Conflit de voisinage et mesures conservatoires : enjeux d’une servitude temporaire et d’un empiètement contesté

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Conflit de voisinage et mesures conservatoires : enjeux d’une servitude temporaire et d’un empiètement contesté

La société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS a demandé une servitude temporaire de tour d’échelle pour réaliser des travaux d’étanchéité sur un bâtiment, nécessitant l’accès au terrain de Madame [U] [N]. Lors de l’audience, Madame [N] a accepté cette servitude sous certaines conditions, notamment un délai de prévenance de 10 jours et la réalisation d’un constat contradictoire avant le début des travaux. Elle a également formulé des demandes de provisions pour des préjudices subis en raison de l’empiètement de la construction voisine. Le tribunal a accordé la servitude temporaire pour 8 jours, imposé un délai de prévenance de 96 heures, et a ordonné à la société de remettre le terrain de Madame [N] dans son état initial après les travaux. La société a été condamnée à verser des provisions à Madame [N] pour ses préjudices et à payer des frais de justice.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Caen
RG
24/00018
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CAEN

N° RG : N° RG 24/00018 – N° Portalis DBW5-W-B7H-IU6S
Minute N°

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
du 26 Septembre 2024

Nous, Marie-Ange LE GALLO, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de CAEN

Assistée de Véronique ACCARD, Greffier

Tenant audience publique de RÉFÉRÉ

ENTRE
DEMANDEUR(S)

S.A.S. FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS
dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 2]

représentée par Me Alain OLIVIER, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 10

ET
DÉFENDEUR(S)

Madame [U] [N]
née le 14 Janvier 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3] – [Localité 6]

représentée par Me Sébastien SEROT, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 21 substitué par Me Rémi PICHON, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 021

LE

COPIE EXÉCUTOIRE et EXPÉDITION à

Me Alain OLIVIER – 10, Me Sébastien SEROT – 21

EXPÉDITIONS à

DEBATS

Après que les parties ou leurs conseils ont été entendus en leurs explications et plaidoiries à l’audience publique du 1er août 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 26 septembre 2024 par mise à disposition au greffe en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

Vu l’assignation délivrée à la requête de la société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS le 10 janvier 2024 à Madame [U] [N];

A l’audience du 1er août 2024, la société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS, représentée par son conseil, sollicite de voir :
Accorder une servitude temporaire de tour d’échelle d’une durée minimum de 8 jours ouvrables sur le fonds sis au [Adresse 3] à [Localité 6] appartenant à Madame [U] [N] aux fins de permettre la réalisation de travaux d’étanchéité du mur pignon du bâtiment construit sur le propre fonds de la requérante sis au [Adresse 4] à [Localité 6]Ordonner que l’exercice de cette servitude temporaire de tour d’échelle sera soumis à un délai de prévenance de 48hAccorder la possibilité de remettre dans son état initial et à ses frais le terrain de Madame [N] après la réalisation des travaux d’étanchéité du mur pignon de son bâtiment construit au [Adresse 4], [Localité 6]Accorder un délai complémentaire de 10 jours ouvrés pour réaliser les travaux de remise en état du terrain de Madame [N]Rejeter les moyens, fins et prétentions soulevés par Madame [N]Débouter Madame [N] de ses demandes reconventionnellesCondamner Madame [N] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépensEn réponse, Madame [N], par l’intermédiaire de son conseil, sollicite de voir :
Donner acte de ce qu’elle ne s’oppose pas à l’octroi, au bénéfice de la société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS, d’une servitude de tour d’échelle temporaire de 8 jours aux fins de réaliser les travaux d’étanchéité du mur pignon du bâtiment construit en limite de propriété situé [Adresse 4] à [Localité 6], et de remettre en état initial et à ses frais le terrain de Madame [N] après réalisation desdits travauxJuger que la servitude d’échelle s’exercera aux conditions suivantes :Il appartiendra à la société JURZAK de respecter, avant l’exercice de la servitude, un délai de prévenance de 10 jours et d’au minimum 96 heures, qui marquera le début de la servitude temporaire dont elle informera Madame [N] par LRAR ou par lettre officielleIl appartiendra à la société JURZAK de faire dresser à ses frais exclusifs, un procès-verbal de constat contradictoire, Madame [N] présente ou appelée, avant le début des travaux
Les travaux de remise en état du terrain de Madame [N] devront consister en la remise de la terre végétale enlevée au début du chantier au printemps 2022, le reprofilage et ré-engazonnement du terrain dégradé par les travaux, ainsi qu’en le nettoyage de toute projection ou débris, que ce soit sur le sol, ou sur les murs, fenêtres et/ou toitures de Madame [N]Juger que dans l’hypothèse où les travaux d’étanchéité et/ou de remise en état du terrain de Madame [N] ne seraient pas réalisés dans le délai de 13 jours francs à compter du premier jour des travaux, la société JURZAK sera tenue de payer à madame [N] une indemnité de 100 euros par jour de retardCondamner la société JURZAK à lui payer les sommes de :3.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation du trouble consécutif à l’exercice de la servitude accordée, 10.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice consécutif à l’empiètement en sous-sol de la construction voisine et 10.000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices consécutifs à l’empiètement qui dure depuis près de 2 ans maintenant, et les troubles de jouissance qui en sont découlésCondamner la société JURZAK CONSTRUCTIONS à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du CPCMOTIFS

Sur la servitude de tour d’échelle temporaire et les demandes de provisions

L’article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse, ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article 835 du même code prévoit que le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La Société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS a construit sur la parcelle voisine de celle de Madame [N] une maison d’habitation. Cette construction, et notamment ses fondations, ont entraîné le creusement sur 60cm de large du terrain de Madame [N], puis la pose d’une semelle béton de fondation dont Madame [N] estime qu’elle empiète sur son terrain. Les terres et les gravats ont été stockés sur sa propriété. Un grillage de protection a été installé sur celle-ci.
Pour l’étanchéité de la partie enterrée du mur pignon face au jardin de Madame [N], la société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS fait valoir la nécessité d’avoir un accès suffisant au mur vertical enterré ce qui nécessite une servitude de tour d’échelle temporaire sur le fonds de Madame [N].
En l’espèce, les parties s’accordent sur le principe de l’octroi à la société FABRICE JURZAK CONSTRUCTION d’une servitude de tour d’échelle temporaire qui sera accordée selon les modalités contenues au dispositif.
Il ne paraît pas en l’état nécessaire de faire droit à la demande d’astreinte formulée par Madame [N].

Il s’élève une contestation sérieuse concernant la provision sollicitée au titre de l’octroi de la servitude de tour d’échelle puisque le préjudice que pourrait subir de ce fait Madame [N] n’est qu’éventuel.
Il s’élève également une contestation sérieuse concernant la provision sollicitée au titre de l’empiètement en sous-sol du terrain de Madame [N] puisque les parties ne s’entendent pas sur sa portée, s’agissant d’un empiètement minime.
Madame [N] sera déboutée de ses demandes sur ce point.
Il sera fait droit à la demande de provision sollicitée au titre de l’empiètement sur le terrain de Madame [N] depuis l’année 2022 du fait notamment de terres, gravats, et barrières, à hauteur de la somme de 3.000 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS, sera condamnée aux dépens de la présente instance.
La société FABRICE JURZAK CONSTRUCTIONS sera condamnée à payer à Madame [N] la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS
Nous, statuant en matière de référés, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,  

Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles aviseront, mais, dès à présent,

ACCORDONS à la société FABRICE JURZAC CONSTRUCTIONS une servitude temporaire de tour d’échelle d’une durée de 8 jours ouvrables sur le fonds sis au [Adresse 3] à [Localité 6] appartenant à Madame [U] [N] aux fins de permettre la réalisation de travaux d’étanchéité du mur pignon du bâtiment construit sur le fonds sis au [Adresse 4] à [Localité 6] ;
ORDONNONS que l’exercice de cette servitude temporaire de tour d’échelle soit soumis à un délai de prévenance de 96h, par LRAR ou lettre officielle ;
ORDONNONS que la société FABRICE JURZAC CONSTRUCTIONS fasse dresser à ses frais un procès-verbal contradictoire de constat, Madame [U] [N] présente ou appelée, avant le début des travaux ;
ORDONNONS à la société FABRICE JURZAC CONSTRUCTIONS de remettre dans son état initial et à ses frais dans les dix jours des travaux, le terrain de Madame [N] après la réalisation des travaux d’étanchéité du mur pignon de son bâtiment construit au [Adresse 4], [Localité 6], soit : remise de la terre végétale enlevée au début du chantier au printemps 2022, reprofilage et ré-engazonnement du terrain dégradé par les travaux, ainsi que nettoyage de toute projection ou débris, que ce soit sur le sol, ou sur les murs, fenêtres et/ou toitures de Madame [N] ;
DISONS qu’il n’y a pas lieu à ce stade de garantir l’exécution de cette obligation par l’application d’une astreinte ;

CONDAMNONS la société FABRICE JURZAC CONSTRUCTIONS à payer à Madame [U] [N] une somme de 3.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices subis du fait de l’empiètement sur son terrain ;

DEBOUTONS les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

CONDAMNONS la société FABRICE JURZAC CONSTRUCTIONS à payer à Madame [U] [N] la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la société FABRICE JURZAC CONSTRUCTIONS, aux dépens de la présente instance ;

RAPPELONS que la présente ordonnance est exécutoire par provision ;

En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le président et le greffier.

Le greffier, La présidente,

Véronique ACCARD Marie-Ange LE GALLO


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