Exposé des faitsLa SCI BERAUD MONTMORENCY a conclu un contrat de location avec Mme [U], devenue Mme [S] [I], le 30 mai 1978, pour un local à usage d’habitation. Ce contrat a été établi pour une durée initiale de trois mois, renouvelable, et concernait un espace comprenant une cuisine, une salle à manger et une chambre à coucher, sans cabinet d’aisance ni salle de bains. Le 20 décembre 2006, la bailleresse a délivré un congé pour vente aux époux [S] [I]. Suite à l’absence d’acceptation de l’offre de vente, la SCI a assigné ses locataires en validité de congé devant le tribunal d’instance. Jugement du tribunal d’instanceLe tribunal d’instance a rendu un jugement le 14 avril 2008, validant les congés et déclarant les occupants sans droit ni titre depuis le 24 juin 2007. Il a accordé un délai de quatre mois pour quitter les lieux, prévu l’expulsion des locataires, le sort des meubles, et a fixé une indemnité d’occupation de 1000 € par mois à compter du prononcé du jugement. De plus, les locataires ont été condamnés à verser 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Appel des époux [S] [I]Les époux [S] [I] ont interjeté appel de ce jugement le 16 mai 2008. Dans leurs conclusions du 4 août 2009, ils ont soutenu que le débat n’avait pas porté sur le régime juridique de la location et que la loi du 1er septembre 1948 devait s’appliquer. Ils ont demandé à être déclarés recevables à contester l’application de la loi du 6 juillet 1989, et, subsidiairement, de fixer le montant de l’indemnité d’occupation au montant du loyer contractuel, tout en sollicitant un délai de 12 mois pour quitter les lieux et une somme de 2000 € au titre de l’article 700. Arguments de la SCI BERAUD MONTMORENCYDans ses conclusions du 24 juin 2009, la SCI BERAUD MONTMORENCY a soutenu que les décisions antérieures avaient jugé que le logement était soumis à la loi de 1989. Elle a également affirmé que les locataires avaient reconnu l’application de cette loi dans le cadre d’un aveu judiciaire. La bailleresse a demandé la validation des congés pour vente, la déclaration des locataires sans droit ni titre, ainsi que l’expulsion et le maintien de l’indemnité d’occupation de 1000 €. Elle a également réclamé 1000 € de dommages et intérêts pour appel abusif et 2000 € au titre de l’article 700. Recevabilité de l’appelLes époux [S] [I] ont contesté la recevabilité des décisions antérieures, arguant qu’elles n’avaient pas autorité de la chose jugée concernant l’application de la loi du 6 juillet 1989. Selon les articles 4 et 480 du code de procédure civile, l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments tranchés dans le dispositif d’un jugement. Les décisions antérieures n’ayant pas statué sur le régime juridique applicable à la location, le premier juge a été infirmé sur ce point. Loi applicable au contrat de bailLe bail initial, daté du 30 mai 1978, mentionnait une référence à la loi de 1948, bien que celle-ci ait été rayée. Cette mention, bien que supprimée, indique que l’immeuble était construit avant le 1er septembre 1948. Pour échapper à l’application de cette loi, un bail dérogatoire aurait dû être établi, ce qui n’a pas été le cas. Par conséquent, la loi du 1er septembre 1948 demeure applicable au contrat de bail. Renonciation à la loi de 1948Il a été soutenu que les parties avaient souhaité renoncer à l’application de la loi de 1948 en ne calculant pas le loyer selon la surface corrigée et en rayant la référence à cette loi. Cependant, la renonciation doit être postérieure à la naissance du droit à contester. En l’espèce, la locataire n’avait pas de droit acquis lors de la signature du bail, et il ne peut être déduit de la seule référence à un loyer libre une intention de renoncer aux dispositions d’ordre public de la loi de 1948. Conclusion sur les demandesLe jugement a été infirmé dans toutes ses dispositions, et les congés délivrés au visa de la loi du 6 juillet 1989 ont été déclarés nuls. En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour appel abusif, celle-ci a été rejetée, le caractère abusif de la demande n’étant pas caractérisé. Toutefois, une somme de 1500 € a été allouée aux époux [S] [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 22 OCTOBRE 2009
(n° 396 , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 08/09598
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2008 -Tribunal d’Instance de PARIS 3ème arrondissement – RG n° 1107000284
APPELANTS
Monsieur [G] [S] [I]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [W] [U] épouse [S] [I]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 5]
représentés par la SCP BLIN, avoués à la Cour
assistés de Me BEYNET avocat au barreau de Paris
INTIMEE
SCI BERAUD MONTMORENCY prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par la SCP LAMARCHE-BEQUET- REGNIER-AUBERT – REGNIER – MOISAN, avoués à la Cour
assistée de Me DEMONT (SCP DEMONT) avocat au barreau de Paris, toque P37
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Septembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Mme Isabelle REGHI, Conseillère
Madame Michèle TIMBERT, Conseillère
qui en ont délibéré,
rapport fait conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Hélène ROULLET
lors du prononcé : Mme KLEIN
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Madame KLEIN, greffier présent lors du prononcé.
La SCI BERAUD MONTMORENCY, par acte daté du 30 mai 1978, a loué à Mme [U], devenue Mme [S] [I] le 23 octobre 1982, un local à usage d’habitation, situé [Adresse 2] .
Le 20 décembre 2006, elle a fait délivrer un congé pour vente à chacun des époux [S] [I]. L’offre de vente n’a pas été acceptée et la bailleresse a assigné ses locataires en validité de congé devant le tribunal d’instance, qui par jugement daté du 14 avril 2008, a :
– validé les congés et dit que les occupants étaient sans droit ni titre depuis le 24 juin 2007,
– accordé un délai de quatre mois pour quitter les lieux,
– prévu leur expulsion , le sort des meubles et une indemnité d’occupation de 1000 € par mois dés le prononcé du jugement,
– condamné les locataires à payer la somme de 1000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
Les époux [S] [I] ont formé un appel de ce jugement le 16 mai 2008 .Dans leurs dernières conclusions datées du 4 août 2009, ils soutiennent que, dans les décisions rendues, le débat n’a pas porté sur le régime juridique de la location , que les dispositifs des décisions n’en font pas état et que la loi du 1er septembre 1948 s’applique .
Ils demandent de :
– les dire recevables à contester l’application de la loi du 6 juillet 1989 , le bail étant soumis à la loi du 1er septembre 1948 .
– subsidiairement :
– fixer le montant de l’indemnité d’occupation au montant du loyer contractuel et leur accorder un délai de 12 mois pour quitter les lieux .
– leur accorder la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI BERAUD MONTMORENCY, dans ses dernières conclusions datées du 24 juin 2009, soutient que les décisions rendues ont jugé définitivement que le logement était soumis à la loi de 1989,que les locataires ont reconnu dans le cadre d’un aveu judiciaire l’application de cette loi et que les décisions ont autorité de la chose jugée, et subsidiairement, que la loi de 1948 n’est pas applicable
– la validation des congés pour vendre et de déclarer les locataires sans droit ni titre ,
– de prévoir leur expulsion, le sort des meubles et une indemnité mensuelle d’occupation de 1000€,
– de rejeter la demande de délais ,
– 1000 € de dommages et intérêts pour appel abusif ,
– 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
Recevabilité
Il est soutenu par les époux [S] [I] que les précédentes décisions rendues n’ont pas autorité de la chose jugée et ne peuvent valider l’application de la loi du 6 juillet 1989 au contrat de bail .
Il résulte d’une combinaison des articles 4 et 480 du code de procédure civile que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif .
Les décisions rendues n’ont pas porté sur le régime juridique applicable à la location, l’objet du litige n’étant d’ailleurs pas la fixation de la loi applicable à la location. De plus, ni le dispositif du jugement daté du 20 juin 2005 , ni celui de l’arrêt rendu le 26 octobre 2006, ne tranchent le point de savoir quel est le régime applicable au contrat de bail .
S’agissant de l’ordonnance du 9 octobre 2008, elle ne statuait que sur la demande de suspension de l’exécution provisoire. Enfin, il est soutenu par la bailleresse qu’il a existé un ‘aveu judiciaire ‘ ; mais la déclaration d’une partie ne peut porter que sur des points de fait et non des points de droit et l’appréciation du régime juridique de la location relève d’une question de droit .
La décision du premier juge sera infirmée en ce qu’il a dit que les décisions susvisées avaient l’autorité de la chose jugée .
Loi applicable
Le bail daté du 30 mai 1978 portait sur la location d’une cuisine, d’une salle à manger et d’une chambre à coucher pour une période de trois mois renouvelable (aucun cabinet d’aisance , ni salle de bains ). La référence à la loi de 1948 a été inscrite puis rayée mais maintenue s’agissant des taxes à payer et des embellissements à la fin du bail .
Cette simple référence à la loi de 1948 permet d’indiquer, même si elle a été écartée, que l’immeuble était d’une construction antérieure au 1er septembre 1948 .De
plus le local ne relève pas de l’une des catégories auxquelles la loi du 1er septembre 1948 a cessé de s’appliquer .
Pour échapper à la loi, la location devait faire l’objet d’un bail dérogatoire prévu à l’article 20 de la loi du 21 juillet 1994, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.(article 3 bis , 3 quater , 3 quinquies , 3 sexies ou 3 septies ).En conséquence si le bail n’ a pas été conclu par référence à l’un des textes, la loi du 1er septembre 1948 reste applicable .
Il est également soutenu que, lors de la signature du bail, les parties ont souhaité renoncer à l’application de la loi de 1948 en ne calculant pas le loyer à la surface corrigée , en rayant sa référence et en l’indexant sur l’indice INSEE .Cependant, la renonciation doit être postérieure à la naissance du droit à contester .En l’espèce , la locataire n’avait encore aucun droit acquis lors de la signature du bail et il ne peut être déduit de la seule référence à un loyer libre son intention de renoncer au bénéfice des dispositions d’ordre public de la loi du 1er septembre 1948 .
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et les congés délivrés au visa de la loi du 6 juillet 1989, inapplicable à la location, déclarés nuls.
Autres demandes
Le caractère abusif de la demande introduite par les appelants n’étant nullement caractérisé, la demande de dommages et intérêts sera rejetée .
L’équité commande d’allouer une somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile aux époux [S] [I]