Conflit de créances et interprétation des engagements : enjeux et conséquences d’une cession dans le cadre d’un prêt immobilier

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Conflit de créances et interprétation des engagements : enjeux et conséquences d’une cession dans le cadre d’un prêt immobilier

M. [Y] [O] et son épouse [D] née [I] se sont portés cautions pour un prêt de 1 500 000 F accordé à la SCI Les Pescadières par la Banque Worms. Un protocole d’accord a été signé en 2000 pour reporter le remboursement de la dette. En 2002, la Banque Worms a cédé ses créances à Wox Limited. Suite à des manquements de la SCI et de ses cautions, Wox Limited a engagé une saisie immobilière. En 2007, M. et Mme [O] ont assigné Wox Limited pour contester la cession de créances et d’autres demandes. Le tribunal a confirmé la cession de créance et a débouté M. et Mme [O] de leurs demandes. Ils ont fait appel, et la cour a confirmé en partie le jugement, condamnant M. et Mme [O] à payer une somme à Wox Limited. En 2024, Mme [J] [O], héritière de M. [O], a demandé une interprétation de l’arrêt de 2010, tandis que le Fonds commun de titrisation Abus a contesté cette demande. La cour a déclaré la requête de Mme [J] [O] irrecevable et a condamné cette dernière aux dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG
24/00387
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 24/00387 –

N° Portalis DBVH-V-B7I-JCNP

ID

COUR D’APPEL DE NÎMES

16 novembre 2010

RG : 09/05183

[O]

C/

Société FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS D

Grosse délivrée

le 17/10/2024

à Me Christèle Clabeaut

à Me Alexia Combe

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2024

Décision déférée à la cour : arrêt de la cour d’appel de Nîmes en date du 16 novembre 2010, N°09/05183

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, et Mme Alexandra Berger, conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,

Mme Alexandra Berger, conseillère,

Mme Audrey Gentilini, conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 octobre 2024.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Mme [J], [M], [T] [O] épouse [U]

agissant en qualité d’ayant droit de [D] [I] épouse [O] et [Y] [O], à ce jour décédés.

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 12]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Christèle Clabeaut de la Scp Lemoine Clabeaut, postulante, avocate au barreau de Nîmes

Représentée par Me Sabrina Gayet de la Scp Bez, Durand, Deloup, Gayet, plaidante, avocate au barreau de Montpellier

INTIMÉE :

La société Fonds commun de titrisation ABSUS,

ayant pour société de gestion la Sas IQ EQ Management,

RCS Paris n° 431 252 121, [Adresse 9]

représentée par la Sas MCS TM,

RCS Paris n°982 392 722, [Adresse 6],

venant en vertu d’un bordereau de cession de créances du 31 janvier 2024 aux droits de la Sas MCS & Associés,

RCS Paris n° B 334 537 206, [Adresse 6]

venant elle-même aux droits de la société de droit anglais WOX LIMITED, immatriculée sous le n°44 48 089, Reed Smith Corporate, Services Limited ‘ [Adresse 13] , Grande-Bretagne, en vertu d’un « Supplemental deed to receivables trust deed » en date du 31 mars 2022,

venant elle-même aux droits de la BANQUE WORMS en vertu d’une cession de créances en date du 24 juin 2002,

prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Alexia Combe, avocate au barreau de Nîmes

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 17 octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSÉ DES FAITS DE LA PROCÉDURE ET DES MOYENS DES PARTIES

Aux termes d’un acte authentique reçu par Me [Z] [E], notaire associé à [Localité 12] les 15 et 25 mars 1996, contenant renouvellement d’un prêt de 1 200 00 F consenti par la banque Worms à la SCI Les Pescadières par acte authentique du 18 octobre 1991, ainsi que d’un prêt complémentaire de 300 000 F, soit au total 1 500 000 F, M. [Y] [O] et son épouse [D] née [I] se sont portés cautions personnelles et solidaires des engagements pris par cette SCI, et M. [O] a consenti une affectation hypothécaire sur un bien lui appartenant à [Localité 10] dans un immeuble sis [Adresse 11], cadastré section D [Cadastre 4], savoir le lot n°1 consistant en un appartement au rez-de-chaussée.

Le 31 janvier 2000, un protocole d’accord transactionnel a été signé entre les parties, reportant la date de remboursement de la dette de la SCI au 31 décembre 2000.

Par acte du 24 juin 2002, la Banque Worms a cédé à la société Wox Limited un portefeuille comportant notamment ses créances sur la SCI Les Pescadières.

En l’absence de respect de leurs engagements par celle-ci et ses cautions, cette société a engagé une procédure de saisie immobilière du bien de M. [O] affecté hypothécairement.

Par acte du 31 janvier 2007, M. et Mme [O] agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité d’associés de la SCI Les Pescadières ont fait assigner la société Wox Limited devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins :

– de leur voir déclarer la cession de créances de la Banque Worms à la société Wox Limited inopposable,

– de dire la société Wox Limited responsable de la vente à vil prix des garages et la condamner au paiement d’une somme correspondant à celle restant due en l’état des paiements,

– de dire que l’imputation des versements lors de la vente des lots n’a pas été faite sur le capital et de constater que le capital restant dû s’élève à la somme de 3 579,93 euros, de dire que les règlements effectués pour les intérêts n’ont pas été déduits,

– de déclarer nul leur engagement de caution,

– de dire que la société Wox Limited sera déchue des intérêts échus et non payés,

– d’annuler la procédure de saisie immobilière de la pleine propriété (de l’immeuble),

– de condamner la société Wox Limited à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 4 septembre 2008, ce tribunal :

– a déclaré la cession de créance sur la SCI Les Pescadières du 24 juin 2002 par la Banque Worms à la société Wox Limited opposable à M. [Y] [O] et Mme [D] [I] épouse [O] tant en leur nom personnel qu’en qualité d’associés de cette société,

– les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts,

– a déclaré les demandes relatives au quantum de la créance, à la validité du cautionnement et à la validité du commandement aux fins de saisie immobilière irrecevables,

– a débouté la société Wox Limited de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

– a condamné M.et Mme [O] aux dépens de l’instance.

Ceux-ci ont relevé appel de ce jugement le 5 novembre 2008 et par arrêt du 16 novembre 2010 cette cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :

– a confirmé le jugement déféré sauf en ce qui concerne l’irrecevabilité des demandes relatives au quantum de la créance et à la validité du cautionnement,

Statuant à nouveau de ce chef

– a débouté M. et Mme [O] de leur demande de nullité du cautionnement,

– les a condamnés à payer à la société Wox Limited la somme de 146 355,95 euros arrêtée au 6 novembre 2009, outre intérêts courus et à courir à compter de cette date au taux contractuel, sauf à déduire de ce montant les intérêts échus et non réglés entre le 4 octobre 2000 et le 6 octobre 2001,

– les a condamnés in solidum à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel avec distraction au profit de la Scp Pomiès Richaud Vajou, avoués.

Par déclaration de saisine du 30 janvier 2024 Mme [J] [O] épouse [U], venant aux droits de son père [Y] [O] décédé le [Date décès 5] 2012 a saisi la cour d’une requête en interprétation de cet arrêt et demande au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 3 septembre 2024 :

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;

Vu les articles 461 et 463 du code de procédure civile,

– d’accueillir sa requête en interprétation de l’arrêt du 16 novembre 2010 es-qualité d’héritière de son père [Y] [O] décédéle [Date décès 5] 2012,

– de juger irrecevables les conclusions du Fonds commun de titrisation Absus,

– d’interpréter l’arrêt rendu le 16 novembre 2010 (RG n°09/05183)

– de dire que le montant des condamnations, soit 146 395,55 euros arrêté au 6 novembre 2009 doit être réparti entre principal, intérêts, pénalités et accessoires, comme suit :

– compléter le dispositif de ladite décision, et remplacer

« Condamne M. [Y] [O] et Mme [D] [I] son épouse à payer à la société Wox Limited la somme de 146 355,95€ arrêtée au 6 novembre 2009, soit outre intérêts courus et à courir à compter de cette date au taux contractuel, sauf à déduire de ce montant les intérêts échus et non réglés entre le 4 octobre 2000 et le 6 octobre 2001

par

« Condamne M. [Y] [O] et Mme [D] [I] son épouse à payer à la société Wox Limited la somme de 146 355,95€ arrêtée au 6 novembre 2009, soit 92 547,68 € en principal, 51 521,53 € au titre des intérêts et 2 286,74 € au titre des frais et pénalités, outre intérêts courus et à courir à compter de cette date au taux contractuel, sauf à déduire de ce montant les intérêts échus et non réglés entre le 4 octobre 2000 et le 6 octobre 2001 »

– d’ordonner qu’il sera fait mention de ces ajouts en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,

– de rejeter les demandes adverses,

– de condamner le Fonds commun de titrisation Absus à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– de dire que les frais et dépens seront à la charge du Trésor public.

Au terme de ses conclusions en réponse n°3 régulièrement notifiées le 2 septembre 2024 le Fonds commun de titrisation Abus venant aux droits de la société MCS & Associés ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management représenté par son recouvreur la société MCS TM demande à la cour

A titre principal

– de débouter purement et simplement Mme [J] [O] de sa demande visant la l’interprétation de l’arrêt susvisé,

A titre subsidiaire

– de rectifier le dispositif de cet arrêt dans les termes suivants :

« Condamne solidairement M. [Y] [O] et Mme [D] [I] son épouse à payer à la Société Wox Limited la somme de 146 355,95€ arrêtée au 6 novembre 2009, soit 92 547,68 € en principal, 51 521,53 € au titre des intérêts et 2 286,74 € au titre des frais et pénalités, outre intérêts courus et à courir à compter de cette date au taux contractuel, sauf à déduire de ce montant les intérêts échus et non réglés entre le 4 octobre 2000 et le 6 octobre 2001 »

En tout état de cause

– de condamner Mme [J] [O] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– de la condamner aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Alexia Combe, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

*sur la fin de non-recevoir des demandes de l’intimé pour défaut de qualité à agir

Mme [O] soutient qu’une cession de créance n’est opposable aux tiers que si une date est précisée sur le bordereau ce qui n’est pas le cas ici, et que la créance cédée est la créance détenue à l’encontre de la SCI Les Pescadières et non la créance à l’égard des cautions.

Le Fonds de titrisation Absus soutient que s’agissant de cessions de créances successives, la cession est opposable à compter de la date portée sur le bordereau de cession de créances par signature DocuSign 31 janvier 2024.

Il produit l’acte de cession à son profit par la société MCS et Associés le 31 janvier 2024 d’un portefeuille de 48 390 créances d’une valeur nominale de 704 612 304,32 euros parmi lesquelles les créances n° 6542844012GEUR détenue par la société Wox Limited sur la SCI Les Pescadières (n°104), et sur M. [Y] [O] né le [Date naissance 3] 1928 (n°105) et Mme [D] [O] née le [Date naissance 2] 1933 (n°106) en qualité de cautions solidaires.

La fin de non-recevoir soulevée doit donc être rejetée.

*sur l’interprétation du dispositif de l’arrêt

La requérante soutient que la cour aurait du reprendre à son dispositif la répartition de la somme due telle que détaillée aux motifs de son arrêt soit

‘la somme de 146 355,95 € arrêtée au 6 novembre 2009, soit 92 547,68 € en principal, 51 521,53 € au titre des intérêts et 2 286,74 € au titre des frais et pénalités, outre intérêts courus et à courir à compter de cette date au taux contractuel, sauf à déduire de ce montant les intérêts échus et non réglés entre le 4 octobre 2000 et le 6 octobre 2001’.

Le Fonds Absus soutient que l’arrêt est clair et qu’il n’y a pas lieu à interprétation, que la ventilation de la créance au dispositif emporterait prescription sur une partie de la somme due et que la cour a fixé la dette au jour où elle a rendu son arrêt à la somme de 146 355,95 euros.

L’arrêt énonce en effet page 12

‘il résulte du dernier décompte arrêté au 6 novembre 2009 ressortant à la somme totale de 146 355,95 €, à concurrence de 92 547,68 € en principal, 51 251 € en intérêts et 2 286,74 € au titre des frais et pénalités et accessoires que la société Wox Limited a pris en considération toutes les observations et critiques qui lui avaient été faites tant par le jugement que par l’intimé ; que tous les règlements intervenus sont mentionnés sur le décompte ; qu’ils ont été imputés sur le capital pendant la période de défaut d’information de la caution et sur les intérêts pour les autres périodes (…) ; qu’il a été fait application de l’intérêt au taux légal à partir du 31 décembre 2000 jusqu’au 30 mars 2003 puis du 1er janvier 2007 jusqu’au 1er janvier 2008 ; que ce décompte n’est pas une preuve que la banque s’est constituée mais le résultat d’écritures dont les époux [O] ne démontrent pas l’inexactitude, dressé après prises en compte des moyens retenus par le tribunal, étant en outre observé que le point de départ de ce décompte se situe au 30 septembre 1999 pour un principal de 228 673,53 € et des intérêts pour un montant de 50 033,78 € correspondant aux sommes stipulées dans le protocole d’accord du 31 janvier 2000 signé par toutes les parties. (..) Qu’en conséquence le montant de la créance de la société Wox Limited arrêtée au 6 novembre 2009 s’élève à la somme de 146 355,95 € dont à déduire les intérêts antérieurs au 6 octobre 2001 comme étant prescrits’.

Si en vertu de l’article 461 du code civil, il appartient à tout juge d’interpréter sa décision, il ne peut toutefois, sous prétexte de déterminer le sens d’une précédente décision, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci, fussent-elles erronées.

En l’espèce, le dispositif de l’arrêt soumis à interprétation est parfaitement clair et conforme à ses motifs en ce qui concerne le montant de la créance de la banque au jour de son prononcé et il n’y a pas lieu à interprétation.

Mme [O] qui succombe en sa requête en interprétation devra en supporter les dépens.

Elle devra en outre payer à l’intimé la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Déboute mme [J] [O] de sa fin de non-recevoir,

Déclare le Fonds commun de titrisation Abus venant aux droits de la société MCS & Associés ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management représenté par son recouvreur la société MCS TM recevable à défendre contre la requête en interprétation de l’arrêt de cette cour en date du 16 novembre 2010 ( n° RG 09/05183) formée par Mme [J] [O],

Déboute Mme [J] [O] de sa requête en interprétation de l’arrêt de cette cour en date du 16 novembre 2010 ( RG n° 09/05183),

Condamne Mme [J] [O] aux dépens,

La condamne à payer au Fonds commun de titrisation Abus venant aux droits de la société MCS & Associés ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management représenté par son recouvreur la société MCS TM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


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