Sommaire Contexte du Bail CommercialLe 21 novembre 2001, M. [V] [R] et Mme [P] [E] ont conclu un bail commercial avec la SARL Hang Seng Heng pour une propriété industrielle, avec un loyer annuel de 43 962,03 euros. Ce bail a été renouvelé et a pris effet le 1er avril 2009, avec un loyer fixé au montant plafonné par un jugement du 9 février 2016. Sommations et LitigesEn avril et décembre 2021, les consorts [R]-[Y] ont adressé des sommations à la SARL Hang Seng Heng, lui demandant de respecter diverses obligations, notamment l’entretien des locaux, le paiement de loyers et d’impôts fonciers, ainsi que la fourniture de documents justificatifs. La SARL a contesté ces sommations en assignant les consorts devant le tribunal judiciaire de Créteil. Demandes de la SARL Hang Seng HengLa SARL Hang Seng Heng a demandé à être déchargée de ses obligations de paiement jusqu’à ce que les consorts respectent leurs obligations de délivrance. Elle a également sollicité des indemnités pour trouble de jouissance, en raison de l’état dégradé des locaux, et a contesté la validité des créances fiscales. Réponses des Consorts [R]-[Y]Les consorts ont soutenu que la SARL n’avait pas respecté ses obligations, notamment en matière d’entretien et d’information concernant les infiltrations. Ils ont demandé la constatation de la clause résolutoire et l’expulsion de la SARL, tout en justifiant avoir réalisé des travaux d’entretien sur les locaux. Arguments sur l’Imprévision et la Taxe FoncièreLa SARL a invoqué l’imprévision pour demander une réduction de loyer, arguant que l’augmentation de la taxe foncière était imprévisible. Les consorts ont rétorqué que l’augmentation était due à une reclassification par l’administration fiscale, et que la SARL ne pouvait contester cette évaluation. Décisions du TribunalLe tribunal a constaté un manquement des consorts à leur obligation de délivrance, condamnant ces derniers à indemniser la SARL pour trouble de jouissance. Cependant, il a rejeté les demandes de la SARL concernant les travaux de remise en état et a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, ordonnant l’expulsion de la SARL. Indemnité d’OccupationSuite à la résiliation du bail, la SARL a été condamnée à verser une indemnité d’occupation équivalente au loyer contractuel jusqu’à la libération des locaux, sans majoration. Les autres demandes des parties ont été rejetées, chaque partie conservant la charge de ses propres dépens. |
Questions / Réponses juridiques :
Quel est le cadre juridique du bail commercial et les obligations du bailleur ?Le cadre juridique des baux commerciaux est principalement régi par le Code de commerce, notamment par les articles L. 145-1 et suivants, ainsi que par le Code civil, en particulier les articles 1719 et 1720. L’article 1719 du Code civil stipule que le bailleur a plusieurs obligations : 1. Délivrer au preneur la chose louée. L’article 1720 précise que le bailleur doit délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et doit effectuer toutes les réparations nécessaires, autres que celles locatives. En cas de manquement à ces obligations, le preneur peut demander des réparations ou une réduction de loyer, voire la résiliation du bail. Quelles sont les conséquences d’un manquement à l’obligation de délivrance ?En cas de manquement à l’obligation de délivrance, le preneur peut invoquer plusieurs recours. Selon l’article 1720 du Code civil, le bailleur est tenu de faire toutes les réparations nécessaires, sauf celles qui sont à la charge du locataire. Si le bailleur ne respecte pas ses obligations, le preneur peut demander : – La réparation des dommages causés par ce manquement. Dans le cas présent, la SARL Hang Seng Heng a démontré qu’elle a été privée de jouissance paisible des locaux en raison de l’état dégradé de la toiture, ce qui justifie sa demande d’indemnisation pour trouble de jouissance. Comment se déroule la procédure de mise en œuvre de la clause résolutoire ?La clause résolutoire est un mécanisme contractuel qui permet au bailleur de résilier le bail en cas de non-paiement des loyers ou d’autres obligations. Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, pour qu’une clause résolutoire soit applicable, un commandement de payer doit être délivré au locataire, mentionnant un délai d’un mois pour s’exécuter. Si le locataire ne s’exécute pas dans ce délai, la clause résolutoire devient effective. En l’espèce, le commandement de payer délivré le 1er décembre 2021 a été jugé conforme aux exigences légales, et la clause résolutoire a été acquise le 2 janvier 2022. Quelles sont les implications de l’imprévision dans le cadre d’un bail commercial ?L’imprévision est un principe qui permet de demander une révision des obligations contractuelles en cas de changement de circonstances imprévisible. L’article 1195 du Code civil stipule que si un changement de circonstances rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie, celle-ci peut demander une renégociation du contrat. Cependant, la demande d’imprévision doit être fondée sur des éléments concrets et démontrables. Dans le cas présent, la SARL Hang Seng Heng a tenté d’invoquer l’imprévision en raison de l’augmentation de la taxe foncière, mais le tribunal a rejeté cette demande, considérant que la locataire ne pouvait pas se défaire de son obligation de paiement du loyer initialement fixé. Quelles sont les conséquences d’une expulsion en cas de clause résolutoire acquise ?Lorsqu’une clause résolutoire est acquise, le locataire devient sans droit ni titre et peut être expulsé des locaux. L’article L. 433-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’expulsion peut être ordonnée avec l’assistance de la force publique si nécessaire. Dans cette affaire, le tribunal a ordonné l’expulsion de la SARL Hang Seng Heng, considérant que la résiliation du bail était effective depuis le 2 janvier 2022, et que la locataire devait libérer les lieux. L’expulsion est donc une conséquence directe de la non-exécution des obligations contractuelles par le locataire. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU : 10 Décembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 22/05092 – N° Portalis DB3T-W-B7G-TOOP
AFFAIRE : S.A.R.L. HANG SENG HENG C/ [F] [X] épouse [R], [K] [O] [R], [G] [I] [S] [R] épouse [T], [M] [P] [H] [R] épouse [L], [N] [A] [Y], [W] [B] [J] [Y]
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL
3ème Chambre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Madame LAMBERT, Vice-Présidente
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
GREFFIER : Mme REA
PARTIES :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. HANG SENG HENG, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 8]
représentée par Me Franck BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1099
DEFENDEURS
Madame [F] [X] épouse [R]
née le 25 septembre 1931 à [Localité 14], demeurant [Adresse 4] – [Localité 9]
Monsieur [K] [O] [R]
né le 28 octobre 1964 à [Localité 15], demeurant [Adresse 4] – [Localité 9]
Madame [G] [I] [S] [R] épouse [T]
née le 06 juillet 1966 à [Localité 15], demeurant [Adresse 7] – [Localité 10]
Madame [M] [P] [H] [R] épouse [L]
né le 15 novembre 1971 à [Localité 15], demeurant [Adresse 6] – [Localité 9]
Monsieur [N] [A] [Y]
né le 31 juillet 1945 à [Localité 16], demeurant [Adresse 5] – [Localité 11]
Monsieur [W] [B] [J] [Y]
né le 09 avril 1969 à [Localité 13], demeurant [Adresse 1] – [Localité 11]
tous représentés par Me Emmanuelle CHAVANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0055
Clôture prononcée le : 02 mai 2024
Débats tenus à l’audience du : 07 octobre 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 10 décembre 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 10 décembre 2024.
Par acte sous signature privée du 21 novembre 2001, M. [V] [R] et Mme [P] [E], aux droits desquelles viennent les consorts [R]-[Y], ont donné à bail commercial renouvelé à la SARL Hang Seng Heng une propriété industrielle située [Adresse 2] à [Localité 12], moyennant un loyer de 43 962,03 euros par an en principal. Ce bail est venu à expiration le 31 août 2007.
Par jugement du 9 février 2016, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Créteil a constaté le renouvellement du bail à compter du 1er avril 2009 et fixé le loyer du bail renouvelé au montant du loyer plafonné.
Par acte d’huissier du 21 avril 2021, les consorts [R]-[Y] ont fait sommation visant la clause résolutoire à la SARL Hang Seng Heng d’avoir à entretenir les locaux, les exploiter conformément à leur destination contractuelle, fournir les attestations d’assurance depuis 2016, fournir les justificatifs d’entretien annuel de la chaudière depuis 2016 et payer la somme de 41 100,03 euros.
Par acte d’huissier du 1er décembre 2021, les consorts [R]-[Y] ont fait signifier à la SARL Hang Seng Heng une seconde sommation visant la clause résolutoire d’avoir à :
– produire tout document permettant de justifier que la Société HANG SENG HENG a informé le bailleur ou son mandataire de la survenance de nouvelles infiltrations depuis les derniers travaux réalisés en 2011 ;
– régler la somme de 13.119,02 € correspondant à la prise en charge partielle des travaux de remise en état ;
– régler la somme de 13.296,36 € à l’indivision [R] – [E] au titre de l’impôt foncier 2020;
– régler la somme de 32.435 € à l’indivision [R] au titre de l’impôt foncier 2021 ;
– régler la somme de 7.780,95 € à l’indivision [R] et [Y] au titre du terme du deuxième trimestre 2021.
La SARL Hang Seng Heng a assigné les consorts [R]-[Y] devant le tribunal judiciaire de Créteil par assignation du 4 janvier 2022 aux fins d’opposition à la sommation. Cette assignation a été annulée par ordonnance du juge de la mise en état du 7 juillet 2022.
Par acte d’huissier des 14, 15 et 20 juin 2022, la SARL Hang Seng Heng a assigné Mme [F] [R], M. [K] [R], Mme [G] [R], Mme [M] [R], M. [N] [Y] et M. [W] [Y] devant le tribunal judiciaire de Créteil, notamment afin de :
– faire opposition à la sommation lui ayant été délivrée le 1er décembre 2021,
– solliciter d’être déchargée de son obligation de paiement des loyers, charges et accessoires à l’égard de l’indivision [R] jusqu’au respect par le bailleur de son obligation de délivrance,
– condamner les membres de l’indivision [R] à l’exécution sans délai des travaux de remise en état de la toiture des locaux,
– condamner solidairement les membres de l’indivision [R] à lui régler la somme de 188.245 euros à titre d’indemnisation de son trouble de jouissance, continu depuis des années, correspondant à une réfaction de 50 euros du montant des loyers perçus ces dernières années,
– faire juger que les créances relatives à la taxe foncière ne seraient ni certaines ni exigibles,
– faire enjoindre aux membres de l’indivision [R] d’entreprendre sans délai toute démarche utile de nature à justifier l’augmentation de la taxe foncière,
– faire juger que le solde du loyer du 2ème trimestre 2021 a été dûment réglé par la société HANG SENG HENG,
– condamner solidairement les membres de l’indivision [R] au paiement de la somme de 13.199,02 euros correspondant à la prise en charge des travaux de remise en état.
Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 15 avril 2024, la SARL HANG SENG HENG réaffirme, au visa des articles 605, 606, 1719, 1134 et 1195 du code civil, les mêmes demandes, précisant d’enjoindre aux membres de l’Indivision [R], sous astreinte de 500 € par jour de retard, un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, de procéder aux déclarations rectificatives auprès de l’administration fiscale sur les cinq dernières années non prescrites, en restituant aux locaux leur véritable catégorie, à savoir entrepôt – soit 90 % de la surface des locaux.
Sur la prise en charge des travaux de réparation de la toiture par le bailleur et l’indemnisation du trouble de jouissance du preneur, elle affirme que cela fait des années que la société HANG SENG HENG sollicite vainement de son bailleur qu’il prenne en charge les travaux de réparation de la toiture de son local, soumise à de nombreuses et régulières infiltrations. Elle précise être ainsi privée de la jouissance paisible du local, l’indivision [R] [Y] devant indemniser de ce fait la demanderesse mais aussi sans délai réaliser les travaux de remise en état de la toiture mis à sa charge tant par les dispositions législatives que par les stipulations contractuelles.
Elle argue que compte tenu du manquement du bailleur à son obligation de délivrance et par la mise en œuvre de l’exception d’inexécution, elle est bien fondée à contester les causes de la sommation en date du 1er décembre 2021, et notamment à retenir le paiement des sommes sollicitées par l’Indivision [R], rappelant qu’il suffit que le bailleur ne soit pas étranger aux difficultés nécessitant des travaux pour que sa mauvaise foi soit caractérisée et qu’en l’espèce la demande du bailleur tendant à la condamnation de la société HANG SENG HENG à la prise en charge des travaux de remise en état à hauteur de 13.119,02 € est formulée de mauvaise foi, compte tenu de la négligence et des retards systématiques du bailleur dans la réalisation des travaux portant sur la toiture.
Sur l’impot foncier et le loyer du 2e trimestre 2021, elle souligne qu’aucune explication n’est avancée sur le triplement de la taxe foncière en 10 ans, or c’est au bailleur de communiquer au preneur, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci selon l’article R145-36 du code de commerce, les défendeurs inversant la charge de la preuve. Elle ajoute avoir sollicité des explications depuis 2016, l’activité ayant été faussement retenue en réponse par le bailleur dans son courrier mais aussi par la cour d’appel de paris dans son arrêt du 16 mai 2016. La SARL estime qu’en cas de pluriactivité dans le local, on retient la catégorie qui occupe la plus grande surface et que l’activité du preneur est susceptible d’évoluer dans le respect de la clause de destination du bail sans figer la valeur locative.
Sur l’imprévision, la SARL estime qu’elle ne pouvait décemment pas prévoir, au moment de la conclusion du contrat de bail, que le bailleur allait procéder, à son insu, à une déclaration CBD auprès du service des impôts, qui allait conduire à une augmentation drastique de la taxe foncière, de sorte que le changement de circonstances imprévisible est caractérisé.
Dans leurs dernières conclusions signifiées par RPVA le 26 avril 2024, les défendeurs sollicitent de voir, au visa des articles L. 145-41 du Code de commerce, 1104 et 1240 du Code civil et 9 code de procédure civile :
« – DECLARER recevables et bien fondées leurs demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
JUGER que la Société HANG SENG HANG SENG HENG est défaillante dans l’administration de la preuve quant au manquement des défendeurs à leur obligation de délivrance et au trouble de jouissance allégués dans son assignation ;
JUGER que les défendeurs ont fait réaliser les travaux de remise en état de la toiture conformément au devis établi par la société LOPES ;
DEBOUTER en conséquence la société HANG SENG HENG de toutes ses demandes, fins et conclusions
A TITRE RECONVENTIONNEL
CONSTATER que la société HANG SENG HENG n’a pas, dans le mois de la sommation visant la clause résolutoire du 1 er décembre 2021 :
– produit tout document permettant de justifier que la Société HANG SENG HENG a informé le Bailleur ou son mandataire de la survenance de nouvelles infiltrations depuis les derniers travaux réalisés en 2011 ;
– réglé la somme de 13.119,02 € correspondant à la prise en charge partielle des travaux de remise en état ;
– réglé la somme de 13.296,36 € à l’indivision [R] – [E] au titre de l’impôt foncier 2020 ;
– réglé la somme de 32.435 € à l’indivision [R] au titre de l’impôt foncier 2021;
CONSTATER que la clause résolutoire est acquise depuis le 2 janvier 2022 ;
ORDONNER l’expulsion de la société HANG SENG HENG ainsi que de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique si besoin est des locaux qu’elle occupe [Adresse 2] à [Localité 12] (94) ;
DIRE que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 du Code des procédures civiles d’exécution ;
CONDAMNER en conséquence la Société HANG SENG HENG à régler aux défendeurs la somme de 13.119,02 € correspondant à la prise en charge partielle des travaux de remise en état.
JUGER que la somme totale de 13.119,02 € devra être augmentée des intérêts de retard au taux légal ;
DEBOUTER la société HANG SENG HENG de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,
JUGER que les dispositions de l’article 1195 du Code civil issues de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats sont inapplicables au renouvellement de bail fixé judiciaire au 1 er avril 2009,
En conséquence, REJETER la demande de la société HANG SENG HENG fixation du loyer annuel à la somme de 37.668.98 € sur le fondement de l’imprévision.
CONDAMNER la société HANG SENG HENG à verser aux défendeurs une indemnité d’occupation mensuelle fixée au montant du loyer contractuel majoré de 10 %, hors taxes et hors charges à compter du 2 janvier 2021, date d’acquisition de la clause résolutoire jusqu’à libération des locaux
CONDAMNER la société HANG SENG HENG à produire aux défendeurs, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter d’un délai de huit jours suivant la signification de la décision à intervenir, tout document permettant de justifier que la Société HANG SENG HENG les a informés de la survenance de nouvelles infiltrations depuis les derniers
travaux réalisés en 2011,
EN TOUTE HYPOTHESE
CONDAMNER la société HANG SENG HENG à leur verser une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société HANG SENG HENG aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût des sommations signifiées les 21 avril et 1 er décembre 2021. »
Ils font valoir l’absence de manquement des bailleurs à leur obligation d’entretien puisqu’ils ont réalisé d’importants travaux en 2005 et 2006 puis en 2010, à la suite des intempéries, sur la structure de l’immeuble qu’il s’agisse de la charpente ou des murs pour un montant total de 251.918€ . Ils précisent ne pas avoir été ensuite informés de l’existence de nouvelles infiltrations et n’ont pu de ce fait procéder aux réparations qu’après visite de leur mandataire qui a par ailleurs constaté l’ancienneté des infiltrations. Ils affirment que les travaux listés dans le devis établi par la société LOPES ont été réalisés (Pièces n°13 et 14), de sorte que la demande de condamnation des bailleurs de réaliser les travaux de remise en état de la toiture du local est sans objet. La société HANG SENG HENG ne démontre en aucun cas que la toiture nécessite une réfection totale, tandis que la Cour d’appel de PARIS a relevé dans son arrêt rendu le 16 mai 2018 (Pièce adverse n°7) que
cette même société avait manqué à son obligation d’entretien. En conséquence, les défendeurs avancent qu’elle ne peut reprocher aux Bailleurs un manquement à leur obligation de délivrance, dès lors : qu’elle ne rapporte pas la preuve d’un tel manquement et qu’il a été au contraire démontré par les Bailleurs que la société HANG SENG HENG a manqué à son obligation d’information et d’entretien. Ils précisent qu’il a pu être constaté lors de la visite sur place du 13 septembre 2021 l’ancienneté de ces infiltrations et il a été justifié de la réalisation par les Bailleurs des travaux de remise en état de la toiture du local et concluent que La société HANG SENG HENG ne peut en effet reprocher aux Bailleurs sa propre négligence.
Ils arguent de l’absence de preuve quant au trouble de jouissance allégué et font valoir que la SARL ne rapporte pas la preuve que des noirceurs, des moisissures et des boursouflures constituent une privation totale de jouissance et ce d’autant que l’absence d’information des bailleurs ne leur a pas permis d’intervenir pour effectuer les réparations nécessaires en temps utile à la suite des infiltrations survenues. Ils rappellent qu’une suspension des loyers ne peut être sollicitée qu’en présence d’une impossibilité totale d’exploiter les locaux loués imputable au Bailleur ce qui n’est pas le cas en l’espèce et qu’il appartient à la société HANG SENG HENG de rapporter la preuve du trouble de jouissance et de ses conséquences, à savoir l’impossibilité totale d’exploiter les locaux, qu’elle impute aux membres de l’indivision [R] [Y], et ce conformément aux dispositions de l’article 9 du Code de procédure civile.
A titre reconventionnel sur l’acquisition de la clause résolutoire et la condamnation de la SARL à verser les sommes dures au bailleurs, les défendeurs rappellent que le PV de constat du 26 mars 2013 est non contradictoire. Ils avancent que les locaux n’étaient ni entretenus ni exploités depuis plusieurs années, comme cela a notamment retenu par la Cour d’appel de PARIS dans son arrêt rendu le 16 mai 2018, que le défaut d’exploitation et l’état dégradé des locaux a ainsi été constaté par plusieurs procès-verbaux établis les 2, 21 et 31 juillet 2020, 10 septembre et 24 décembre 2020 et 27 janvier 2021 permettant ainsi de constater l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion de la SARL mais également le paiement de la somme de 13119,02 euros correspondant à la prise en charge partielle des travaux de remise en état qui devra être augmentée des intérêts de retard au taux légal. Ils réclament également les sommes de :
• 13.296,36€ au titre de l’impôt foncier 2020
• 32.435,00 € au titre de l’impôt foncier 2021, dont 993 € qui correspondent aux frais de gestion perçus par l’Etat au titre de la collecte de cet impôt.
• 33.509,00 € au titre de l’impôt foncier 2022 qui ne sont pas contestées. Or, par ordonnance du 16 février 2024, le Juge de la mise en état a relevé que « les consorts [R]-[Y] ont respecté avec la diligence requise leurs obligations vis-à-vis des finances publiques en procédant aux déclarations sollicitées. Il doit au surplus être souligné qu’ils ont, en 2017, déclaré le local loué à la SARL Hang Seng Heng comme un entrepôt. Il est démontré que c’est bien l’administration fiscale qui, aux termes d’une évaluation qu’il n’est pas ici question de remettre en cause, a estimé que le local relevait d’une autre catégorie ». En outre, ils indiquent que la société ne saurait contester que les locaux sont divisés principalement en deux zones comme l’a constaté son propre huissier dans son procès-verbal de constat du 26 mars 2013, à savoir une zone dite « magasin » correspondant à un espace de vente et une zone dite de « réserve » , que la destination de magasin et non d’entreposage est conforme tant à la clause de destination du bail qu’à l’activité précisée au KBIS, que l’administration fiscale a considéré – en dépit de la déclaration faite par les Bailleurs – qu’il s’agissait non pas d’un entrepôt ainsi qu’il résulte de la déclaration par eux, mais d’un « COMMERCE AVEC BOUTIQUE CATEGORIE C », de sorte l’augmentation de la taxe foncière n’est pas du fait des Bailleurs mais résulte bien des considérations de l’administration
fiscale relative à l’activité effectivement exercée par le preneur et qu’il n’appartient pas à la société HANG SENG HENG de contester l’évaluation de la taxe foncière retenue par l’administration fiscale puisqu’elle n’est pas propriétaire du local. Ils énoncent que le juge de la mise en état a relevé que les Bailleurs ont respecté leur obligation de communication au locataire, à sa demande, de tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-c. Ils avancent qu’il s’agit en outre de locaux commerciaux et non de locaux professionnels et que le bail se trouvant actuellement en cours de tacite prolongation, la demande de révision du contrat des loyers en application de l’article 1195 du Code civil est dépourvue de tout fondement juridique.
Sur les délais de paiement, les défendeurs estiment qu’il résulte des décomptes arrêtés au 24 avril 2024 que la société HANG SENG HENG a réglé en janvier 2024, la totalité des sommes dues au titre de la taxe foncière et que le règlement de ces sommes a eu lieu par virements du 19 janvier 2024, près de trois années après la sommation du 1 er décembre 2021 et que la SARL ne saurait donc aujourd’hui, solliciter le moindre délai supplémentaire pour le règlement de la dette et solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire. S’il s’avère que la société HANG SENG HENG a apuré sa dette tardivement au titre de la taxe foncière dans le cadre de la précédente procédure, elle n’a pas respecté son engagement contractuel en versant à bonne date les sommes dues.
Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés au soutien des prétentions.
Par ordonnance du 2 mai 2024, le juge de la mise en état a clôturé l’instruction et renvoyé l’affaire à l’audience de juge unique du tribunal de céans du 16 septembre 2024 puis renvoyé l’audience de plaidoirie au 07 octobre 2024 en raison d’une réorganisation du service.
Sur le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance et ses conséquences
Aux termes de l’article 1719 du code civil :
« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »
L’article 1720 du même code ajoute que :
« Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives. »
L’article 1755 du code civil précise en outre que :
« Aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure. »
En l’espèce, l’analyse des pièces du dossier révèle la chronologie des faits suivants :
– par courrier du 26 avril 2004, la SARL HANG SENG HENG a sollicité d’ETC GESTION IMMOBILIER l’envoi d’un couvreur en urgence pour boucher un trou et l’envoi également d’un architecte pour étudier le problème ; décrivant des poutres qui pourrissent et des toiles qui se décrochent
– par courrier du 1er juillet 2004, la SARL HANG SENG HENG a sollicité de tout urgence l’envoi d’un couvreur sous peine de faire directement réaliser les travaux aux frais d’ETC GESTION IMMOBILIER.
– par courrier en date du 30 avril 2005, la SARL HANG SENG HENG a dénoncé à [Y] GESTION la chute d’un placo-platre de la toiture, sollicitant la réalisation des travaux en urgence.
– par courrier en date du 30 avril 2005, la SARL HANG SENG HENG a décrit la chute du mur extérieur demandant la réalisation de travaux en urgence,
– par courrier en date du 1er mars 2010, la SARL HANG SENG HENG a décrit les conséquences d’une tempête étant passé la veille sur le mur extérieur pour lequel il est sollicité la réalisation de travaux en urgence,
– par courrier en date du 5 octobre 2007, la SARL HANG SENG HENG a précisé que l’entreprise réalisant les travaux de toiture avait disparu depuis plus d’un an et qu’une fuite importante se produit au niveau du magasin quand il pleut,
– plusieurs factures et devis entre 2002 et 2011 pour la réfection de gouttière et des rives ainsi que la fourniture et pose de bâches, travaux de maçonnerie, couverture et toiture.
– procès verbal de constat en date du 26 mars 2013 faisant état d’une moquette au sol présentant des taches noirâtres sur toute sa surface, des plaques de faux plafond noircies, des écorchures, des trous sur plusieurs plaques, la moitié des plaques gondolées, des dalles du fond plafond présentant des boursouflures et des dénivelés importants, d’un affaissement important du faux plafond sur plusieurs zones et surfaces importantes, des plaques sorties des rails, des dalles pendant dans le vide, papier des murs moisi, auréoles brunatres d’humidité sur l’ensemble de la moquette. De même, dans la réserve provisoire et la réserve ont été constaté des dalles de faux plafond boursouflées , du papier noirci et moisi , une poutre présentant d’importants effritements et fissures ainsi que des plaques de plexiglas et carton.
– un procès verbal de constat en date du 2 juillet 2021 faisant état d’un local fermé non entretenu car tagué ainsi qu’un procès verbal de constat en date du 21 juillet 2020 puis du 31 juillet, 10 et 24 décembre 2020 ainsi que 27 janvier 2021 réitérant ce constat,
– une sommation visant la clause résolutoire en date du 21 avril 2021 faisant notamment état de ces derniers constats,
– un courrier en date du 25 octobre 2021 adressé par [Y] IMMOBILIER à la SARL HANG SENG HENG sollicitant, suite à la visite des lieux le 13 septembre 2021, la prise en charge partielle des travaux en ce que le signalement a été très tardif et entrainé une aggravation des dommages ;
– une mise en demeure adressée le 4 juin 2021 à [Y] IMMOBILIER de faire procéder dans les 48 heures aux réparations utiles afin de mettre un terme définitif à ces désordres,
– des échanges entre les conseils des parties faisant part de l’acceptation des bailleurs que la SARL HANG SENG HENG sollicite des devis,
– une facture en date du 19 février 2022 faisant état de la fourniture et pose de plaques transparentes et mise en place d’étais nécessaire pour soutenir la charpente qui s’est désolidarisée suite aux fuite ave photo à l’appui des travaux réalisés.
Il résulte des faits ci dessus rappelés :
– que la SARL HANG SENG HENG qui occupe les lieux depuis plus de trente ans, justifie avoir alerté son bailleur des problèmes d’humidité affectant le local et ce depuis avril 2004 et jusqu’en 2007 puis en 2013,
– que si les consorts [R]-[Y] justifient de diverses factures et travaux, seuls ceux réalisés en suite de la mise en demeure et facturés le 19 février 2022 permettent de s’assurer de ce qu’ils ont effectivement bien été réalisés sur la toiture,
– qu’en effet les autres factures et devis versés n’apparaissent pas soldés voire réceptionnés et font état de travaux d’appoint (pose de baches, réfection des gouttières, renforcement de la structure) sans précision sur les travaux effectivement réalisés quant à l’isolation du bâti.
– qu’au surplus, l’arrêt de la cour d’appel en date du 16 mai 2018 rappelle que l’expert relève que si les consorts [R]-[Y] ont justifié de travaux au cours de l’expertise, ceux ci n’ont pas amélioré la qualité immobilière du bâti dont il est relevé l’absence d’isolation thermique
– que les consorts [R]-[Y] ne peuvent se prévaloir en 2021 d’un défaut d’information des preneurs alors qu’ils ne justifient d’une visite sur les lieux qu’en 2021 et qu’ils ne peuvent donc se prévaloir en même temps d’un défaut d’information antérieur et de travaux qu’ils disent pourtant avoir réalisés depuis 2002 en ce compris en 2011, la SARL HANG SENG HENG les ayant interpellé en 2007 puis en 2013 sur l’absence de l’entrepreneur et l’aggravation de la situation.
– que si un défaut d’entretien est opposé par les consorts [R]-[Y], il ne concerne que la fermeture de l’établissement et la présence de tags effectivement constaté sur les rideaux métalliques ce qui est sans lien avec l’état pitoyable de la toiture effectivement réparée en 2022.
Il en résulte que la SARL HANG SENG HENG démontre avoir été dans l’impossibilité d’user du local loué conformément à sa destination.
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la SARL HANG SENG HENG est donc bien fondée à opposer aux consorts [R]-[Y] un manquement leur obligation de délivrance et d’entretien, les consorts [R]-[Y] n’apportant en revanche pas la preuve de ce que la SARL HANG SENG HENG a concouru à son propre dommage. Il convient donc de rejeter la demande de prise en charge partielle des travaux de remise en état.
Toutefois, il sera constaté que les consorts [R]-[Y] prouvent effectivement avoir réalisé des travaux de réfection de la toiture suivant facture du 19 février 2022 (document 14), la SARL HANG SENG HENG sera donc déboutée de sa demande d’exécution sans délai des travaux de remise en état de la toiture, en l’absence d’élément permettant de caractériser la persistance des désordres au-delà de ces travaux.
Quant au trouble de jouissance, il convient de noter que la SARL HANG SENG HENG estime son préjudice à 50 % du montant des loyers perçus de 2016 au jour du jugement. Ne retenant donc pas une impossibilité totale d’exploiter les locaux, et vu des éléments précités, il convient de faire droit à la demande à hauteur de 30 % soit 112946,94 euros.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire
L’article L 145-41 du code de commerce dispose que «Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues (Ord. no 2016-131 du 10 févr. 2016, art. 6-III, en vigueur le 1er oct. 2016) à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge»
Ces dispositions sont d’ordre public et les parties ne peuvent y déroger.
En outre, pour être valable, le commandement visant la clause résolutoire doit être précis et permettre au locataire de savoir exactement ce que le bailleur attend.
En revanche, un commandement de payer délivré pour des sommes supérieures à ce que doit le preneur n’est pas nul, mais produit ses effets pour les sommes réellement dues.
Par ailleurs et application des dispositions de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.
Il convient de rappeler à ce titre que sont privés d’effet les commandements de payer visant la clause résolutoire, qui, quoique répondant aux conditions légales, sont délivrés de mauvaise foi par le bailleur, soit dans des circonstances démontrant sa volonté d’exercer déloyalement sa prérogative de mise en jeu de la clause résolutoire ; la preuve de la mauvaise foi du bailleur incombant au preneur qui l’invoque et s’appréciant au jour où le commandement a été délivré.
En l’espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire signifiée le 1er décembre 2021 pour avoir paiement des sommes de 13119,02 euros correspondant à la prise en charge partielle des travaux de remise en état qui devra être augmentée des intérêts de retard au taux légal, 13.296,36€ au titre de l’impôt foncier 2020 et 32.435,00 € au titre de l’impôt foncier 2021 est conforme aux dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce sus visé.
S’agissant des effets du commandement, relatifs à l’acquisition de la clause résolutoire, ceux ci sont cependant subordonnés, comme rappelé plus haut, à la bonne foi des consorts [R]-[Y].
Dès lors, si le défaut à l’obligation de délivrance a été démontré et indemnisé et que la mauvaise foi des consorts [R]-[Y] découle directement des sommes réclamées au titre des travaux qu’ils auraient du réaliser, il convient de préciser que ce défaut ne saurait faire échec à l’acquisition de la clause résolutoire en l’espèce qui est également fondée sur le paiement sur le non paiement des impôts.
Il doit donc être vérifié que le commandement de payer a été valablement délivré concernant ces autres sommes, étant en outre précisé qu’il n’est pas contesté que le solde du loyer du 2e trimestre 2021 a dûment été réglé par la SARL HANG SENG HENG.
La clause résolutoire insérée au contrat de bail renouvelé le 21 novembre 2001, en son avant dernière page, stipule qu’ « à défaut de paiement à son échéance d’un seul terme de loyer et accessoire, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur un mois après une simple mise en demeure d’exécuter ou un simple commandement de payer contenant déclaration par le bailleur d’user du bénéfice de la présente clause […]». En application de l’item « charges e conditions » du contrat, la SARL HANG SENG HENG est tenue de rembourser chaque année au bailleur l’impôt foncier.
Il résulte d’un courrier daté du 28 novembre 2013 que le centre des impôts fonciers a expliqué aux bailleurs que la taxe foncière relative au local loué avait augmenté depuis 2013 à la suite de son évaluation de la déclaration « CBD » (relative aux locaux commerciaux et biens divers) effectuée par les propriétaires en 2012. L’administration fiscale a expliqué que le local commercial était auparavant évalué par elle comme un entrepôt mais qu’au vu de son utilisation actuelle, elle l’évaluait désormais en tant que magasin, le « tarif » au m² étant par suite supérieur.
Par courrier du 24 mars 2016, l’administration fiscale a demandé aux consorts [R]-[Y] de compléter les déclarations CBD dans le cadre de la mise à jour annuelle de la documentation cadastrale et à la suite d’une réclamation effectuée par la SARL Hang Seng Heng relativement à la valeur locative du local loué par elle. L’administration a rappelé qu’elle procédait à un examen des locaux afin de s’assurer que leur évaluation était conforme à leur situation, état et consistance.
Les consorts [R]-[Y] produisent les déclarations qu’ils ont adressées au centre des impôts fonciers le 29 mars 2017. Il en résulte que s’agissant du local loué à la SARL Hang Seng Heng, ils ont coché, pour ce qui est de la catégorie du local, la case « lieux de dépôt couvert ».
Les consorts [R]-[Y] ont ensuite sollicité le centre des impôts fonciers par lettre recommandée du 22 mai 2017 puis par mails afin notamment d’obtenir la nouvelle fiche d’évaluation foncière.
Par courrier du 4 octobre 2017, l’administration fiscale a adressé aux bailleurs la fiche d’évaluation du local loué à la SARL Hang Seng Heng. Elle a estimé, à la suite de son évaluation, que ce local relevait de la catégorie de « magasin de grande surface » du fait de sa nature de « commerce avec boutique ».
Les éléments qui viennent d’être rappelés, et dont la SARL Hang Seng Heng a eu connaissance permettent de comprendre pleinement la raison de l’augmentation de la taxe foncière qui, en application du bail commercial, lui est refacturée par les bailleurs.
La locataire n’est au surplus pas la propriétaire du local de sorte qu’il ne lui revient pas de contester le cas échéant l’évaluation retenue par l’administration fiscale.
Il résulte en outre de manière claire des pièces produites que les consorts [R]-[Y] ont respecté avec la diligence requise leurs obligations vis-à-vis des finances publiques en procédant aux déclarations sollicitées. Il doit au surplus être souligné qu’ils ont, en 2017, déclaré le local loué à la SARL Hang Seng Heng comme un entrepôt. Il est démontré que c’est bien l’administration fiscale qui, aux termes d’une évaluation qu’il n’est pas ici question de remettre en cause, a estimé que le local relevait d’une autre catégorie.
Quant à l’article R. 145-36 du code de commerce dont se prévaut la locataire, qui oblige le bailleur à communiquer au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci, il a manifestement été respecté par les consorts [R]-[Y] qui produisent l’ensemble des justificatifs de nature fiscale envoyés à la SARL Hang Seng Heng au soutien de leur demande de régularisation des impôts fonciers.
Les pièces produites constituent des éléments de preuve suffisants s’agissant de la question de l’exigibilité de la taxe foncière visée par la SARL Hang Seng Hen qui verra donc sa demande consistant à enjoindre aux consorts [R]-[Y] de procéder aux déclarations rectificatives auprès de l’administration fiscale rejetée.
En définitive, en l’absence des impôts fonciers réclamés pour les années 2020 et 2021 dans le délai d’un mois, suivant la signification du commandement de payer délivré le 1er décembre 2021, la clause résolutoire contractuelle visée dans cet acte est acquise au 2 janvier 2022 et le bail résilié à cette date.
Sur l’expulsion de la SARL HANG SENG HENG
Il sera par ailleurs fait droit à la demande d’expulsion de la SARL HANG SENG HENG, devenue locataire sans droit ni titre à la date de la résiliation effective du bail, et de tous occupants de son chef, des locaux se trouvant dans l’immeuble situé au [Adresse 2] à [Localité 12] suivant les modalités qui seront définies dans le dispositif du présent jugement. Il n’y a pas lieu d’assortir cette disposition d’une astreinte, la résistance de la défenderesse ne pouvant être présumée.
Sur la demande de réduction des loyers
La SARL HANG SENG HENG se prévaut de l’imprévision pour solliciter la réduction du montant du loyer.
Outre le bénéfice des observations ci dessus, il sera utilement rappelé que la SARL HANG SENG HENG ne saurait se prévaloir de la constatation par l’administration fiscale de la modification des lieux et de l’utilisation qui en était faite par la locataire pour se défaire du paiement du loyer initialement fixé.
La demande présentée par la SARL HANG SENG HENG de ce chef sera donc rejetée.
Sur la demande d’indemnité d’occupation
Selon l’article 1134 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
À compter de la résiliation du bail, le preneur n’est plus débiteur du loyer mais d’une indemnité d’occupation, laquelle peut être fixée au bail librement par les parties.
Compte tenu de la résiliation du bail au 2 janvier 2022, la société preneuse SARL HANG SENG HENG sera redevable envers les consorts [R]-[Y] d’une indemnité d’occupation mensuelle qui sera justement fixée à un montant mensuel égal au dernier loyer révisé à compter du 1er janvier 2022 et ce jusqu’à la libération effective des lieux caractérisée soit par la remise volontaire des clés soit par le procès-verbal de reprise après expulsion, selon les modalités décrites au présent dispositif.
Il ne sera en revanche pas fait droit à la demande de majoration de 10 % au titre d’indemnité compensatoire qui n’apparaît pas justifiée par les consorts [R]-[Y].
Sur les autres demandes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, il n’est pas inéquitable de laisser à chacun la charge de ses dépens, chaque partie succombant en partie.
Selon l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l’espèce, les demandes formulées à ce titre seront rejetées au vu des motifs exposés ci-avant.
Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire dont le prononcé est de droit.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, susceptible d’appel, mis à disposition au greffe,
DIT que Mme [F] [R], M. [K] [R], Mme [G] [R], Mme [M] [R], M. [N] [Y] et M. [W] [Y] ont manqué à leur obligation de délivrance d’un local conforme aux spécifications prévues au bail commercial du 21 novembre 2021 ;
CONDAMNE Mme [F] [R], M. [K] [R], Mme [G] [R], Mme [M] [R], M. [N] [Y] et M. [W] [Y] à payer à la SARL HANG SENG HENG la somme de 112946,94 euros au titre du trouble de jouissance ;
REJETTE la demande de Mme [F] [R], M. [K] [R], Mme [G] [R], Mme [M] [R], M. [N] [Y] et M. [W] [Y] de condamnation de la SARL HANG SENG HENG au paiement de la somme de 13119 euros au titre de la prise en charge partielle des travaux de remise en état ;
REJETTE la demande de la SARL HANG SENG HENG de condamnation des défendeurs à l’exécution de travaux de remise en état,
CONSTATE le règlement du loyer du deuxième trimestre 2021 par la SARL HANG SENG HENG,
DIT que la clause résolutoire insérée au bail liant la SARL HANG SENG HENG et les consorts [R]-[Y] est acquise à la date du 2 janvier 2022,
ORDONNE l’expulsion de la SARL HANG SENG HENG ainsi que de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique si besoin est de locaux qu’elle occupe [Adresse 2] à [Localité 12] (94),
DIT que les meubles et objets mobiliers se trouant sur place donneront lieu à application des dispositions des articles L433-1 et R433-1 du code des procédures civiles d’exécution
CONDAMNE la SARL HANG SENG HENG à verser à Mme [F] [R], M. [K] [R], Mme [G] [R], Mme [M] [R], M. [N] [Y] et M. [W] [Y] une indemnité d’occupation mensuelle fixée au montant du loyer contractuel, hors taxes et hors charges à compter du 2 janvier 2022 date d’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à libération des locaux,
REJETTE l’ensemble des autres demandes,
REJETTE les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,
RAPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Fait à CRETEIL, L’AN DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE DIX DECEMBRE
LE GREFFIER LE PRESIDENT