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Contexte de la DonationLe 19 octobre 2019, Madame [M] [K] a effectué une donation de son appartement à Monsieur [D] [C] et à son épouse, Madame [X] [B], tout en conservant un droit d’usage et d’habitation. Cette donation a été réalisée pour un montant de 275 000 euros. Accusation d’Abus de FaiblesseMadame [M] [K] a estimé avoir été victime d’abus de faiblesse et a intenté une action en justice contre les consorts [C] en leur délivrant une citation directe le 4 novembre 2022. Cette première citation a été déclarée irrecevable en raison d’un défaut de consignation. Elle a donc renouvelé sa démarche le 30 mars 2023. Décisions JudiciairesLe 21 juin 2023, la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant le tribunal correctionnel d’Orléans, en raison des fonctions de Madame [X] [C]. Le 2 juillet 2024, le tribunal a relaxé les consorts [C], décision que Madame [M] [K] a contestée en appel. Demande de Nullité de la DonationSimultanément, le 23 mars 2023, Madame [M] [K] a assigné les consorts [C] devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la nullité de la donation du 19 octobre 2019 sur la base du dol. Demande de Sursis à StatuerLes consorts [C] ont demandé un sursis à statuer, arguant que les fondements de l’abus de faiblesse et du dol étaient identiques. Madame [M] [K] a contesté cette demande, affirmant que les deux concepts étaient distincts et que le dol ne nécessitait pas de condition de faiblesse. Décision du Juge de la Mise en ÉtatLe juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer, considérant que la décision pénale n’était pas essentielle à la résolution du litige civil. Il a également précisé que la mise en mouvement de l’action publique ne suspendait pas les actions civiles. Conclusion et Prochaines ÉtapesLa demande de sursis à statuer a été rejetée, et les dépens de l’incident ont été réservés pour suivre le sort de l’instance au fond. L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 4 décembre 2024 pour les conclusions en défense des consorts [C]. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Copies exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :
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2ème chambre
N° RG 23/04821
N° Portalis 352J-W-B7H-CZIWS
N° MINUTE :
Assignation du :
06 Mars 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 23 Octobre 2024
DEMANDERESSE
Madame [M] [K]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Maître Patricia DE MORNAC, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D2054
DEFENDEURS
Monsieur [D] [C]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [X] [B] épouse [C]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Maître Florence CHAUMETTE, avocat plaidant, et par Maître Isabelle BURLACOT-HUNSINGER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1194
* * *
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Sarah KLINOWSKI, Juge
assistée de Adélie LERESTIF, greffière.
DEBATS
A l’audience du 02 Octobre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 23 Octobre 2024.
ORDONNANCE
Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique reçu le 19 octobre 2019 par Maître [U] [L], notaire à [Localité 6], Madame [M] [K], née le [Date naissance 1] 1936, a fait donation à Monsieur [D] [C], son filleul, et à Madame [X] [B] épouse [C], l’épouse de ce dernier, ci-après les consorts [C], de la propriété de son appartement situé [Adresse 2] à [Localité 7], grevée d’un droit d’usage et d’habitation à son profit, moyennant la somme de 275 000 euros.
Estimant avoir été victime d’abus de faiblesse, Madame [M] [K] a fait délivrer le 4 novembre 2022 aux consorts [C] une citation directe devant le tribunal correctionnel de Châteauroux, dans le ressort duquel ils demeurent, citation qui a été déclarée irrecevable pour défaut de consignation dans les délais fixés par le tribunal, ce qui a conduit Madame [M] [K] à faire délivrer une seconde citation directe aux consorts [C] le 30 mars 2023.
Par arrêt rendu le 21 juin 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant le tribunal correctionnel d’Orléans eu égard aux fonctions de Madame [X] [C] de Déléguée du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Châteauroux.
Par jugement du 2 juillet 2024, le tribunal correctionnel d’Orléans a relaxé les consorts [C] des chefs de la poursuite, décision dont Madame [M] [K] a interjeté appel.
Parallèlement, par exploit d’huissier du 23 mars 2023, Madame [M] [K] a fait assigner les consorts [C] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de nullité de la donation du 19 octobre 2019 sur le fondement du dol.
Dans leurs conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 30 septembre 2024, les consorts [C] demandent au juge de la mise en état d’ordonner, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le sursis à statuer de la présente instance dans l’attente de l’issue de la procédure pénale pendante devant la Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel d’Orléans et de réserver les dépens de la procédure.
Dans ses conclusions en réponse sur incident signifiées par voie électronique le 27 septembre 2024, Madame [M] [K] demande au juge de la mise en état de rejeter la demande de sursis à statuer des consorts [C], de renvoyer la cause à une prochaine date d’audience de mise en état avec fixation d’une date à la partie défenderesse de communication de pièces et écritures sur le fond et de réserver les dépens de procédure.
L’incident a été plaidé le 2 octobre 2024 et l’affaire a été mise en délibéré au 23 octobre 2024.
Sur la demande de sursis à statuer
Les consorts [C] demandent au juge de la mise en état de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale en cours dès lors que l’argumentation développée par Madame [M] [K] à l’appui de sa citation directe devant le tribunal correctionnel est en tous points la même que celle exposée devant le tribunal judiciaire de Paris.
Madame [M] [K], pour s’opposer à la demande de sursis à statuer, soutient que l’abus de faiblesse et le dol sont deux fondements rigoureusement différents, de sorte que le juge civil n’est pas lié par la décision du juge répressif. Elle précise en effet que le dol n’est pas assorti d’une condition de faiblesse et se limite essentiellement au consentement de la victime, lequel a été en l’espèce vicié, la donation portant sur un bien totalement sous-évalué, au profit des seuls consorts [C], en contradiction avec sa volonté initiale de gratifier Monsieur [D] [C] et son frère. Elle estime enfin que le sursis à statuer ne ferait que contribuer à retarder indûment la décision civile qu’elle attend impatiemment.
Sur ce,
En application de l’article 789 1° du Code de procédure civile, le juge de la mise en état est, postérieurement à sa désignation et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour statuer, notamment, sur les exceptions de procédure.
Si le sursis à statuer ne constitue pas, à proprement parler, une exception de procédure puisqu’il figure, dans le code précité, au titre consacré aux incidents d’instance, il demeure néanmoins soumis au régime des exceptions de procédure et relève comme tel de la compétence du juge de la mise en état.
Selon ce que dispose l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l’instance pour le temps ou la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Il est acquis qu’en dehors des cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond ont aussi la possibilité d’apprécier discrétionnairement l’opportunité d’un sursis à statuer demandé dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
L’article 2 du code de procédure pénale dispose par ailleurs que l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
L’article 4 du même code vient préciser que l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer directement, ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
En l’espèce, Madame [M] [K] a fait citer devant le tribunal correctionnel de Châteauroux les consorts [C] du chef d’abus de faiblesse, défini par l’article 223-15-2 du code pénal comme étant l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciable.
Parallèlement, elle a fait assigner les consorts [C] devant le tribunal de céans aux fins de nullité de la donation consentie le 19 octobre 2019 sur le fondement des articles 901 et 1137 du code civil, qui disposent pour le premier que la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence, et pour le second, que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges et que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Si le caractère vulnérable de la victime est nécessaire à la constitution de l’infraction d’abus de faiblesse, cette condition n’est pas nécessaire pour que le dol soit établi et la donation, annulée, de sorte que la décision de la Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel d’Orléans n’apparaît pas essentielle à la résolution du présent litige et que le juge civil ne sera, en toute hypothèse, pas lié par la qualification retenue par le juge pénal.
A titre surabondant, il résulte des dispositions de l’article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale, ci-avant rappelées, que la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer directement, ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil, outre qu’une décision de relaxe étant déjà intervenue au bénéfice des consorts [C], le juge de la mise en état ne considère pas opportun d’ordonner un sursis à statuer dans l’attente de la décision qui sera rendue par la Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel d’Orléans.
Par conséquent, la demande de sursis à statuer sera rejetée.
Sur les autres demandes
Les dépens de l’incident seront réservés et suivront le sort de ceux de l’instance au fond.
Nous, Sarah Klinowski, juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, rendue publiquement, et susceptible de recours dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,
REJETONS la demande de sursis à statuer de Monsieur [D] [C] et de Madame [X] [B] épouse [C],
RÉSERVONS les dépens de l’incident qui suivront ceux de l’instance au fond,
RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 4 décembre 2024 à 13h30 pour conclusions en défense de Monsieur [D] [C] et de Madame [X] [B] épouse [C] avant le 2 décembre 2024 et clôture, sauf opposition motivée des parties.
Faite et rendue à Paris le 23 Octobre 2024
La Greffière Le Juge de la mise en état
Adélie LERESTIF Sarah KLINOWSKI