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Contexte du mariage et de la SCIMadame [X] [I] et Monsieur [P] [V] se sont mariés le 09 février 1991 à Paris, sous le régime de la séparation de biens. Ensemble, ils ont créé la SCI COLOMBE & LOVE le 24 janvier 2001 pour acquérir des biens immobiliers, notamment des lots dans un immeuble à Paris, et ont conclu un bail commercial avec la SARL ADL CONSEIL, gérée par Madame [I]. Divorce et décisions judiciairesLe divorce de Madame [I] et Monsieur [V] a été prononcé le 3 novembre 2015, avec des torts exclusifs à l’encontre de Monsieur [V]. En appel, la cour a partiellement infirmé la décision initiale, condamnant Monsieur [V] à verser une prestation compensatoire de 250.000 euros à Madame [I]. Saisies et vente des parts socialesEn raison de conflits financiers, Monsieur [V] a saisi les parts de Madame [I] dans la SCI COLOMBE & LOVE le 27 avril 2021. La vente aux enchères de ces parts a eu lieu le 19 décembre 2022, aboutissant à leur acquisition par Monsieur [G] [F]. Une assemblée générale extraordinaire a ensuite révoqué Madame [I] de son poste de gérante. Actions judiciaires de Madame [I]Le 13 juin 2023, Madame [I] a assigné Monsieur [V] et la SCI COLOMBE & LOVE, demandant l’annulation de l’assemblée générale du 30 janvier 2023, la résiliation du bail commercial, et des dommages-intérêts. Parallèlement, le 21 décembre 2023, le juge de l’exécution a débouté Madame [I] de sa demande d’annulation de la vente de ses parts. Arguments de la SCI COLOMBE & LOVE et de Monsieur [V]La SCI COLOMBE & LOVE a contesté la recevabilité de l’assignation de Madame [I], arguant qu’elle avait perdu sa qualité d’associée et que son adresse mentionnée dans l’assignation était erronée. Monsieur [V] a également soulevé des exceptions de nullité, affirmant que l’assignation manquait de motivation juridique et que Madame [I] ne pouvait pas revendiquer un domicile dans les locaux de la SCI. Réponse de Madame [I]Madame [I] a contesté les arguments de la SCI, affirmant que son adresse était correcte et qu’elle avait un intérêt à agir en raison de son rôle de gérante. Elle a également soutenu que la vente forcée de ses parts ne l’empêchait pas de contester l’assemblée générale. Décision du tribunalLe tribunal a écarté les pièces produites par Madame [I] en cours de délibéré, prononcé la nullité des assignations de Madame [I] pour défaut de domicile réel, et constaté l’extinction de l’instance. Madame [I] a été condamnée à payer des frais aux défendeurs et a été déboutée de ses demandes. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à
■
PEC sociétés civiles
N° RG 23/13582
N° Portalis 352J-W-B7H-C2CFJ
N° MINUTE : 3
Assignation du :
13 juin 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 28 octobre 2024
DEMANDERESSE
Madame [X] [I]
41, rue de Bourgogne
75007 PARIS
représentée par Maître Alain TOUCAS-MASSILLON de la SELASU Alain Toucas-Massillon, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1155
DEFENDEURS
SCI COLOMBE AND LOVE (SCI)
38, rue de la Tour
75016 PARIS
représentée par Maître Sandrine GRINHOLTZ de la SELAS ARDENS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B1161
Monsieur [P] [V]
59, Boulevard du Château
92200 92200 NEUILLY SUR SEINE
représenté par Me Emmanuelle CHAILLIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0123
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Samantha MILLAR, Vice-présidente
assistée de Robin LECORNU, Greffier
DEBATS
A l’audience du 23 septembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 28 octobre 2024.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire
Susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile
Madame [X] [I] et Monsieur [P] [V] ont contracté mariage le 09 février 1991 par devant l’officier de l’état civil de Paris 5ème arrondissement, sous le régime de la séparation de biens.
Madame [I] et Monsieur [V] ont constitué ensemble la SCI COLOMBE & LOVE le 24 janvier 2001 aux fins d’acquisition des lots 86 et 21 d’un immeuble en copropriété situé 41 rue de Bourgogne à Paris 7ème arrondissement, un bail commercial avec la SARL ADL CONSEIL dont Madame [I] est gérante, ayant été conclu le 5 mars 2001 sur ces locaux moyennant un loyer de 29.270,21 euros par an.
La répartition du capital social de la SCI COLOMBE & LOVE attribuait 248 des 250 parts à Madame [I] (parts n° 3 à 250) et 2 parts à Monsieur [V] (parts n° 1 et 2) tandis que Madame [I] était nommé gérante de la SCI COLOMBE & LOVE.
Par jugement du 3 novembre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé le divorce de Madame [I] et Monsieur [V], aux torts exclusifs du mari et débouté Madame [I] de sa demande de prestation compensatoire et de dommages et intérêts. Par arrêt en date du 18 décembre 2016, la cour d’appel de Versailles a partiellement infirmé cette décision et condamné Monsieur [V] à payer à Madame [I] une prestation compensatoire d’un montant de 250.000 euros.
En raison de multiples contentieux financiers entre les parties et portant également sur l’occupation d’un bien situé à Neuilly-sur-Seine appartenant à Monsieur [V] par Madame [I] depuis le divorce, Monsieur [V] a fait procéder, par acte du 27 avril 2021, à la saisie des parts de Madame [I] au sein de la SCI COLOMBE & LOVE. Cet acte de saisie des droits d’associés a été dénoncé à Madame [I] le 30 avril 2021, dont certificat de non-contestation de la saisie a été délivré le 29 juin 2021.
Le 19 décembre 2022, la vente par adjudication des parts sociales détenues au sein de la SCI COLOMBE & LOVE par Madame [I] s’est tenue aboutissant à la vente forcée des parts détenues par cette dernière au profit de Monsieur [G] [F].
Par assemblée générale extraordinaire de la SCI COLOMBE & LOVE en date du 30 janvier 2023, Monsieur [F] a été agréé en qualité de nouvel associé, Madame [I] a été révoquée de ses fonctions de gérante et le siège social a été transféré au 38 rue de la Tour dans le 16ème arrondissement de Paris.
Une assemblée générale extraordinaire de la SCI COLOMBE & LOVE s’est tenue le 30 janvier 2023.
C’est dans ce contexte que par assignations en date du 13 juin 2023, Madame [X] [I] a assigné devant le tribunal de céans Monsieur [P] [V] et la SCI COLOMBE & LOVE afin de :
– “déclarer Madame [X] [I] recevable et bien fondée en ses demandes ;
– dire et juger que l’Assemblée Générale du 30 janvier 2023 est nulle et de nul effet et par voie de conséquence, annuler les délibérations prises par cette assemblée générale extraordinaire tenue le 30 janvier 2023 ;
– dire et juger que le bail commercial du 5 mars 2001 conclu entre la SCI “Colombe & Love” et la société “ADL Conseil” a été résilié ;
– condamner solidairement Monsieur [P] [V], Monsieur [G] [F] et la SCI “Colombe & Love” à payer à Madame [X] [I] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner solidairement Monsieur [P] [V], Monsieur [G] [F] et la SCI “Colombe & Love” aux entiers dépens.”
Parallèlement, par jugement en date du 21 décembre 2023, le juge de l’exécution a notamment débouté Madame [I] de sa demande d’annulation de la vente aux enchères publiques de ses parts sociales dans la SCI COLOMBE & LOVE.
Aux termes de ses dernières écritures sur incident transmises par voie électronique le 10 mai 2024, la SCI COLOMBE & LOVE sollicite du juge de la mise en état, de :
“In limine litis, à titre principal :
– juger nulle l’assignation en date du 13 juin 2023 délivrée par Madame [X] [I]
En conséquence,
– prononcer l’extinction de l’instance.
A titre subsidiaire :
– juger irrecevable la demande de Madame [I] en nullité de l’Assemblée Générale du 30 janvier 2023 pour défaut de qualité à agir ;
– juger irrecevable la demande de Madame [I] en résiliation du bail commercial en date du 5 mars 2001,
En tout état de cause :
– prononcer l’extinction de l’instance ;
– condamner Madame [I] à régler à la société COLOMBE AND LOVE la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner Madame [I] aux entiers frais et dépens.”
A l’appui de ses prétentions, elle expose que la domiciliation de Madame [I] dans son assignation au 41 rue de Bourgogne dans le 7ème arrondissement de Paris est volontairement erronée. Elle rappelle qu’il s’agit des locaux faisant l’objet d’un bail commercial au profit de la société ADL CONSEIL et non d’un bail d’habitation. Elle fait valoir que Madame [I] ne bénéficie d’aucun titre lui permettant d’être domiciliée à cette adresse, ayant par ailleurs déclaré une adresse au 14 rue du Petit Musc dans le 4ème arrondissement de Paris dans le cadre du Kbis de la société ADL CONSEIL. Elle explique également que le commissaire de justice s’est présenté à deux autres adresses déclarées par Madame [I], l’une au CCAS de Neuilly-Sur-Seine et l’autre dans le 16ème arrondissement de Paris, dans le cadre de la procédure engagée en nullité de la vente. Elle soutient que Madame [I] multiplie les procédures et les domiciles fantaisistes afin de faire échec aux significations des décisions à intervenir et aux mesures d’exécution forcée. Elle souligne que Madame [I] s’est d’ailleurs prévalue de prétendues difficultés de signification pour tenter de solliciter la nullité de la vente aux enchères en date du 19 décembre 2022. Elle réfute par ailleurs l’avoir domiciliée à l’adresse litigieuse sauf en sa qualité de gérante de la SCI et de la société ADL afin de toucher le siège des sociétés et non le domicile de Madame [I]. Elle soutient que cette fausse domiciliation lui cause un grief car elle ne sera pas en mesure de faire valablement signifier la décision à intervenir pour la faire exécuter.
S’agissant des fins de non-recevoir soulevées, elle rappelle que les actions en nullité des délibérations d’une société protègent l’intérêt particulier des associés et ne peuvent être contestées que par ces derniers. Elle expose que Madame [I] a perdu sa qualité d’associée à l’issue de la vente par adjudication en date du 19 décembre 2022 et n’avait donc pas qualité à agir en nullité de l’assemblée générale du 30 janvier 2023 à la date de l’introduction de la présente instance le 13 juin 2023. Elle indique que Madame [I] ne peut être considérée comme tiers à la vente forcée de ses parts, et que cette dernière avait par courrier du 16 janvier 2023 convoqué en sa qualité de gérante de la SCI Monsieur [F] et Monsieur [V] à une assemblée générale du 1er février 2023. Elle considère que la question de l’opposabilité aux tiers à compter de la publication au registre du commerce et des sociétés le 6 février 2023 est indifférente dans la présente situation. Elle soulève également l’irrecevabilité de Madame [I] pour défaut de qualité à agir en résiliation du bail commercial conclu entre la société ADL et la SCI, cette dernière n’étant pas partie au contrat. Elle précise que les actions déclaratoires des tiers aux fins d’obtenir un jugement sans condamnation est conditionnée à la démonstration d’un intérêt que ce tiers aurait à cette action, ce dont Madame [I] est dépourvue.
Aux termes de ses dernières écritures sur incident transmises par voie électronique le 10 mai 2024, Monsieur [V] sollicite du juge de la mise en état, de :
“In limine litis
– prononcer la nullité de l’assignation délivrée par Madame [I] à Monsieur [V] le 13 juin 2023, à défaut pour elle de préciser son domicile réel ;
– prononcer la nullité de l’assignation délivrée par Madame [I] à Monsieur [V] le 13 juin 2023 du fait de son absence totale de motivation en droit ;
A titre subsidiaire
– juger irrecevables les demandes de Madame [I] en nullité de l’Assemblée Générale du 30 janvier 2023 pour défaut de qualité à agir ;
– juger irrecevable la demande de Madame [I] en résiliation du bail commercial en date du 5 mars 2001,
En tout état de cause
– prononcer l’extinction de l’instance ;
– condamner Madame [I] à verser à Monsieur [V] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC,
– condamner Madame [I] aux entiers dépens.”
A l’appui de ses prétentions, il rapporte que Madame [I] ne peut prétendre avoir pour domicile le local commercial appartenant à la SCI COLOMBE & LOVE dont elle ne détient plus de parts. Il expose qu’elle ne détient aucun titre sur ce bien et soutient que Madame [I] multiplie les fausses adresses pour échapper à ses créanciers. Il répertorie quatre autres adresses où Madame [I] se fait domicilier au gré des circonstances, en refusant d’indiquer son domicile réel dans l’assignation. Il estime que la mention de cette adresse fictive par Madame [I] le met dans l’impossibilité d’exécuter les décisions et lui cause un grief. Il précise que Madame [I] a expliqué dans le cadre d’une autre procédure être hébergée par des amis. Il considère par ailleurs que l’assignation n’est pas motivée en droit, aucun moyen de droit n’étant exposé dans l’assignation et aucun fondement légal ni aucun texte au dispositif n’étant mentionné. Il souligne ainsi ne pas être en mesure d’organiser sa défense contre cette assignation.
Enfin, il rappelle que l’adjudicataire est subrogé activement et passivement dans tous les droits et obligations attachés aux parts sociales à compter du transfert de propriété, de sorte qu’au jour de son assignation, Madame [I] n’étant plus ni propriétaire de la moindre part de la SCI COLOMBE & LOVE ni gérante, n’avait ni intérêt ni qualité pour agir.
Aux termes de ses dernières écritures sur incident transmises par voie électronique le 30 avril 2024, Madame [I] sollicite du juge de la mise en état, de :
– “débouter la SCI COLOMBE AND LOVE de son incident,
– fixer un calendrier de procédure,
considérant le caractère abusivement dilatoire du présent incident dans le but de différer le sort de la présente instance,
– condamner la SCI COLOMBE AND LOVE à payer à Madame [X] [I] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens du présent incident.”
A l’appui de ses prétentions, elle rappelle qu’il appartient à la SCI COLOMBE & LOVE d’établir que l’adresse mentionnée dans l’assignation n’est pas sa véritable adresse et que cette situation lui cause un grief, ce dont elle ne rapporte pas la preuve. Elle fait valoir que la domiciliation d’une personne n’est pas inexacte du seul chef de l’absence de titre pour y résider. Elle soutient avoir toujours été touchée dans les actes de significations versées aux débats par les huissiers mandatés et que SCI COLOMBE & LOVE l’a elle-même domiciliée au 41 rue de Bourgogne à plusieurs reprises entre 2021 et 2023.
S’agissant des fin de non-recevoir soulevées, elle rapporte que la perte de la qualité d’associée n’était pas opposable aux tiers à la date de la convocation de l’assemblée générale du 30 janvier 2023 et qu’elle avait contesté la procédure de vente forcée de ses parts sociales. Elle précise ainsi que la cession forcée de ses parts signifiée le 2 janvier 2023, n’a été déposée au registre du commerce et des sociétés que le 6 février 2023. Elle considère que dans l’attente de cette publication, elle avait conservé le droit de participer à l’assemblée générale du 30 janvier, Monsieur [V] ayant lui-même pris l’initiative de la convoquer à ladite assemblée. Elle considère qu’elle avait le plus grand intérêt à solliciter la nullité de cette assemblée générale qui lui faisait grief dans la mesure où il était question de l’agrément du nouvel associé adjudicataire de ses parts et de la révocation de ses fonctions de gérante de la SCI. Le juge de l’exécution ne l’ayant déboutée que par décision du 21 décembre 2023, elle disposait d’un intérêt à agir en nullité de l’assemblée générale le 13 juin 2023 compte tenu de la contestation de la vente forcée qui était alors en cours. Enfin, elle précise qu’en dépit de la vente forcée de ses parts, elle demeurait gérante de la SCI et de la société ADL, lui conférant un intérêt à agir aux fins de faire reconnaître que le bail entre les deux sociétés a été résilié par effet de la lettre qu’elle a adressée aux associés de la SCI le 26 janvier 2023.
L’incident a été plaidé à l’audience de mise en état du 23 septembre 2024. Lors de cette audience, une contestation a été élevée par les conseils de la SCI COLOMBE & LOVE et Monsieur [V] en ce que deux pièces numérotées 11 et 12 figuraient dans le dossier de plaidoiries de Madame [I] déposé à l’audience sans pour autant figurer dans le bordereau transmis avec les dernières conclusions en réponse sur incident transmises par cette dernière. A la suite de cet incident, le conseil de Madame [I], représenté par sa collaboratrice, a ôté les deux pièces litigieuses du dossier de plaidoiries remis au tribunal.
L’affaire a ainsi été mise en délibéré à la date de ce jour.
Par courrier en date du 23 septembre 2024 reçu au greffe de ce tribunal, le conseil de Madame [I] conteste l’absence de communication des deux pièces litigieuses et les joint à son courrier afin de les voir “réinsérer” à son dossier.
Par message RPVA en date du 1er octobre 2024, le conseil de la SCI COLOMBE & LOVE réfute les accusations contenues dans le courrier postal de son contradicteur précisant que le représentant du conseil de Madame [I] présent à l’audience a retiré les pièces litigieuses du dossier de plaidoiries en raison de la contestation de communication soulevée. Il maintient que ces pièces ne sont pas visées dans les écritures adverses et sollicite de les voir rejeter.
Sur la recevabilité des pièces n° 11 et 12 produites par Madame [I]
Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, “les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.” L’article 16 du même code dispose que “le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.”
En l’espèce, force est de constater que le bordereau de pièces valablement transmis à l’ensemble des parties dans les conclusions en réponse sur incident de Madame [I] le 30 avril 2024 par message RPVA intitulé “LISTE DES PIECES VERSEES AUX DEBATS” ne mentionne que 10 pièces numérotées de 1 à 10. Le corps même des écritures ne mentionne aucune pièce n° 11 ou n° 12.
Il en résulte qu’il y a lieu de dire que Madame [I] a porté atteinte au principe du contradictoire en tentant une première fois de joindre à son dossier de plaidoiries le jour de l’audience deux pièces qui n’avaient pas été précédemment communiquées aux parties adverses dans le cadre de cette procédure, avant finalement d’adresser ces pièces à la juridiction et aux autres parties pendant le cours du délibéré sans y être autorisée par le juge de la mise en état. Ce comportement ayant privé SCI COLOMBE & LOVE et Monsieur [V] de la possibilité de faire valoir leurs arguments en réplique, il y a lieu de dire que les pièces de Madame [I] numérotées 11 et 12 transmises en cours de délibéré seront écartées des débats.
Sur la nullité de l’assignation
L’article 74 du Code de procédure civile dispose par ailleurs “les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.”
Il résulte de la combinaison des articles 56 et 648 du code de procédure civile que pour un requérant personne physique, l’assignation doit notamment indiquer, à peine de nullité, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance. En outre, l’article 114 du code de procédure civile prévoit qu’ “aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’Non-respect d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.”
L’intérêt de la mention du domicile n’est pas seulement de préciser l’identité mais de permettre au destinataire de l’acte de se mettre en rapport avec le demandeur pour lui faire des propositions de règlement à l’amiable du litige, notamment lorsque l’affaire n’est pas encore venue devant la juridiction saisie, et surtout de pouvoir procéder à l’exécution forcée de la décision de justice à intervenir.
Or, le domicile d’une personne physique est le lieu où elle a son principal établissement ou, à défaut, sa résidence, dans les conditions fixées par les articles 102 et suivants du code civil.
En l’espèce, aux termes de l’ assignation, Madame [I] s’est domiciliée au 41, rue de Bourgogne à Paris 7ème arrondissement, adresse du local commercial acquis par la SCI COLOMBE & LOVE pour lequel un bail commercial a été conclu avec la société ADL CONSEIL dont Madame [I] est gérante.
Pour autant, aucune pièce produite à la cause par Madame [I] ne démontre la réalité de ce domicile alors même qu’elle entend se prévaloir de ce que ce bail commercial a été résilié aux termes d’un courrier en date du 26 janvier 2023.
Il ressort par ailleurs des propres écritures de Madame [I] à l’occasion d’autres contentieux entre les parties, qu’elle évoque en décembre 2022 une notification par lettre AR à “son adresse à Neuilly-sur-Seine”, un jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 05 avril 2023 mentionnant son domicile au 33, rue Pauline Borghèse à Neuilly-sur-Seine de même qu’une ordonnance de référé de la cour d’appel de Versailles en date du 11 janvier 2024.
En outre, les conclusions du commissaire de justice dans le cadre du contentieux relatif à la vente forcée des parts mentionnent pour leur part des difficultés de signification des différents actes de procédure à Madame [I] :
– un premier acte début octobre 2022 a été signifié à Madame [I] au 11, rue Lalo dans le 16ème arrondissement de Paris (mention étant faite par l’huissier que le domicile était certain en raison des vérifications suivantes : nom inscrit sur l’interphone, une personne présente confirmant l’adresse mais refusant le pli),
– un courrier du conseil de Madame [I] contestait néanmoins la réalité de l’adresse de sa cliente au 11 rue Lalo et indiquait la nécessité de signifier les actes au 96, avenue Achille Peretti à Neuilly-sur-Seine,
– une nouvelle signification de l’acte était faite le 18 octobre 2022 à l’adresse indiquée par le conseil de Madame [I] sans succès, se transformant en procès-verbal de difficultés (cette dernière étant inconnue à l’adresse). Toutefois, une signification de jugement en septembre 2023 et une dénonciation de saisie-attribution en octobre 2023 au 96, avenue Achille Peretti à Neuilly-sur-Seine permettait de voir confirmer l’adresse par une employée du CCAS.
Il sera ainsi relevé que Madame [I] apparaît sciemment entretenir le flou quant à la localisation de son domicile dont il n’est pas possible de déterminer la réalité en l’état dans le respect des dispositions précitées.
Or, il résulte des multiples contentieux et actes de procédure opposant les parties que la fictivité et la multiplicité des domiciles allégués changeant au gré des procédures et des actes signifiés causent en l’espèce un grief à la SCI COLOMBE & LOVE et Monsieur [V] qui ne peuvent avoir la certitude de faire signifier leurs actes de procédure à la bonne adresse de Madame [I] ce qui désorganise nécessairement la défense de leurs droits, leur causant ainsi un grief, et alimentent les différents contentieux procéduraux.
En conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité des assignations délivrées par Madame [I] le 13 juin 2023 à la SCI COLOMBE & LOVE et Monsieur [V].
Sur les demandes accessoires
Madame [I] succombant en ses demandes, sera condamnée à payer les dépens de l’instance.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI COLOMBE & LOVE et Monsieur [V] les frais et honoraires qu’ils ont exposés dans le cadre de cet incident et non compris dans les dépens.
En conséquence, Madame [I] est condamnée à payer la somme de 2.000 euros à chacun des défendeurs au fond sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et est déboutée de sa demande sur le même fondement.
Le juge de la mise en état, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au Greffe, contradictoirement et par une décision susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,
Ecarte des débats les pièces numérotées 11 et 12 transmises en cours de délibéré par Madame [X] [I] ;
Prononce la nullité des assignations remises le 13 juin 2023 à la SCI COLOMBE & LOVE et à Monsieur [P] [V], et constate l’extinction de l’instance ;
Condamne Madame [X] [I] à payer à la SCI COLOMBE & LOVE la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [X] [I] à payer à Monsieur [P] [V] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Madame [X] [I] de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame [X] [I] à payer les dépens de l’instance;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Faite et rendue à Paris le 28 octobre 2024
Le Greffier Le juge de la mise en état
Robin LECORNU Samantha MILLAR