Sommaire Contexte de l’affaireMM. [B] ont assigné les époux [W] le 13 décembre 2021, invoquant des articles du Code civil concernant des servitudes de passage. Mme [B] était propriétaire d’une propriété à [Localité 18], ayant échangé des parcelles avec les époux [P] en 2011. Des servitudes de passage avaient été établies sur certaines parcelles, mais des modifications ont eu lieu au fil des ans, notamment la suppression de certaines servitudes en 2012. Évolution des droits de passageLes époux [W], ayant acquis la propriété des époux [P] en 2016, ont bloqué l’accès à une parcelle, malgré les demandes des époux [P] et des consorts [B]. Après le décès de Mme [B], son fils a demandé aux époux [W] de permettre le passage pour des travaux, mais ceux-ci ont refusé, arguant que la servitude n’était plus applicable. Cela a entraîné des surcoûts pour les travaux nécessaires. Demandes des partiesMM. [B] ont demandé au tribunal de reconnaître leur droit de passage sur la parcelle AD [Cadastre 12] et de condamner les époux [W] à supprimer l’obstacle au passage, sous astreinte. Ils ont également réclamé des dommages et intérêts pour le trouble de jouissance et le remboursement des surcoûts liés aux travaux. En réponse, les époux [W] ont rejeté ces demandes et ont demandé des indemnités pour procédure abusive. Arguments des époux [W]Les époux [W] ont soutenu que la servitude de passage avait été annulée par l’acte notarié de 2012, car les parcelles concernées appartenaient au même propriétaire. Ils ont également affirmé que la servitude était éteinte en raison de la réunion des fonds et du non-usage. Ils ont précisé que leur propriété n’était pas enclavée et que d’autres accès étaient disponibles. Décision du tribunalLe tribunal a constaté que la servitude de passage sur la parcelle AD [Cadastre 12] n’avait pas été annulée ni éteinte. Les époux [W] ont été condamnés à libérer le passage dans un délai de huit jours, sous peine d’astreinte. Ils ont également été condamnés à verser des sommes pour le surcoût des travaux et le préjudice de jouissance, ainsi qu’à régler les dépens. ConclusionLe tribunal a statué en faveur de MM. [B], confirmant la validité de la servitude de passage et ordonnant aux époux [W] de respecter ce droit, tout en condamnant les époux [W] à indemniser les demandeurs pour les préjudices subis. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la nature et la portée de la servitude de passage mentionnée dans le texte ?La servitude de passage est un droit réel qui permet à une personne, propriétaire d’un fonds dominant, de passer sur un fonds servant appartenant à une autre personne. Selon l’article 637 du Code civil, « la servitude est un droit réel qui confère à son titulaire le droit d’usage d’un bien d’autrui ». Dans le cas présent, la servitude de passage a été créée par acte notarié le 7 avril 2006, permettant à la SARL GET Immo d’accéder à son fonds via les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 1]. Cette servitude a été rappelée lors de l’échange de parcelles entre Mme [B] et les époux [P] le 7 mars 2011, et a été confirmée comme étant toujours en vigueur jusqu’à la décision du tribunal. Il est important de noter que la servitude de passage est perpétuelle et suit le fonds, ce qui signifie qu’elle demeure même si le propriétaire du fonds dominant change. Quelles sont les conditions d’extinction d’une servitude selon le Code civil ?L’extinction d’une servitude peut se produire dans plusieurs cas, notamment par confusion, non-usage ou par l’impossibilité d’exercer le droit. L’article 706 du Code civil stipule que « la servitude s’éteint par le non-usage pendant trente ans ». Dans le cas présent, les époux [W] ont soutenu que la servitude était éteinte en raison de son non-usage. Cependant, le tribunal a constaté que le chemin permettant d’accéder à la propriété [B] existait toujours et que la servitude n’avait pas été utilisée en raison de circonstances particulières, notamment la maladie de Mme [B]. De plus, l’article 637 du Code civil précise que la réunion des fonds dominant et servant dans la même propriété entraîne l’extinction de la servitude par confusion. Cependant, dans cette affaire, la servitude sur la parcelle AD [Cadastre 12] n’a pas été supprimée, ce qui a conduit à la décision du tribunal de la maintenir. Quels sont les recours possibles en cas d’obstacle à l’exercice d’une servitude ?Lorsqu’un propriétaire d’un fonds servant fait obstacle à l’exercice d’une servitude, le propriétaire du fonds dominant peut demander au tribunal de faire cesser cet obstacle. L’article 1240 du Code civil prévoit que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans cette affaire, les époux [B] ont demandé au tribunal de condamner les époux [W] à supprimer l’obstacle au passage et à verser des dommages-intérêts pour le trouble de jouissance. Le tribunal a jugé que les époux [W] avaient effectivement fait obstacle à l’exercice de la servitude, ce qui a conduit à leur condamnation à libérer le passage et à verser des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Quelles sont les conséquences juridiques de la suppression d’une servitude par acte notarié ?La suppression d’une servitude par acte notarié a des conséquences juridiques importantes, notamment en ce qui concerne la validité et l’opposabilité de cette suppression. L’article 685-1 du Code civil stipule que « la servitude peut être éteinte par la réunion des fonds servant et dominant dans la même propriété, ou par la renonciation du propriétaire du fonds dominant ». Dans le cas présent, l’acte notarié du 25 juillet 2012 a constaté que la servitude créée en 2006 était devenue sans objet en raison de la réunion des parcelles. Cependant, le tribunal a noté que la servitude sur la parcelle AD [Cadastre 12] n’avait pas été supprimée, ce qui signifie qu’elle demeure opposable aux tiers, même après la suppression des autres servitudes. Ainsi, la suppression d’une servitude doit être clairement stipulée dans l’acte notarié pour être opposable, et toute ambiguïté peut conduire à des litiges ultérieurs. Comment le tribunal évalue-t-il les dommages-intérêts en cas de trouble de jouissance ?Le tribunal évalue les dommages-intérêts en cas de trouble de jouissance en tenant compte de la nature et de l’ampleur du préjudice subi par le propriétaire du fonds dominant. L’article 1240 du Code civil, qui traite de la responsabilité délictuelle, impose à celui qui cause un dommage de le réparer. Dans cette affaire, les consorts [B] ont demandé 10 000 euros pour le trouble de jouissance et 7 412 euros pour le surcoût des travaux. Le tribunal a pris en compte les preuves fournies, notamment les factures et le constat d’huissier, pour évaluer le préjudice. Il a finalement accordé 5 000 euros pour le préjudice de jouissance et 2 912 euros pour le surcoût des travaux, en considérant que les époux [W] avaient fait obstacle à l’exercice de la servitude sans justification valable. Cette évaluation repose sur la démonstration du préjudice et la nécessité de compenser le propriétaire pour les désagréments subis. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Chambre 3 – CONSTRUCTION
DU 13 Décembre 2024
Dossier N° RG 21/08356 – N° Portalis DB3D-W-B7F-JJ6Y
Minute n° : 2024/326
AFFAIRE :
[V] [B], [H] [B] C/ [U] [W], [K] [W]
JUGEMENT DU 13 Décembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET, Vice-Président, statuant à juge unique
GREFFIER : Madame Peggy DONET, Greffier
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 Septembre 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2024
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort
copie exécutoire à :
Maître Jean-Louis BERNARDI
Maître Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA AVOCATS
Délivrées le 13 Décembre 2024
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDEURS :
Monsieur [V] [B]
Monsieur [H] [B]
demeurant [Adresse 17]
représentés par Maître Olivier DE PERMENTIER de la SCP TGA AVOCATS,
avocat au barreau d’ALPES DE HAUTE-PROVENCE
D’UNE PART ;
DÉFENDEURS :
Monsieur [U] [W]
Madame [K] [W]
demeurant [Adresse 16]
représentés par Maître Jean-Louis BERNARDI de la SCP BERNARDI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’AUTRE PART ;
Par actes d’huissier en date du 13 décembre 2021, MM. [B] faisaient assigner les époux [W] sur le fondement des articles 544, 637, 686 et 701 du Code civil.
MM. [B] exposaient que Mme [B] était propriétaire à [Localité 18] d’une propriété cadastrée section AD n°[Cadastre 14], [Cadastre 3], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 4], [Cadastre 13], ces deux parcelles ayant été échangées avec les époux [P] selon acte notarié en date du 7 mars 2011. La parcelle [Cadastre 13] provenait de la division de la parcelle [Cadastre 1], la parcelle [Cadastre 12] provenant également de la division restant appartenir aux époux [P].
Les époux [P] étaient propriétaires des parcelles AD n°[Cadastre 5], [Cadastre 12], [Cadastre 8], [Cadastre 10], ces deux dernières parcelles provenant de l’échange avec Mme [B].
Lors de l’acquisition par Madame [B] de sa propriété par acte du 7 avril 2006 de la SARL GET Immo, une servitude de passage avait été créée sur les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 1] au profit du bien cadastré AD [Cadastre 14], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 6].
Par acte du 7 mars 2011 une servitude avait été constituée sur les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 13] au profit des parcelles AD [Cadastre 1], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10] appartenant aux époux [P].
Par acte notarié en date du 25 juillet 2012, Mme [B] et les époux [P] d’un commun accord supprimaient la servitude de passage créée en 2006 grevant la bande de terrain cadastrée AD [Cadastre 4] et [Cadastre 7], ainsi que la servitude créée en 2010 grevant les mêmes parcelles au profit des parcelles AD [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 8], [Cadastre 10] avec effet immédiat. Cet acte ne supprimait pas le droit de passage sur la parcelle AD [Cadastre 12].
La propriété [P] était rachetée en 2016 par les époux [W]. Ceux-ci barraient le passage sur la parcelle [Cadastre 4], malgré les demandes et la mise en demeure des époux [P] et des consorts [B].
A la suite du décès de Mme [B], son fils mineur M. [H] [B] héritait du bien. Par lettre du 14 mai 2018, celui-ci demandait aux époux [W] de laisser le passage aux entreprises pour réaliser des travaux conformément à la servitude de réseaux et passage de 2006.
Le 25 mai 2018, les défendeurs s’opposaient à la demande, la servitude n’ayant plus lieu de s’appliquer. Suivaient plusieurs échanges, et un constat d’huissier confirmant que l’accès au fonds [B] devait se faire par le chemin de terre grevant le fonds [W].
La privation d’accès avait contraint les entreprises à facturer un surcoût de quelque 7500 euros.
MM. [B] sollicitaient du tribunal :
– qu’il constate que son fonds bénéficiait toujours du droit de passage sur la parcelle AD [Cadastre 12] appartenant aux époux [W]
– qu’il les condamne à supprimer l’obstacle au passage sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
– à leur verser les sommes de :
* 10 000 euros de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance
* 7412 euros en remboursement du surcoût des travaux
* 5400 euros de frais irrépétibles
– à régler les dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, MM. [B] persistaient dans leurs prétentions, y ajoutant à titre subsidiaire une demande d’expertise avant-dire droit.
Par leurs écritures notifiées par voie électronique le 4 avril 2024, les époux [W] concluaient au rejet des prétentions des demandeurs et sollicitaient leur condamnation à leur verser la somme de 2000 € à chacun pour procédure abusive, la somme de 6000 € à chacun sur le fondement de l’article 700 du Code procédure civile, et à régler les dépens avec distraction au profit de leur conseil.
Ils observaient qu’aux termes de l’acte notarié du 25 juillet 2012 la servitude créée sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 13] au profit des parcelles [Cadastre 14], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 6] étaient sans objet puisque ces parcelles appartenaient au même propriétaire. Le droit de passage sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 13] au profit des parcelles [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 7] était supprimé.
Le rappel de servitude annexée à leur titre de propriété en date du 15 avril 2013 ne faisait aucune mention d’une servitude constituée sur la parcelle [Cadastre 12] au bénéfice des fonds voisins.
À titre subsidiaire, ils soutenaient que la servitude alléguée était en toute hypothèse éteinte. En application des articles 637 et 75 du Code civil lorsque le fonds servant et le fonds dominant étaient réunis dans la propriété d’une même personne la servitude s’éteignait par confusion. En l’espèce l’acte d’échange du 7 mars 2011 par lequel Madame [B] était devenue propriétaire des parcelles constituant le fonds servant ([Cadastre 4] et [Cadastre 7]) et la suppression de servitude par l’acte du 25 juillet 2022 avaient éteint la servitude querellée.
Au surplus l’usage d’une servitude devenue impossible en raison des modifications des lieux, ou devenu inutile, conduit à constater son extinction.
En l’espèce les servitudes constituées avaient pour objectif d’accorder un droit de passage aux véhicules. Le chemin querellé était en forte montée et obstruée par des arbres et des roches. La propriété [B] s’inscrivait dans la colline et présentait une forte déclivité au niveau des restanques successives. Du propre aveu des propriétaires ce chemin n’avait plus été entretenu. Les photos aériennes démontraient que la servitude n’avait jamais été utilisée.
Par ailleurs le terrain des demandeurs n’était pas enclavé. Les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 7] constituaient un chemin permettant l’accès à leur habitation depuis le [Adresse 15] mesurant 3 m de large.
Ils relevaient que les demandeurs se gardaient de solliciter une expertise.
Pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties il est renvoyé aux écritures susvisées conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
La procédure était clôturée par ordonnance en date du 8 avril 2024, et l’affaire était renvoyée pour être plaidée à l’audience du 13 septembre 2024.
Sur l’absence de suppression de la servitude querellée
La servitude de passage et de passage de divers réseaux, réelle et perpétuelle, a été créé par acte notarié du 7 avril 2006 sur les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 1] sur une bande d’une largeur de 4 m au profit du fonds dominant appartenant à la SARL GET Immo, le fonds servant devenant la propriété de Monsieur [R] acquéreur à l’acte notarié du 7 avril 2006.
La parcelle AD [Cadastre 1] a été divisée en parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 12]. Les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 13] sont devenus la propriété de Madame [B] par échange avec les consorts [P].
A l’acte d’échange du 7 mars 2011, la constitution de servitudes du 7 avril 2006 a été rappelée et une servitude a été constituée au profit des époux [P] sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 13] qu’ils venaient d’échanger avec Madame [B].
Est produit aux débats le plan établi par les géomètres experts [S] et [T] faisant apparaître les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 13] situées dans la continuité l’une de l’autre sur une largeur variant de 4,03 m à 3,92 m longeant la parcelle AD [Cadastre 3] appartenant à Madame [B] sur toute sa longueur se terminant au sud en limite de la parcelle AD [Cadastre 8] que celle-ci venait de céder aux consorts [P] et au nord à la route départementale 69.
Par acte du 25 juillet 2012, il a été constaté que la servitude constituée en 2006 était devenue sans objet en raison de la réunion entre les mains de Madame [B] de l’ancien fonds de la SARL GET Immo et des parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 13].
Il a été encore constaté que le droit de passage s’exerçant sur les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 13] au bénéfice de la propriété [P] n’avait plus d’usage, l’accès à la propriété [P] se faisant par le sud par le biais d’un chemin communal non cadastré. Par conséquent les deux parties décidaient expressément et d’un commun accord de supprimer la servitude de passage grevant les parcelles AD [Cadastre 4] et [Cadastre 13] avec effet immédiat.
Néanmoins la servitude de passage créée par l’acte du 7 avril 2006 grevant la parcelle [Cadastre 12], issue de la parcelle [Cadastre 1], n’a fait l’objet d’aucune suppression. Il est manifeste qu’il ne s’agit pas d’un oubli, mais de la commune intention des parties de permettre l’accès des propriétés à la route départementale au sud par le chemin rectiligne de 4 m pratiqué en limite de la parcelle [Cadastre 12], ainsi que l’entretien des réseaux assurant la viabilisation de la propriété [B].
Régulièrement publiée le 31 mars 2006 au service de la publicité foncière de Draguignan ainsi que l’établit le formulaire de publication produit par les demandeurs, la servitude grevant la parcelle [Cadastre 12] demeure opposable aux tiers.
Sur l’absence d’extinction de la servitude par le non-usage
Le plan de géomètre montre qu’un chemin existe dans le prolongement de la parcelle cadastrée AD [Cadastre 4] et rejoint au sud la route départementale. Le constat d’huissier établi le 29 mai 2018 à partir de la route départementale D69 montre que débouche perpendiculairement à celle-ci un chemin de terre permettant de rejoindre plusieurs propriétés dont celle des époux [W] et au nord la propriété [B].
Celle-ci présentait une forte déclivité aménagée en restanques et un ancien chemin permettait de rejoindre les parcelles AD [Cadastre 3] et AD [Cadastre 14]. Monsieur [B] expliquait que le chemin n’avait plus été utilisé ni entretenu à la suite des problèmes de santé de son épouse ayant conduit à son décès.
L’huissier constatait qu’au droit de la propriété [W] une gaine électrique entourait un massif végétal fixant l’emprise de la largeur du chemin et quart environ 15 m se trouvait un panneau « sens interdit propriété privée ». À l’entrée sud de la parcelle [Cadastre 13] une palissade de chantier avait été installée, des palettes avaient été jetées en travers avec des pierres avec des marquages rouges. Monsieur [B] précisait que les adductions d’eau de sa propriété passaient sur ce chemin au bénéfice de la servitude de réseau et de tréfonds qui était porté sur l’acte notarié. Depuis la parcelle [Cadastre 4] l’huissier constatait la trace de l’ancien passage dont l’accès se faisait en empruntant la servitude située sur la parcelle [Cadastre 12] anciennement [Cadastre 1].
La circonstance qu’à la suite de la grave maladie de Mme [B] le chemin d’accès à la servitude située sur la parcelle [Cadastre 12] n’ait plus été entretenu est inopposable aux demandeurs. En application de l’article 706 du Code civil, la servitude s’éteint par un non-usage de trente ans. Ce mode d’extinction est donc exclu en l’espèce.
Sur l’absence d’état d’enclave de la propriété [B]
La circonstance que la propriété [B] ne soit pas enclavée et bénéficie de la desserte par le [Adresse 15] est également inopérante.
Tout d’abord, les clichés produits par les défendeurs montrent que ce chemin en colline est ancien et préexistait à la constitution de la servitude querellée, ce qui tendrait à démontrer que le passage par le chemin sur la parcelle [Cadastre 12] pour l’accès à la départementale était considéré par les anciens propriétaires comme plus commode, ou plus court, et que la servitude constituée en 2006 n’était pas motivée par l’état d’enclave. La servitude concerne aussi le passage de toutes canalisations assurant la viabilisation de la propriété.
En toute hypothèse, en présence d’une servitude constituée par acte notarié régulièrement publié, les propriétaires du fonds dominant n’ont pas à démontrer un quelconque état d’enclave. Il appartient en application de l’article 685-1 du Code civil aux propriétaires du fonds servant de démontrer que la servitude constituée en 2006 résultait de l’état d’enclave du fonds dominant, de rechercher l’accord des propriétaires du fonds dominant pour supprimer la servitude, et à défaut de saisir la justice à cette fin, en démontrant que la desserte est assurée par ailleurs dans les conditions de l’article 682 du Code civil.
Les époux [W] seront par conséquent débouter de l’intégralité de leurs demandes.
Ils seront condamnés à libérer le passage sur la parcelle cadastrée AD [Cadastre 12] dans le délai de huit jours suivant la signification du présent jugement. Au terme de ce délai s’appliquera une astreinte de 100 € par jour de retard pendant une durée de six mois, à l’issue de laquelle l’astreinte provisoire pourra être liquidée et une nouvelle astreinte pourra être prononcée.
Sur la demande de dommages-intérêts
Il résulte des courriers relatifs notamment aux obstacles opposés aux entreprises et du constat d’huissier versé par les demandeurs que les époux [W] ont fait obstacle au droit de passage alors que celui-ci ne pouvait leur causer qu’une gêne modérée. Les conditions dans lesquelles le passage a été fermé, sans aucune recherche de conciliation, démontrent une témérité dans l’affirmation de leurs droits au détriment de leurs voisins, et une absence de considération pour le trouble occasionné.
Les consorts [B] sollicitent la somme de 10 000 € pour l’obstacle fait au passage ayant généré des troubles de jouissance, et le défraiement des surcoûts occasionnés pour un montant de 7412 €.
Ils produisent la facture en date du 1er août 2018 de l’entreprise DMG leur ayant facturé 392 € pour la location de véhicules causée par l’accès étroit non prévu, la facture en date du 17 juillet 2018 relative au levage aérien d’une piscine pour un montant de 2520 euros. La facture de l’entreprise Turrel ne permet pas d’évaluer le surcoût induit par la nécessité de transporter les matériaux par des camions plus petits.
Les époux [W] seront condamnés au titre de ce poste de préjudice à verser aux demandeurs la somme de 2912 euros.
Le préjudice de jouissance sera apprécié à la somme de 5000 euros.
Sur les dépens
Les défendeurs, partie perdante, sont condamnés aux dépens, outre le coût du constat d’huissier.
Sur les frais irrépétibles
Les défendeurs partie perdante sont condamnés à verser aux demandeurs la somme de 5000 euros.
Sur l’exécution provisoire
Celle-ci est de droit hormis les cas où le juge décide de l’écarter. En l’espèce, eu égard à la nature et à la durée du litige ainsi qu’au sens de la décision, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Vu les articles 682, 706, 1240 du Code civil,
Constate que la servitude constituée par acte notarié du 7 avril 2006 au profit du fonds [B] sur la parcelle cadastrée AD [Cadastre 12] appartenant aux époux [W] n’est ni annulée, ni éteinte,
Déboute en conséquence Monsieur [U] [W] et Madame [K] [W] née [E] de la totalité de leurs demandes,
Condamne Monsieur [U] [W] et Madame [K] [W] née [E] à libérer le passage sur la parcelle AD [Cadastre 12] dans le délai de huit jours suivant la signification du présent jugement,
Dit qu’au terme de ce délai s’appliquera une astreinte de 100 € par jour de retard pendant une durée de six mois, à l’issue de laquelle l’astreinte provisoire pourra être liquidée et une nouvelle astreinte pourra être prononcée,
Condamne Monsieur [U] [W] et Madame [K] [W] née [E] à verser à Monsieur [V] [B] et Monsieur [H] [B], représenté par Monsieur [V] [B] son père les sommes suivantes :
• 2912 € au titre du surcoût des travaux
• 5000 € au titre du préjudice de jouissance
• 5000 € au titre de l’article 700 du Code procédure civil,
Condamne Monsieur [U] [W] et Madame [K] [W] née [E]
aux dépens de l’instance, en ce compris le coût du constat de la SCP Christian Bourgeonnier en date du 29 mai 2018,
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Le Greffier, Le Président,