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M. [F] [E] et son épouse, Mme [Z] [M], ont donné la nue-propriété d’une parcelle à leur fils M. [S] [E] en 2011. M. [S] a construit une maison sur cette parcelle. Après le décès de Mme [M] en 2015, l’usufruit de la parcelle a été partagé entre M. [F] [E] et les trois enfants de Mme [M]. Des tensions familiales ont conduit à plusieurs saisines judiciaires. M. [F] [E] a accusé M. [S] de jouir du bien sans payer d’indemnité d’occupation et a demandé une compensation financière. La fratrie a contesté la recevabilité de la demande de M. [F] [E], arguant qu’un commandement de payer l’empêchait d’agir. Le tribunal a déclaré l’action de M. [F] [E] recevable mais a rejeté toutes ses demandes, laissant chaque partie responsable de ses propres dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT
Procédure accélérée au fond
DU 21 OCTOBRE 2024
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N° du dossier : N° RG 24/00323 – N° Portalis DB3F-W-B7I-JY7M
Minute : n° 24/481
PRÉSIDENT : Hervé LEMOINE
GREFFIER : Béatrice OGIER
DEMANDEUR
Monsieur [F] [E]
né le 27 Mai 1968 à [Localité 11] (TURQUIE)
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Thierry COSTE, avocat au barreau D’AVIGNON
DÉFENDEURS
Monsieur [S] [E]
né le 01 Décembre 1989 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Guillaume FORTUNET, avocat au barreau D’AVIGNON
Madame [U] [E]
née le 24 Avril 1993 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Guillaume FORTUNET, avocat au barreau D’AVIGNON
Monsieur [D] [E]
né le 30 Août 1996 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Guillaume FORTUNET, avocat au barreau D’AVIGNON
DÉBATS :
Après avoir entendu à l’audience du 23 Septembre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, le président les a informés que l’affaire était mise en délibéré et que le jugement serait rendu ce jour, par mise à disposition au greffe.
Le :21/10/2024
exécutoire & expédition
à :Me FORTUNET- Me COSTE
Par acte notarié du 29 septembre 2011, M. [F] [E] et son épouse, Mme [Z] [M], ont fait donation à leur fils aîné, M. [S] [E], de la nue-propriété d’une parcelle cadastrée section BC n° [Cadastre 1], lieudit “[Localité 10]”, [Adresse 2] à [Localité 7] (84), cette parcelle étant issue de la division d’une parcelle plus grande cadastrée initialement BC n°[Cadastre 4].
Il n’est pas contesté que M. [S] [E] a fait édifier par son père, sur cette parcelle, une maison d’habitation en 2011 et/ou 2012.
Mme [M] est décédée le 16 avril 2015, laissant pour ayants-droits ses trois enfants, [S], [U] et [D] [E], qu’elle a institués, par testament olographe du 20 juin 2014, légataires universels.
Depuis ce décès, l’usufruit de la parcelle cadastrée section BC n°[Cadastre 1] est détenue à 50 % par M. [F] [E] et à 50 % par les trois enfants issus de son union avec la défunte.
M. [F] [E] entretient depuis de nombreuses années des relations très conflictuelles avec ses trois enfants, qui ont occasionné la saisine de la juridiction des référés à plusieurs reprises.
Soutenant que son fils [S] jouit privativement du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 7] (84), et en particulier de la maison édifiée par ses soins sur cette parcelle, dont son fils ne lui a pas réglé le coût des travaux de construction malgré l’envoi de courriers recommandés les 2 août 2022 puis 25 septembre 2023, sans verser d’indemnité d’occupation à l’indivision, M. [F] [E], qui a fait évaluer la valeur locative de ce bien par une agence immobilière, a fait citer, par actes du 21 juin 2024, ses fils [S] et [D] [E] et sa fille [U] [E], ci-après dénommés la fratrie [E], devant la présente juridiction à laquelle il demande de :
– fixer l’indemnité d’occupation due par M. [S] [E] à l’indivision [E] à 750,00 euros par mois,
– fixer la part de M. [F] [E] dans cette indemnisation à 50 %, soit 375,00 euros par mois,
– condamner M. [S] [E] à verser à M. [F] [E] :
• 375,00 euros par mois à compter de l’assignation,
• 22 500,00 euros au titre de sa part de l’indemnité au cours des cinq dernières années,
• 1 200,00 euros au titre des frais irrépétibles.
A l’audience, M. [F] [E], qui est représenté, conclut à la recevabilité de ses demandes au regard des dispositions de l’article L.321-3 du code des procédures civiles d’exécution, excipé par la partie adverse, le commandement de payer valant saisie qui lui a été délivré le 27 août 2024 ne faisant nullement obstacle à son action en fixation d’une indemnité d’occupation à la charge de son fils [S]. Il maintient, au fond, ses demandes formées dans ses actes introductifs d’instance.
Dans ses conclusions en réponse, soutenues à l’audience, la fratrie [E], qui est représentée, demande au président de ce tribunal, à titre principal, de déclarer M. [F] [E] irrecevable en ses demandes, le commandement valant saisie immobilière qui lui a été délivré faisant obstacle à toute action contre un co-indivisaire en versement d’une indemnité d’occupation. Subsidiairement, elle conclut au rejet des demandes formées par M. [F] [E], ce dernier ne démontrant pas une occupation privative du bien litigieux par M. [S] [E] ni ne justifiant de la valeur locative dudit bien. Estimant cette procédure abusive, la fratrie [E] demande reconventionnellement la condamnation de leur père au paiement d’une indemnité de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de la présente procédure.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la fratrie [E] :
En application des articles L.321-2 et L.321-3 du code des procédures civiles d’exécution, le commandement de payer valant saisie délivré le 27 août 2024 à M. [F] [E], en sa qualité de caution hypothécaire du prêt souscrit par son fils [S] auprès du Crédit immobilier de France Méditerranée, emporte indisponibilité de l’immeuble concerné, qui ne peut être ni aliéné, ni grevé de droits réels, et saisie de ses fruits non seulement naturels et industriels, au sens de l’article 583 du code civil, mais également civils, lesquels consistent, selon l’article 584 de ce même code, dans les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles et les arrérages des rentes.
L’indemnité d’occupation due par un indivisaire au titre d’un usage privatif d’un bien indivis, en application de l’article 815-9 du code civil, ne constitue nullement un fruit du bien immobilier indivis au sens des articles 583 et 584 du code civil ci-avant évoqués mais un revenu de l’indivision, de sorte que le commandement valant saisie du 27 août 2024 ne fait nullement obstacle à l’action introduite par M. [F] [E], qui doit être déclarée recevable. La fratrie [E] sera en conséquence déboutée de sa fin de non-recevoir.
Sur le bien-fondé de la demande formée par M. [F] [E] :
L’article 815-9 du code civil énonce que “ chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision. A défaut d’accord entre les intéressés, l’exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité”. Selon l’article 815-11 de ce même code, “tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables. A défaut d’autre titre, l’étendue des droits de chacun dans l’indivision résulte de l’acte de notoriété ou de l’intitulé d’inventaire établi par le notaire. En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d’un compte à établir lors de la liquidation définitive. A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l’indivisaire dans le partage à intervenir”.
Sur le fondement de ces dispositions, M. [F] [E] demande au président de ce tribunal de fixer le montant mensuel de l’indemnité d’occupation à mettre à la charge de son fils [S], qui occupe le bien immobilier indivis situé à Vedène (84) de manière privative depuis au moins cinq années, à la somme de 750,00 euros et de lui allouer la somme de 22 500,00 euros au titre de sa part d’indemnité pour la période du 21 juin 2019 au 21 juin 2024.
La jouissance privative d’un immeuble indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait, pour les autres indivisaires, d’user de ce bien. Le fait que l’un des titulaires d’un droit de jouissance indivise occupe seul un immeuble ne caractérise pas, en soi, une occupation privative, dès lors qu’il n’est pas établi que, par son fait, il empêcherait un autre titulaire d’exercer son droit concurrent de jouir de l’immeuble (C. Cass. 3ème civ. 3 octobre 2018). La preuve de cette jouissance privative incombe à la partie qui entend s’en prévaloir.
En l’espèce, s’il est établi par les pièces produites, et en particulier par le constat du 24 juin 2024, mais également par le courrier du 6 septembre 2022 rédigé par M. [S] [E] que ce dernier réside dans le bien immobilier édifié sur la parcelle cadastrée section BC n° [Cadastre 1], commune de [Localité 7] (84), il n’est nullement démontré par M. [F] [E] que les autres usufruitiers indivis ne peuvent user de ce bien, le frère et la soeur de M. [S] [E] contestant d’ailleurs toute jouissance privative de ce dernier.
Dès lors, en raison de cette carence probatoire, les demandes formées par M. [F] [E] aux fins de fixation d’une indemnité d’occupation à la charge de M. [S] [E] (qui, en tout état de cause, ne pouvait être égale à la valeur locative du bien puisque la jurisprudence applique systématiquement une réfaction comprise entre 15 et 30 % par rapport à un loyer normal, compte tenu de la précarité de l’occupation) et aux fins de paiement de sa part d’indemnité sur le fondement de l’article 815-11 précité doivent être rejetées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Au regard des décisions prises, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la présente instance et de débouter celles-ci de leurs demandes d’indemnité au titre des frais irrépétibles exposés.
Le Président du tribunal judiciaire, statuant publiquement, selon la procédure accélérée au fond prévue à l’article 481-1 du code de procédure civile, par jugement contradictoire et en premier ressort, exécutoire de droit, mis à disposition au greffe,
DÉBOUTE MM. [S] et [D] [E] et Mme [U] [E] de leur fin de non-recevoir et DÉCLARE en conséquence l’action introduite par M. [F] [E] recevable,
DÉBOUTE M. [F] [E] de l’intégralité de ses demandes,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
REJETTE toutes autres demandes.
La présente décision a été signée par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT