Conflit de voisinage : enjeux de construction et de respect des règles d’urbanisme

·

·

Conflit de voisinage : enjeux de construction et de respect des règles d’urbanisme

Mme [H] et M. [M] possèdent une parcelle de terrain à [Localité 7], adjacente à celle de M. et Mme [I], qui ont entrepris des travaux de construction. Suite à ces travaux, Mme [H] et M. [M] ont signalé plusieurs préjudices et ont assigné M. et Mme [I] devant le tribunal judiciaire de Fontainebleau, demandant des réparations, des travaux de remise en état et des dommages-intérêts. Le tribunal a rendu un jugement le 21 septembre 2022, condamnant M. et Mme [I] à démolir certains ouvrages, à réaliser des travaux sur le mur de séparation, à verser des dommages-intérêts et à autoriser l’accès à leur propriété pour les travaux. M. et Mme [I] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs conclusions, M. et Mme [I] demandent l’infirmation du jugement, sauf pour l’obligation de réaliser l’enduit du mur de séparation, et contestent les préjudices invoqués par Mme [H] et M. [M]. De leur côté, Mme [H] et M. [M] ont formulé un appel incident, demandant une augmentation des dommages-intérêts et la prise en compte de divers préjudices.

La cour a prononcé une ordonnance le 11 juin 2024, ordonnant une expertise judiciaire pour évaluer les impacts des travaux de M. et Mme [I] sur la propriété de Mme [H] et M. [M]. Elle a également fixé une provision pour la rémunération de l’expert et a imposé une injonction de médiation. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état prévue pour le 8 avril 2025.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/17580
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRET DU 09 OCTOBRE 2024

(n° /2024, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17580 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRHK

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 septembre 2022 – tribunal judiciaire de FONTAINEBLEAU – RG n° 20/00818

APPELANTS

Monsieur [F], [N], [G] [I]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant à l’audience Me Sylvain LEBRETON, avocat au barreau de MEAUX

Madame [S] [W] épouse [I]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant à l’audience Me Sylvain LEBRETON, avocat au barreau de MEAUX

INTIMES

Madame [T] [H]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant Me David BILLARD, substitué à l’audience par Me Paul GASCHARD, avocats au barreau de Paris

Monsieur [D] [M]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant Me David BILLARD, substitué à l’audience par Me Paul GASCHARD, avocats au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sylvie DELACOURT, présidente, et Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sylvie DELACOURT, présidente

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Céline RICHARD

ARRET :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 25 septembre 2024 et prorogé au 09 octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sylvie DELACOURT, présidente et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [H] et M. [M] sont propriétaires de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 2] sise [Adresse 4] à [Localité 7].

M. et Mme [I] sont propriétaires de la parcelle mitoyenne à celle de Mme [H] et M. [M].

A l’occasion de travaux réalisés par M. et Mme [I] notamment du fait de la construction de leur maison, Mme [H] et M. [M] se sont plaints de divers préjudices.

Par acte d’huissier en date du 5 novembre 2020, Mme [H] et M. [M] ont fait assigner M. et Mme [I] devant le tribunal judiciaire de Fontainebleau aux fins de voir effectuer des travaux de remise en état, de démolition d’ouvrages et d’indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 21 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Fontainebleau a statué en ces termes :

Condamne M. et Mme [I] à démolir les édifices de leur choix à l’exclusion de la maison afin d’atteindre une surface libre de pleine terre de 406,8 m² minimum sur leur parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 3] au plus tard quatre mois après la signification du jugement et ce sous astreinte de 50 euros par jour pendant 90 jours ;

Condamne M. et Mme [I] à faire procéder à l’enduit du mur de séparation entre leur propriété et la propriété de Mme [H] et M. [M] au plus tard quatre mois après la signification du jugement et ce sous astreinte de 50 euros par jour pendant 90 jours ;

Ordonne à Mme [H] et M. [M] d’autoriser à l’entreprise mandatée par M. et Mme [I] le libre accès à leur propriété afin de faire réaliser ces travaux ;

Condamne M. et Mme [I] à verser à Mme [H] et M. [M] la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne M. et Mme [I] à verser à Mme [H] et M. [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. et Mme [I] aux entiers dépens ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 12 octobre 2022, M. et Mme [I] ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour M. [M] et Mme [H].

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 28 juin 2023, M. et Mme [I] demandent à la cour de :

Infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fontainebleau le 21 septembre 2022 à l’exception de la condamnation de M. et Mme [I] à faire procéder à l’enduit du mur de séparation entre leur propriété et la propriété de Mme [H] et M. [M] au plus tard après la signification du jugement et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant 90 jours et de façon corollaire, l’injonction à Mme [H] et M. [M] d’autoriser l’entreprise mandatée par M. et Mme [I] pour accéder à leur propriété ;

En conséquence de cette infirmation,

Débouter Mme [H] et M. [M] de leur demande de remise en état ou démolition des ouvrages et ce, au visa de l’article L480-13 du code de l’urbanisme puisqu’aucune demande n’a été présentée devant la juridiction administrative aux fins d’annulation du permis de construire et des autorisations de travaux subséquentes ;

Débouter Mme [H] et M. [M] de toutes demandes au titre d’un quelconque préjudice, aucune faute n’étant imputable à M. et Mme [I] et subsidiairement, aucun lien de causalité ou préjudice ne pouvant être démontré par Mme [H] et M. [M] qui, au surplus, ne subissent aucun trouble anormal de voisinage.

Débouter Mme [H] et M. [M] de l’ensemble de leurs demandes formulées sur appel incident ;

Accueillir M. et Mme [I] en leur demande reconventionnelle écartée par les premiers juges ;

Condamner Mme [H] et M. [M] à respecter leurs engagements annexés à la promesse de vente du 21 mars 2016 dans lesquels, contre une partie complémentaire du terrain et la cession de la mitoyenneté, ils s’engageaient à construire un mur entre leur propriété et celle de M. et Mme [I] ;

Juger que la conciliation intervenue est sans objet, faute de concession réciproque ;

En conséquence,

Condamner Mme [H] et M. [M] à édifier un mur en parpaings conforme au PLU, article 11 séparant la propriété de M. et Mme [I] et la leur dans un délai de six mois à compter de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Condamner Mme [H] et M. [M] à 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;

Condamner Mme [H] et M. [M] à 5 000 euros au titre de l’article 700 ;

Condamner Mme [H] et M. [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2023, M. [M] et Mme [H] demandent à la cour de :

Déclarer Mme [H] et M. [M] recevables et bien fondés en leur appel incident du jugement rendu le 21 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau ;

Débouter M. et Mme [I] de leur appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Y faisant droit,

Infirmer le jugement sus énoncé et daté en ce qu’il a :

Limité la condamnation de M. et Mme [I] à 7 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Rejeté les conclusions formulées au titre du remplacement des arbres irrégulièrement supprimés par Mme [H] et M. [M], tant sur le fondement de la responsabilité délictuelle que celui du trouble anormal de voisinage ;

Rejeté les conclusions formulées au titre de la mise en conformité du mur de clôture séparant la propriété de M. et Mme [I] de la voie publique, tant sur le fondement de la responsabilité délictuelle que celui du trouble anormal de voisinage.

Et statuant à nouveau :

Débouter M. et Mme [I] de toutes leurs demandes et prétentions ;

Ordonner le remplacement intégral, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et aux frais de M. et Mme [I], de la totalité des plantations démolies par M. et Mme [I] sur leur propriété pour la réalisation des travaux intervenus ;

Ordonner la mise en conformité, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et aux frais de M. et Mme [I], du mur de clôture séparant la propriété de M. et Mme [I] de la voie publique ;

Condamner M. et Mme [I] à verser aux requérants une indemnité totale de 15 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral non réparé par les mesures de réparation en nature ordonnées ;

Confirmer pour le surplus la décision déférée en ses dispositions non contraires aux présentes.

En tout état de cause :

Condamner M. et Mme [I] à verser à Mme [H] et M. [M] la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 11 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 juin 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIVATION

1°) Sur la demande de démolition par M. et Mme [I] des édifices de leur choix à l’exclusion de la maison afin d’atteindre une surface libre de pleine terre de 406,8m2 minimum sur leur parcelle et la demande de dommages et intérêts

Le premier juge a retenu la responsabilité délictuelle de M. et Mme [I] au motif que ces derniers n’ont pas respecté les prescriptions du PLU en imperméabilisant plus de 40% de la surface et qu’il en résulte un préjudice en raison de l’incidence de l’écoulement des eaux sur la propriété de Mme [H] et M. [M], située en contrebas de celle de M. et Mme [I].

Il a jugé que l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme ne s’appliquait pas aux constructions annexes autres que la maison et notamment à la voirie bétonnée pour accéder au garage, qui ne faisait pas partie du permis de construire.

Moyens des parties

M. et Mme [I] soutiennent que la descente de garage et les places de parking afférentes sont prévues par le permis de construire et que par conséquent, les travaux ayant été autorisés par un permis de construire qui n’a pas été contesté devant le juge administratif, l’article L.480-13 du code de l’urbanisme interdit au juge de l’ordre judiciaire d’en ordonner la destruction.

Ils font valoir que Mme [H] et M. [Y] ne subissent aucun préjudice et qu’il est établi par un constat d’huissier que leur propriété est munie de caniveaux et d’avaloirs qui permettent de recueillir les eaux de ruissellement et de les envoyer dans des ouvrages adaptés.

Mme [H] et M. [M] font valoir que M. et Mme [I] ont commis une faute qui engage leur responsabilité délictuelle en artificialisant leur terrain au-delà de ce qui est permis par le PLU. Ils soutiennent que l’article L480-13 du code de l’urbanisme n’est pas applicable s’agissant de travaux ayant fait l’objet de déclarations préalables et non d’un permis de construire, les autorisations d’urbanisme n’ayant pas été respectées et l’imperméabilisation excessive des surfaces de terrain empêchant l’infiltration régulière des eaux de pluie et aggravant le phénomène naturel d’écoulement des eaux sur leur terrain situé en contrebas.

Ils observent que les ouvrages imperméabilisants entraînant une artificialisation excessive du sol ont été réalisés postérieurement au permis de construire initial et sont sans rapport avec ce dernier et que la voie bétonnée d’accès au garage est contraire au permis de construire qui prévoyait que les  » voies  » resteraient engazonnées.

Réponse de la cour

Aux termes de 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Selon l’article L.480-13 du code de l’urbanisme, lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

Au cas d’espèce, le bétonnage de la voie d’accès au garage concernée par la démolition sollicitée ne figure pas dans la demande de permis de construire, le plan ne précisant pas que cette voie d’accès serait bétonnée. Le fait de prévoir un emplacement de stationnement pour le véhicule et une voie d’accès au garage n’implique pas nécessairement la construction d’un ouvrage bétonné.

Par ailleurs dans la description du volet paysager d’intégration au site, la présentation du projet indique que les  » voies et espaces publics resteront engazonnés  » et qu’après les travaux, les abords de la maison seront engazonnés. Dès lors que la notion de voies publiques n’a pas de sens concernant une construction sur une parcelle privée, il convient nécessairement de l’interpréter plus largement, comme incluant la voie d’accès au garage, interprétation corroborée par la précision selon laquelle les abords de la maison seront engazonnés, ce qui exclut clairement la présence d’ouvrage artificialisant le sol autre que ceux nécessaires à la construction de la maison.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de considérer que la voie bétonnée d’accès au garage était incluse dans le projet de construction de la maison ayant fait l’objet d’un permis de construire et le juge judiciaire peut donc en ordonner la démolition sans qu’il ne soit nécessaire que le permis ait été préalablement annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

L’article 13 du PLU stipule que les espaces libres de construction doivent comprendre une surface de pleine terre au moins égale à 60% de leur superficie dans le secteur dans lequel se trouve la parcelle de M. et Mme [I].

Aux termes de ce texte, le pourcentage de surface de pleine terre doit être calculé sur la superficie des espaces libres de construction et non sur la superficie totale du terrain ainsi que l’ont fait Mme [H] et M. [M] et le premier juge.

La superficie de la parcelle de M. et Mme [I] étant de 678 m2 et l’emprise au sol étant de 134,86 m2, selon le permis de construire, la superficie des espaces libres de construction est de 543,14 m2.

Sur cette superficie, pour respecter le PLU, l’artificialisation des sols ne peut donc dépasser 217,26 m2.

La photo satellite produite par Mme [H] et M. [M] apparaît insuffisante à établir que l’artificialisation des sols excèderait la limite fixée par le PLU. En outre l’absence de détermination précise de la superficie qui excéderait cette limite et qu’il conviendrait de supprimer est de nature à créer des difficultés d’exécution de la décision à intervenir et à susciter de nouveaux litiges entre les parties.

Quant à l’incidence de l’artificialisation des sols sur l’écoulement des eaux de pluie, Mme [H] et M. [M] affirment d’une part qu’il subirait nécessairement un préjudice du fait d’un ruissellement plus important des eaux de pluie sur leur terrain, sans produire aucun élément à l’appui de cette affirmation et M. et Mme [I] font valoir d’autre part l’existence d’un dispositif d’évacuation des eaux qui serait de nature à éviter un ruissellement des eaux sur le terrain de Mme [H] et de M. [Y].

Il apparaît par conséquent nécessaire d’ordonner avant dire droit une mesure d’instruction aux fins de :

– déterminer la superficie de la surface de pleine terre sur la parcelle de M. et Mme [I]

– d’éclairer la cour sur les incidences de l’artificialisation des sols du terrain de M. et Mme [I] sur le terrain de Mme [H] et M. [M] eu égard aux dispositifs d’évacuation des eaux réalisés par M. et Mme [I]

– avoir un avis technique sur les mesures les plus appropriées de nature à permettre le respect de l’article 13 du PLU si nécessaire

Dans l’attente de cette expertise il convient de surseoir à statuer sur les demandes de démolition mais également de dommages et intérêts.

2°) Sur le dépôt de terre de chantier

Moyens des parties

Mme [H] et M. [M] font valoir que le dépôt des terres d’excavation par M. et Mme [I] sur leur terrain est établi par le constat d’huissier établi le 28 décembre 2018 ainsi que la différence de qualité de terre.

Ils soutiennent qu’il s’agit d’une atteinte à leur droit de propriété et qu’il subisse un préjudice du fait de la perte de jouissance d’une partie de leur propriété, des coûts à engager pour l’évacuation de la terre et en raison de la dégradation du terrain, des problèmes d’infiltration causés par l’argile, de la mortalité des arbres plantés et du défaut de pousse du gazon. Ils exposent que leur préjudice matériel est établi par la production de la facture d’engazonnement de l’entreprise Chadel.

M. et Mme [I] soutiennent qu’ils n’ont pas étalé de terre sur le terrain de Mme [H] et M. [M] et qu’il n’est pas prouvé que la terre qui proviendrait de leur terrain serait de moins bonne qualité que celle présente sur le terrain de Mme [H] et M.[M]. Ils soulignent que Mme [H] et M. [M] n’établissent pas la preuve du préjudice dont il sollicite la réparation, observant que les terrains sont engazonnés et qu’il y a aucun problème esthétique.

Réponse de la cour

Il est établi par le constat d’huissier établi le 28 décembre 2018 à la demande de Mme [H] et M. [Y] qu’un monticule de terre d’excavation de couleur ocre d’environ 3 mètres de haut sur 6 mètres de long se trouve sur le terrain à l’arrière de la maison de M et Mme [I] et que ce monticule a été amputé de moitié de sa largeur et que la terre a été étalée en direction du terrain de Mme [H] et M. [M], en dépassant les limites de propriété matérialisées par deux arbres.

Si le constat d’huissier permet d’établir la preuve que la terre d’excavation présente une teinte différente de celle qui était présente sur le terrain de Mme [H] et M. [M], il ne peut être déduit de cette constatation que la terre présente sur le terrain de Mme [H] et M. [M] serait une  » terre végétale de qualité « , aucun élément autre que la couleur de la terre n’étant évoqué par l’huissier pour aboutir à cette conclusion.

Mme [H] et M. [M] n’apportent pas la preuve de leurs allégations quant à la mauvaise qualité de la terre et ses conséquences sur les plantations ou sur la présence d’argile plus importante sur cette partie de leur terrain.

Par ailleurs les devis produits par Mme [H] et M. [M] à l’appui de leur demande d’indemnisation portent sur la mise en place de terre végétale sur 1160 m2 et engazonnement sur 1276 m2, sans qu’il ne soit établi de lien de causalité entre ces travaux portant sur la totalité du terrain de Mme [H] et M. [M] et l’étalement de la terre reproché à M. et Mme [I].

Par conséquent le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [I] à payer à Mme [H] et M. [M] une somme de 5000 euros en réparation du préjudice matériel lié au dépôt de terre et statuant à nouveau la cour rejettera les demandes de Mme [H] et M. [M] de ce chef.

3°) Sur la demande de Mme [H] et M. [M] de mise en conformité du mur de clôture séparant la propriété de M. et Mme [I] de la voie publique

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que Mme [H] et M. [M] ne subissait aucun préjudice et qu’il n’en résultait pas un trouble anormal de voisinage s’agissant d’un mur non mitoyen.

Moyens des parties

Mme [H] et M. [M] font valoir que le préjudice et le trouble anormal de voisinage résulte du fait que le mur en parpaing édifié par M. et Mme [I] en violation des autorisations d’urbanisme est situé à proximité immédiate de l’accès leur propriété et leur cause un préjudice esthétique induisant une perte de valeur vénale du bien dont ils sont propriétaires.

M. et Mme [I] exposent qu’ils ont justifié dès la première instance de la parfaite exécution du mur litigieux et que Mme [H] et M. [M] méconnaissent eux-mêmes le PLU, leur propre mur de clôture ne disposant pas de chapeau fait en tuile.

Réponse de la cour

Mme [H] et M. [M] produisent en pièces 17 et 24 des photographies établissant qu’ils ont réalisé les travaux concernant le mur de clôture conformément au PLU, de telle sorte qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. et Mme [I] de leur demande à ce titre.

4°) Sur la demande de Mme [H] et M. [M] de remplacement par M. et Mme [I] des arbres abattus sur leur propriété

Le tribunal a rejeté cette demande au motif qu’il n’était pas justifié que l’absence de nouvelle plantation de deux arbres côté voirie aurait une influence sur l’écoulement des eaux sur la propriété de Mme [H] et M. [M].

Moyens des parties

Mme [H] et M. [M] font valoir qu’il est constant que la plantation d’arbres sur une parcelle est mécaniquement de nature à avoir un impact favorable sur la capacité d’absorption des sols et donc limiter le phénomène d’écoulement vers les parcelles avoisinantes situées en contrebas.

M. et Mme [I] soutiennent que Mme [H] et M. [M] ne se fondent que sur les dispositions du PLU sans justifier d’un préjudice ou d’un trouble anormal de voisinage

Réponse de la cour

Il incombe à Mme [H] et M. [M] d’apporter la preuve du préjudice ou du trouble anormal causé par le défaut de plantation d’arbres reproché à M. et Mme [I].

A défaut d’établir que l’écoulement des eaux sur leur parcelle serait augmenté par l’absence de plantation par M. et Mme [I] de deux arbres sur leur terrain, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [H] et M. [M].

5°) Sur la demande de M. et Mme [I] d’édification par Mme [H] et M. [M] d’un mur séparatif des propriétés en parpaings

Moyens des parties

M. et Mme [I] font valoir que M. [Y] et Mme [H] se sont engagés dans le document annexé à la promesse de vente du 21 mars 2016 à édifier un mur et que l’accord intervenu devant le conciliateur ne comporte aucune contrepartie à leur bénéfice. Ils ajoutent que ce mur n’est pas conforme à l’article 11 du PLU.

Mme [H] et M.[M] soutiennent qu’ils ont respecté leur obligation de réaliser un mur séparatif et que ce mur est conforme aux engagements résultant de la conciliation judiciaire. Ils soulignent en outre que M. et Mme [I] ne peuvent se prévaloir de l’engagement initial joint à la promesse de vente, acte auquel M. et Mme [I] n’étaient pas partie.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’existence de concessions réciproques ne constitue une condition de validité que pour la transaction, définie aux termes de l’article 2044 du code civil comme un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Au cas d’espèce, l’accord intervenu entre les parties le 23 février 2019 en présence du conciliateur quant au mode de construction de la clôture constituée en partie inférieure de plages de béton et en partie supérieure de planches à emboîtements constitue un contrat.

Les termes de ce contrat s’imposent aux parties, quand bien même il ne pourrait être qualifié de transaction au sens de l’article 2044 du code civil.

L’absence alléguée de respect du PLU pour édifier cette clôture ne saurait par ailleurs engager la responsabilité délictuelle de Mme [H] et M. [M] en l’absence de preuve de l’existence d’un préjudice subi de ce fait par M. et Mme [I].

Par conséquent c’est à juste titre que le premier juge constatant que le mur avait été édifié conformément aux termes du procès-verbal de conciliation du 23 février 2019 a rejeté la demande de M. et Mme [I].

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

6°) Sur la demande de M. et Mme [I] de dommages et intérêts pour procédure abusive

Selon 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il appartient au juge saisi d’une demande de dommages et intérêts sur ce fondement de caractériser l’existence d’une faute à l’origine de l’exercice du droit d’ester en justice, ayant fait dégénérer l’exercice du droit en abus.

L’absence de fondement des prétentions est, seule, insuffisante à caractériser l’abus de liberté d’ester en justice (2e Civ., 24 novembre 2016, pourvoi n° 15-23.438).

Au cas d’espèce, M. et Mme [I] n’ont pas sollicité l’infirmation du chef de jugement les ayant condamnés à faire procéder à l’enduit du mur de séparation entre leur propriété et la propriété de Mme [H] et M. [M].

Par ailleurs ils fondent leur demande de dommages et intérêt au seul motif que Mme [H] et M. [M] auraient engagé une instance non fondée en droit.

Il convient donc de rejeter la demande de M. et Mme [I] de dommages et intérêts pour procédure abusive, à défaut de caractériser l’abus du droit d’agir de Mme [H] et M. [M].

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

7°) Sur les frais du procès

Dans l’attente de l’issue de la procédure suite à l’exécution de la mesure d’instruction, il convient de surseoir à statuer sur les dépens et les frais irrépétibles.

8°) Sur l’injonction de rencontrer un médiateur

En application de l’article 127-1 du code de procédure civile, le juge peut, s’il n’a pas recueilli l’accord des parties, leur enjoindre de rencontrer un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation.

Cette mesure permet aux parties de rechercher et de négocier elles-mêmes des solutions satisfaisantes. Une tierce personne impartiale, le médiateur, les aide au cours d’entretiens confidentiels à s’expliquer, à renouer le dialogue et à exprimer leurs attentes tout en écoutant celles de leur contradicteur. La cour reste saisie l’affaire et si aucun accord n’est trouvé, le litige est jugé et la cour rendra sa décision. A tout instant les parties peuvent consulter leur conseil qui peut les assister au cours de la médiation.

En l’espèce, une telle mesure, en ce qu’elle favorise le dialogue plutôt que l’affrontement, et permet aux parties de prendre elles-mêmes les décisions qui les engagent en abordant l’intégralité des sujets qui leur semblent importants, apparaît particulièrement appropriée au présent conflit de voisinage.

Elle est en outre de nature à permettre aux parties de trouver une solution rapide et pérenne à leur conflit.

Il convient donc, indépendamment de l’expertise ordonnée, d’enjoindre les parties à s’informer sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation dans les conditions fixées dans le dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu’il condamne M.et Mme [I] à payer à Mme [H] et M. [M] la somme de 5000 euros au titre du préjudice matériel subi par le dépôt de terre de chantier ;

Rejette la demande de Mme [H] et M. [M] de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et moral subi par le dépôt de terre de chantier ;

Confirme le jugement en ce qu’il :

– rejette la demande de Mme [H] et M. [M] au titre du remplacement des arbres supprimés par M. et Mme [I]

– rejette la demande de Mme [H] et M. [M] de travaux relatifs au mur séparant la propriété de M. et Mme [I] de la voie publique

– rejette la demande de M.et Mme [I] d’édifier un mur en parpaings séparant la propriété de M. et Mme [I] de celle de Mme [H] et M. [M]

– rejette la demande de M.et Mme [I] de dommages et intérêts pour procédure abusive

Sursoit à statuer sur les demandes d’infirmation du jugement en ce qu’il :

– condamne M. et Mme [I] à démolir les édifices de leur choix à l’exclusion de la maison afin d’atteindre une surface libre de pleine terre de 406,8 m² minimum sur leur parcelle cadastrée section A n° [Cadastre 3] au plus tard quatre mois après la signification du jugement et ce sous astreinte de 50 euros par jour pendant 90 jours

– condamne M. et Mme [I] à payer à Mme [H] et M. [M] la somme de 1000 euros au titre du préjudice matériel et 1000 euros au titre du préjudice moral en raison de l’écoulement excessif des eaux sur le terrain de Mme [H] et M. [M]

– condamne M. et Mme [I] à payer à Mme [H] et M. [M] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamne M. et Mme aux dépens

Sursoit à statuer sur les dépens d’appel et les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;

Ordonne avant dire-droit une expertise judiciaire ;

Désigne pour y procéder :

[L] [A], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Versailles

[Adresse 9]

[Localité 6]

Email : [Courriel 10]

Avec pour mission de :

– Se rendre sur place [Adresse 4] et [Adresse 5]

– Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,

– Mesurer la surface de pleine terre au sens de l’article 11 du PLU sur la parcelle de M. et Mme [I]

– Décrire les dispositifs d’évacuation des eaux réalisés par M. et Mme [I] et leur incidence sur le ruissellement des eaux

– Donner son avis sur les incidences de l’artificialisation des sols du terrain de M. et Mme [I] sur le terrain de Mme [H] et M. [M] et notamment concernant le bétonnage de la voie d’accès au garage

– Le cas échéant, indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires pour permettre fin au préjudice subi par Mme [H] et M. [M]

Autorise l’expert à s’adjoindre le cas échéant tout sapiteur de son choix ;

Dit que l’expert devra accomplir sa mission en présence des parties, les entendre en leurs dires, explications et réclamations et y répondre et, lorsque ces observations seront écrites, les joindre à son rapport si les parties le demandent et faire mention de la suite qui leur aura été donnée ;

Dit que par application des dispositions de l’article 281 du code de procédure civile, si en cours d’expertise, les parties viennent à se concilier d’elles-mêmes, l’expert constatera que sa mission est devenue sans objet et il en fera rapport au juge délégué aux mesures d’instructions de ce tribunal ;

Dit qu’après avoir rédigé un document de synthèse, l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelle qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les observations ou réclamations tardives ;

Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport définitif en un exemplaire original au greffe de la cour d’appel dans le délai de six mois à compter de la date de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du juge chargé du contrôle des expertises ;

Dit que le conseiller de la mise en état suivra la mesure d’instruction et statuera sur les incidents ;

Dit que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de l’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra l’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l’exécution de sa mission, conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

Fixe à la somme de 4 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, à la charge de Mme [H] et M. [M] qui devra être consignée à la régie de la cour d’appel de Paris dans le délai de 4 semaines à compter du prononcé de l’arrêt ;

Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

Donne injonction aux parties de rencontrer pour un rendez-vous d’information sur la médiation dès réception des présentes et avant le 6 décembre 2024 :

L’association AMIDIF

[Adresse 1]

Email : [Courriel 8]

Dit que le médiateur aura pour mission :

– d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités de la médiation

– de recueillir l ‘accord ou le refus des parties sur la mise en ‘uvre de cette mesure dans le délai maximum de 15 jours après la réunion d’information

Invite chaque partie à prendre contact directement par mail avec l’association et à se présenter au rendez-vous fixé par le médiateur désigné par l’association, en personne accompagnée, le cas échéant de son conseil ;

Rappelle que ce rendez-vous est obligatoire et gratuit, et peut se faire par visio-conférence en cas d’impossibilité d’une rencontre en présentiel ;

Rappelle que les parties peuvent choisir d’entrer en médiation conventionnelle (dans les conditions des articles 1530 et suivants du code de procédure civile) avant, pendant ou à l’issue du rendez-vous, sans que la cour soit dessaisie ;

Dit que, dans l’hypothèse où les parties donneraient leur accord à une mesure de médiation conventionnelle, le médiateur pourra immédiatement commencer sa mission et en informera la juridiction,

Dit qu’aux fins de vérification de l’exécution de la présente injonction, le médiateur indiquera à la juridiction l’identité et la qualité des personnes s’étant présentées au rendez-vous d’information,

Rappelle que l’inexécution de cette injonction, sans motif légitime est susceptible de constituer un défaut de diligences justifiant une radiation du dossier ou pourra constituer un des critères de l’équité lors de l’appréciation par la cour des demandes formées du chef des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 8 avril 2025 ;

La greffière, La présidente,


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x