Conflit locatif : Clarification des obligations et des droits des parties en matière de charges et de loyers

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Conflit locatif : Clarification des obligations et des droits des parties en matière de charges et de loyers
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Exposé du Litige

La société LOGIREL a donné à bail professionnel à la SCM DENTAIRE LE FIL D’ARIANE des locaux en 2000, avec un loyer annuel de 91.549 francs. En 2013, la société d’HLM SOFILOGIS a renouvelé le bail avec des locaux supplémentaires, fixant un loyer mensuel de 1.331,34 euros pour le local principal et 649,94 euros pour le local supplémentaire. Le bail stipule que le preneur supportera toutes les charges locatives et que le loyer sera révisé annuellement selon l’indice du coût de la construction.

Commandement de Payer

En avril 2022, la société SEQENS a délivré un commandement de payer à la société LE FIL D’ARIANE pour des loyers et charges impayés, totalisant 6.786,78 euros. En réponse, la société LE FIL D’ARIANE a assigné SEQENS en nullité du commandement, arguant que les décomptes étaient inintelligibles et manquaient de clarté.

Arguments de la Société LE FIL D’ARIANE

La société LE FIL D’ARIANE a soutenu que le commandement de payer ne précisait pas les montants dus, rendant impossible une réaction appropriée. Elle a également contesté la validité des révisions de loyer, affirmant qu’elles n’avaient pas été effectuées conformément aux termes du bail et qu’il y avait eu renonciation tacite à ces révisions.

Arguments de la Société SEQENS

SEQENS a défendu la validité du commandement, affirmant que les décomptes joints étaient conformes et détaillaient les sommes dues. Elle a également soutenu que les révisions de loyer étaient justifiées par les termes du bail, malgré les allégations de renonciation.

Décision du Tribunal

Le tribunal a jugé que le commandement de payer était nul en raison de l’imprécision des décomptes, ne permettant pas à la société LE FIL D’ARIANE de comprendre les sommes réclamées. Il a également constaté que les révisions de loyer effectuées par SEQENS étaient irrégulières et a condamné SEQENS à restituer des provisions pour charges indûment perçues.

Conséquences Financières

SEQENS a été condamnée à rembourser 6.913,11 euros à la société LE FIL D’ARIANE pour les provisions de charges, ainsi que 300 euros pour l’augmentation de sa prime d’assurance. En revanche, la société LE FIL D’ARIANE a été condamnée à payer 13.365,72 euros à SEQENS pour loyers et charges impayés.

Responsabilité et Dommages-Intérêts

Le tribunal a constaté que SEQENS avait manqué à ses obligations contractuelles, entraînant un préjudice pour la société LE FIL D’ARIANE. En conséquence, SEQENS a été condamnée à verser 6.000 euros de dommages-intérêts à la société LE FIL D’ARIANE.

Frais de Procédure

SEQENS a été condamnée à payer 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance. L’exécution provisoire du jugement a été ordonnée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG n°
22/03260
Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
Troisième Chambre
JUGEMENT
07 NOVEMBRE 2024

N° RG 22/03260 – N° Portalis DB22-W-B7G-QUZS
Code NAC : 30E
E.J.

DEMANDERESSE :

La SOCIETE CIVILE DE MOYENS CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE, société civile de moyens immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 344 211 479 dont le siège social est situé
[Adresse 2], prise en la personne de ses gérants domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Olivia AUBERT de la SELARL ASSERT, avocat plaidant/postulant au barreau de VERSAILLES.

DÉFENDERESSE :

SEQENS SOCIÉTÉ ANONYME D’HABITATIONS À LOYER MODÉRÉ, société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 582 142 816 ayant son siège social situé [Adresse 1], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat postulant au barreau de VERSAILLES et par Maître Fabienne BALADINE, avocat plaidant au barreau de PARIS.

ACTE INITIAL du 25 Mai 2022 reçu au greffe le 07 Juin 2022.

DÉBATS : A l’audience publique tenue le 04 Juin 2024, Monsieur JOLY, Premier Vice-Président Adjoint et Madame GARDE, Juge, siégeant en qualité de juges rapporteurs avec l’accord des parties en application de l’article 805 du Code de procédure civile, assistés de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, ont indiqué que l’affaire sera mise en délibéré au 13 Août 2024, prorogé au
19 Septembre 2024 pour surcharge magistrat et au 07 Novembre 2024 pour le même motif.

MAGISTRATS AYANT DÉLIBÉRÉ :
M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint
Madame GARDE, Juge
Madame FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente

GREFFIER : Madame LOPES DOS SANTOS

* * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 3 août 2000, la société LOGIREL a donné à bail professionnel à la SCM DENTAIRE LE FIL D’ARIANE, ci-après la société LE FIL D’ARIANE, des locaux d’une superficie d’environ 127 mètres carrés en rez-de-chaussée d’un immeuble situé [Adresse 2] ainsi qu’un local en sous-sol d’une superficie de 33 mètres carrés environ, le bail étant consenti à compter du 15 juin 1998 moyennant un loyer annuel hors taxes de 91.549 francs.

Suivant acte sous seing privé du 14 juin 2013, la société d’HLM SOFILOGIS, aux droits de laquelle se trouve la société SEQENS depuis une opération de fusion absorption intervenue en 2019, a donné à bail professionnel à la société LE FIL D’ARIANE les mêmes locaux que ceux précédemment loués outre un local de 62 mètres carrés en rez-de-chaussée, la location étant consentie moyennant un loyer mensuel hors charges de :
-1.331,34 euros pour le local de 127 mètres carrés ;
– 649,94 euros pour le local de 62 mètres carrés.

Le bail comportait un article 4.2 ainsi libellé :

“Le preneur supportera toutes les charges de nature locative conformément au code civil.
Le remboursement s’effectuera par appel de provision mensuelle versée par le preneur.

Les montant des provisions sont les suivants (à l’exclusion des charges de chauffage, le preneur ayant son propre système de chauffage) :

Pour le local de 127 mètres carrés : 54,72 euros.
Pour le local de 62 mètres carrés : 58,33 euros.”

Le bail intégrait aussi un article 4-3 “Clause d’indexation” ainsi rédigé :

“ Le montant du loyer sera révisé annuellement en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction publié par L’INSEE.
Cette évolution interviendra chaque année à la date anniversaire du bail en fonction de l’évolution qu’aura subi le dernier indice connu par rapport au même indice de l’année précédente. Le loyer devant varier du même pourcentage.
Le dernier indice ICC connu à la signature du bail est celui du 4ème trimestre 2012 soit 1639.”

Faisant état du non paiement par la société LE FIL D’ARIANE du rappel des indexations de loyers dues pour la période du 15 juin 2017 au 30 septembre 2021, et de l’absence de paiement des régularisations de charges débitrices pour les années 2017 à 2020 intervenues au mois d’octobre 2021, la société SEQENS lui a fait délivrer le 28 avril 2022 un commandement de payer la somme de 1.866,13 euros pour le local de 62 mètres carrés et de
4.920,65 euros pour le local de 127 mètres carrés.

C’est dans ce contexte que la société LE FIL D’ARIANE a, par acte extrajudiciaire du 25 mai 2022, fait assigner la société SEQENS en nullité du commandement de payer.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 Février 2024, la société CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE demande au Tribunal de :

1- A TITRE PRINCIPAL

1-1 Sur la nullité du commandement de payer en date du 28 avril 2022

CONSTATER et JUGER que le commandement de payer en date du
28 avril 2022, comporte des décomptes inintelligibles, dépourvus de clarté, de précision et ne présentent pas de manière ventilée les différentes sommes (loyers, révisions, charges, taxes) réclamées au locataire ainsi que leur date d’échéance.

CONSTATER et JUGER dans ces conditions, que le locataire n’étant pas informé de la cause des sommes réclamées, lesquelles ne sont pas ventilées entre les loyers, les charges les impôts ou les factures, ne peut réagir
utilement dans le mois suivant la signification du Commandement de Payer.

CONSTATER et JUGER que le commandement de payer mentionne des textes inapplicables au litige,

JUGER en conséquence que le commandement de payer en date du
28 avril 2022 est NUL et de NUL EFFET et est dépourvu de tout effet.

CONSTATER et JUGER que la société SEQENS ayant agi par pure mauvaise foi sera DEBOUTEE de ses demandes :
D’acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail,
D’expulsion,
De paiement d’une Indemnité d’occupation augmentée à la charge du locataire,

1-2 Sur les causes du Commandement de payer et les demandes de SEQENS.
1-3 1-2/1 – Sur les révisions de loyer.

CONSTATER ET JUGER au besoin que tant les rappels de révision de loyer ne sont pas conformes aux dispositions contractuelles liant les parties, comme n’ayant pas été faites chaque année à la date anniversaire du bail et en délivrant une information préalable au locataire, entre les années 2017 à 2021.

CONSTATER ET JUGER qu’en portant à la connaissance de sa locataire le
19 mars 2021 à 8h39 que les « deux comptes sont à jour » le bailleur a renoncé aux révisions de loyer entre les années 2017 et 2021.

JUGER en conséquence les révisions du loyer opérées par le bailleur de façon rétroactive et par paquet suivant courrier du 1 er octobre 2021 et portant sur les années 2017 à 2021 sont irrégulières.

DEBOUTER la société SEQENS de sa demande relative au rappel de loyers lié à la révision portant sur les années 2017 à 2021, comme étant mal fondées.

SUBSIDIAIREMENT, CONSTATER ET JUGER que seule la révision du loyer intervenue par courrier du 1er octobre 2021, et seulement à compter du 1er octobre 2021, est régulière.

1-2/2 – Sur les régularisations de charges.

CONSTATER et JUGER que les régularisations de charges présentées par SEQENS en cascade et avec retard sont anciennes, dépourvues de justificatifs, d’information quant à la clé de répartition utilisée, et de preuves quant à la réalité des charges et des dépenses.

CONSTATER ET JUGER que le bailleur s’est abstenu de fournir ou de proposer au locataire de vérifier fut-ce devant lui, les justificatifs de charges portant sur les années 2017-2018-2019-2020-2021-2022, preuve qu’il n’apporte pas plus dans le cadre de la présente procédure,

CONSTATER ET JUGER en conséquence que le bailleur ne rapporte pas la preuve de la certitude de la liquidité et de l’exigibilité de sa prétendue créance de régularisation de charges, conformément aux obligations tirées des articles 9 et 1315 ancien du Code Civil,

CONSTATER ET JUGER en conséquence que la société SEQENS est particulièrement mal fondée en sa demande de paiement des régularisations des charges afférentes aux années 2017-2018-2019-2020-2021-2022,

CONSTATER ET JUGER que le décompte locatif établi par le bailleur en date d’octobre 2023 est irrégulier et ne fait aucune preuve de sa créance locative prétendue.

CONSTATER ET JUGER que la société SEQENS est mal fondée à augmenter arbitrairement le montant de la provision mensuelle de charges, pour ne pas démontrer la réalité des dépenses exposées ainsi que leur nature,

DEBOUTER la société SEQENS de sa demande de paiement au titre des régularisations des charges afférentes aux années 2017 à 2022.

CONSTATER ET JUGER que la société SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE est bien fondée en sa demande de REPETITION des provisions pour charges et régularisations de charges qu’elle a payées entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2021.

CONDAMNER en conséquence la société SEQENS à restituer à la société SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE :
– La somme de 6.913,11€ au titre de la répétition des provisions pour charges indûment payées et non justifiées dans leur réalité par le bailleur pour les années 2017-2018-2019-2020-2021

– 2- A TITRE SUBSIDIAIRE

SI TOUTEFOIS LE TRIBUNAL JUGEAIT LE COMMANDEMENT DE PAYER REGULIER ET SES CAUSES REGULIERES,

CONSTATER ET JUGER que la société SEQENS a par son comportement et ses demandes tardives et en cascade, constitué dans un laps de temps réduit, la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE, débitrice de sommes importantes,

ORDONNER la SUSPENSION des effets de la clause résolutoire inscrite au bail en date du 14 juin 2013.

OCTROYER les plus larges délais de paiement à la société SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE pour s’acquitter le cas échéant de sommes que le tribunal jugerait dues.

3-EN TOUT ETAT DE CAUSE

3-1 Sur la responsabilité liée à la défaillance de la société SEQENS.

CONSTATER ET JUGER que la Société SEQENS a manqué à ses obligations contractuelles et au titre de sa qualité de bailleur de surcroît professionnel et a engagé sa responsabilité,

CONSTATER ET JUGER que la Société SEQENS a fait preuve d’une attitude déloyale, brutale et constitutive d’une FAUTE dans l’exécution du contrat en procédant à des régularisations de charges tardives, en cascade sur une courte période (6 années en 3 ans) pour des sommes plus de trois fois supérieures aux provisions annuelles,

CONSTATER ET JUGER que la Société SEQENS est preuve d’une attitude fautive en s’abstenant de procéder à la révision annuelle du loyer,

CONSTATER ET JUGER que la Société SEQENS a fait preuve d’une attitude fautive, en s’abstenant de justifier les charges réclamées, en faisant preuve d’une désorganisation totale et en réclamant avec insistance des documents ou des loyers déjà communiquées ou réglées.

CONSTATER ET JUGER que tant cette attitude fautive que la désorganisation dont la Société SEQENS a fait preuve ont généré un préjudice auprès de la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE constitué d’une part de la privation d’une révision de loyer progressive et de régularisation annuelle de charges locatives, et d’autre part en l’exposant à un risque financier non prévu par le bail comme induisant la locataire en erreur quant à sa véritable charge locative,

CONDAMNER en conséquence la société SEQENS à payer à la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE la somme de 6.000€ à titre de dommages-intérêts.
3-2 Sur la demande de résiliation du bail
CONSTATER et JUGER de la parfaite mauvaise foi de la société SEQENS tant dans la délivrance du Commandement de Payer que dans la poursuite de la résiliation du bail,

CONSTATER ET JUGER que la situation actuelle est imputable à la Société SEQENS qui maintient l’opacité et fait obstruction aux demandes légitimes de justificatifs du locataire,

CONSTATER et JUGER la SCM CABINET DENTAIRE DE FIL D’ARIANE, de parfaite bonne foi,

DEBOUTER la Société SEQENS de sa demande de résiliation du bail

3-3 Sur les frais de réparation de la clôture du local

CONSTATER ET JUGER que la Société SEQENS a en charge toutes les dépenses afférentes à la clôture du local,

CONSTATER ET JUGER que la Société SEQENS a fautivement refuser de prendre en charge la réparation de la porte d’accès au Cabinet en septembre 2022.

CONDAMNER en conséquence, la Société SEQENS au paiement au profit de la société SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE de la somme de 1.176 €.

3-4 Sur les frais supplémentaires exposés par la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE du fait de la sinistralité accrue de son local

CONSTATER ET JUGER que la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE subit des dégâts des eaux à répétition du fait du mauvais entretien des canalisations de l’immeuble par le bailleur,

CONSTATER ET JUGER que la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE en conséquence, est exposée à une augmentation significative de ses primes d’assurance en lien direct avec l’augmentation de la sinistralité des lieux imputable au bailleur.

CONDAMNER en conséquence, la Société SEQENS au paiement au profit de la société SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE de la somme de 300€ à ce titre.

3-5 . Sur les frais de procédure exposés par la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE.

CONSTATER ET JUGER que la SCM CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE s’est trouvée contrainte de par la faute, la légèreté et le manque de professionnalisme du bailleur, d’engager des frais pour se défendre suite à la délivrance de mauvaise foi du commandement de payer visant la clause résolutoire, ne lui laissant d’autre choix
que d’engager une procédure.

En conséquence :

CONDAMNER la Société SEQENS à payer à la SCM LE FIL D’ARIANE,

– La somme de de 4.000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens.

– RAPPELER en tout état de cause que l’exécution provisoire est de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2023, la société SEQENS demande de :

DEBOUTER la SCM LE FIL D’ARIANE de toutes ses demandes, fins et conclusions.

CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail.

A titre subsidiaire :

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de bail professionnel aux torts exclusifs du preneur compte-tenu de ses manquements à ses obligations locatives.

En tout état de cause :

ORDONNER l’expulsion des lieux loués par la société SEQENS à la SCM LE FIL D’ARIANE et situés [Adresse 2], ainsi que celle tous les occupants de son chef, si besoin est avec l’aide de la force publique et d’un serrurier.

FIXER ET CONDAMNER la SCM LE FIL D’ARIANE à payer à la société SEQENS une indemnité d’occupation égale au montant du loyer comme si le bail s’était poursuivi, majorée de 20%, en sus des taxes et charges, jusqu’à la libération effective des lieux, avec indexation.

Condamner la SCM LE FIL D’ARIANE à payer à la société SEQENS la somme de 13.365,27€, au titre des loyers, charges impayés et indemnités d’occupation dus au 24 octobre 2023, outre les intérêts de droit à compter du commandement de payer du 28 avril 2022.

CONDAMNER la SCM LE FIL D’ARIANE à payer à la société SEQENS la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la SCM LE FIL D’ARIANE aux entiers dépens d’instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 28 avril 2022.

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux écritures déposées conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 12 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité du commandement de payer du 28 avril 2022

Aux termes de l’article 12-Clause résolutoire du bail :

“A défaut de paiement de son échéance exacte d’un seul terme de loyer ou de remboursements des frais, taxes ou prestations qui en constituent l’accessoire, ou d’exécution de l’une ou l’autre des conditions du présent bail et un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d’exécuter restée sans effet et contenant déclaration par le bailleur de son intention d’user du bénéfice de la présente clause, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur sans qu’il soit besoin de former une demande en justice.
Et dans le cas où le preneur se refuserait à évacuer les lieux, son expulsion pourrait avoir lieu sans délai sur une simple ordonnance de référé”.

Le commandement délivré le 28 avril 2022 satisfait à ces conditions en ce qu’il indique que le demandeur entend se prévaloir de la clause résolutoire dont le texte est reproduit dans l’acte.

Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par la société LE FIL D’ARIANE qui fait valoir en premier lieu, au soutien de sa demande de nullité du commandement, l’absence de décompte clair et intelligible. Elle expose à ce titre qu’il incombe au créancier de faire la preuve de la certitude, de la liquidité et de l’exigibilité de sa créance. Elle ajoute que les décomptes joints au commandement de payer ne précisent pas distinctement les loyers des charges courantes, les révisions des régularisations de charges de sorte que le preneur n’est pas en mesure de savoir précisément comment se décompose la somme totale réclamée par sa bailleresse. Elle souligne qu’aucun décompte détaillé et ventilé entre les loyers, les charges, les régularisations de charges, les révisions de loyer ni aucune quittance et/ou avis d’échéance n’est jointe au commandement de payer, le décompte ne mentionnant pas plus le détail des sommes acquittées et les sommes appelées à chaque terme, les décomptes joints au commandement étant inintelligibles. Elle argue qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les imprécisions affectant le commandement de payer le rendent nul lorsqu’il ne permet pas au locataire de prendre la mesure des injonctions et d’y apporter une réponse appropriée. Elle soutient à cet égard que les décomptes annexés ne sont pas explicites, ne contiennent aucune ventilation entre les différentes natures de sommes réclamées ou leur date d’échéance de sorte qu’ils sont totalement inintelligibles. Enfin, elle invoque la mauvaise foi de la bailleresse qui ne saurait se prévaloir de prétendus impayés de manière globale pour contraindre un locataire irréprochable depuis 24 ans soit au paiement sans explications soit à la résiliation du bail et ajoute que le commandement de payer vise les dispositions du code civil issues de l’ordonnance du 10 février 2016 alors qu’elles ne sont pas applicables, le bail ayant été conclu en 2013.

La société SEQENS rappelle que le bail prévoit une facturation distincte pour le local de 127 mètres carrés et le local de 62 mètres carrés de sorte qu’elle a joint au commandement un décompte pour chaque local. Elle fait valoir que le commandement vise spécifiquement les sommes dues au titre de chaque compte ou local, que les décomptes détaillent les sommes dues en débit et les sommes portées au crédit des comptes, que chaque compte est édité depuis l’origine de la dette en 2021 et précise le montant des régularisations de charges sous la mention “solde de charges”, le solde de chaque compte distinct étant repris dans l’acte. Elle ajoute que contrairement à ce que prétend sa locataire, les deux comptes font mention du solde à zéro à la date du 7 octobre 2021.

Il est de règle que le commandement doit préciser suffisamment au locataire les infractions qui lui sont reprochées sous peine d’encourir l’annulation.

Ainsi, le commandement de payer doit permettre au débiteur de connaître la nature et le détail des sommes qui lui sont réclamées. Il doit être suffisament précis pour permettre à son destinataire d’en vérifier le bien fondé.

En l’espèce et ainsi que le souligne la bailleresse, deux décomptes sont bien joints au commandement de payer du 28 avril 2022, l’un correspondant au local de 127 mètres carrés et l’autre au local de 62 mètres carrés. Ces décomptes ne permettent toutefois pas de connaître la nature des sommes réclamées ni les échéances auxquelles elles se rapportent. En effet, l’examen desdits décomptes permet de constater qu’ils consistent en une compilation de lignes en débit et crédit avec des mentions elliptiques telles que CMC, Vir bancaire, REG VIRT, CHQ ou solde de charges sans que le preneur ne puisse identifier à quoi correspondent les sommes qui lui sont imputées.

En conséquence, il convient de retenir que les deux décomptes joints au commandement de payer sont imprécis et ne permettent pas à la société LE FIL D’ARIANE d’être suffisamment éclairée pour en acquitter les causes dans le délai d’un mois, cette irrégularité étant de nature à entrainer la nullité du commandement, celui-ci ne pouvant dès lors produire aucun effet et ce sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les moyens tirés de la mauvaise foi et des mentions irrégulières des dispositions issues de l’ordonnance du 10 février 2016.

Sur les révisions de loyer

La société LE FIL D’ARIANE expose que c’est à tort que la bailleresse a, suivant courrier du 1er octobre 2021, cru pouvoir procéder à la révision du loyer de manière rétroactive. Elle fait valoir que par mail du 14 avril 2020, la bailleresse lui demandait de réduire le montant des loyers payés pour que les comptes soient justes et que par mail du 19 mars 2021, elle indiquait que les comptes sont à jour. Elle ajoute que compte tenu des termes du bail, la révision ne peut avoir d’effet rétroactif. A titre subsidiaire elle soutient que la demande de révision doit être limitée par application des dispositions de la loi ALLUR.

La société SEQENS fait valoir qu’elle n’a fait qu’appliquer les dispositions contractuelles prévues à l’article 4.3 du bail en procédant aux révisions du loyer que le précédent bailleur avait omises sans qu’aucune renonciation ne puisse être alléguée.

Il peut être retenu, notamment au regard des solutions dégagées par la jurisprudence, que ce n’est pas parce que le bailleur ne se prévaut pas de la clause d’échelle mobile sur une période de plusieurs années qu’il y renonce, cette renonciation devant être expresse. A défaut de renonciation expresse, l’application de la clause d’indexation est soumise aux délais de la prescription quinquennale.

En l’espèce, le preneur ne peut utilement se prévaloir des termes de la clause d’indexation prévue au bail pour prétendre que si la périodicité annuelle n’est pas respectée, le bailleur perd le bénéfice de l’indexation.

Au surplus et contrairement à ce que soutient la société le FIL D’ARIANE,
il ne saurait être considéré que les deux échanges de mails en dates des
14 avril 2020 et 19 mars 2021 puissent être considérés comme valant renonciation expresse du bailleur à l’application de la clause d’indexation.

Il se déduit de ces éléments que la société SEQENS est bien fondée à appliquer l’indexation du loyer.

S’agissant de la limitation des effets de la révision, la locataire est mal fondée à invoquer les dispositions de la Loi ALUR dont le champ d’application concerne les baux d’habitation ou mixtes ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Sur les régularisations de charges

Dénonçant des montants exorbitants réclamés par la bailleresse caractérisant une attitude déloyale de celle-ci au titre des régularisations de charges pour les années 2014, 2018, 2019 et 2020 , la société LE FIL D’ARIANE fait valoir qu’en dépit de ses demandes de justificatifs, la société SEQENS n’a ni justifié des régularisations adressées, ni proposé à sa locataire de vérifier par elle même la réalité des charges.

La société SEQENS répond sur ce point que la société LE FIL D’ARIANE n’a jamais demandé au bailleur de consulter les pièces justificatives des charges qui sont à sa disposition sur simple demande.

Il résulte d’une jurisprudence bien établie depuis un arrêt de principe du
5 novembre 2014 (3ème chambre civile, 5 novembre 2014, pourvoi N°13-24.451) qu’il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser conformément au bail commercial le prévoyant un ensemble de dépenses et de taxes, d’établir sa créance en démontrant la réalité et le montant des charges. Faute de satisfaire à cette obligation, le bailleur doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions.

Il résulte d’un email du 6 mai 2022 que la société LE FIL D’ARIANE a demandé des explications à la bailleresse concernant les charges locatives, compte tenu d’une augmentation jugée exorbitante de celles-ci. La locataire demandait dans le même email de justifier de la somme de 69.045 euros pour le poste nettoyage immeuble ainsi que d’expliquer les variations importantes de ce poste. Ces demandes étaient réitérées par courrier en date du 9 mai 2022.

Face à ces demandes, force est de constater que la bailleresse n’a fourni strictement aucun justificatif, ni même contrairement à ses allégations proposé à la locataire de consulter les justificatifs des charges.

Dans ces conditions, la société LE FIL D’ARIANE qui justifie du paiement d’une somme de 6.913,11 euros au titre des provisions pour charges pour les années 2017 à 2021 est bien fondée à réclamer le remboursement de cette somme.

Sur les sommes réclamées par la bailleresse

Aux termes de l’article 1353 du Code civil :

“Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation”.

La société SEQENS justifie par la production d’un décompte actualisé au
24 octobre 2023 que la société LE FIL D’ARIANE reste lui devoir la somme de 13.365,72 euros.

La société LE FIL D’ARIANE, qui ne justifie pas de son paiement ou des causes qui auraient éteint ses obligations de paiement, ne peut utilement arguer du caractère imprécis du décompte.

Elle sera donc condamnée au paiement de cette somme avec intérêts légaux à compter de la présente décision.

Sur la demande de résiliation judiciaire du bail

Au regard de l’ancienneté du bail, la société SEQENS n’établit pas des manquements de sa locataire à ses obligations contractuelles d’une gravité telle qu’ils justifient que soit prononcée la résiliation judiciaire sollicitée.

Sur la demande au titre de la réparation de la porte

L’article 5-4 du bail prévoit que le preneur entretiendra les locaux loués en bon état de réparations de toutes sortes à l’exception des grosses réparations définies à l’article 606 du Code civil et de l’entretien des rideaux métalliques sécurisant les locaux.

Aucun élément ne permet de justifier que la réparation de ladite porte entre dans la catégorie des grosses réparations imputables au bailleur.

Il résulte à cet égard de la facture de réparation que la porte d’entrée nécessite une réparation en raison de l’usure de ses gonds, ce qui relève de l’obligation d’entretien du preneur et non des grosses réparations de l’article 606 du Code civil.

La société LE FIL D’ARIANE ne pourra donc qu’être déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les frais supplémentaires liés à la sinistralité accrue du local commercial

La société LE FIL D’ARIANE fait valoir un nombre important de dégâts des eaux liés à la vétusté des canalisations de l’immeuble qui a entraîné une augmentation de sa prime d’assurance.

Elle justifie que son assurance la société MACSF a augmenté sa prime, passant de 1.408 euros en 2022 à 1.715 euros en 2023, en raison de sa sinistralité.

De plus, contrairement à ce que prétend la bailleresse, les pièces produites par la société LE FIL D’ARIANE démontrent que les dégâts des eaux sont dus à la vétusté des canalisations de l’immeuble dont est propriétaire la société SEQENS. En conséquence, celle-ci sera condamnée à payer à la société SEQENS la somme de 300 euros.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société LE FIL D’ARIANE

La société LE FIL D’ARIANE qui dénonce une attitude déloyale et brutale de la part de la bailleresse ne justifie pourtant d’aucune faute de celle-ci, la société SEQENS ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits. Il convient aussi de relever que la demanderesse n’est pas accueillie dans ses prétentions en ce qui concerne la révision du loyer. Au surplus, la société locataire ne justifie pas d’un préjudice moral distinct de celui réparé par la condamnation de la bailleresse à restituer les provisions pour charge.

Elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

La société SEQENS qui succombe principalement sera condamnée à payer à la société LE FIL D’ARIANE la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’exécution provisoire est de droit en vertu de l’article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort :

DIT que le commandement de payer délivré le 28 avril 2022 est nul et de nul effet ;

DEBOUTE la société SEQENS de ses demandes d’acquisition de la clause résolutoire, d’expulsion et de paiement d’une indemnité d’occupation par la société CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE ;

CONDAMNE la société SEQENS à payer à la société CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE la somme de 6.913,11 euros au titre des provisions pour charges indûment acquittées ;

CONDAMNE la société SEQENS à payer à la société CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE la somme de 300 euros au titre de l’augmentation de sa prime d’assurance ;

DIT que ces sommes porteront intérêt à compter du présent jugement ;

CONDAMNE la société CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE à payer à la société SEQENS la somme de 13.365,72 euros selon décompte arrêté au
24 octobre 2023 ;

DIT que cette somme portera intérêt à compter du présent jugement ;

CONDAMNE la société SEQENS à payer à la société CABINET DENTAIRE LE FIL D’ARIANE la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SEQENS aux dépens

Déboute les parties de toute demande plus amples ou contraires ;

Rappelle que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 NOVEMBRE 2024 par M. JOLY, Premier Vice-Président Adjoint, assisté de Madame LOPES DOS SANTOS, Greffier, lesquels ont signé la minute du présent jugement.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Carla LOPES DOS SANTOS Eric JOLY


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