Sommaire Acquisition de la parcellePar acte authentique du 11 avril 2017, la SARL Euskaldun, promoteur immobilier, a acquis une parcelle adjacente à la propriété de Madame [P] [U] épouse [M], ainsi qu’un huitième des droits indivis d’une parcelle d’accès. Constatation des dégradationsDans le cadre des travaux de construction, plusieurs personnes, dont Mme [P] [U] épouse [M] et d’autres consorts, ont signalé des dégradations sur la chaussée située à l'[Adresse 9], qu’ils affirment leur appartenir. Un procès-verbal de constat du 21 février 2023 a été établi pour attester de l’état dégradé de cette chaussée. Mise en demeure et assignationLe 31 mai 2023, les consorts ont mis en demeure la SARL Euskaldun de procéder à la réfection de la chaussée. Le 25 octobre 2023, ils ont assigné la SARL devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne, demandant une expertise judiciaire. Décision du juge des référésPar ordonnance du 27 février 2024, le juge des référés a débouté les demandeurs de leur demande d’expertise et les a condamnés à verser 1 000 euros à la SARL Euskaldun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en rejetant les demandes supplémentaires. Appel des consortsLe 15 mars 2024, les consorts ont relevé appel, critiquant l’ordonnance en toutes ses dispositions et demandant une expertise judiciaire pour évaluer les travaux réalisés par la SARL Euskaldun et les éventuels désordres. Arguments des partiesLes appelants soutiennent qu’ils ont qualité et intérêt à agir, affirmant que le jugement du 31 mars 2022 ne leur est pas opposable et que des désordres persistent. La SARL Euskaldun, quant à elle, conteste leur qualité à agir et soutient que les travaux ont été réalisés conformément au protocole d’accord. Décision de la cour d’appelLa cour a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Euskaldun concernant la qualité et l’intérêt à agir des consorts. Elle a infirmé l’ordonnance du juge des référés et ordonné une expertise judiciaire pour évaluer les dégradations et les responsabilités. Conséquences financièresLa SARL Euskaldun a été condamnée à payer 2 000 euros aux consorts pour les frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, tandis que les appelants doivent consigner une provision pour l’expertise. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la qualité à agir des consorts [U]/[M]/[Y]/[C] dans cette affaire ?Les consorts [U]/[M]/[Y]/[C] ont qualité à agir en tant que propriétaires de la chaussée litigieuse, ce qui leur confère un intérêt légitime à demander une expertise judiciaire. Selon l’article 31 du Code de procédure civile, « toute personne a qualité pour agir en justice si elle justifie d’un intérêt légitime ». Dans cette affaire, les consorts ont produit un procès-verbal de constat du 21 février 2023, attestant de la dégradation de la chaussée, ce qui renforce leur position. Le juge des référés a d’ailleurs reconnu leur qualité à agir, et la SARL Euskaldun ne peut contester cette qualité en appel, car elle n’a pas formé appel incident sur ce point. Ainsi, même les consorts qui ne sont pas signataires du protocole transactionnel ont un droit autonome de demander réparation des dégradations, ce qui leur confère un motif légitime pour solliciter une expertise. Quelles sont les conditions pour ordonner une expertise judiciaire selon le Code de procédure civile ?L’article 145 du Code de procédure civile stipule que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Dans le cas présent, les consorts [U]/[M]/[Y]/[C] ont produit un constat de dégradations sur l'[Adresse 9], ce qui constitue un motif légitime pour ordonner une expertise. Le juge des référés a initialement rejeté leur demande d’expertise, mais la cour d’appel a infirmé cette décision, considérant que les consorts avaient un intérêt légitime à voir ordonner une expertise pour établir l’état de la chaussée et les responsabilités éventuelles. Il est donc essentiel que les demandeurs démontrent l’existence de dégradations et un lien de causalité avec les travaux réalisés par la SARL Euskaldun pour justifier la mesure d’expertise. Quels sont les effets d’un protocole transactionnel sur les droits des parties ?Le protocole transactionnel, en tant qu’accord entre les parties, a pour effet de régler les différends qui les opposent. Selon l’article 2044 du Code civil, « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ». Dans cette affaire, le protocole prévoyait que la SARL Euskaldun réalise des travaux de réfection de la chaussée de l'[Adresse 9]. Cependant, les consorts [U]/[M]/[Y]/[C] soutiennent que certains d’entre eux n’étaient pas signataires du protocole, ce qui soulève la question de leur capacité à revendiquer des droits en vertu de cet accord. Néanmoins, la cour a reconnu que même les non-signataires peuvent avoir un intérêt à agir, car ils sont propriétaires de la voie privative dégradée. Ainsi, le protocole n’entrave pas leur droit de demander réparation des dégradations, car ils disposent d’un droit autonome en tant que propriétaires. Comment la SARL Euskaldun peut-elle contester la demande d’expertise ?La SARL Euskaldun peut contester la demande d’expertise en invoquant le défaut de qualité et d’intérêt à agir des consorts [U]/[M]/[Y]/[C], notamment en arguant que certains d’entre eux ne sont pas signataires du protocole transactionnel. Elle peut également faire valoir que les travaux de réfection ont été réalisés conformément au protocole, comme l’a constaté le juge de l’exécution dans son jugement du 31 mars 2022. Cependant, la cour a rejeté cette contestation, considérant que les consorts, même non signataires, ont un droit autonome de demander réparation des dégradations. De plus, la SARL Euskaldun doit prouver que les travaux ont été réalisés et que les dégradations ne sont pas de sa responsabilité. En l’absence de preuve suffisante, la demande d’expertise des consorts est justifiée et doit être ordonnée. Quelles sont les conséquences financières pour la SARL Euskaldun suite à la décision de la cour ?Suite à la décision de la cour, la SARL Euskaldun est condamnée à payer aux consorts [U]/[M]/[Y]/[C] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel. De plus, elle est également condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ce qui signifie qu’elle devra couvrir les frais de justice engagés par les consorts. Cette décision souligne la responsabilité de la SARL Euskaldun dans la gestion des travaux de réfection et les conséquences financières qui en découlent en cas de litige. Ainsi, la cour a non seulement infirmé l’ordonnance précédente, mais a également imposé des sanctions financières à la SARL Euskaldun pour ses manquements dans l’exécution des travaux convenus. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Numéro 24/03749
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 10/12/2024
Dossier : N° RG 24/00843 – N° Portalis DBVV-V-B7I-IZN4
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par d’autres faits personnels
Affaire :
[P] [U] [M]
[V] [M]
[S] [A] [U] [M]
[K] [T] [U]
[H] [U] [Y]
[Z] [Y]
[F] [U] [C]
[G] [C]
C/
S.A.R.L. EUSKALDUN
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 10 Décembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 05 Novembre 2024, devant :
Madame FAURE, Présidente et Madame de FRAMOND, Conseillère
assistées de Monsieur CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, présent à l’appel des causes,
Madame FAURE, en application de l’article 805 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame de FRAMOND et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTS :
Madame [P] [U] épouse [M]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 10]
Monsieur [V] [M]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 10]
Monsieur [S] [A] [U]
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 4]
Madame [K] [T] épouse [U]
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 4]
Madame [H] [U] épouse [Y]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 6]
Monsieur [Z] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 6]
Madame [F] [U] épouse [C]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 10]
Monsieur [G] [C]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentés et assistés de Maître BERTIZBEREA de la SCP UHALDEBORDE-SALANNE GORGUET VERMOTE BERTIZBEREA, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S.A.R.L. EUSKALDUN prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée et assistée de Maître MICHELOT de la SELARL ALQUIE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 27 FÉVRIER 2024
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 23/00497
Par acte authentique du 11 avril 2017, la SARL Euskaldun, promoteur immobilier, a acquis de Madame [P] [U] épouse [M] une parcelle jouxtant sa propriété, située [Adresse 5] à [Localité 10] (64), ainsi que le huitième des droits indivis d’une parcelle d’accès.
Dans le cadre des travaux de construction entrepris par la SARL Euskaldun, Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] ont invoqué la dégradation de l'[Adresse 9], qu’ils disent leur appartenir.
Suivant procès-verbal de constat de commissaire de justice du 21 février 2023, les consorts [U]/[M]/[Y]/[C] ont fait constater le mauvais état de la chaussée [Adresse 9].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2023, les consorts [U]/[M]/[Y]/[C] ont mis en demeure la SARL Euskaldun d’avoir à procéder à la réfection de la chaussée.
Par acte du 25 octobre 2023, Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] ont fait assigner la SARL Euskaldun devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne aux fins d’expertise judiciaire.
Par ordonnance contradictoire du 27 février 2024 (RG n°23/00497), le juge des référés a :
– débouté Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] de leur demande d’expertise,
– condamné Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] à payer à la SARL Euskaldun la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamné Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] aux dépens.
Pour motiver sa décision, le juge a retenu :
– que les demandeurs ont qualité à agir dès lors qu’ils ont reçu une partie de l'[Adresse 9] suivant donation partage du 22 mai 1981, et qu’il en résulte une présomption de propriété,
– que les désordres constatés par procès-verbal de constat du 21 février 2023 ne peuvent justifier une expertise au contradictoire de la SARL Euskaldun sur le fondement des articles 145 et 146 du code de procédure civile, dès lors que suivant protocole d’accord datant d’avant le 20 juin 2019, dont l’exécution a été constatée par décision du juge de l’exécution du 31 mars 2022, la SARL Euskaldun a réalisé des travaux de réfection de la chaussée de l'[Adresse 9], et qu’il n’est pas justifié que la SARL Euskaldun ait réalisé des travaux postérieurement à cette décision.
Par déclaration du 15 mars 2024 (RG n°24/24/00843), Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] ont relevé appel, critiquant l’ordonnance en toutes ses dispositions.
Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l’affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2024, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] , appelants, entendent voir la cour :
– infirmer et réformer l’ordonnance en son intégralité,
Statuant à nouveau,
– ordonner une mesure d’expertise judiciaire confiée à tel expert qu’il plaira au tribunal avec mission classique en la matière et notamment :
– se rendre sur les lieux,
– dire si la SARL Euskaldun a réalisé des travaux de reprise sur l'[Adresse 9],
– dire s’il existe des non-façons, malfaçons, désordres, vices cachés ou autres non conformités s’agissant des travaux tels que réalisés par la SARL Euskaldun,
– chiffrer les éventuels coûts de remise en état,
– dire s’il existe un préjudice de jouissance,
– déposer un pré-rapport dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance à intervenir,
– répondre à l’ensemble des dires,
– condamner la SARL Euskaldun au paiement en leur faveur de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– réserver les dépens.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir, au visa de l’article 145 du code de procédure civile :
– que le jugement du 31 mars 2022 ne leur est pas opposable dès lors qu’ils n’étaient pas parties à cette procédure, et qu’en tout état de cause il n’indique pas que les travaux réparatoires ont été réalisés,
– que la SARL Euskaldun ne rapporte pas la preuve de la réalisation des travaux tels que prévus dans le protocole d’accord,
– qu’ils n’étaient pas tous signataires du protocole d’accord,
– qu’ils démontrent par la production d’un constat postérieur à la prétendue réalisation des travaux de reprise par la SARL Euskaldun qu’il existe des désordres manifestes, précisément énumérés, de sorte que la SARL Euskaldun est susceptible de voir engager sa responsabilité, soit pour ne pas avoir réalisé les travaux de reprise, soit pour les avoir mal réalisés, soit sur le fondement contractuel pour les signataires du protocole d’accord, soit sur le fondement délictuel pour les non signataires,
– qu’il n’est pas nécessaire à ce stade de démontrer l’existence d’une faute,
– qu’ils ont qualité et intérêt à agir dès lors qu’ils démontrent être propriétaires de la chaussée litigieuse.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2024, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Euskaldun, intimée, demande à la cour de :
– juger que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de leur propriété et n’ont en conséquence pas qualité pour agir,
– les débouter de leur demande d’expertise pour irrecevabilité pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,
– juger que certains demandeurs ne sont pas parties au protocole qui fonderait leurs droits,
– débouter M. [V] [M], Mme [H] [U] née [Y], et M. [Z] [Y] de leur demande d’expertise pour irrecevabilité pour défaut de qualité à agir et d’intérêt à agir,
– constater que le JEX de Bayonne par jugement du 31 mars 2022 a constaté que les travaux protocolés ont été exécutés,
– débouter en conséquence les demandeurs de leur demande d’expertise qui est inutile à son contradictoire,
– confirmer l’ordonnance dont appel,
Y ajoutant,
– condamner M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] née [U], Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], Mme [F] [U] épouse [C] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si l’ordonnance était réformée et qu’une expertise est ordonnée,
– désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec mention : C-04.10 – voiries, chaussées lourdes et légères,
– compléter la mission de l’expert des chefs suivants :
– définir quels sont les utilisateurs de l'[Adresse 9],
– définir quels sont les titres dont disposent les utilisateurs de cette allée,
– préciser quelles sont les obligations d’entretien qui pèsent sur les propriétaires, bénéficiaires de servitudes et autres utilisateurs,
– préciser à qui incombe les obligations d’entretien de l’allée,
En tout état de cause,
– condamner les appelants aux dépens de l’instance.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, au visa des articles 145, 31 et 122 du code de procédure civile :
– que les appelants ne démontrent pas leur intérêt à agir dès lors qu’ils n’établissent pas qu’au jour de l’assignation, ils sont titulaires d’un droit de propriété sur la parcelle qu’ils demandent à voir expertiser,
– que les appelants non signataires du protocole (M. [V] [M], Mme [H] [U] née [Y] et M. [Z] [Y]) n’ont pas qualité et intérêt à agir pour demander une expertise dès lors qu’ils ne bénéficient d’aucun droit sur les engagements pris dans ce protocole,
– que la mesure d’expertise sollicitée est inutile, dès lors qu’elle a réalisé les travaux de réfection de la chaussée mis à sa charge dans le protocole d’accord, comme en atteste le juge de l’exécution dans le jugement du 31 mars 2022.
L’affaire a été retenue à l’audience du 5 novembre 2024 pour y être plaidée.
Sur la qualité et l’intérêt à agir des consorts [U]/[M]/[Y]/[C] :
En l’espèce, la SARL Euskaldun n’a pas formé appel incident de l’ordonnance entreprise ayant déclaré recevables en leurs demandes tous les consorts [U]/[M]/[Y]/[C] au visa de l’article 31 du code de procédure civile, et elle demande uniquement sa confirmation sur le débouté de ses adversaires.
Elle ne peut donc contester une nouvelle fois en cause d’appel leur qualité et intérêt à agir au motif qu’ils ne prouvent pas leur qualité de propriétaire de l’allée litigieuse sur laquelle ils demandent une expertise, la cour n’étant pas saisie d’une demande d’infirmation sur ce point.
En revanche, la SARL Euskaldun soulève une nouvelle fin de non-recevoir devant cette cour, tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de certains de ses adversaires, à savoir les personnes non signataires du protocole transactionnel sur la base duquel ils demandent une expertise pour remise en état de l’allée litigieuse, que sont M. [V] [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y] .
Or, ces personnes ont, comme les autres appelants, intérêt et qualité à agir puisqu’elles sont propriétaires et usagers de l’allée litigieuse dont elles déplorent la dégradation imputée par eux à la SARL Euskaldun, peu important que certaines parties à la procédure s’appuient sur l’existence d’un protocole ayant, en son temps, prescrit certaines remises en état.
La fin de non-recevoir soulevée par la SARL Euskaldun sera donc rejetée.
Sur l’intérêt légitime à l’expertise :
Selon l’article 145 du code de procédure civile :
« s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
En l’espèce, il est rappelé que le litige porte sur l'[Adresse 9] à [Localité 10], appartenant à titre privatif à l’ensemble des appelants, et dont la jouissance bénéficie également aux différents acquéreurs des biens immobiliers vendus par la SARL Euskaldun, promoteur immobilier, et sur laquelle est intervenue un protocole transactionnel non daté entre la SARL Euskaldun et notamment M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [P] [U] épouse [M], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C].
Ce protocole prévoyait notamment la remise en état par la SARL Euskaldun de la chaussée de l'[Adresse 9] (réfection de l’enrobé, reprise de la grille d’évacuation des eaux de pluie située dans le virage, reprise des ornières situées devant la propriété des consorts [E] et [C], remplacement des bordures des trottoirs cassées, remplacement des rondins de bois tenant la terre de la parcelle appartenant à M. [J] [C]), dans un délai de 18 mois qui se trouvait expiré au jour où le juge de l’exécution a statué sur l’exécution forcée de ce protocole par jugement du 9 novembre 2020.
Le juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Bayonne a, par décision du 31 mars 2022, liquidé l’astreinte provisoire précédemment mise à la charge de la SARL Euskaldun, et jugé que les travaux visés par le protocole avaient été exécutés par la SARL Euskaldun au vu des PV de constat d’huissier des 22 juillet et 17 août 2021 de sorte que la demande de fixation d’astreinte définitive a été rejetée.
Se plaignant de la persistance ou du renouvellement de dégradations sur cette allée depuis cette dernière procédure, les consorts [U]/[M]/[Y]/[C] ont demandé une expertise judiciaire au juge des référés du Tribunal Judiciaire de Bayonne, demande rejetée aux termes de la décision entreprise.
Devant cette cour comme en première instance, ils produisent un PV de constat de commissaire de justice du 21 février 2023, soit postérieur à la dernière décision du juge de l’exécution susvisée, montrant effectivement des signes de dégradations sur l'[Adresse 9].
Il importe peu, contrairement à ce qu’a relevé le juge des référés, que certaines parties à l’instance n’aient pas été parties au protocole d’accord, dès lors qu’elles disposent d’un droit autonome, en tant que propriétaires de la voie privative dégradée, de demander la réparation des dégradations à toute personne responsable des dommages allégués, ce qui leur donne un motif légitime à voir ordonner une expertise des désordres au vu du constat produit par les appelants, en date du 21 février 2023.
L’ordonnance entreprise, qui vise improprement à la fois les articles 145 et 146 du code de procédure civile, sera donc infirmée et il sera fait droit à la demande d’expertise des consorts [U]/[M]/[Y]/[C], selon la mission fixée au dispositif de la présente décision.
En particulier, il n’y a pas lieu de confier pour mission à l’expert, dont l’intervention reste du domaine technique, de déterminer quels sont les droits réels des utilisateurs de l’allée ni les obligations d’entretien leur incombant, contrairement à ce que demande la SARL Euskaldun.
Par ailleurs, en application de l’article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de la mesure d’instruction sera confié au tribunal judiciaire de Bayonne.
Sur le surplus des demandes :
Dans la mesure où la SARL Euskaldun succombe à l’instance, il sera dérogé à la règle habituelle selon laquelle les dépens sont mis à la charge des demandeurs à l’expertise ; ainsi la SARL Euskaldun sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation de l’ordonnance déférée ainsi qu’aux dépens d’appel, et à payer aux consorts [U]/[M]/[Y]/[C] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, l’ordonnance étant infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Euskaldun, tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de M. [V] [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], non signataire du protocole transactionnel,
INFIRME l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
ORDONNE une expertise judiciaire, tous droits et moyens des parties réservés,
DÉSIGNE pour y procéder :
Monsieur [B] [O]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Port. : [XXXXXXXX01]
Mail : [Courriel 11] ou [Courriel 12]
avec pour mission de :
– se rendre sur les lieux, [Adresse 9],
– déterminer quels sont les utilisateurs de cette allée,
– dire s’il existe des dégradations affectant cette allée, et le cas échéant en décrire l’ampleur, et les conséquences,
– dire si des travaux de reprise ont été réalisés sur l'[Adresse 9], et dans la mesure du possible les dater,
– dire s’il existe des non-façons, malfaçons, désordres, vices cachés ou autres non conformités s’agissant des travaux tels que déclarés comme réalisés par la SARL Euskaldun,
– chiffrer les éventuels coûts de remise en état,
– dire s’il existe un préjudice de jouissance, et préciser pour qui,
– donner tous éléments sur les responsabilités en cause,
– indiquer, le cas échéant, la nature des mesures conservatoires à prendre et leur coût selon les devis produits par les parties,
– autoriser les parties concernées, en cas d’urgence constatée par lui, à faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux qu’il estimera indispensables, sous son constat de bonne fin, et déposer dans ce cas un pré-rapport précisant la nature et l’importance des travaux ainsi réalisés,
– décrire les travaux propres à remédier aux désordres de manière pérenne et les travaux de remise en état,
– en évaluer le coût hors-taxes et TTC, et la durée, à partir des devis que les parties seront invitées à produire, et préciser leur incidence sur la jouissance de l’allée,
– donner au juge tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer la nature et l’importance des préjudices subis et proposer une base d’évaluation,
– constater l’éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d’en aviser le juge chargé du contrôle des expertises,
– établir une note de synthèse et la communiquer aux parties et les inviter à formuler leurs dires et observations récapitulatifs dans un délai de deux mois pour ce faire, et répondre aux dires et observations formulés dans ce délai,
RAPPELLE que, en application de l’article 276 du code de procédure civile, les observations et dires précédents dont les termes ne seraient pas sommairement repris dans les dires récapitulatifs, seront réputés abandonnés par les parties,
DIT que le contrôle de la mesure d’expertise sera effectué par le tribunal judiciaire de Bayonne en vertu de l’article 964-2 du code de procédure civile,
FIXE à la somme totale de 2 000 euros la provision que Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] devront consigner entre les mains du régisseur du greffe du tribunal judiciaire de Bayonne dans le délai de deux mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque, à moins que cette partie ne soit dispensée du versement d’une consignation par application de la loi sur l’aide juridictionnelle, auquel cas les frais seront avancés par le Trésor,
DIT que l’expert doit établir un devis prévisionnel, l’ajuster en tant que de besoin en fonction de l’évolution de l’expertise, et veiller à ce que la somme consignée corresponde toujours aux coûts prévisibles de l’expertise, au besoin en demandant des consignations complémentaires,
DIT que l’expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire de Bayonne, dans le délai de six mois suivant la date de la consignation,
CONDAMNE la SARL Euskaldun à payer à Mme [P] [U] épouse [M], M. [V] [M], M. [S]-[A] [U], Mme [K] [T] épouse [U], Mme [H] [U] épouse [Y], M. [Z] [Y], Mme [F] [U] épouse [C] et M. [G] [C] la somme totale de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,
REJETTE la demande de la SARL Euskaldun présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Euskaldun aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE