Conflit locatif : enjeux de renouvellement et d’indemnisation dans un bail commercial complexe

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Conflit locatif : enjeux de renouvellement et d’indemnisation dans un bail commercial complexe
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Contexte du Bail Commercial

Par un acte sous seing privé en date du 28 décembre 1966, Monsieur [D] [A] et Madame [U] [A] ont donné à bail commercial à Madame [B] [S] des locaux à usage commercial à compter du 1er janvier 1967 pour une durée de neuf ans. Le bail a été renouvelé en 1977 pour une durée identique, prenant effet rétroactivement au 1er janvier 1976.

Décès de la Locataire et Transmission du Bail

Le 12 juillet 1980, Madame [B] [S] est décédée, laissant sa sœur, Madame [R] [S], comme héritière et bénéficiaire du droit au bail. Les locaux ont été vendus par les époux [A] à la société FRAMICLO le 5 juin 1985, et un renouvellement du bail a été régularisé entre la société FRAMICLO et Madame [R] [S] le 24 décembre 1985.

Changements de Propriétaires et de Dénomination Sociale

Le 5 décembre 1989, les associés de la société FRAMICLO ont cédé leurs parts à la société SOGERIM et à Monsieur [Z] [O]. Suite à cela, la société FRAMICLO a changé de dénomination sociale pour devenir “SCI LOCAFLOR 2”.

Refus de Renouvellement et Litiges

Le 23 décembre 2005, Madame [R] [S] a demandé le renouvellement du bail, mais la société SCI LOCAFLOR 2 a refusé le 11 janvier 2006, offrant une indemnité d’éviction. Un jugement du 13 avril 2010 a confirmé ce refus et a ordonné une expertise judiciaire.

Appels et Jugements Successifs

Madame [S] a interjeté appel de la décision, et la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en mai 2012. En décembre 2015, le tribunal a fixé le montant de l’indemnité d’éviction et d’occupation, et Madame [S] a de nouveau interjeté appel.

Commandement de Payer et Expulsion

En février 2018, la société SCI LOCAFLOR 2 a délivré un commandement de payer à Madame [S] pour un montant total de 135.072 euros. Madame [S] a réglé cette somme, mais la société a ensuite demandé son expulsion en septembre 2018.

Décisions de Référé et Appels

Le 1er février 2019, la demande d’expulsion a été rejetée par le juge des référés, décision confirmée par la cour d’appel en juillet 2019. En juillet 2022, la société SCI LOCAFLOR 2 a assigné Madame [R] [S] pour obtenir son expulsion et le paiement d’arriérés d’indemnité d’occupation.

Ordonnance du Juge de la Mise en État

Le 15 novembre 2023, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables certaines demandes de Madame [R] [S] et a renvoyé l’examen des fins de non-recevoir soulevées par la SCI LOCAFLOR 2. Madame [S] a interjeté appel partiel de cette ordonnance.

Incidents et Conclusions des Parties

La société SCI LOCAFLOR 2 a demandé un sursis à statuer en attendant l’arrêt de la cour d’appel, tandis que Madame [S] a contesté l’autorité de la chose jugée et la prescription de sa demande de restitution de TVA. L’affaire a été plaidée en septembre 2024, avec des conclusions des deux parties.

Décisions et Renvois

Le juge a rejeté la demande de sursis à statuer et a renvoyé l’examen des fins de non-recevoir devant le tribunal statuant au fond. Les parties ont conservé la charge de leurs dépens, et une audience de mise en état a été fixée pour janvier 2025.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
22/08419
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.
délivrées le :
Me GIOVANETTI (D1982)
Me DUFFAY (A0052)

18° chambre
2ème section

N° RG 22/08419

N° Portalis 352J-W-B7G-CXMHD

N° MINUTE : 1

Assignation du :
07 Juillet 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 23 Octobre 2024

DEMANDERESSE A L’INCIDENT

S.C. SCI LOCAFLOR 2
[Adresse 6]
[Localité 4]

représentée par Me Stéphanie GIOVANNETTI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1982

DEFENDERESSE

Madame [R] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Véronique DUFFAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0052

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, assistée de Camille BERGER, Greffière, lors des débats et de Paulin MAGIS, Greffier, lors de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 16 septembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2024.

ORDONNANCE

Rendue publiquement
Contradictoire
Susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile

EXPOSÉ DU LITIGE

Par un acte sous seing privé en date du 28 décembre 1966, Monsieur [D] [A] et Madame [U] [A] ont donné à bail commercial à Madame [B] [S], à compter du 1er janvier 1967 et pour une durée de neuf années, des locaux à usage commercial situés [Adresse 3] à [Localité 7] désignés comme suit :

“Au rez-de-chaussée :
– une salle à usage de café-restaurant,
– une cuisine au fond et à droite de cette salle,
– à droite, une salle à usage de restaurant,
– une cave sous la boutique à laquelle on accède par une trappe et un escalier prenant accès dans le comptoir ;

Au premier étage :
– un logement de trois pièces.”

Ce bail a été renouvelé pour une durée de neuf années par un acte sous seing privé en date du 8 juin 1977 prenant effet rétroactivement au 1er janvier 1976.

Le 12 juillet 1980, Madame [B] [S] est décédée laissant sa sœur, Madame [R] [S] pour héritier et bénéficiaire à ce titre du droit au bail précité.

Les locaux ont été vendus par les époux [A] à la société FRAMICLO suivant acte authentique en date du 5 juin 1985.

Par acte sous seing privé en date du 24 décembre 1985, la société FRAMICLO et Madame [R] [S] ont régularisé le renouvellement du bail pour une durée de neuf années prenant effet rétroactivement au 1er janvier 1985.

Par acte sous seing privé en date du 5 décembre 1989, les associés de la société FRAMICLO ont cédé leurs parts sociales à la société SOGERIM et à Monsieur [Z] [O].

Aux termes d’une assemblée générale extraordinaire du 5 décembre 1989, les nouveaux associés de la société FRAMICLO ont décidé de modifier la dénomination sociale de la société FRAMICLO laquelle est devenue “SCI LOCAFLOR 2”.

Par acte extrajudiciaire en date du 23 décembre 2005, Madame [R] [S] a sollicité le renouvellement du bail aux mêmes conditions et charges auprès de la société SCI LOCAFLOR 2.

Par exploit d’huissier en date du 11 janvier 2006, la société SCI LOCAFLOR 2 a refusé le renouvellement du bail et a offert le versement d’une indemnité d’éviction.

Par jugement du 13 avril 2010, le tribunal de grande instance de Paris a notamment débouté Madame [S] de ses demandes de suspension de l’exécution du bail du 8 juin 1977 et de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale, déclaré régulier le refus de renouvellement de la S.C. SCI LOCAFLOR, dit que celui-ci avait mis fin au bail à compter du 1er janvier 2006, avant-dire droit au fond sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur [M] [X].

Madame [S] a interjeté appel de cette décision.

Par un arrêt du 16 mai 2012, la cour d’appel de Paris a rejeté l’argumentation de Madame [S] et a confirmé le jugement du 13 avril 2010 en toutes ses dispositions.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 16 mai 2014.

Par un jugement en date du 15 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a notamment fixé aux sommes de :
– 192.000 euros le montant global de l’indemnité d’éviction,
– 27.874 euros le montant de l’indemnité annuelle d’occupation hors taxes et hors charges due depuis le 1er janvier 2006,
et a condamné la société SCI LOCAFLOR 2 à verser à Madame [S] la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

Madame [S] a interjeté appel du jugement précité.

Par arrêt en date du 6 décembre 2017, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du 15 décembre 2015 à l’exception du montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance de Madame [S] que la cour a fixé à la somme de 9.000 euros.

Par exploit en date du 16 février 2018, la société SCI LOCAFLOR 2 a fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie vente à Madame [S] portant sur la somme totale de 135.072 euros, cette somme correspondant aux indemnités d’occupation dues par Madame [S] déduction faite de l’indemnité d’éviction de 192.000 euros et des dommages et intérêts de 9.000 euros précités.

Par courrier en date du 25 février 2018, Madame [S] indiquait à l’huissier instrumentaire qu’elle allait procéder au paiement de la somme de 135.072 euros précisant toutefois que cette somme ne prenait pas en considération sa situation fiscale à savoir qu’elle bénéficiait du régime de la franchise en base en matière de TVA depuis le 1er janvier 1999.

Madame [S] a procédé au règlement de la somme de 135.072 euros directement entre les mains de l’huissier instrumentaire par virement bancaire crédité sur le compte de l’huissier le 2 mars 2018 outre la somme de 787,06 euros en règlement des frais d’huissier le 1er mars 2018.

Faisant valoir qu’en dépit du règlement de l’indemnité d’éviction, Madame [S] s’était maintenue dans les lieux, la société SCI LOCAFLOR 2 a, par acte d’huissier délivré le 17 septembre 2018, fait assigner Madame [S] devant le juge des référés de ce tribunal aux fins de solliciter son expulsion.

Par ordonnance de référé en date du 1er février 2019, la société SCI LOCAFLOR 2 a été déboutée de sa demande d’expulsion au motif qu’elle n’établissait pas avec l’évidence qui s’impose en référé que l’indemnité d’éviction due à Madame [S] lui avait été versée et qu’à défaut de pouvoir établir précisément le montant de l’indemnité d’occupation, la juridiction n’était pas en mesure d’apprécier si les dettes (indemnité d’éviction et indemnité d’occupation) s’étaient éteintes réciproquement.

La société SCI LOCAFLOR 2 a interjeté appel de cette décision. Par un arrêt en date du 26 juillet 2019, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé entreprise.

Par acte d’huissier délivré le 7 juillet 2022, la société SCI LOCAFLOR 2 a fait assigner devant ce tribunal Madame [R] [S] aux fins de voir, aux visas des articles L. 145-28 et L. 145-29 du code de commerce :

– Constater que la société SCI LOCAFLOR 2 a réglé par compensation l’indemnité d’éviction due à Madame [R] [S] conformément à l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 6 décembre 2017,
– En conséquence, déclarer Madame [R] [S] occupante sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 7],
– Ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification du jugement à intervenir, l’expulsion de Madame [R] [S] et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 7] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier,
– Dire que le sort des meubles et des objets mobiliers se trouvant sur place est régi par les dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d’exécution,
– Condamner Madame [R] [S] à verser à la société SCI LOCAFLOR 2 la somme de 11.262,77 euros au titre de son arriéré d’indemnité d’occupation arrêté au 30 juin 2022, somme à parfaire,
– Condamner Madame [R] [S] à verser à la société SCI LOCAFLOR 2 une indemnité d’occupation du même montant que celle fixée par arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 décembre 2017, à compter de la signification du jugement à intervenir, outre le paiement des taxes et charges,
– Condamner Madame [R] [S] à verser à la société SCI LOCAFLOR 2 la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner Madame [R] [S] aux entiers dépens,
– Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

Par une ordonnance en date du 15 novembre 2023, le juge de la mise en état a :
– Déclaré irrecevable la demande de Madame [R] [S] de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’information judiciaire ouverte des chefs de faux et usage de faux, celle-ci se heurtant à l’autorité de la chose jugée,
– Déclaré irrecevable la demande de Madame [R] [S] de restitution de TVA sur les loyers, provisions sur charges et charges antérieurs au 1er janvier 2006, celle-ci se heurtant à l’autorité de la chose jugée,
– Déclaré irrecevables les demandes de Madame [R] [S] relatives aux contestations des charges locatives pour les années 2005, 2006, 2007, 2009 et 2014 pour cause de prescription,
– Déclaré recevables les demandes de Madame [R] [S] relatives aux contestations des charges locatives pour les années 2008, 2010, 2011, 2012 et 2013,
– Déclaré recevable la fin de non recevoir soulevée par Madame [R] [S] pour défaut d’intérêt à agir de la société SCI LOCAFLOR 2,
– Débouté Madame [R] [S] de la fin de non recevoir qu’elle soulève pour défaut d’intérêt à agir de la société SCI LOCAFLOR 2,
– Condamné Madame [R] [S] à verser à la S.C. SCI LOCAFLOR 2 la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté Madame [R] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné Madame [R] [S] aux dépens de l’incident,

– Renvoyé les parties à une audience de mise en état ultérieure.

Madame [S] a interjeté appel partiel de cette ordonnance.

Suivant des conclusions notifiées le 22 avril 2024, la société SCI LOCAFLOR 2 a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées le 6 mai 2024, la société SCI LOCAFLOR 2 demande au juge de la mise en état de :

Vu les articles 122, 378, 379 et 789 du code de procédure civile,
Vu les articles 1355 et 2224 et code civil,

– La déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions, demandes, fins et prétentions,
– Ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Paris sur l’appel interjeté par Madame [R] [S] sur l’ordonnance du juge de la mise en état du 15 novembre 2023 enrôlé sous le n°RG 23/19239,
– Déclarer la demande de Madame [R] [S] de restitution de TVA sur les loyers et indemnité d’occupation sur la période de 2006 à 2017 irrecevable pour cause d’autorité de chose jugée,
– Déclarer la demande de Madame [R] [S] de restitution de TVA sur les loyers et indemnité d’occupation sur la période de 2006 à 2017 irrecevable pour cause de prescription,
– Condamner Madame [R] [S] à verser à la société SCI LOCAFLOR 2 la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouter Madame [R] [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner Madame [R] [S] aux entiers dépens du présent incident.

La société SCI LOCAFLOR 2 soutient d’une part que la demande de Madame [R] [S] relative à la restitution de TVA sur les loyers et indemnités d’occupation sur la période de 2006 à 2017 est irrecevable pour cause d’autorité de chose jugée sur le fondement de l’article 1355 du code civil. Elle expose qu’aux termes de son arrêt du 16 mai 2012, la cour d’appel de Paris a débouté Madame [S] de cette demande.
D’autre part, elle demande de déclarer cette même demande prescrite, faisant valoir que le délai de prescription applicable en matière de TVA est le délai quinquennal de droit commun institué par l’article 2224 du code civil. Elle conteste avoir reconnu de manière non équivoque que la TVA n’était pas due.

Selon ses conclusions d’incident notifiées le 2 septembre 2024, Madame [S] s’associe à la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Paris et de :
– La déclarer recevable en sa demande de restitution de la somme de 69.411,68 euros au titre de la TVA sur les loyers et indemnités d’occupation sur la période du 1er janvier 2006 au 1er janvier 2017 en l’absence d’autorité de la chose jugée et de prescription ;
– Débouter la SCI LOCAFLOR 2 de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;
– Condamner la SCI LOCAFLOR 2 à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Madame [S] réplique que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée, lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice. Elle soutient en outre que seul le dispositif de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 mai 2012 est revêtu de l’autorité de la chose jugée et qu’en l’espèce, celui-ci confirme le jugement du 13 avril 2010 et déboute les parties du surplus de leurs demandes, ce qui est une formulation trop imprécise.

Madame [S] oppose que la prescription quinquennale a été interrompue par les évènements suivants :
– sa plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée déposée le 1er novembre 2015 des chefs d’usage de faux, fraude et moyens de paiement dont l’instruction est toujours en cours,
– l’établissement d’avoirs pour l’ensemble de la TVA appelée sur les loyers et provisions pour charges depuis le 1er janvier 2017 par la SCI LOCAFLOR 2, aux termes de son courrier recommandé avec avis de réception du 10 juin 2022,
– la lettre officielle du 13 juin 1997 dans laquelle le conseil de la SCI LOCAFLOR 2 a accepté de renoncer au bénéfice du commandement visant la clause résolutoire en prenant note “du problème de la TVA sur provision”.
Elle soutient que la reconnaissance par la SCI LOCAFLOR 2 que l’indemnité d’occupation n’est pas soumise à TVA ne peut se fractionner et que l’effet interruptif de la prescription doit porter sur la totalité de la créance.

L’incident a été plaidé à l’audience du 16 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l’article 789 1°) du code de procédure civile, dans sa rédaction nouvelle issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance.

En application de ce texte, la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure relevant de la compétence du juge de la mise en état.

Par ailleurs, selon l’article 378 du même code, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

Il revient alors au juge d’apprécier, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, l’opportunité d’une telle mesure, la survenance de l’événement devant avoir une conséquence sur l’affaire en cours.

En l’espèce, suivant un arrêt en date du 3 octobre 2024, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 15 novembre 2023 sauf en ce qu’elle a déclaré prescrite la demande de Madame [S] relative à la contestation des charges locatives pour l’exercice 2014 ; statuant à nouveau sur ce chef, a déclaré recevable la demande de Madame [S] relative à la contestation des charges locatives pour l’exercice 2014. La cour a rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés.

Dès lors que l’arrêt de la cour d’appel suite à l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 15 novembre 2023 a été prononcé, il n’y a pas lieu d’ordonner de sursis à statuer dans l’attente de celui-ci. Cette demande sera donc rejetée.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par la SCI LOCAFLOR 2 tirée de l’autorité de la chose jugée et de la prescription de la demande formée par Madame [S] de restitution de TVA sur les loyers et indemnité d’occupation sur la période de 2006 à 2017

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Par dérogation, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond.
Dans ce cas, la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats. Les parties sont alors tenues de reprendre la fin de non-recevoir dans les conclusions adressées à la formation de jugement.

Cette possibilité a été introduite par le décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 et est entrée en vigueur le 1er septembre 2024. Elle est applicable aux instances en cours à cette date.

En l’espèce, il est opportun, compte tenu de l’ancienneté de l’affaire et des multiples procédures et recours exercés par les parties, de faire application de cette possibilité afin de ne pas retarder plus encore l’instruction et le jugement au fond de cette affaire.

L’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état du 20 janvier 2025 à 11h30 pour conclusions récapitulatives de la société SCI LOCAFLOR 2.

Sur les demandes accessoires

Dans la mesure où le sursis à statuer était sollicité par chacune des parties, chacune d’entre elles conservera la charge de ses dépens.

L’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile concernant uniquement le rejet de la demande de sursis à statuer et insusceptible d’appel pour le renvoi de l’examen des fins de non-recevoir devant la formation de jugement s’agissant d’une mesure d’administration judiciaire,

Déboute la société SCI LOCAFLOR 2 et Madame [R] [S] de leur demande de sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel de Paris sur l’appel relevé par Madame [R] [S] à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état du 15 novembre 2023 enrôlée sous le n° RG 23/19239,

Renvoie l’examen des fins de non-recevoir soulevées par la SCI LOCAFLOR 2 tirée de l’autorité de la chose jugée et de la prescription de la demande formée par Madame [S] de restitution de la TVA sur les loyers et indemnités d’occupation sur la période de 2006 à 2017 devant le tribunal statuant au fond,

Déboute la société SCI LOCAFLOR 2 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Madame [R] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de l’incident,

Renvoie les parties à l’audience de mise en état dématérialisée du 20 janvier 2025 à 11h30 pour conclusions récapitulatives de la société SCI LOCAFLOR 2 reprenant le cas échéant les développements sur les fins de non-recevoir soulevées,

Rappelle que sauf convocation spécifique à l’initiative du juge de la mise en état ou d’entretien avec ce dernier sollicité par les conseils, les audiences de mise en état se tiennent sans présence des conseils, par échange de messages électroniques via le RPVA ; que les éventuelles demandes d’entretien avec le juge de la mise en état doivent être adressées, par voie électronique, au plus tard la veille de l’audience à 12h00 en précisant leur objet, l’entretien se tenant alors le jour de l’audience susvisée à 11h30.

Faite et rendue à Paris le 23 Octobre 2024

Le Greffier Le Juge de la mise en état
Paulin MAGIS Maïa ESCRIVE


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