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Contexte du LitigeMme [U] [P] et M. [L] [R] se sont mariés le 1er juillet 2000. En 2004, M. [T] [R] et Mme [H] [Z] ont loué un appartement à Mme [U] pour une durée d’un an, renouvelable, moyennant un loyer mensuel de 457,35 euros. En 2009, ils ont donné la nue-propriété de ce bien à leur fils, M. [L] [R]. Congés pour VenteEn avril 2019, les époux [R] ont donné congé pour vente à M. [L] [R] et, en mai 2019, à Mme [U] avec effet au 30 septembre 2019. Le 11 juin 2019, M. [L] [R] a déposé une requête en divorce. Ordonnance de Non-ConcilationUne ordonnance de non-conciliation a été rendue le 21 janvier 2020, attribuant la jouissance du domicile conjugal à Mme [P], sous réserve de la décision du tribunal d’instance. Assignation et JugementLe 9 juin 2020, M. [T] [R], Mme [H] [Z] et M. [L] [R] ont assigné Mme [P] pour occupation sans droit ni titre de l’appartement. Le jugement du 18 septembre 2020 a validé le bail, le congé pour vente, et ordonné l’expulsion de Mme [U], tout en lui imposant une indemnité d’occupation. Appel de Mme [U]Mme [U] a fait appel de la décision, contestant la validité du congé pour vente et demandant la requalification du bail en contrat de location à titre gratuit ou prêt à usage. Arguments des Consorts [R]Les consorts [R] ont soutenu la validité de l’acte d’assignation et du congé pour vente, affirmant que le bail concernait un bien meublé et que M. [L] [R] n’était pas à l’origine du congé. Nullité de l’AssignationLa cour a examiné la demande de nullité de l’assignation et a conclu que les diligences de l’huissier étaient valides, rejetant ainsi la nullité de l’assignation et du jugement. Validité du Congé pour VendreLa cour a statué que le congé pour vendre était nul, car il avait été délivré sans le consentement de Mme [P], ce qui a réduit ses droits sur le domicile conjugal. Indemnité d’Occupation et Demandes de Dommages et IntérêtsEn conséquence, les consorts [R] ne pouvaient prétendre à une indemnité d’occupation. La demande de dommages et intérêts de Mme [P] a également été rejetée, car elle avait déjà été indemnisée pour son expulsion. Dépens et Frais IrrépetiblesLes consorts [R] ont été condamnés aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser une somme de 3 500 euros à Mme [P] au titre des frais irrépétibles. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 364
Rôle N° RG 20/11717 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGSLJ
[U] [P] épouse [R]
C/
[T] [R]
[H] [Z] EPOUSE [R]
[L] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Nina TROMBETTA
Me Serge BERTHELOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection de [Localité 5] en date du 18 Septembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 1120000310.
APPELANTE
Madame [U] [P] épouse [R]
née le 22 Octobre 1958 à [Localité 10], demeurant [Adresse 3] chez Madame [H] [O], [Localité 1]
représentée par Me Nina TROMBETTA, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [T] [R]
né le 26 Avril 1946 à [Localité 11], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Serge BERTHELOT de la SELARL LEGIS-CONSEILS, avocat au barreau de GRASSE
Madame [H] [Z] épouse [R]
née le 27 Juillet 1946 à [Localité 4] [Adresse 6]
représentée par Me Serge BERTHELOT de la SELARL LEGIS-CONSEILS, avocat au barreau de GRASSE
Monsieur [L] [R]
né le 01 Avril 1976 à [Localité 9], demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Serge BERTHELOT de la SELARL LEGIS-CONSEILS, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 28 Février 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère,
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2024 puis les parties ont été informées que le prononcé de la décision par mise à disposition au greffe était prorogé au 04 juillet 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 24 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [U] [P] et M. [L] [R], fils de M. [T] [R] et de Mme [H] [Z] épouse [R], se sont mariés le premier juillet 2000.
Par acte sous seing privé du 26 septembre 2004 intitulé ‘ contrat de location meublée’, M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] ont loué à Mme [U] [P] épouse [R], pour une durée d’un an renouvelable, un appartement situé [Adresse 8], à [Localité 12], moyennant un loyer mensuel de 457,35 euros.
Par acte notarié du 24 juillet 2009, M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] ont donné la nue-propriété de ce bien à leur fils, M. [L] [R].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 avril 2019, les époux [R] ont donné congé pour vente des lieux loués à M. [L] [R].
Par acte du 20 mai 2019, les époux [R] ont donné congé pour vente, avec effet pour le 30 septembre 2019, à Mme [U] [P] épouse [R].
Le 11 juin 2019, M. [L] [R] a déposé une requête en divorce.
Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 21 janvier 2020 aux termes de laquelle la jouissance du domicile conjugal situé [Adresse 2] à VILLENEUVE LOUBET a été attribuée à Mme [P] épouse [R], à charge pour elle de régler les charges afférentes et sous réserve de la décision qui devait être prise par le tribunal d’instance (alors saisi en référé).
Par acte d’huissier du 9 juin 2020, M. [T] [R], Mme [H] [Z] épouse [R] et M. [L] [R] ont fait assigner Mme [P] épouse [R] aux fins principalement de dire qu’elle est occupante sans droit ni titre du logement situé à [Localité 12], d’ordonner son expulsion sous astreinte et de la voir condamner à une indemnité d’occupation outre une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire du 18 septembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de proximité de Cagnes sur Mer a statué ainsi :
– Juge que le bail à usage d’habitation consenti à Mme [U] [P] épouse [R] et portant sur le logement situé [Adresse 8] est soumis aux règles de la location meublée ;
– Juge que le congé pour vente délivré par acte d’huissier le 20 mai 2019, avec effet au 30 septembre 2019, à Mme [U] [P] épouse [R] est valide ;
– Constate par conséquent la résiliation du bail consenti à Mme [U] [P] épouse [R] à compter du 30 septembre 2019, date d’effet du congé ;
– Dit que Mme [U] [P] épouse [R] devra quitter et rendre libre de toute occupation les lieux situés [Adresse 8], en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment par la remise des clés ;
– Ordonne, faute de départ volontaire de Mme [U] [P] épouse [R] dans les deux mois de la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, son expulsion des lieux loués ainsi que celle de tous occupants et biens de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique et d’un serrurier, dans les conditions prévues par les articles L. 411-1 et L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
– Renvoie M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] aux dispositions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991, codifiés aux articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution, concernant le sort à réserver, le cas échéant, aux meubles ;
– Condamne Mme [U] [P] épouse [R] à payer à M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal au montant du dernier loyer contractuel provisions sur charges comprises, soit la somme de 457,35 euros par mois à compter du 1er octobre 2019 jusqu’à la date de son départ effectif des lieux ;
– Rejette la demande de M. [T] [R], Mme [H] [W] épouse [R] et M. [L] [R] d’ordonner l’expulsion de Mme [U] [P] épouse [R] sous astreinte ;
– Rejette l’ensemble des demandes présentées au nom de M. [L] [R] ;
– Condamne Mme [U] [P] épouse [R] à payer à M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejette le surplus des demandes de M. [T] [R], Mme [H] [Z] épouse [R] et M. [L] [R] ;
– Condamne Mme [U] [P] épouse [R] aux dépens,
– Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Le premier juge a estimé que les parties étaient liées par un bail meublé. Il a validé le caractère sérieux et légitime pour congé pour vente.
Par déclaration du 27 novembre 2020, Mme [U] [P] épouse [R] a relevé appel de l’ensemble des chefs de la décision précitée sauf en ce les demandes des requérants et celles formées par M. [L] [R] seul ont été rejetées.
M. [T] [R], Mme [H] [Z] épouse [R] et M. [L] [R] (consorts [R]), ont constitué avocat.
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023 auxquelles il convient de se reporter, Mme [P] épouse [R] demande à la cour :
– in limine litis,
– de prononcer la nullité de l’exploit de la SCP LAMBERT – BERGER ‘ ROMAIN – SACCONE – VAN DE KERCKHOVE du 9 juin 2020,
Par conséquent,
– de prononcer la nullité du jugement du 18 septembre 2020,
A défaut,
– de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– statuant à nouveau,
A titre principal,
– de dire et juger que le congé délivré par M. [L] [R] à son épouse sans le consentement de celle-ci, est nul en application des dispositions de l’article 215 du Code civil,
– de dire et juger que l’assignation fondée sur ce congé est nulle en application des dispositions de l’article 215 du Code civil,
– de requalifier le contrat de location meublée du 25 septembre 2004 en contrat de location à titre gratuit portant sur des locaux vides,
– de prononcer la nullité du congé pour vendre du 20 mai 2019,
– de débouter les consorts [R] de leur demande tendant à voir fixer une indemnité d’occupation mensuelle de 457,35 euros à compter du 1 er octobre 2019,
– A titre subsidiaire,
– de requalifier le contrat de location meublée du 25 septembre 2004 en contrat de prêt à usage dont le terme devra être, a minima, le prononcé du divorce définitif des époux [P] – [R],
– de prononcer la nullité du congé pour vendre du 20 mai 2019,
A titre infiniment subsidiaire,
– de dire et juger que M. [L] [R] est tenu solidairement au paiement de l’indemnité d’occupation mise à la charge de Madame [P] depuis le 1 er octobre 2019,
– En tout état de cause,
– d’écarter des débats les pièces adverses n° 18, 19 et 23,
– de condamner in solidum M. [L] [R], M. [T] [R] et Mme [H] [R] à lui payer une somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice moral,
– de condamner in solidum M. [L] [R], M. [T] [R] et Mme [H] [R] à lui payer une somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– de condamner in solidum M. [L] [R], M. [T] [R] et Mme [H] [R] aux entiers dépens de la présente instance.
Elle soulève in limine litis la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée le 9 juin 2020 à étude. Elle conteste la réalité des démarches faites par ce dernier. Elle indique former une requête en inscription de faux et, à tout le moins, dénoncer le défaut de diligences de l’huissier pour lui signifier l’acte à personne. Elle estime que l’attestation du gardien n’est pas probante puisqu’elle a pu lui avoir été extorquée et qu’elle est contredite par les attestations du syndic. Elle soulève avoir subi un grief puisqu’elle n’a pas été en mesure de se défendre devant le premier juge, n’ayant eu connaissance de l’assignation que postérieurement à l’audience du 30 juin 2020.
Sur le fond de l’affaire, elle soulève la nullité du congé pour vente au motif d’une violation des dispositions de l’article 215 du code civil. Elle explique que le bien sur lequel portait le congé était le domicile conjugal, que son époux en était nu-propriétaire et qu’elle n’a pas donné son accord pour qu’il soit disposé de ce bien. Elle conclut que l’assignation introductive d’instance encourt, de façon subséquente, la nullité.
Elle soulève également la nullité du congé au motif que le bail portait sur une location vide et non un meublé. Elle précise que le congé ne mentionne ni le prix, ni les conditions de vente projetées.
Elle s’oppose au versement d’une indemnité d’occupation alors que la pratique convenue entre les parties était la gratuité de l’hébergement à compter du mois de juillet 2009.
Subsidiairement, elle déclare bénéficier d’un prêt à usage, dont le terme ne peut être que le prononcé du divorce.
Elle fait état de la duplicité de son mari qui a quitté le domicile conjugal, proposé que le bien lui soit attribué dans le cadre de l’ordonnance de non-conciliation tout en délivrant un congé pour vente.
De façon très subsidiaire, elle sollicite la condamnation solidaire de M.[L] [R], au visa des articles 1751 et 220 du code civil.
Elle sollicite des dommages et intérêts en indiquant avoir été expulsée de son logement le 18 octobre 2021, alors qu’une décision du juge de l’exécution de Grasse, qui devait être rendue le lendemain et qui a été prorogée au 26 octobre, lui a accordé des délais. Elle précise les conditions dans lesquelles est intervenue cette expulsion. Elle fait état du préjudice moral qu’elle a subi en lien avec cette procédure et cette expulsion et de la nécessité qui a été la sienne de trouver en urgence une solution d’hébergement de secours avec ses animaux. Elle déclare n’avoir pas eu de domicile fixe pendant plusieurs mois
Selon leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter, les consorts [R] demandent à la cour :
– de déclarer valable l’acte introductif d’instance du 9 juin 2020,
– de déclarer le congé donné à Madame [P] du 20 mai 2019 valable,
En conséquence :
– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– de débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, notamment de dommages- intérêts pour le préjudice causé par l’expulsion,
– de condamner Mme [P] à une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de la condamner aux entiers dépens d’instance.
In limine litis, ils s’opposent à la nullité de l’acte introductif d’instance. Ils contestent le fait que les mentions portées sur l’acte d’huissier seraient fausses. Ils déclarent que l’huissier de justice a expliqué les démarches auxquelles il a procédé pour tenter de signifier l’acte à la personne de Mme [P]. Ils expliquent les conditions dans lesquelles sont remis les actes d’huissier en cas d’absence du destinataire au sein de la résidence dans laquelle se trouve le logement occupé par Mme [P].
Sur le fond, ils contestent la nullité du congé qu’ils ont délivré.
Ils soutiennent que le bail portait sur un bien meublé.
Ils exposent que M. [L] [R], qui s’est également vu délivrer le congé pour vente, n’a jamais été à l’origine du congé si bien que l’article 215 ne saurait trouver à s’appliquer.
Subsidiairement, ils s’opposent à toute requalification du contrat en prêt à usage. Ils déclarent que l’exonération de paiement du loyer pendant un temps ne suffit pas à changer la nature du contrat.
De façon infiniment subsidiaire, ils s’opposent à une condamnation solidaire de M.[L] [R]. Ils relèvent qu’il n’existe aucune co-titularité du bail puisque la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à Mme [P] selon l’ordonnance de non-conciliation du 21 janvier 2020.
Ils s’opposent à la demande de dommages et intérêts formée par Mme [P] en indiquant que cette dernière a déjà obtenu une indemnisation par le juge de l’exécution à hauteur de 5000 euros du fait du maintien fautif de la procédure d’expulsion.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2024.
Sur la nullité de l’assignation du 09 juin 2020 et sur la nullité du jugement du 18 septembre 2020
a) Sur l’inscription de faux
Selon l’article 1369 du code civil, l’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter.
Toutes les mentions du procès-verbal de constat ne font pas foi jusqu’à inscription de faux. Seules présentent un caractère authentique, la date, l’identité de l’huissier de justice instrumentaire ainsi que sa signature et les énonciations relatives aux agissements que l’officier public indique avoir personnellement accomplis.
L’huissier de justice, dans son assignation du 09 juin 2020, mentionne que son acte a été remis au domicile du destinataire dont la certitude est caractérisée par les éléments suivants :
– le nom du destinataire sur la boîte aux lettres,
– confirmation du gardien.
Il est indiqué que la signification à la personne même du destinataire s’avère impossible en raison d’une absence momentanée.
Ces énonciations, qui relatent des circonstances que l’huissier justice a pour fonction de certifier font foi jusqu’à inscription de faux.
L’acte d’ inscription de faux doit être déposé au greffe de la cour d’appel selon les modalités prescrites par l’article 306 du code de procédure civile qui dispose que l’inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial. L’acte, établi en double exemplaire, doit, à peine d’irrecevabilité, articuler avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux. L’un des exemplaires est immédiatement versé au dossier de l’affaire et l’autre, daté et visé par le greffier, est restitué à la partie en vue de la dénonciation de l’inscription au défendeur. La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l’inscription.
Mme [P] n’a pas formalisé sa demande d’inscription de faux selon ces modalités. Elle n’a ainsi pas remis sa demande d’inscription de faux au greffe ; cette demande n’a pas été établie en double exemplaire dont l’un doit être versé au dossier et l’autre daté et visé par le greffier.
Dès lors, la cour n’est pas saisie de sa demande d’inscription de faux.
b) sur les diligences de l’huissier de justice
Selon l’article 655 al. 2 du code de procédure civile, l’ huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
L’huissier de justice, dans son assignation du 09 juin 2020, mentionne que son acte a été remis au domicile du destinataire dont la certitude est caractérisée par les éléments suivants :
– le nom du destinataire sur la boîte aux lettres,
– confirmation du gardien.
Il est indiqué que la signification à la personne même du destinataire s’avère impossible en raison d’une absence momentanée.
Ces énonciations font foi jusqu’à inscription de faux. L’huissier de justice relate dans son acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à personne et les circonstances qui l’en ont empêché. La réalité et le sérieux des diligences sont établies, étant précisé que l’adresse à laquelle l’assignation a été délivrée n’est pas contestée.
Il n’y a pas lieu d’écarter la pièce 23 produite au débat par les intimés.
En conséquence, il n’y a pas lieu de prononcer la nullité de l’assignation du 09 juin 2020. Partant, il n’y a pas lieu de prononcer la nullité du jugement déféré.
Mme [P] épouse [R] sera déboutée de ces prétentions.
Sur la validité du congé pour vendre
Le concours du nu-propriétaire est nécessaire pour la validité d’un congé pour vendre.
Il n’est pas contesté que le logement litigieux constituait le domicile conjugal de M. [L] [R] et de Mme [U] [P] épouse [R].
Selon l’article 215 alinéa 3 du code civil, les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation: l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous.
Ce texte institue un régime de protection du logement familial visant les droits de toute nature de l’un des conjoints sur le logement de la famille. Ce texte vise les actes qui anéantissent ou réduisent les droits réels ou les droits personnels de l’un des conjoints sur le logement de la famille.
La délivrance du congé pour vendre, auquel s’associe M. [R], nu-propriétaire et époux de Mme [P] a pour conséquence de réduire et d’anéantir les droits personnels de Mme [P] épouse [R], sa femme, sur le domicile conjugal.
Dès lors, il convient de prononcer la nullité de ce congé qui a été délivré en fraude des droits de Mme [P] épouse [R]. Il n’y a pas lieu d’étudier le second moyen tiré de la qualification du bail ni d’écarter les pièces 18 et 19.
Compte tenu de la nullité du congé pour vendre, Mme [P] épouse [R] n’était pas occupante sans droit ni titre et les consorts [R] ne peuvent prétendre à une indemnité d’occupation.
Le jugement déféré qui a validé le congé pour vendre sera infirmé sur le principe de la validation du congé et sur les conséquences liées à cette validation (indemnité d’occupation). La demande liée à l’expulsion est désormais sans objet.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [P]
Mme [P] motive sa demande de préjudice moral en expliquant les conditions dans lesquelles elle a été amenée à être expulsée. Comme l’indiquent justement les consorts [R], elle a déjà été indemnisée sur ce fondement. Elle ne motive pas d’autre source de préjudice qui justifierait sa demande de dommages et intérêts. Dès lors, elle sera déboutée de cette prétention.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
Les consorts [R] sont essentiellement succombants. Ils seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel. Ils seront déboutés de leurs demandes faites sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas équitable de laisser à la charge de Mme [P] épouse [R] les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits.
Les consorts [R] seront condamnés in solidum à lui verser la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré qui a mis les dépens à la charge de Mme [P] épouse [R] et l’a condamnée à payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles sera infirmé.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe
REJETTE la demande de nullité de l’assignation du 09 juin 2020,
REJETTE en conséquence la demande de nullité du jugement du 18 septembre 2020,
INFIRME le jugement déféré,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
REJETTE la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 18, 29 et 23 produites par M. [L] [R], M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R],
PRONONCE la nullité du congé pour vendre délivré le 20 mai 2019 à Mme [U] [P] épouse [R],
REJETTE les demandes de M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] au titre d’une indemnité d’occupation,
DIT sans objet la demande d’expulsion,
REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par Mme [U] [P] épouse [R],
REJETTE les demandes de M. [T] [R], Mme [H] [Z] épouse [R] et M.[L] [R] au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
CONDAMNE in solidum M. [L] [R], M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] à verser à Mme [U] [P] épouse [R] la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [L] [R], M. [T] [R] et Mme [H] [Z] épouse [R] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,