Conflit de filiation et contestation de paternité : enjeux et implications juridiques

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Conflit de filiation et contestation de paternité : enjeux et implications juridiques
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Inscription de l’enfant et reconnaissance de paternité

Le 15 février 2016, l’enfant [X], [R] [J] a été inscrit à l’état civil de la mairie de [Localité 18], comme étant né le [Date naissance 1] 2016 de [W] [J]. La reconnaissance de l’enfant a été effectuée le 22 février 2016 par M. [B] [Y] à la mairie de [Localité 9].

Assignation en contestation de paternité

Le 31 août 2022, M. [F] [E] a assigné Mme [J] et M. [Y] devant le tribunal pour contester la paternité de M. [Y] et établir sa propre filiation. M. [E] est de nationalité algérienne, tandis que M. [Y] est de nationalité française.

Jugement du tribunal

Le 14 novembre 2023, le tribunal a déclaré M. [E] recevable dans son action en contestation de paternité, ordonnant une expertise pour examiner les empreintes génétiques afin de déterminer la paternité de M. [Y] et de M. [E]. Le tribunal a suspendu le jugement jusqu’à la remise du rapport d’expertise.

Rapport d’expertise et carence des parties

Le 10 avril 2024, l’expert a déposé un rapport indiquant que M. [E] avait été prélevé, mais que M. [Y] et l’enfant ne s’étaient pas présentés. Les courriers envoyés à la mère et à M. [Y] ont été retournés, signalant leur absence de réponse.

Demandes de M. [E]

Dans ses conclusions, M. [E] a demandé au tribunal de déclarer que le droit français s’applique, d’annuler la reconnaissance de M. [Y], d’établir sa paternité, de modifier le nom de l’enfant, et de fixer les modalités de l’autorité parentale et de la pension alimentaire.

Position de l’administrateur ad hoc

Mme [Z] [V] [I], administrateur ad hoc de l’enfant, a également demandé au tribunal d’annuler la reconnaissance de M. [Y] et de statuer sur la filiation, tout en soulignant que M. [E] n’avait pas produit de preuves suffisantes pour établir sa paternité.

Absence des parties et décision finale

Malgré les convocations, M. [Y] et Mme [J] n’ont pas constitué avocat. L’enfant, étant trop jeune pour discernement, n’a pas été informé de la procédure. Le tribunal a finalement débouté M. [E] et l’administrateur ad hoc de toutes leurs demandes, condamnant M. [E] aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
22/37896
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Pôle famille
Etat des personnes

N° RG 22/37896 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CXW64

SC

N° MINUTE :
AIDE JURIDICTIONNELLE

JUGEMENT
rendu le 22 Octobre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [F] [E]
[Adresse 7]
[Localité 8]
représenté par Me Sohil BOUDJELLAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0058

DÉFENDEURS

Monsieur [B] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 11]
non représenté

Madame [W] [J]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 9]
non représentée

PARTIE INTERVENANTE

Madame [Z] [V] [I]
en qualité d’administrateur ad hoc aux fins de représenter l’enfant mineur [X], [R] [J] né le [Date naissance 1] 2016 à [Localité 18]
[Adresse 6]
[Localité 10]
représentée par Me Carole SULLI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2619
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000749 du 17/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

MINISTÈRE PUBLIC

Isabelle MULLER-HEYM

Décision du 22 Octobre 2024
Pôle famille – Etat des personnes
N° RG 22/37896 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXW64

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nastasia DRAGIC, vice-présidente
Sabine CARRE, vice-présidente
Anne FREREJOUAN DU SAINT, juge

assistées des greffières, Emeline LEJUSTE, lors des débats et Karen VIEILLARD, lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience du 01 octobre 2024 tenue en chambre du conseil.
Après clôture des débats, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

JUGEMENT

Réputé contradictoire
en premier ressort
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Nastasia DRAGIC, présidente, et par Karen VIEILLARD, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 15 février 2016, l’enfant [X], [R] [J] a été inscrit sur les registres de l’état civil de la mairie de [Localité 18], comme étant né le [Date naissance 1] 2016 de [W] [J], née le [Date naissance 5] 1989 à [Localité 16] (Algérie).

L’enfant a été reconnu le 22 février 2016 à la mairie de [Localité 9] par M. [B] [Y], né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 15], [Localité 13] (Algérie).

Par actes de commissaire de justice délivrés le 31 août 2022 à Mme [J], de nationalité algérienne, et le 24 août 2022 à M. [Y], de nationalité française, M. [F] [E], né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 13] (Algérie), de nationalité algérienne, les a fait assigner devant ce tribunal, aux fins de contestation de la paternité de M. [Y] à l’égard de l’enfant d’une part, et d’établissement de sa propre filiation d’autre part.

Par jugement mixte du 14 novembre 2023, le tribunal, écartant la loi algérienne et faisant application de la loi française, a :
– déclaré M. [E] recevable en son action en contestation de paternité ;

Avant-dire droit sur les demandes présentées,
– ordonné une expertise, et désigné pour y procéder l’[14], avec pour mission de procéder à l’examen comparatif des empreintes génétiques afin de dire au résultat de cet examen, d’une part, si M. [Y] peut ou non être le père de l’enfant, et préciser, s’il y a lieu en pourcentage, les chances de paternité de ce dernier, et, d’autre part, si M. [E] peut l’être et préciser, s’il y a lieu en pourcentage, les chances de paternité de ce dernier ;
– sursis à statuer sur les demandes présentées jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;
– réservé les dépens.

Le 10 avril 2024, l’expert a déposé son rapport de carence daté du 04 avril 2024, aux termes duquel il indique que, si les prélèvements ont bien été effectués sur la personne de M. [E], ils n’ont pu l’être ni sur M. [Y] ni sur l’enfant qui ne se sont pas présentés aux opérations d’expertise. L’expert précise que les courriers adressés à la mère de l’enfant, par lettres recommandées avec accusés de réception, ont été retournés avec la mention “destinataire inconnu à l’adresse” et que ceux adressés à M. [Y] ont été retournés avec la mention “pli avisé non réclamé”.

Aux termes de ses dernières conclusions en ouverture de rapport notifiées le 9 septembre 2024 par la voie électronique et signifiées aux défendeurs non constitués les 30 août et 4 septembre 2024, M. [E] demande au tribunal de :
– dire que le droit français est applicable à l’action en contestation de paternité ;
– annuler la reconnaissance effectuée par M. [Y] par devant l’officier de l’état civil de [Localité 17] en ce qui concerne l’enfant ;
– ordonner que mention soit faite judiciairement de ce qu’il est le père de l’enfant [X] [J] ;
– dire et juger que M. [Y] n’est pas le père de l’enfant ;
– dire et juger qu’il est lui-même le père de l’enfant ;
– dire que l’enfant portera le nom de son véritable père, soit “[E] [X], [R]” ;
– dire et juger que l’autorité parentale sera exercée conjointement par les père et mère ;
– fixer la résidence de l’enfant chez la mère et lui octroyer un droit de visite tous les samedis ;
– fixer sa contribution alimentaire au profit de l’enfant à la somme de 100 euros par mois ;
– ordonner la mention du dispositif à intervenir en marge de l’acte de naissance de l’enfant et de l’acte de reconnaissance litigieux.

Après avoir rappelé les dispositions permettant de déterminer la loi applicable à l’action en contestation de paternité, il expose, s’agissant du bien-fondé de ses demandes, que même en cas de carence des défendeurs, il est recevable en son action, la preuve de sa paternité pouvant être rapportée par tous moyens et l’absence de réaction en défense s’apparentant à une reconnaissance implicite du bien-fondé de sa démarche ; que de nombreux doutes existent sur la réalité de la reconnaissance effectuée par M. [Y] ; qu’en effet, à l’époque de la conception de l’enfant, il entretenait une relation amoureuse avec Mme [J] ; que contrairement à ce qu’indiquent l’administrateur ad hoc et la mère de l’enfant, l’attestation produite par M. [Y] n’est pas laconique et contient bien un désaveu de paternité ; qu’en outre, plusieurs éléments concordent pour rendre très crédible sa propre paternité ; qu’il produit des témoignages probants, des photographies et des déclarations des intéressés qui démontrent qu’il est le véritable père de l’enfant ; qu’il se rend à la sortie de l’école pour y chercher l’enfant ; qu’il produit de nombreuses factures d’achats de vêtements et de jouets ; qu’enfin, si la mère lui permettait auparavant de voir régulièrement l’enfant, elle a mis fin récemment à cette pratique ; qu’il n’a plus rencontré son fils depuis la fin du mois de mars 2021, date à laquelle l’enfant a été hospitalisé à la suite d’une crise d’asthme ; qu’il produit en outre des documents médicaux dont certains portent le nom de “[E] [X]” établis alors que l’enfant était sous sa garde ; qu’il produit également des SMS échangés entre lui et Mme [J] témoignant de leur relation tendue, la mère lui indiquant notamment : “le jour où il sera sur ton nom, tu peux le réclamer” ; qu’il s’agit là d’une reconnaissance de sa paternité ; que par ailleurs, il est dans l’intérêt de l’enfant de voir annuler la reconnaissance de M. [Y] qui a indiqué ne pas être son père.

Sur les conséquences quant au nom de l’enfant, l’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement, il expose que l’enfant n’a aucun intérêt à porter un nom qui n’est pas celui de son père et qu’il a, au contraire, intérêt à porter le nom de son père biologique ; que l’autorité parentale sur [X] doit être exercée conjointement entre les parents ; qu’il devra bénéficier dans un premier temps d’un droit de visite en journée tous les samedis de 10 heures à 18 heures 30 afin de pouvoir instaurer une reprise de contacts progressive ; qu’il se propose, enfin, de verser une pension alimentaire de 100 euros par mois.

Suivant conclusions en ouverture de rapport notifiées par la voie électronique le 10 mai 2024, et signifiées aux défendeurs non constitués le 7 août 2024, Mme [Z] [V] [I], ès qualités d’administrateur ad hoc de l’enfant, demande au tribunal de :
– juger que l’enfant [X] n’est pas l’enfant de M. [Y] ;
– annuler la reconnaissance de l’enfant établie par M. [Y] ;
– ordonner la mention de ces dispositions du jugement à intervenir en marge de l’acte de naissance de l’enfant ;
– ordonner la mention de ces dispositions du jugement à intervenir en marge de l’acte reconnaissance de l’enfant ;
– débouter les parties de leurs plus amples demandes ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.

A l’appui de ses demandes, elle fait valoir que M. [E], qui revendique sa paternité envers l’enfant, a produit diverses pièces médicales relatives à ce dernier mais, hormis une photographie, aucune ne le liant à lui ; que la mère ne s’est pas manifestée dans le cadre de cette procédure ; que M. [Y] quant à lui a reconnu l’enfant quelques jours après sa naissance, mais sans que l’on en connaisse les conditions, ne s’agissant pas d’une reconnaissance conjointe avant la naissance ; que l’enfant porte le nom de sa mère et qu’il n’y a eu aucune déclaration de changement de nom. Elle précise que M. [Y] a été touché par les différents actes de la procédure et ne s’est pas manifesté ; qu’ainsi, son absence à la procédure et à l’expertise peut s’analyser comme un aveu de non paternité ; que la filiation paternelle de l’enfant devra donc être anéantie ; que toutefois, en l’état des pièces produites, il est complexe de considérer que la certitude est suffisante pour permettre de dire et juger que M. [E] est le père de l’enfant, ce qui n’empêchera pas ce dernier, s’il le souhaite, de faire une démarche volontaire ultérieure auprès de l’état civil.

Bien que régulièrement assignés, à l’étude d’huissier s’agissant de M. [Y], et par acte donnant lieu à l’établissement d’un procès-verbal de recherches infructueuses s’agissant de Mme [J], ces derniers n’ont pas constitué avocat.
L’enfant n’étant pas capable de discernement au sens des dispositions de l’article 388-1 du code civil, notamment au regard de son âge, l’information prévue par ces mêmes dispositions ne lui a pas été délivrée.

Le ministère public, à qui l’affaire a été communiquée conformément aux dispositions de l’article 425 1° du code de procédure civile, n’a pas formulé d’observations.

La clôture a été prononcée le 10 septembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 1er octobre 2024 pour être plaidée, puis mise en délibéré au 22 octobre 2024.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DEBOUTE M. [F] [E] et Mme [Z] [V] [I], ès qualités d’administrateur ad hoc de l’enfant, de l’ensemble de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [F] [E] aux dépens comprenant les frais d’expertise et ceux liés à la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant ;

Fait et jugé à Paris le 22 octobre 2024.

La Greffière La Présidente

Karen VIEILLARD Nastasia DRAGIC


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