Conflit locatif : enjeux de renouvellement et d’indemnité d’éviction dans un bail commercial

·

·

Conflit locatif : enjeux de renouvellement et d’indemnité d’éviction dans un bail commercial
Ce point juridique est utile ?

Constitution du bail commercial

Par acte sous seing privé du 1er janvier 1965, les consorts [E] ont consenti un bail commercial à la société LE NOUVEL HOTEL DU THEATRE pour des locaux à usage d’hôtel, avec des renouvellements successifs. Le 31 mars 1988, la société a cédé son fonds de commerce et son droit au bail à Monsieur [L] [M]. Un contrat de location-gérance a été consenti par Monsieur [L] [M] à Monsieur [N] [M] le 24 mars 1998.

Renouvellement du bail et cession des murs

Le 1er avril 2010, le cabinet BELLEVUE a renouvelé le bail commercial pour une durée de neuf ans, avec un loyer annuel de 21.967,12 euros. Le 9 mai 2018, les consorts [E] ont cédé la propriété des murs à la SCI JCV.

Commandement et congé

Le 18 juin 2018, la SCI JCV a délivré un commandement à Monsieur [L] [M] pour justifier de la cession ou sous-location. Le 29 juin 2018, un congé avec refus de renouvellement a été signifié, invoquant des manquements aux obligations contractuelles.

Litiges et assignations

Monsieur [L] [M] a contesté la cession et a fourni une copie du contrat de location-gérance. Le 2 juillet 2019, la SCI JCV a assigné Monsieur [L] [M] pour constater la fin du bail. En réponse, Monsieur [L] [M] a demandé la nullité de la vente des murs à la SCI JCV le 18 décembre 2019.

Jugement du tribunal

Le 13 avril 2023, le tribunal a déclaré recevables certaines conclusions de la SCI JCV, a débouté Monsieur [L] [M] de sa demande de nullité du congé, et a statué que le bail avait pris fin le 31 décembre 2018. Il a également fixé une indemnité d’occupation à 5.879,35 euros par trimestre.

Incidents et demandes d’expertise

Monsieur [L] [M] a saisi le juge de la mise en état pour rouvrir les opérations d’expertise, tandis que la SCI JCV a demandé un complément d’expertise. Les deux parties ont formulé des demandes concernant les indemnités d’occupation et d’éviction.

Décisions du juge de la mise en état

Le juge a rejeté la demande de réouverture des opérations d’expertise de Monsieur [L] [M], considérant que l’expert avait répondu à sa mission. Il a enjoint la SCI JCV de fournir des quittances de loyer, tout en rejetant la demande d’astreinte. La demande de complément d’expertise de la SCI JCV a également été déboutée.

Conclusion et calendrier de procédure

La SCI JCV a été condamnée aux dépens de l’incident, et les demandes d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état prévue pour le 12 mai 2025, avec un calendrier de procédure établi pour les conclusions des parties.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
20/13054
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrée le :
à
Me SPILLIAERT (C0965)
C.C.C.
délivrée le :
à
Me VITERBO (E1410)

18° chambre
2ème section

N° RG 20/13054

N° Portalis 352J-W-B7E-CTOSO

N° MINUTE : 4

Assignation du :
21 Décembre 2020

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 23 Octobre 2024

DEMANDEUR

Monsieur [L] [M], exerçant sous le nom commercial LE NOUVEL HOTEL DU THEATRE (RCS de PARIS n°310 964 010)
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Alain SPILLIAERT de la SELEURL SPILLIAERT Avocat, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0965

DEFENDERESSE

S.C.I. JCV (RCS de PARIS n°838 878 940)
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me François VITERBO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1410
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente assistée de Camille BERGER, Greffière, lors des débats et de Paulin MAGIS, Greffier, lors de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 16 septembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2024.

ORDONNANCE

Rendue publiquement
Contradictoire
Susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 1er janvier 1965, les consorts [E] ont consenti, à la société LE NOUVEL HOTEL DU THEATRE, un bail commercial portant sur des locaux à usage d’hôtel, situés au [Adresse 1] à [Localité 4], qui a connu des renouvellements successifs.

Par acte sous seing privé du 31 mars 1988, la société LE NOUVEL HOTEL DU THEATRE a cédé son fonds de commerce et son droit au bail commercial à Monsieur [L] [M].

Par acte notarié du 24 mars 1998, Monsieur [L] [M] a consenti un contrat de location-gérance à Monsieur [N] [M] sur les locaux objet du bail commercial.

Par acte sous seing privé du 1er avril 2010, le cabinet BELLEVUE agissant en qualité de mandataire de Madame Veuve [J], Madame [Z] [D] et Monsieur [K] [E], a consenti à Monsieur [L] [M], le renouvellement du bail commercial des locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 4]. Ce bail a été renouvelé pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er janvier 2010, moyennant le versement d’un loyer annuel de 21.967,12 euros en principal.

Par acte notarié du 9 mai 2018, les consorts [E] ont cédé à la S.C.I. SCI JCV (ci-après la SCI JCV) la propriété des murs des locaux situés au [Adresse 1] à Paris 14ème.

Par acte extrajudiciaire du 18 juin 2018, la SCI JCV a délivré à Monsieur [L] [M] un commandement visant la clause résolutoire du bail, aux fins de justifier dans un délai d’un mois de la signature du contrat de cession ou de sous-location par acte authentique, d’avoir appelé le bailleur à la signature de l’acte authentique de cession ou de sous-location et d’avoir remis une grosse du contrat de cession ou de sous-location au bailleur.

Par acte extrajudiciaire du 29 juin 2018, la SCI JCV a délivré à Monsieur [L] [M] un congé avec refus de renouvellement du bail commercial venant à expiration le 31 décembre 2018 avec refus de paiement de l’indemnité d’éviction, pour motifs graves et légitimes dont notamment un manquement à l’obligation d’exploitation effective au sens de l’article L. 145-1 I du code de commerce et divers manquements aux obligations contractuelles et alternativement si Monsieur [M] justifiait du respect de ses obligations, un congé avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juillet 2018, contestant toute cession ou sous-location de son fonds de commerce, Monsieur [M] a adressé à la SCI JCV copie du contrat de location-gérance conclu avec Monsieur [N] [M] le 24 mars 1998.

Par acte du 2 juillet 2019, la SCI JCV a assigné Monsieur [M] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir notamment constater que par l’effet du congé signifié le 29 juin 2018 comportant refus de renouvellement le bail a pris fin à compter du 31 décembre 2018. Par ordonnance du 15 octobre 2019, le juge des référés a constaté le désistement d’instance de la SCI JCV.

Par acte du 18 décembre 2019, Monsieur [L] [M] a assigné la SCI JCV devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir la nullité de la vente de l’immeuble par les consorts [E] à la SCI JCV ayant eu lieu le 9 mai 2018. Il s’agit d’une instance enrôlée sous le numéro RG 20/00489 devant la 2ème chambre civile de ce tribunal.

Par acte du 21 décembre 2020, Monsieur [L] [M] a assigné la SCI JCV devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de contester le congé avec refus de renouvellement et de paiement de l’indemnité d’éviction signifié par acte d’huissier le 29 juin 2018 et de surseoir à statuer en attendant la décision définitive au fond sur la demande de nullité de la vente. Il s’agit de la présente instance enrôlée sous le numéro 20/13054.

Par acte du 30 décembre 2020, la SCI JCV a assigné Monsieur [L] [M] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de validation de son congé et en fixation de l’indemnité d’occupation. L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 20/13355.

Par ordonnance du 8 mars 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de l’instance enrôlée sous le numéro RG 20/13355 avec celle inscrite sous le numéro RG 20/13054, désormais appelée sous le numéro RG 20/13054.

Par jugement en date du 13 avril 2023, ce tribunal a :
– Déclaré recevables les conclusions d’actualisation régulièrement notifiées par voie électronique le 16 novembre 2022 par la SCI JCV aux fins d’actualisation de sa créance,
– Déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer de Monsieur [L] [M],
– Débouté Monsieur [L] [M] de sa demande de nullité du congé délivré le 29 mai 2018 et de sa demande tendant à “juger que le bail a été renouvelé”,
– Débouté la SCI JCV de sa demande de résiliation judiciaire du droit au maintien dans les lieux à la suite du congé du 28 mai 2018, ayant mis fin au bail le 31 décembre 2018, ainsi que de ses demandes subséquentes d’expulsion de Monsieur [L] [M] et de tous occupants de son chef et d’enlèvement et de séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, en un lieu approprié, aux frais, risques et périls de Monsieur [L] [M], et ce, à la garantie de toutes sommes qui pourront être dues,
– Dit que le bail liant la SCI JCV et Monsieur [L] [M] a pris fin le 31 décembre 2018 par effet du congé avec refus de renouvellement et avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction délivré le 29 mai 2018,
– Dit, en conséquence, que ce refus de renouvellement ouvre droit pour Monsieur [L] [M] à une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux loués à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’à son paiement, et, pour la SCI JCV au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2019,
– Fixé à titre provisionnel le montant de l’indemnité d’occupation dont est redevable Monsieur [L] [M] au montant de 5.879,35 euros par trimestre,
– Réservé la demande en paiement de la SCI JCV à l’encontre de Monsieur [L] [M] pour la somme de 27.136,26 euros au titre de l’indemnité d’occupation et des charges, arrêtée au 7 novembre 2022,
– Avant dire droit au fond sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, ordonné une expertise et désigné en qualité d’expert, Madame [F] [C]-[Y],
– Réservé les autres demandes des parties, notamment au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.

L’experte judiciaire a déposé son rapport le 22 janvier 2024.

Suivant des conclusions notifiées le 6 mars 2024, Monsieur [M] a saisi le juge de la mise en état d’un incident. Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées le 29 août 2024, Monsieur [M] demande au juge de la mise en état de :

Vu les dispositions des articles 245, 276 et 789-40 et 789-5 du code de procédure civile,

– Ordonner la réouverture des opérations d’expertise concernant d’une part l’estimation du montant de l’indemnité d’occupation statutaire surévaluée due par le locataire pour l’occupation des lieux, objet du bail expiré depuis le 1er janvier 2019 jusqu’à leur libération effective, et d’autre part le montant de l’indemnité d’éviction minorée à être alloué à Monsieur [L] [M] des suites de l’absence du dire récapitulatif après refus de renouvellement du bail des locaux dont il est locataire à [Adresse 3] ;
– Fixer un calendrier pour la production des dires récapitulatifs et une date de clôture, par application des dispositions de l’article 276 du code de procédure civile ;
– Ordonner à la SCI JCV ès qualités de mandant de la société IRUS IMMO de délivrer à Monsieur [L] [M] les quittances ou subsidiairement de reçus correspondant aux montants réglés par ce dernier depuis le 2 mai 2018, jusqu’au 4ème trimestre 2023, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, par application des dispositions de l’article 789-4 du code de procédure civile ;
– Débouter la SCI JCV de toutes ses demandes, étant irrecevables ou mal fondées ;
– Condamner la SCI JCV au paiement à Monsieur [L] [M] d’une indemnité de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées le 9 septembre 2024, la SCI JCV demande au juge de la mise en état de :

Vu les dispositions des articles 166 et 789 4° du code de procédure civile,

– Débouter Monsieur [L] [M] de l’intégralité des demandes contenues dans ses conclusions d’incident qui relèvent de l’examen au fond, en ce qu’elles tendent à discuter les éléments retenus par l’experte judiciaire ;
– Débouter Monsieur [L] [M] de sa demande de condamnation sous astreinte de fourniture de quittances, dès lors qu’aucune quittance ne peut être délivrée tant que le montant de l’indemnité d’occupation définitif n’est pas fixé et payé et l’impayé apuré ;

Reconventionnellement :

– Ordonner un complément d’expertise ou ordonner une extension de mission confiée à Madame [F] [C]-[Y], ou à tout autre expert qu’il plaira au juge de la mise en état, à l’effet de :
– Compléter les références utilisées à titre de comparaison pour la détermination de l’indemnité d’éviction avec l’indication du résultat d’exploitation réalisé par chacune des références ;
– Fournir tous éléments concernant la valeur marchande du fonds de commerce exploité en location-gérance par Monsieur [N] [M] au vu de sa rentabilité s’il était exploité dans des conditions normales ;
– Chiffrer le montant de l’indemnité d’éviction sur la base de la redevance de location gérance ;

En toute hypothèse :

– Condamner Monsieur [L] [M] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’instance.

L’incident a été plaidé à l’audience d’incident du 16 septembre 2024 et mis en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de réouverture des opérations d’expertise formée par Monsieur [M]

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour “5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction”.

En application des articles 144 et suivants du code de procédure civile, lorsqu’une mesure d’expertise a déjà été mise en oeuvre et que l’expert a déposé son rapport, une nouvelle mesure d’expertise ne peut être ordonnée que pour autant que les constatations et conclusions du premier rapport sont insuffisantes au regard de la mission qui lui a été confiée pour permettre au tribunal ensuite saisi au fond de statuer.

Une nouvelle mesure ne peut pas être ordonnée si l’expert a répondu à ses différents chefs de mission au seul motif qu’une partie est en désaccord avec ses constatations ou conclusions. Dans une telle hypothèse, il appartient au demandeur de formuler ses demandes comme il estime pouvoir les formuler en expliquant les motifs de son désaccord et en produisant des éléments de preuve de nature à établir le bien fondé de sa contestation. Un complément d’expertise pourra alors être ordonné ponctuellement si les éléments produits sont insuffisants pour justifier sa demande mais suffisants pour qu’une mesure d’instruction complémentaire soit ordonnée.

En outre, une telle mesure ne pouvant pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve, il ne peut en être ainsi que pour autant que la partie qui manifeste son désaccord avec une constatation ou une conclusion de l’expert ait fait toutes diligences pour permettre à ce dernier de mener à bien sa mission.

Enfin, il appartient au seul tribunal, saisi au fond d’une demande en justice précise au sens de l’article 4 du code de procédure civile, à l’exclusion du juge de la mise en état, de critiquer le travail de précédents experts en ordonnant une nouvelle expertise.

Monsieur [M] fait valoir à l’appui de sa demande de réouverture des opérations d’expertise que l’expert a clôturé prématurément ses opérations d’expertise alors qu’un nouveau calendrier devait être fixé pour les derniers dires récapitulatifs et lui reproche d’avoir pris en compte le dire du conseil de la partie adverse en date du 11 janvier 2024 sans lui permettre d’y répondre.

Il sera relevé que d’une part, l’experte indique que son pré-rapport a été soumis aux parties le 21 novembre 2023 et a fait l’objet d’un débat contradictoire lors d’une réunion du 23 novembre 2023 fixant un délai pour les dires récapitulatifs et les dernières pièces au 15 décembre 2023 ; que l’experte a sollicité le 27 novembre 2023 des justificatifs complémentaires de travaux et le 12 décembre 2023 une précision comptable. L’experte ne cite pas dans son rapport définitif le dire adressé par le conseil de la bailleresse le 12 janvier 2024 et n’y a pas répondu.

Dès lors que les opérations d’expertise sont clôturées, le non-respect du contradictoire par l’expert judiciaire allégué par Monsieur [M] dont la sanction est la nullité du rapport d’expertise, relève de l’examen au fond du dossier et non de la compétence du juge de la mise en état. Dès lors, la demande de réouverture des opérations d’expertise formée par Monsieur [M] sera rejetée.

Sur la demande de remise de quittances sous astreinte formée par Monsieur [M]

Monsieur [L] [M] sollicite la condamnation sous astreinte de la SCI JCV à lui remettre des quittances ou subsidiairement de reçus correspondant aux montants réglés par ce dernier depuis le 2 mai 2018 , jusqu’au 4ème trimestre 2023, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, par application des dispositions de l’article 789 4° du code de procédure civile.

La SCI JCV s’oppose à cette demande faisant valoir que la remise de quittances n’est ni une obligation légale ni une obligation contractuelle ; que des appels d’indemnité d’occupation sont adressés à Monsieur [M] et qu’il ne saurait être délivré de quittance alors qu’il est débiteur d’un arriéré.

En application de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour 4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées.

Il est admis que dès lors que le preneur en fait la demande et sous réserve d’un paiement intégral du montant de l’échéance, le bailleur est tenu d’établir une quittance.

Il y a donc lieu de faire droit à cette demande et d’enjoindre la SCI JCV d’adresser les quittances de loyer ou d’indemnité d’occupation sollicitées ou des factures acquittées conformément au dispositif ci dessous.
La demande de condamnation sous astreinte sera rejetée compte tenu de l’existence alléguée d’une dette locative et de l’absence démontrée de l’urgence à obtenir lesdites quittances.

Sur la demande reconventionnelle de complément d’expertise formée par la SCI JCV

En l’espèce, la SCI JCV soutient que l’indemnité d’éviction comprend la valeur marchande du fonds de commerce et que celle-ci doit nécessairement tenir compte de la rentabilité. Elle fait grief à l’experte judiciaire de s’être contentée de mentionner dans les références de cession de fonds hôteliers citées le chiffre d’affaires sans préciser la rentabilité, de s’être référée à des références qui ne sont pas comparables en nombre de chambres dans l’établissement. Par ailleurs, elle reproche à l’experte de n’avoir pas suffisamment pris en compte le fait que le locataire-gérant est présent constamment, ce qui ne correspond pas à une exploitation normale, et de n’avoir pas précisé si le fonds serait rentable s’il était exploité dans des conditions normales. Enfin, elle soutient qu’il y a lieu de calculer l’indemnité d’éviction en cas de location-gérance, par référence à la redevance perçue par le preneur et qu’en refusant de procéder ainsi, l’experte judiciaire n’a pas tenu compte des spécificités du litige et a outrepassé sa mission en concluant qu’il y aurait lieu à valorisation du fonds de commerce par capitalisation de la redevance de gérance que “s’il apparaît que la détention de ce fonds constitue un simple placement financier” tout en considérant qu’il n’est pas établi que Monsieur [M] aurait d’autres revenus, en contradiction avec la déclaration de revenus de Monsieur [M]. Elle en conclut que le rapport ne permet pas d’éclairer complètement la juridiction du fond.

En pages 26 et 30 de son rapport, Madame [C]-[Y] indique que “la profitabilité ne constitue qu’un critère d’appréciation parmi d’autres du multiplicateur de recettes” ; elle répond aux dires qui lui ont été adressés sur ce point en page 26 ; elle cite des références d’hôtels de petite capacité dont un qui dispose de 8 chambres ; s’agissant de la prise en compte de la location gérance, elle a également répondu au dire sur ce point en page 37. Elle estime en conclusion à la somme de 1.134.000 euros le montant de l’indemnité d’éviction due à Monsieur [M] et à 42.000 euros par an l’indemnité d’occupation due à la SCI JCV.

Force est donc de constater que l’experte judiciaire a répondu aux chefs de sa mission.

Comme il appartient au seul tribunal, saisi au fond d’une demande en justice précise au sens de l’article 4 du code de procédure civile, d’apprécier, au regard à la fois du travail de l’expert judiciaire déjà effectué et des demandes au fond qui sont faites, la nécessité d’ordonner une nouvelle expertise, la demande formulée par la SCI JCV devant le juge de la mise en état sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La SCI JCV qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens de l’incident.

L’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à ce stade. Les demandes de ce chef sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [L] [M] de sa demande de réouverture des opérations d’expertise,

Enjoint la SCI JCV d’adresser les quittances de loyers ou d’indemnités d’occupation ou des factures acquittées correspondants aux échéances payées en totalité depuis le 2 mai 2018 et jusqu’au 4ème trimestre 2023,

Dit n’y avoir lieu à prononcer une astreinte de ce chef,

Déboute la SCI JCV de sa demande de complément d’expertise et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [L] [M] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI JCV aux dépens de l’incident,

Rappelle qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire,

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 12 mai 2025 à 11h30 et dans l’attente, fixe le calendrier de procédure suivant que les parties s’engagent à respecter spontanément :
– conclusions en ouverture de rapport de Monsieur [M] avant le 23 janvier 2025,
– conclusions de la SCI JCV avant le 23 avril 2025,

Rappelle que sauf convocation spécifique à l’initiative du juge de la mise en état ou d’entretien avec ce dernier sollicité par les conseils, les audiences de mise en état se tiennent sans présence des conseils, par échange de messages électroniques via le RPVA ; que les éventuelles demandes d’entretien avec le juge de la mise en état doivent être adressées, par voie électronique, au plus tard la veille de l’audience à 12h00 en précisant leur objet, l’entretien se tenant alors le jour de l’audience susvisée à 11h30.

Faite et rendue à Paris le 23 octobre 2024

Le Greffier Le Juge de la mise en état
Paulin MAGIS Maïa ESCRIVE


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x