Conflit locatif : Résiliation du bail et enjeux de paiement face à des conditions d’habitat contestées

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Conflit locatif : Résiliation du bail et enjeux de paiement face à des conditions d’habitat contestées
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Contexte de la location

Par acte sous seing privé du 30 juin 2020, [X] [W] a loué un immeuble à usage d’habitation à [N] [B] pour une durée de trois ans, avec un loyer mensuel de 415 euros et une provision sur charges de 35 euros.

Commandement de payer

Le 14 février 2023, [X] [W] a signifié à [N] [B] un commandement de payer visant la clause résolutoire pour obtenir le paiement de 7.588,57 euros en loyers et charges impayés.

Assignation en justice

Le 23 janvier 2024, [X] [W] a cité [N] [B] devant le juge des contentieux de la protection pour constater la résiliation du contrat de location, ordonner l’expulsion de [N] [B], et condamner [N] [B] à payer 11.063,27 euros pour loyers et charges impayés.

Audiences et demandes des parties

Lors de l’audience du 1er juillet 2024, [X] [W] a actualisé sa demande de paiement à 12.935,21 euros, tandis que [N] [B] a demandé le rejet de la résiliation du bail et a formulé des demandes de travaux et de dommages-intérêts.

Recevabilité des demandes

Le juge a déclaré la demande de résiliation du bail recevable, mais a jugé irrecevable la demande de paiement des loyers impayés antérieurs au 23 janvier 2021, soit 2.375 euros.

Inexécution et conditions de loyer

Le juge a rejeté l’exception d’inexécution de [N] [B], constatant que les désordres signalés ne rendaient pas le logement inhabitable et que l’absence de chauffage et d’eau chaude n’était pas imputable au bailleur.

Clause résolutoire

Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire ont été réunies à compter du 15 avril 2023, après un commandement de payer signifié le 14 février 2023.

Moratoire de paiement

Un moratoire total a été accordé à [N] [B] jusqu’à la mise en place d’un plan de surendettement, suspendant les effets de la clause résolutoire.

Montant de la dette locative

La locataire a été condamnée à payer 10.355,31 euros pour loyers et charges impayés, avec des intérêts au taux légal à compter de la décision.

Demande de réparation du préjudice

La demande de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance a été rejetée, le juge n’ayant pas constaté de préjudice suffisamment caractérisé.

Décision finale

Le juge a déclaré [X] [W] recevable à agir en résiliation du bail, a condamné [N] [B] à payer les sommes dues, et a précisé les modalités d’expulsion en cas de non-respect des délais de paiement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG n°
24/01362
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/01362 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YAFQ

JUGEMENT

DU : 28 Octobre 2024

[X] [W]

C/

[N] [B]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 28 Octobre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

M. [X] [W], demeurant [Adresse 3] – [Localité 5]

représenté par Représentant : Me Anne-laurence DELOBEL BRICHE, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

Mme [N] [B], demeurant [Adresse 2] – [Localité 6]

représentée par Me Christophe WERQUIN, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 01 Juillet 2024

Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 28 Octobre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

RG : 24/1362 PAGE

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 30 juin 2020 avec effet au 1er juin 2020, [X] [W] a donné en location à [N] [B], pour une durée initiale de trois ans, un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 2] à [Localité 6], moyennant un loyer mensuel initial de 415 euros, majoré d’une provision mensuelle sur charges de 35 euros.

Par acte d’huissier du 14 février 2023, [X] [W] a fait signifier à [N] [B] un commandement de payer visant la clause résolutoire afin d’obtenir le paiement de la somme de 7.588,57 euros en principal au titre des charges et loyers impayés.

Par acte d’huissier du 23 janvier 2024, [X] [W] a fait citer [N] [B] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille à l’audience du 18 mars 2024 aux fins qu’il :
constate la résiliation du contrat de location par le jeu de la clause résolutoire ou à défaut en ordonne la résiliation,ordonne l’expulsion de [N] [B] ainsi que de tout occupant de son chef, dès que le délai légal sera expiré et si besoin est avec le concours de la force publique,condamne [N] [B] au paiement de la somme de 11.063,27 euros, représentant les loyers et les charges impayés au 24 octobre 2023, outre les intérêts au taux légal à compter du commandement de payer pour les sommes qui y paraissent et de l’assignation pour le surplus ;condamne [N] [B] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer, charges comprises, à compter du jugement et jusqu’à la totale libération des lieux,condamne [N] [B] au paiement de la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,condamne [N] [B] au paiement des entiers dépens sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile et notamment au paiement du commandement de payer les loyers,
L’affaire a été retenue et plaidée à l’audience du 1er juillet 2024.

Se référant oralement aux termes de ses dernières écritures visées à l’audience, [X] [W], représenté par son conseil, a maintenu l’ensemble des demandes contenues dans son assignation, sauf à actualiser sa demande en paiement à la somme de 12.935,21 euros arrêtée au 30 mai 2024 et à solliciter le rejet de l’ensemble des prétentions adverses.

Se référant oralement aux termes de ses dernières écritures visées à l’audience, [N] [B], représentée par son conseil, a demandé au juge des contentieux de la protection de :
débouter [X] [W] de sa demande de résiliation du bail ;déduire des sommes réclamées celle de 2.375 euros, prescrite ;condamner [X] [W], sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à effectuer les travaux de remise en état suivants :* remplacement de la chaudière ;
* pose d’un cache sur le compteur électrique ;
* mise en place d’une ventilation efficiente dans le séjour, la cuisine, les toilettes et la salle de bain ;
* remplacement des embellissements ayant souffert des moisissures ;
fixer le loyer à la somme de 200 euros pendant le cours des travaux ;
condamner [X] [W] à lui payer la somme de 10.800 euros au titre de dommages et intérêts ;ordonner la compensation entre les loyers restant dus et les dommages et intérêts mis à la charge de [X] [W] ;statuer sur les dépens comme en matière d’aide juridictionnelle.
Le requérant a été invité à produire, par note en délibéré, un décompte actualisé à la date de l’audience reprenant le dernier paiement effectué par la locataire. Il a été autorisé à produire une attestation de réparation de la VMC.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 28 octobre 2024.

Dans le cours du délibéré, le juge des contentieux de la protection a été destinataire des pièces complémentaires du requérant ainsi que de la réponse de la défenderesse, laquelle a également fait parvenir une décision de la commission de surendettement des particuliers du 10 juillet 2024 ayant déclaré son dossier recevable et décidé d’orienter celui-ci vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande de résiliation du bail

Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture du Nord par voie électronique le 24 janvier 2024, soit plus de six semaines avant l’audience conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 applicable à l’espèce.

L’action est donc recevable.

Sur la recevabilité de la demande en paiement des loyers impayés

Aux termes de l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version issue de la loi ALUR du 24 mars 2014, toutes actions dérivant d’un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit.
Toutefois, l’action en révision du loyer par le bailleur est prescrite un an après la date convenue par les parties dans le contrat de bail pour réviser ledit loyer.

Le commandement de payer délivré par huissier le 14 février 2023 n’est pas interruptif de prescription au sens de l’article 2241 du code civil.
L’assignation, qui est interruptive de prescription, a été délivrée le 23 janvier 2024.
Le requérant est donc irrecevable à agir en paiement de l’arriéré de loyer pour la période antérieure au 23 janvier 2021, d’un montant de 2.375 euros au regard du décompte annexé au commandement de payer.

Sur l’exception d’inexécution

En application des articles 1728 du code civil et 7 a) de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation, le locataire est tenu comme obligation première de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. En application de l’article 6 de la même loi et 2 du décret du 30 janvier 2002, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé de ses occupants. Il appartient à celui qui se plainte de l’indécence ou de l’insalubrité d’un logement d’en rapporter la preuve qui peut se faire par tous moyens.

En application de l’article 3 du décret du 30 janvier 2002, le logement comporte les éléments d’équipement et de confort suivants :
1. Une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut ne pas être fait application de ces dispositions lorsque les conditions climatiques le justifient ;
2. Une installation d’alimentation en eau potable assurant à l’intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l’utilisation normale de ses locataires ;
3. Des installations d’évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;
4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d’alimentation en eau chaude et froide et à une installation d’évacuation des eaux usées ;
5. Une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l’intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d’une évacuation des eaux usées. L’installation sanitaire d’un logement d’une seule pièce peut être limitée à un w.-c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ;

Il est de principe que face à l’inexécution ou à la mauvaise exécution de l’obligation de délivrance par le bailleur, le locataire ne peut pas invoquer l’exception d’inexécution et refuser de payer le loyer. La seule exception à ce principe est la preuve d’un local totalement inhabitable. Le fait que le locataire en situation de précarité se soit maintenu dans les locaux ne doit pas être de nature à présumer que le logement était habitable.

En l’espèce, la locataire produit un courrier du service communal d’hygiène et de santé, daté du 24 juillet 2023, aux termes duquel celui ci indique, après avoir visité le logement le 19 juillet 2023, avoir constaté les faits suivant :
« chaudière non fonctionnelle : absence de chauffage et absence d’eau chaude ;couloir d’entrée : absence du cache sur le compteur électrique ;débarras : infiltration au plafond ;séjour : traces d’infiltration au plafond avec dégradation des revêtements et moisissures autour des fenêtres ;coin cuisine : la ventilation ne présente aucun tirage ;wc : la ventilation ne présente aucun tirage ;salle de bain : la ventilation ne présente aucun tirage. ».
Le service indique que ces désordres constituent des infractions à l’arrêté préfectoral portant règlement sanitaire départemental et avoir invité le propriétaire à prendre les mesures nécessaires pour y remédier, dans un délai de 15 jours pour le chauffage et de deux mois pour le reste.

La locataire produit un courrier daté du 11 juin 2024 émanant de ce même service, aux termes duquel celui-ci indique avoir procédé à la visite du logement le 28 mai 2024 et avoir constaté la rémanence de l’ensemble des désordres décrits dans le courrier précédent. Il est précisé que le bailleur a été mis en demeure de remédier à cette situation un délai de 15 jours pour le chauffage et de deux mois pour le surplus.

Parmi les désordres relevés par le service communal d’hygiène et de santé, l’absence d’eau chaude et de chauffage dans le logement ont pour effet de rendre celui-ci inhabitable au sens des dispositions susvisées, a fortiori dans une ville du Nord.

La bailleresse soutient que ce défaut ne provient pas d’une défectuosité de la chaudière mais de l’absence d’alimentation du logement en gaz, aucune anomalie du réseau n’ayant été relevée lors de la mise en service du réseau par GRDF le 6 juin 2024. Elle ajoute avoir mandaté un professionnel à la suite de la réception de la mise en demeure du service communal d’hygiène et de santé, lequel a constaté le bon fonctionnement de la chaudière. Elle produit pour en attester :
un courrier émanant de GRDF le 7 juin 2024, d’où il appert que l’alimentation en gaz de l’appartement ne présente qu’une anomalie mineure, dépourvue de conséquence sur son fonctionnement ;une attestation du 21 juin 2024, signée par la locataire, aux termes de laquelle la société A L’EAU CONFORT SERVICE indique avoir mis en route la chaudière et constaté que celle-ci fonctionnait normalement après purge des radiateurs et ajout d’eau dans la chaudière.
L’attestation du 21 juin 2024 permet d’établir que la chaudière ne pâtissait en réalité d’aucun dysfonctionnement impliquant l’intervention du bailleur, son entretien courant de même que la purge des radiateurs incombant à la seule locataire.

Par conséquent, l’absence de chauffage et d’eau chaude dans le logement n’apparaît procéder d’aucune carence du bailleur dans l’exécution de ses obligations, étant au demeurant observé que la locataire ne justifie pas avoir alerté le bailleur quant à l’existence d’un dysfonctionnement de la chaudière avant l’introduction de la présente instance, ce qui apparaît surprenant s’agissant d’un désordre qu’elle déclare souffrir depuis la prise de bail.

Le surplus des désordres observés par le service communal d’hygiène et de santé n’apparaît pas suffisamment grave pour conclure à l’inhabilité du logement.

Par conséquent, l’exception d’inexécution dont se prévaut la locataire sera rejetée.

Sur l’acquisition des effets de la clause résolutoire :

L’article 24 I de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, dans sa version antérieure à la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, applicable en l’espèce, prévoit que “toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux”.

En l’espèce, l’article VIII du bail conclu le 30 juin 2020 prévoit une clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, charges et dépôt de garantie ; un commandement de payer la somme de 7.588,57 euros visant cette clause a été signifié le 14 février 2023 à [N] [B]. Au regard de la prescription des impayés antérieurs au 23 janvier 2021, il convient de ramener à la somme de 5.213,57 euros le montant dont la locataire était tenue de s’acquitter avant le 14 avril 2023.

S’il ressort du décompte actualisé produit par le bailleur à l’audience que des règlements sont intervenus dans les deux mois de la signification du commandement de payer, ils n’ont pas couvert les causes du commandement de payer, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire se sont trouvées réunies à compter du 15 avril 2023.

En application de l’article 24 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, V. – Le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l’article 1343-5 s’applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l’obligation prévue au premier alinéa de l’article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
– Par dérogation à la première phrase du V, lorsqu’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation a été ouverte au bénéfice du locataire et qu’au jour de l’audience, le locataire a repris le paiement du loyer et des charges, le juge qui constate l’acquisition de la clause de résiliation de plein droit du contrat de location statue dans les conditions suivantes :
1° Lorsque la commission de surendettement des particuliers a rendu une décision de recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement formée par le locataire, le juge accorde des délais de paiement jusqu’à, selon les cas, l’approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 du code de la consommation, la décision imposant les mesures prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 et L. 741-1 du même code, le jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ou toute décision de clôture de la procédure de traitement du surendettement ;

Il ressort en l’espèce du décompte produit par le bailleur dans le cours du délibéré que la locataire avait repris le paiement de son loyer courant avant la date de l’audience.

La locataire justifie en outre de la décision du 10 juillet 2024 par laquelle la commission de surendettement des particuliers du nord a déclaré recevable son dossier et orienté celui-ci vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Les dispositions de l’article 24 VII susvisées trouvent par conséquent à s’appliquer.

La commission de surendettement des particuliers a retenu une capacité de remboursement de 7 euros par mois.

Au regard de ces éléments, il convient d’accorder à la locataire un moratoire total jusqu’à la prochaine décision de la commission de surendettement des particuliers et de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais ainsi accordés.

Sur le montant de la dette locative

En application de l’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est tenu au paiement du loyer et des charges aux termes convenus.

Il ressort en l’espèce du dernier décompte produit par le bailleur que la locataire demeurait redevable, à la date de l’audience, de la somme de 12.730,31 euros, échéance du mois de juillet 2024 non incluse. Il convient de déduire de ce montant la somme prescrite de 2.375 euros. Le surplus du décompte ne souffre de la part de la locataire aucune contestation.

Il convient par conséquent de condamner [N] [B] à payer à [X] [W] la somme de 10.355,31 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 1er juillet 2024, échéance du mois de juillet 2024 non incluse.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement dans la mesure où elle est inférieure à celle qui était réclamée au stade de la délivrance de l’assignation.
Sur la demande de réparation du préjudice de jouissance

En application de l’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à l’espèce, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Un décret en Conseil d’Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée.
Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d’Etat pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l’article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l’exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.
Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;

De ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée.En l’espèce, il a été exposé plus haut que l’absence de chauffage et d’eau chaude dans le logement n’était pas imputable au bailleur.
Les autres désordres observés par le service communal d’hygiène et de santé lors des visites du logement des 19 juillet 2023 et 28 mai 2024 concernent un défaut de VMC, ainsi que des traces d’infiltration au niveau du plafond du séjour, accompagnées de moisissures autour des fenêtres.
Le bailleur a justifié en cours de délibéré avoir changé la VMC de l’appartement le 8 juillet 2024. Les parties ont par ailleurs dressé un constat amiable de dégât des eaux le 5 juillet 2024, manifestement responsable des traces d’infiltration au niveau du plafond et des fenêtres du séjour.
Il en résulte que le logement a pâti d’une absence de VMC pendant près d’une année, ainsi que d’infiltrations à ce jour non résolues.
Rien ne permet néanmoins d’apprécier les conséquences de ces désordres sur la qualité de vie de la locataire. Aucune photographie du logement n’est versée aux débats ; les traces de moisissures apparaissent isolées puisqu’elle n’ont été repérées que sur le pourtour des fenêtres du séjour. En outre, comme le relève à juste titre le bailleur, l’humidité du logement responsable de ces moisissures est potentiellement consécutive de l’absence de chauffage pendant plusieurs mois voire années. Enfin, tous les logement ne nécessitent pas de VMC. Rien ne permet d’établir que l’appartement litigieux en a structurellement besoin.
Au regard de ces éléments, le préjudice de jouissance subi par la locataire n’apparaît pas suffisamment caractérisé pour ouvrir droit à réparation. La demande de dommages et intérêts formulée à ce titre sera rejetée.
Enfin, dès lors que le bailleur justifie avoir remplacé la VMC de l’appartement et réalisé un constat amiable de dégât des eaux avec sa locataire, il n’apparaît pas nécessaire de le condamner à effectuer des travaux.
Par conséquent, cette demande sera également rejetée.
Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, [N] [B] qui succombe à l’instance, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, qui seront recouvrés comme en matière d’ aide juridictionnelle.

La situation économique de la partie condamnée commande par ailleurs de rejeter la demande présentée par [X] [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DECLARE [X] [W] recevable à agir en résiliation du bail ;

DECLARE [X] [W] irrecevable à agir en paiement des loyers impayés antérieurs au 23 janvier 2021 ;

CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue au bail signé le 30 juin 2020 avec effet au 1er juin 2020 conclu entre [X] [W], d’une part, et [N] [B], d’autre part et portant sur un logement situé [Adresse 2] à [Localité 6], sont réunies à compter du 15 avril 2023 ;

CONDAMNE [N] [B] à payer à [X] [W] la somme de 10.355,31 euros, au titre des loyers et charges impayés au 1er juillet 2024, échéance du mois de juillet 2024 non incluse, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

ACCORDE à [N] [B] un moratoire de paiement total jusqu’à la mise en place du plan de surendettement, avec suspension des effets de la clause résolutoire prévue au bail,

PRÉCISE que les délais de paiement prévus au plan devront être respectés par la locataire pour continuer à suspendre les effets de la clause résolutoire, et qu’à défaut de respecter les délais de paiement prévus au plan de surendettement, la clause résolutoire retrouvera son plein effet,

RAPPELLE qu’en toute hypothèse, les délais accordés n’entraînant pas la suspension du contrat de bail, en cas de non paiement des loyers et charges courants à leur échéance, la clause résolutoire retrouvera son plein effet,

DIT que si les délais sont respectés la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué ;

EN CAS DE MISE EN OEUVRE DE LA CLAUSE RÉSOLUTOIRE

DIT que, dans cette hypothèse, le bail se trouvera immédiatement résilié et que [N] [B] devra libérer les lieux dans le respect du délai prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution et sans préjudice des articles L.412-2 et suivants du même code ;

DIT qu’à défaut de départ volontaire dans ce délai, [X] [W] pourra faire procéder à l’expulsion de [N] [B] et à celle de tous occupants de son chef avec, au besoin, l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;

AUTORISE, le cas échéant, [X] [W] à faire transporter et séquestrer les biens abandonnés dans les lieux aux frais, risques et périls de [N] [B] dans le délai de deux mois ;

FIXE, en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire, le montant de l’indemnité d’occupation mise mensuellement à la charge de [N] [B] au montant du loyer et charges en cours à la date de la résolution du contrat ;

DIT que cette indemnité sera payable selon les mêmes modalités que le loyer et les charges initiaux ;

DIT que la part de cette indemnité correspondant aux charges pourra être réajustée dans le cas où les charges réelles de l’année dépasseraient le montant des provisions versées ;

CONDAMNE [N] [B] à payer cette indemnité d’occupation mensuellement à [X] [W] jusqu’à la libération effective du logement, chaque indemnité d’occupation portant intérêt au taux légal à compter de sa date d’échéance ;

REJETTE le surplus des demandes présentées et non satisfaites ;

CONDAMNE [N] [B] aux entiers dépens, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que présente décision est exécutoire de plein droit ;

DIT que le présent jugement sera notifié au Préfet.

LE GREFFIER LA JUGE
D.AGANOGLU N.LOMBARD


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