vice de conception, défaut ou insuffisance dans la direction, le contrôle ou la surveillance, défaut d’entretien ou toute autre cause,

– déterminer la part imputable aux différents intervenants par référence aux causes décelées,

– en cas de travaux supplémentaires non prévus au devis et n’ayant pas fait l’objet d’un avenant, rechercher les circonstances dans lesquelles les travaux ont été décidés et réalisés,

– proposer les remèdes nécessaires, chiffrer leur coût,

– proposer un apurement des comptes entre les parties en distinguant le cas échéant les moins values résultant de travaux entrant dans le devis et non exécutés, le montant des travaux effectués mais non inclus dans le devis en précisant sur ce point s’ils étaient nécessaires ou non et plus généralement en distinguant les coûts de reprise nécessaires en fonction de chacune entreprise intervenue sur le chantier,

– préciser la nature et l’importance des préjudices subis par chacun des demandeurs et proposer une base d’évaluation,

– constater l’éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas de nous en aviser,

– faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

Dit que l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l’expertise, et devra commencer ses opérations dès sa saisine ;

Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l’expertise ;

Dit que l’expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;

Dit que l’expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l’expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l’accomplissement de sa mission ;

Dit que l’expert est autorisé à s’adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d’en informer le juge chargé du contrôle de l’expertise et les parties ;

Dit que l’expert pourra en cas de besoin, remettre un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission ;

Rappelle aux parties qu’en cas de pré rapport :

– le délai ( 3 semaines minimum) pour adresser les dires fixé par l’expert est un délai impératif,

– les dires doivent concerner les appréciations techniques et que l’expert ne peut être saisi de questions de nature purement juridique ;

Dit que l’expert devra déposer son rapport définitif (accompagné des documents annexés ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis) et sa demande de rémunération au greffe du tribunal, dans le délai de rigueur de 4 mois à compter de sa saisine (sauf prorogation dûment autorisée) soit le lundi 10 mars 2025 au plus tard, et communiquer ces deux documents aux parties ;

Dit que les frais d’expertise seront provisoirement avancés par M. [U] qui devra consigner la somme de 600 euros à valoir sur la rémunération de l’expert, auprès du Régisseur d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu, avant le 8 novembre 2024 étant précisé que :

– la charge définitive de la rémunération de l’expert incombera, sauf transaction, à la partie qui sera condamnée aux dépens,

– à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque, (sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime)

– chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l’autre en cas de carence ou de refus ;

Dit toutefois que la personne ci dessus désignée sera dispensée de consignation au cas où elle serait bénéficiaire de l’aide juridictionnelle et dit que dans ce cas copie de la décision d’aide juridictionnelle applicable à la présente procédure (sur demande d’AJ présentée antérieurement à la date de la présente décision) devra être déposée par elle au service des expertises avant le 8 novembre 2024 ;

Dit que la mesure d’expertise se déroulera sous le contrôle du magistrat chargé des expertises du tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu, en application de l’article 964-2 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Solène ROUX, greffière présente lors de la mise à disposition, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x