Conflit patrimonial post-divorce : irrecevabilité d’une nouvelle demande de partage en raison de l’autorité de la chose jugée.

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Conflit patrimonial post-divorce : irrecevabilité d’une nouvelle demande de partage en raison de l’autorité de la chose jugée.
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Parties en présence

Madame [C] [S], née en 1980 en Algérie, et Monsieur [V] [E], né en 1969 en Algérie, sont les parties impliquées dans cette affaire. Madame [C] [S] est représentée par Maître Anne-Constance COLL et Me Meriem BELMEHEL, tandis que Monsieur [V] [E] est représenté par Maître Léa HADAD TAIEB.

Contexte matrimonial

Les deux parties se sont mariées en 2002 et ont eu quatre enfants, dont deux sont mineurs. Leur divorce a été prononcé en avril 2017, avec des torts partagés, et le tribunal a ordonné la liquidation et le partage de leurs biens.

Assignation de Madame [C] [S]

En octobre 2021, Madame [C] [S] a assigné Monsieur [V] [E] pour obtenir le partage d’un compte bancaire et la désignation d’un notaire pour procéder aux opérations de liquidation. Elle a également demandé des relevés de compte et une indemnisation au titre des frais de justice.

Décision du juge de la mise en état

En mars 2023, le juge a déclaré l’action de Madame [C] [S] irrecevable, en raison d’un manque de précision concernant le patrimoine à partager. Cette décision a été fondée sur l’article 1360 du code de procédure civile.

Nouvelle assignation de Madame [C] [S]

En août 2023, Madame [C] [S] a de nouveau assigné Monsieur [V] [E], demandant l’ouverture des opérations de comptes et le partage de l’indivision, tout en listant plusieurs comptes bancaires dont elle prétendait que Monsieur [V] [E] avait soustrait des fonds.

Arguments de Monsieur [V] [E]

Monsieur [V] [E] a soulevé une fin de non-recevoir, arguant que l’ordonnance de mars 2023 rendait l’assignation d’août 2023 irrecevable. Il a également demandé la condamnation de Madame [C] [S] à lui verser des frais de justice.

Réponse de Madame [C] [S]

Madame [C] [S] a contesté la fin de non-recevoir, affirmant que les conditions d’autorité de la chose jugée n’étaient pas remplies et a demandé le rejet des demandes de Monsieur [V] [E].

Décision finale du juge

Le juge a statué que l’action de Madame [C] [S] était irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance de mars 2023. Il a également condamné Madame [C] [S] à verser 2 000 euros à Monsieur [V] [E] pour les frais de justice et aux dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Créteil
RG n°
23/05578
MINUTE N° : 24/117
JUGEMENT DU : 24 Octobre 2024
DOSSIER N° : N° RG 23/05578 – N° Portalis DB3T-W-B7H-UOOE
AFFAIRE : [C] [S] C/ [V] [E]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL

1ère CHAMBRE – Cabinet i

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

JUGE DE LA MISE EN ETAT : Madame NICOLET, Vice-présidente

GREFFIER : Madame DJOUDI, Faisant fonction de greffier

PARTIES :

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DEFENDERESSE A L’INCIDENT

Madame [C] [S]
née le [Date naissance 7] 1980 à [Localité 14] (Algérie), demeurant [Adresse 10]

représentée par Maître Anne-Constance COLL de la SELASU CABINET COLL, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire : E0653, Me Meriem BELMEHEL, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, avocat postulant, vestiaire : PC172

DEFENDEUR AU PRINCIPAL
DEMANDEUR A L’INCIDENT

Monsieur [V] [E]
né le [Date naissance 6] 1969 à [Localité 12] (Algerie), demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Léa HADAD TAIEB de la SELEURL LEA HADAD TAIEB, avocats au barreau de VAL-DE-MARNE,, vestiaire : PC 87

Affaire plaidée à l’audience de mise en état le 26 Septembre 2024
Délibéré rendu le 24 Octobre 2024 par décision mise à disposition aux parties au greffe

1 G + 1 EX Me Meriem BELMEHEL
1 G + 1 EX Maître Léa HADAD TAIEB de la SELEURL LEA HADAD TAIEB

Mme [C] [S] et M. [V] [E], de nationalité algérienne, se sont mariés le [Date mariage 5] 2002 à [Localité 13] (Algérie).
De cette union sont issus quatre enfants dont deux sont encore mineurs.

Le divorce des parties était prononcé le 26 avril 2017, aux torts partagés des époux, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil constatant que le juge français était compétent, que la loi française était applicable et qu’il y avait lieu d’appliquer le régime de base légal en France, à savoir la communauté de biens
Le jugement ordonnait par ailleurs la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et invitait les parties à désigner le notaire de leur choix pour procéder à ces opérations dans un cadre amiable, ou à défaut, à demander au tribunal de grande instance de Créteil de désigner un notaire pour y procéder dans un cadre judiciaire.

Par acte d’huissier du 28 octobre 2021, Mme [C] [S] a fait assigner M. [V] [E] devant le juge aux affaires familiales de la présente juridiction afin d’obtenir :

1) en principal, le partage du compte n° [XXXXXXXXXX08],

2) à titre subsidiaire, la désignation de Maître [X] [N], notaire, pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial ayant existé,

3) qu’il soit ordonné à M. [V] [E] de communiquer les relevés de compte La [11] n° [XXXXXXXXXX08] du 30 mars 2011 au 30 mars 2012, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d’un mois après la signification du jugement à intervenir,

4) la condamnation de M. [V] [E] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, qui seront recouvrés selon les règles en matière d’aide juridictionnelle.

Par ordonnance du 23 mars 2023, le juge de la mise en état, saisi par des conclusions d’incident de M. [V] [E], disait que l’action engagée par Mme [C] [S] par assignation du 28 octobre 2021 était irrecevable.

Par acte de commissaire de justice du 3 août 2023, Mme [C] [S] a fait assigner M. [V] [E] devant le juge aux affaires familiales de la présente juridiction afin d’obtenir :

1) l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision existant entre Mme [C] [S] et M. [V] [E], Maître [X] [N] étant désignée pour y procéder, laquelle serait autorisée à consulter tous documents utiles qui devront lui être communiqués afin de mener à bien sa mission,

2) qu’il soit dit que l’indivision est redevable envers Mme [C] [S] des sommes soustraites par M. [V] [E], à savoir :
– un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX09] souscrit auprès de la [11] dont le solde restant était de 300 000 euros le 27 mars 2012,
– un compte bancaire n°1204311333H livret A dont le solde était de 127, 89 euros au 2 janvier 2013,
– un compte bancaire n° [XXXXXXXXXX02] F livret A dont le solde restant était de 135,89 euros au 28 janvier 2013,
– un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX04] J Livret A dont le solde restant était de 298, 07 euros au 3 janvier 2013.

3) la condamnation au besoin de M. [V] [E] au paiement des sommes ci-dessus,

4) la condamnation de M. [V] [E] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Par conclusions d’incident du 23 mai 2024 puis du 23 septembre 2024, M. [V] [E] soulève la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée et en conséquence l’irrecevabilité de l’assignation en partage.
Il conclut en outre au rejet des demandes de Mme [C] [S], comme ne remplissant pas les conditions de l’article 1360 du code de procédure civile.
Il sollicite la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’incident.

Dans ses écritures en réponse sur incident du 22 mai 2024, Mme [C] [S] conclut au rejet de la fin de non-recevoir ainsi qu’au rejet de l’ensemble des demandes du défendeur.
Elle sollicite en outre la condamnation de M. [V] [E] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’incident a été appelé à l’audience du 26 septembre 2024 et mis en délibéré au 24 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [V] [E] soulève une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’ordonnance du 23 mars 2023 et en conséquence l’irrecevabilité de l’assignation en partage délivrée le 3 août 2023.

Mme [C] [S] conclut au rejet de la demande.
Elle fait valoir que les conditions d’identité d’objet, de cause et de parties ne sont pas réunies et que l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance du 23 mars 2023 ne constitue pas une fin de non-recevoir permettant de déclarer irrecevable son action, la demanderesse ne formant pas les mêmes demandes dans le cadre de la présente instance que dans le cadre de l’instance ayant abouti à l’ordonnance du 23 mars 2023.

Sur ce

Selon l’article 789 6° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.

L’article 122 du même code dispose par ailleurs que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 794 du code de procédure civile dispose que les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789.

L’article 1355 du code civil dispose enfin que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.

En l’espèce, l’ordonnance du 23 mars 2023 a dit que l’action engagée par Mme [C] [S] par assignation du 28 octobre 2021 était irrecevable, au motif, en application de l’article 1360 du code de procédure civile, que la demanderesse ne décrivait pas avec suffisamment de précision le patrimoine à partager, dont l’existence même n’était pas démontrée.

La demanderesse avait sollicité dans l’assignation du 28 octobre 2021 le partage du compte n° [XXXXXXXXXX08] et à titre subsidiaire la désignation de Maître [X] [N], notaire, pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial ayant existé.
Mme [C] [S] demandait en outre qu’il soit ordonné à M. [V] [E] de communiquer les relevés de compte La [11] n° [XXXXXXXXXX08] du 30 mars 2011 au 30 mars 2012, sous astreinte.

Dans le cadre de l’assignation du 3 août 2023 – qui ne mentionne pas qu’une ordonnance avait été rendue par le juge de la mise en état le 23 mars 2023, soit quelques semaines auparavant -, Mme [C] [S] sollicite l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision existant entre les ex époux, Maître [X] [N] étant désignée pour y procéder.
Elle soutient que l’indivision lui est redevable des sommes soustraites par M. [V] [E], à savoir :
– un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX09] souscrit auprès de la [11] dont le solde restant était de 300 000 euros le 27 mars 2012,
– un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX03]H livret A dont le solde était de 127, 89 euros au 2 janvier 2013,
– un compte bancaire n° [XXXXXXXXXX02] F livret A dont le solde restant était de 135,89 euros au 28 janvier 2013,
– un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX04] J Livret A dont le solde restant était de 298, 07 euros au 3 janvier 2013.
Elle demande enfin la condamnation au besoin de M. [V] [E] au paiement des sommes ci-dessus.

Comme relevé en défense, la demande est formée entre les mêmes parties, par Mme [C] [S] contre M. [V] [E] en leur qualité d’ex époux.
L’action est la même, puisqu’elle porte dans les deux assignations sur le partage du compte n° [XXXXXXXXXX08] qui serait créditeur d’une somme de 300 000 euros, les trois autres comptes listés dans la nouvelle assignation ayant des soldes créditeurs très faibles.
Le partage est sollicité dans les deux assignations pour mettre fin à l’indivision existant entre les ex époux à la suite de leur divorce.

L’action engagée par Mme [C] [S] par assignation du 3 août 2023 est dès lors irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’ordonnance du 23 mars 2023.

Il convient au surplus de relever, comme également observé en défense, qu’aucun élément n’est produit pour établir que les époux disposaient d’un compte bancaire présentant un solde positif de 300 000 euros au 27 mars 2012, ni même qu’ils disposaient d’un compte à la [11] et donc d’un patrimoine à partager, comme lors de la précédente instance

L’équité commande qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [V] [E] et Mme [C] [S] sera condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros, comme sollicité.

Mme [C] [S] sera en outre condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, susceptible d’appel,

Dit que l’action engagée par Mme [C] [S] par assignation du 3 août 2023 est irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 mars 2023.

Condamne Mme [C] [S] à verser à M. [V] [E] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [C] [S] aux entiers dépens de l’instance.

Fait à CRÉTEIL, L’AN DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE VINGT QUATRE OCTOBRE

LA GREFFIÈRE LA JUGE DE LA MISE EN ÉTAT


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