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Contexte de l’union et acquisition des biensMadame [E], de nationalité française, et Monsieur [Z], de nationalité britannique, ont cohabité en union libre depuis 2001. Le 24 avril 2007, ils ont acquis ensemble un bien immobilier à [Localité 22] pour 410.000 euros, sans recourir à un prêt. Par la suite, le 25 janvier 2013, ils ont acheté un appartement et un parking à [Localité 14] pour 188.000 euros, financés en partie par un prêt. Mariage et divorceLe couple s’est marié en Grande-Bretagne le [Date mariage 7] 2013. Ils ont divorcé par jugement du tribunal de grande instance de Grasse le 19 janvier 2015, qui a homologué leur convention de divorce signée le 5 décembre 2014. Le régime matrimonial était celui de la communauté légale française, et les effets du divorce ont été fixés à la date du jugement. Cession des biens en 2015Le 23 mars 2015, Madame [E] a cédé à Monsieur [Z] sa moitié de la maison de [Localité 22] pour 210.000 euros, dont une partie a été réglée par compensation avec des prêts. Elle a également cédé 8/20ème de l’appartement de [Localité 14] pour 60.000 euros, avec un paiement partiel en espèces et le reste par remboursement de prêt. Une convention d’indivision a été établie pour une durée de cinq ans. Vente de la villa et contestation de la cessionMonsieur [Z] a vendu la villa de [Localité 22] le 16 février 2018 pour 550.000 euros. Estimant que la cession de 2015 avait été réalisée à vil prix, Madame [E] a assigné Monsieur [Z] en annulation de cette cession et en partage de l’indivision le 20 mars 2020. Jugement du tribunal judiciaire de GrasseLe tribunal judiciaire de Grasse a rendu un jugement le 21 octobre 2021, déboutant Madame [E] de ses demandes d’annulation des cessions, de réintégration de sa quote-part dans l’appartement, et de dommages-intérêts. Il a également refusé d’ouvrir des opérations de partage judiciaire concernant l’indivision sur l’appartement. Appel de Madame [E]Madame [E] a interjeté appel de cette décision le 2 décembre 2021, demandant l’infirmation du jugement. Monsieur [Z] a été informé du jugement le 10 décembre 2021 et a constitué avocat le 16 décembre 2021. L’affaire a été distribuée devant le conseiller de la mise en état le 2 février 2022. Arguments de l’appelanteDans ses conclusions, Madame [E] a demandé l’infirmation du jugement, arguant que le prix de cession était dérisoire et que les biens avaient été sous-évalués. Elle a également réclamé des dommages-intérêts pour la perte de jouissance des biens. Arguments de l’intiméMonsieur [Z] a contesté les allégations de Madame [E], affirmant qu’elle n’avait pas prouvé la vileté du prix et qu’elle avait accepté l’évaluation de 2015. Il a également soutenu que les biens avaient été correctement évalués et que les cessions étaient valides. Décision de la cour d’appelLa cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant les demandes d’annulation des cessions et de réintégration des biens. Elle a également statué sur le partage judiciaire, notant que les parties avaient convenu d’un rachat amiable des parts. Frais irrépétibles et dépensLa cour a confirmé la décision de première instance concernant les frais irrépétibles et a condamné Madame [E] à verser à Monsieur [Z] une somme de 3.000 euros pour les frais de procédure, ainsi qu’à supporter les dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2024
N°2024/222
Rôle N° RG 21/16918 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIPHQ
[G] [E]
C/
[M] [Z]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Céline ALINOT
Me Marie OZENDA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 21 Octobre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/01380.
APPELANTE
Madame [G] [E]
née le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 20] (99), demeurant [Adresse 12]
représentée par Me Céline ALINOT, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [M] [Z]
né le [Date naissance 6] 1967 à [Localité 16] (99), demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Marie OZENDA de la SELARL LEX & LAW, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Septembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Madame Nathalie BOUTARD, Conseiller Rapporteur,
et Mme Pascale BOYER, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Michèle JAILLET, Présidente,
Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère
Mme Pascale BOYER, Conseillère,
Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2024.
Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [E], de nationalité française, et Monsieur [Z], de nationalité britannique, ont vécu en union libre à compter de l’année 2001.
Le 24 avril 2007, ils ont acquis en indivision un bien immobilier situé à [Localité 22] moyennant le prix de 410.000 euros financé sans prêt.
Le 25 janvier 2013, ils ont acquis, par un contrat de vente en l’état futur d’achèvement, en indivision à raison de la moitié chacun un appartement et un parking situés à [Localité 14] d’une valeur de 188.000 euros, payé à concurrence de 44.000 euros par apport des acquéreurs et à hauteur de 144.000 euros grâce à un prêt.
Le [Date mariage 7] 2013, ils se sont mariés en Grande-Bretagne.
Ils ont divorcé par jugement du tribunal de grande instance de GRASSE du 19 janvier 2015 ayant homologué la convention de divorce conclue entre eux le 5 décembre 2014. Il y est mentionné que le régime matrimonial était celui de la communauté légale français et que la date des effets du divorce entre les parties était fixée à la date du jugement.
Par acte du 23 mars 2015, signé en l’étude de Maître [Y] notaire à [Localité 13], Madame [E] a cédé à Monsieur [Z] :
– sa quote-part indivise de la maison de [Localité 22], soit la moitié, pour 210.000 euros. Ce prix a été payé, à concurrence de 163.760,21 euros par compensation avec le montant du solde de deux prêts consentis par la [23] réglés entièrement par Monsieur [Z] ayant fait naître une créance au profit de ce dernier et à concurrence du solde au comptant.
– une partie de sa quote-part indivise, soit 8/20ème de l’appartement de [Localité 14], au prix de 60.000 euros payable comptant pour 2400 euros et pour le solde par le remboursement à la [15] du solde du prêt qui avait été consenti à Monsieur [Z] le 25 janvier 2013.
Les parties ont conclu une convention d’indivision sur ce bien pour une durée de 5 ans.
Le 16 février 2018, Monsieur [Z] a vendu à des tiers la villa de [Localité 22] moyennant un prix de 550.000 euros.
Estimant que la cession de 2015 portant sur ce bien avait été réalisée à vil prix, Madame [E] a fait assigner Monsieur [Z] devant le tribunal de grande instance de GRASSE en annulation de cette cession et en partage de l’indivision persistant sur le bien de BAYONNE le 20 mars 2020.
Par un jugement du 21 octobre 2021, auquel le présent se réfère pour plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, le tribunal judiciaire de GRASSE a notamment :
– Débouté Madame [G] [E] de ses demandes en annulation des cessions de droits indivis intervenus dans l’acte notarié du 23 mars 2015 ;
-Débouté en conséquence Madame [G] [E] de sa demande de réintégration dans son patrimoine des 8/20ème du bien de [Localité 14] ;
-Débouté Madame [G] [E] de l’ensemble de ses demandes de condamnation à des dommages-intérêts ;
-Dit n’y avoir lieu à l’ouverture des opérations de partage judiciaire quant à I’indivision portant sur le bien sis [Adresse 10], à [Localité 14], cadastré section BO n[Cadastre 1] et [Cadastre 9], lots 13030 et 2020 ;
-Condamné Madame [G] [E] à verser à Monsieur [M] [Z] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-Débouté Madame [G] [E] de sa demande formée au titre de I’article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamné Madame [G] [E] aux dépens de l’instance.
Madame [E] a formé appel contre cette décision par déclaration d’appel par voie électronique du 2 décembre 2021. Elle demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de toutes ses prétentions
Monsieur [Z] lui a fait signifier le jugement le 10 décembre 2021.
L’intimé a constitué avocat le 16 décembre 2021.
Le 2 févier 2022, l’affaire a été distribuée devant le conseiller de la mise en état de la chambre 2-4.
Par ses seules conclusions du 27 février 2022, l’appelante demande à la cour de :
– Voir INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Grasse en date du 21 octobre 2021, en ce que celui-ci a :
Débouté Madame [G] [E] de ses demandes en annulation des cessions de droits indivis intervenus dans i ‘acte notarié du 23 mars 2015 ;
Débouté en conséquence Madame [G] [E] de sa demande de réintégration dans son patrimoine des 8/20ème du bien de [Localité 14] ;
Débouté Madame [G] [E] de l’ensemble de ses demandes de condamnation à des dommages-intérêts ;
Dit n’y avoir lieu à l’ouverture des opérations de partage judiciaire quant à I ‘indivision portant sur le bien sis [Adresse 10], à [Localité 14], cadastré section BO n[Cadastre 1] et [Cadastre 9], lots 13030 et 2020 ;
Condamné Madame [G] [E] à verser à Monsieur [M] [Z] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Débouté Madame [G] [E] de sa demande formée au titre de I’ article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné Madame [G] [E] aux dépens de l’instance.
Et. la Cour statuant à nouveau :
1) Vu les articles 1591 et suivants du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats.
– Voir CONSTATER la vileté du prix des deux cessions de droits indivis intervenues le 23 mars 2015 et portant sur :
50 % d’une villa avec piscine sise à [Localité 22] (06530) lieudit « [Adresse 19] » cadastrée section AE, [Cadastre 4] Lieudit [Adresse 11] pour une surface de 00ha 16a 21 ca, et section AE n[Cadastre 2] Lieudit [Adresse 19],
Les 8/20ème d’un appartement + garage sis à [Adresse 10]), cadastré section BO n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9], lots 13030 et 2020.
En conséquence,
– Voir PRONONCER la nullité pure et simple des cessions de droits indivis constatés par acte notarié du 23 mars 2015 publié au Service de la publicité foncière de [Localité 18] « ème » Bureau, le 16 avril 2015, Volume 2015 P n° 1104.
En conséquence encore,
– Voir REINTEGRER dans le patrimoine de Madame [E] les 8/20èmes du bien de [Localité 14] qui avaient été cédés à vil prix le 23 mars 2015 ;
– Voir CONDAMNER Monsieur [M] [Z] à payer à Madame [G] [E] une somme de 98.800 € à titre de dommages-intérêts relativement au bien de [Localité 22] ;
– Voir CONDAMNER Monsieur [M] [Z] à payer à Madame [G] [E] une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts relativement au bien de [Localité 14] ;
A titre subsidiaire et si la juridiction ne devait pas réintégrer les 8/20ème du bien immobilier de [Localité 14] dans le patrimoine de Madame [E],
– Voir CONDAMNER Monsieur [M] [Z] à payer à Madame [G] [E] la somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour vileté du prix représentant la moitié de la différence entre le prix réel du bien (200.000 €) et celui pris en compte pour le calcul des parts cédées (150.000 €) ;
– Voir CONDAMNER Monsieur [M] [Z] à payer à Madame [G] [E] une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts relativement au bien de [Localité 14] ;
2) Vu les articles 815 et suivants du Code civil,
– Voir ORDONNER l’ouverture des opérations de comptes liquidation et partage de l’indivision existants entre Madame [G] [E] et Monsieur [M] [Z]
– DESIGNER tel notaire qu’il plaira pour procéder aux opérations de comptes liquidation et partage dans l’année suivant sa désignation ;
– Voir COMMETTRE tel Juge qu’il plaira de désigner pour suivre les opérations de partage ;
– DIRE qu’en cas d’empêchement du Juge ou du notaire commis, il sera procédé à leur remplacement par simple requête conformément à l’article 969 du Code de procédure civile
En tout état de cause,
– Voir CONDAMNER Monsieur [Z] à payer à Madame [E] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
– Voir ORDONNER l’emploi des dépens liés au partage, en frais privilégiés de partage qui pourront être recouvrés par les avocats de la cause, conformément à la loi.
Par ses uniques conclusions du 21 mars 2022, l’intimé demande à la cour de :
– DEBOUTER Madame [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions
– CONFIRMER le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Grasse
– DIRE inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [Z] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager la présente instance,
– CONDAMNER Madame [E] à payer à Monsieur [Z] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Le 25 mars 2024, les parties ont été avisées de la fixation de l’affaire à l’audience de plaidoiries du 25 septembre 2024.
La clôture de la procédure a été prononcée le 3 juillet 2024.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur l’étendue de la saisine de la cour
Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Les demandes de ‘donner acte’ sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Ne constituent pas, par conséquent, des prétentions au sens de l’article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’ ou encore à ‘prendre acte’ de sorte que la cour n’a pas à y répondre.
Il n’y a donc pas lieu de reprendre ni d’écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à ‘constater que’ ou ‘dire que ‘ telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.
L’article 9 du code de procédure civile dispose qu”il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’ et que l’article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée ‘avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation’.
En application de cet article, la cour n’est saisie que des prétentions figurant dans le dispositif des conclusions des parties.
Par ailleurs l’effet dévolutif de l’appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l’instance d’appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s’ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu’en cours d’instance d’appel.
En l’espèce, le jugement est critiqué en toutes ses dispositions.
Sur la demande d’annulation des actes de cession de 2015
L’appelante soutient que le bien de [Localité 22] n’a pas été amélioré par des travaux entre 2015 et 2018 et qu’en conséquence, la seule différence entre le montant du prix de revente et celui de la valeur du bien de [Localité 22] retenue dans l’acte de 2015 suffit à établir la vileté du prix de la cession de 2015.
Elle fait valoir que l’avis de valeur de 2015 n’est pas une véritable expertise et que l’évaluation retenue correspond au prix de 2007, alors que des travaux d’amélioration avaient été réalisés après l’achat dans l’immeuble (piscine, extension et transformation du garage).
Elle indique que l’agent immobilier ayant établi l’avis de valeur était une connaissance de Monsieur [Z].
Elle ajoute que les conséquences de l’annulation de la vente se résoudront en valeur car il a été cédé à des tiers de bonne foi.
Elle sollicite à ce titre la somme de 65.000 euros, représentant la moitié de la différence entre le prix de revente et l’estimation de 2015.
Elle réclame aussi la somme de 28.800 euros au titre de la moitié des loyers encaissés entre l’acte de 2015 et 2018, sur la base d’un loyer de 1600 euros par mois.
Elle soutient que cette somme est destinée à compenser le préjudice résultant du fait qu’elle n’a pas pu jouir des biens alors qu’elle n’a pas perçu leur prix réel.
Elle réplique que l’absence d’estimation concernant l’appartement de [Localité 14] à la date de la cession de 2015 ne saurait lui interdire d’établir la vileté du prix qui peut être prouvée a posteriori.
Elle indique que le bien de [Localité 14] a été estimé dans l’acte de 2015 à la valeur de 150.000 euros alors qu’il avait été acquis 188.000 euros et qu’il valait, en 2020, selon Monsieur [Z], entre 220.000 et 240.000 euros.
Elle soutient que la nullité de la vente de partie de ce bien de 2015 entraîne la réintégration de la quote-part cédée dans son patrimoine.
Elle sollicite en sus les 8/20ème des loyers perçus depuis 2015, soit 15.600 euros sur la base d’un loyer total de 650 euros par mois, en compensation du préjudice de jouissance subi.
Elle précise qu’étant en état de dépendance économique vis-à-vis de Monsieur [Z] en 2015, elle n’a pas été en mesure de s’opposer aux valeurs qu’il a imposées.
Elle indique qu’elle ne pouvait pas élever de contestations devant le juge du divorce car les cessions litigieuses ont eu lieu après l’homologation de la convention de divorce.
L’intimé se prévaut d’un avis de valeur de l’immeuble de [Localité 22] demandé par le notaire en 2015 l’estimant entre 420.000 et 425.000 euros.
Il rappelle que l’appelante n’a produit aucune pièce en première instance pour établir le vil prix invoqué et qu’elle ne communique en appel aucun document permettant de contester l’évaluation retenue en 2015.
Il affirme que Madame [E] avait sollicité cette évaluation et qu’elle ne l’a pas contestée au cours des opérations d’élaboration des actes de cession.
Il soutient qu’elle pouvait faire procéder à d’autres évaluations en rappelant que les parties se trouvaient en cours de procédure de divorce.
Il en déduit qu’elle ne prouve pas la vileté du prix qu’elle invoque.
Il note qu’elle a attendu le terme du délai de prescription pour agir.
Il ajoute qu’en ce qui concerne le bien de [Localité 14], l’appelante n’apporte aucun document dont il ressortirait une sous-évaluation manifeste du prix en 2015.
Il ajoute qu’elle ne reste propriétaire que de 2/20èmes de ce bien et que le loyer payé par les locataires est de 595 euros.
Il s’oppose à la demande en paiement d’indemnités d’occupation sur les biens dont elle n’est plus propriétaire depuis 2015.
Les conventions dont l’annulation est réclamée ayant été conclues au mois de juin 2015 et les textes du code civil applicables au litige ayant été modifiés à compter du 1er octobre 2016, il convient de faire application des textes du code civil dans leur rédaction antérieure à cette dernière date.
Selon l’article 1582 du code civil, « La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer’.
L’article 1583 du même code dispose que: ‘Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.’
L’article 1591 du code civil dispose que « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. »
Il convient de rappeler que, selon les articles 1101 et 1102 anciens du code civil, « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. »
et « Le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres. »
Dès lors, dans le contrat synallagmatique la cause de l’obligation de l’un est l’objet de l’obligation de l’autre.
L’article 1108 ancien du code civil prévoyait que « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention :
Le consentement de la partie qui s’oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
Une cause licite dans l’obligation. »
L’article 1110 ancien du code civil précisait que : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. (‘) »
L’article 1131 ancien du code civil disposait que : ‘L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »
Il résulte de la combinaison de ces textes que les parties peuvent convenir librement du prix de la chose vendue, même s’il ne correspond pas à la valeur de cette chose, à condition que chacune y consente valablement.
Le juge ne peut intervenir dans la fixation du prix que dans les cas ouverts par la loi en cas de lésion en matière de vente d’immeubles dans les deux ans de la vente, d’engrais et de droits d’auteur.
La cour de cassation a admis aussi que le juge avait le pouvoir d’annuler une convention pour vileté du prix, lorsque le montant du prix est tellement bas qu’il ne représente pas une réelle contrepartie à l’obligation de livrer la chose.
Il n’existe pas de définition du prix dérisoire. Il appartient aux juges du fond d’apprécier si le prix payé correspond à une réelle contrepartie.
Il appartient à celui qui sollicite l’annulation de démontrer que le prix convenu était hors de toute proportion véritable avec la valeur du bien.
Bien que les conditions de mise en ‘uvre ne soient pas identiques et que l’action de Madame [E] ne soit pas fondée sur la lésion, la cour considère que le prix ne peut être jugé dérisoire lorsqu’il n’est pas inférieur de plus de 7/12ème à la valeur du bien.
Or, en l’espèce, en retenant les valeurs invoquées par l’appelante, il existe une différence de moins de 7/12ème entre la valeur dont se prévaut l’appelante et le prix payé pour les quote-part des biens de [Localité 22] et de [Localité 14].
En outre, Monsieur [Z] produit les deux premières pages d’une estimation du bien de [Localité 22] par l’agence [17] de [Localité 18] dont il résulte une valeur comprise entre 420.000 euros et 425.000 euros le 1er septembre 2014, ce qui ne rend pas dérisoire le prix de 210.000 euros pour la moitié du bien convenu en 2015. Il convient de noter en outre que dans l’acte de 2018 il est mentionné que Monsieur [Z] a fermé une terrasse par une véranda dans le courant de l’année 2015, ce qui a contribué à améliorer le bien.
Il produit également un avis de valeur du 17 mars 2021 de l’agence [21] de [Localité 14] estimant l’appartement indivis à 220.000 à 240.000 euros.
Le montant des 8/20ème vendus en 2015 a été estimé sur la base d’un prix total de 150.000 euros. Compte tenu de l’estimation de 2021 et du prix d’achat, ce montant n’est pas dérisoire.
Il convient, en conséquence, de confirmer les chefs de la décision critiquée ayant rejeté les demandes d’annulation de ventes, de réintégration et de dommages-intérêts.
Sur le partage judiciaire
L’appelante soutient qu’elle a tenté un partage amiable de l’indivision sur le bien de [Localité 14] en adressant au conseil de Monsieur [Z] une lettre recommandée.
Elle rappelle que nul ne peut être tenu de rester dans l’indivision.
Elle ajoute que son ex-époux n’a pas formulé de proposition chiffrée pour le rachat de sa part.
Elle indique qu’il a payé le crédit afférent à ce bien mais qu’il a aussi perçu seul les loyers et bénéficié seul de la réduction d’impôts prévue par la loi PINEL.
L’intimé est d’accord pour que l’indivision soit liquidée et propose de racheter les parts de son ex-épouse sur la base d’un avis de valeur de 2021 estimant le prix total de l’immeuble à 230.000 euros.
Les deux parties étant en accord pour sortir de l’indivision, il acquiesce au jugement qui a ordonné un partage amiable.
L’article 840 du code civil dispose que : ‘Le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.’
L’article 815 du Code Civil prévoit que ‘Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou par convention.’
La convention d’indivision conclue le 23 mars 2015 pour 5 ans sur le bien de [Localité 14] a été renouvelée par tacite reconduction pour une durée indéterminée, faute de décision des indivisaires avant le terme de la convention de sorte qu’il peut y être mis fin à tout moment.
Le jugement de première instance a dit n’y avoir lieu à ordonner le partage judiciaire en l’état du litige, au motif qu’il n’était pas établi que l’un des indivisaires refusait le partage amiable ou qu’il s’élevait des contestations. Le premier juge a relevé que Monsieur [Z] acceptait la sortie de l’indivision en proposant le rachat des parts de son ex-épouse.
Au stade de l’instance d’appel Monsieur [Z] maintient cette position.
Par courrier du 10 février 2020, le conseil de Madame [E] a fait part à Monsieur [Z] de son intention de voir cesser l’indivision sur le bien de [Localité 14] et de lui réclamer une indemnisation pour les cessions à vils prix de 2013.
Elle proposait de céder à son coindivisaire ses dernières parts sur le bien de [Localité 14], outre les comptes à faire sur les loyers perçus et les réductions d’impôts dont il profite seul.
Il était indiqué dans ce courrier une volonté de recourir à la médiation et à défaut de saisir la juridiction compétente.
Il ressort de ces éléments que le rachat par Monsieur [Z] des parts restant la propriété de Madame [E] dans le bien de [Localité 14] était une solution de partage admise par les deux parties. Cependant, les parties ne justifient pas avoir mené aucune démarche de partage amiable pour mener à bien un partage sur ces bases.
Le seul courrier produit suivi immédiatement d’une action en justice ne constitue pas une réelle recherche de solution amiable à la sortie de l’indivision.
Toutefois l’absence de démarches réelles en vue d’un partage amiable ne rend pas infondée la demande de partage qui est un droit pour chaque indivisaire. Elle rend irrecevable la demande en partage judiciaire.
Il convient en conséquence de confirmer la décision de première instance sur ce point.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné Madame [E] aux dépens et à verser à Monsieur [Z] une indemnité au titre des frais irrépétibles de procédure.
Madame [E] succombant en appel, elle sera condamnée aux dépens d’appel et à verser à Monsieur [Z] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort:
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant
Condamne Madame [G] [E] aux dépens d’appel ;
Condamne Madame [G] [E] à verser à Monsieur [M] [Z] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Michèle Jaillet, présidente, et par Madame Fabienne Nieto, greffière, auxquelles la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La présidente