Conflit de créances et contestation des saisies : enjeux de la cession et de la prescription

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Conflit de créances et contestation des saisies : enjeux de la cession et de la prescription

M. [B] [R] a été condamné par le tribunal de commerce d’Évreux en 2004 à payer 85 466,29 euros à la Société coopérative Bred Banque populaire en tant que caution de la SCI AMSD. En 2010, la SCI AMSD a été placée en liquidation judiciaire, et la Bred Banque populaire a déclaré une créance de 124 222,61 euros, admise au passif. En 2020, la Bred Banque populaire a cédé ses créances, y compris celles sur la SCI AMSD, à la société MCS et associés. En 2022, MCS et associés ont demandé la saisie des rémunérations de M. [R] et ont pratiqué des saisies sur ses parts sociales et son compte courant. M. [R] a contesté ces saisies. En février 2024, le juge de l’exécution a annulé les saisies et a débouté MCS et associés de sa demande de saisie des rémunérations, tout en condamnant MCS à verser 1 500 euros à M. [R]. Le Fonds commun de titrisation Absus, ayant repris les droits de MCS, a interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions, il a demandé l’infirmation du jugement et la saisie des rémunérations de M. [R]. M. [R] a également interjeté appel, demandant la confirmation du jugement et des dommages-intérêts. La cour a déclaré l’appel du Fonds recevable, a confirmé le jugement dans ses dispositions, et a condamné le Fonds aux dépens et à verser 1 500 euros à M. [R].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Rouen
RG
24/00874
N° RG 24/00874 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JTEL

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 17 OCTOBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

22/03432

Jugement du Juge de l’exécution d’Evreux du 06 février 2024

APPELANTE :

Organisme FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS, ayant pour société de gestion la société IQ EQ MANAGEMENT (anciennement dénommée EQUITIS GESTION SAS), société par actions simplifiées dont le siège sociale est situé [Adresse 6], immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 431 252 121 et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM, société par actions simplifiées immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 982 392 722, ayant son siège social [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège venant aux droits de la société MCS ET SSOCIES, société par actions simplifiées à associé unique au capital social de 12 922 642,48 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B 334 537 206, ayant son siège social [Adresse 3], agissant par son représentant légal en exercice, dûment habilité, domicilié en cette qualité audit siège, en vertu d’un bordereau de cession de créances soumis aux dispositions du code monétaire et financier en date du 31/01/2024, venant aux droits de la BRED BANQUE POPULAIRE en vertu d’un acte de cession de créances en date du 1er décembre 2020, conforme aux dispositions du code civil

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN postulant

assistée de Me TAVIEAUX-MORO, de la SELARL TMDLS-AVOCATS, avocat au barreau de PARIS plaidant

INTIME :

Monsieur [B] [R]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Olivier JOLLY de la SCP BALI COURQUIN JOLLY PICARD, avocat au barreau de l’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 septembre 2024 sans opposition des avocats devant Madame ALVARADE, Présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame ALVARADE, Présidente

Monsieur TAMION, Président

Madame GERMAIN, Conseillère

DEBATS :

Madame DUPONT greffière

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 17 octobre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, présidente et par Madame DUPONT, greffière lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement définitif du tribunal de commerce d’Évreux, en date du 22 juillet 2004, signifié le 11 août 2004, M. [B] [R] a été condamné à payer à la Société coopérative Bred Banque populaire la somme de

85 466,29 euros en qualité de caution de la SCI AMSD.

Par jugement du 19 mars 2010, le tribunal de grande instance d’Évreux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SCI AMSD. La société Bred Banque populaire a par suite déclaré sa créance à hauteur de 124 222,61 euros suivant bordereau du 12 mai 2010. Ladite créance a fait l’objet d’une admission au passif de la liquidation judiciaire de la SCI AMSD.

Par acte de cession du 1er décembre 2020, la Bred Banque populaire a cédé à la société par actions simplifiée (SAS) MCS et associés un portefeuille de créances, dont celles détenues sur la SCI AMSD.

Par requête du 8 septembre 2022, la société MCS et associés, indiquant venir aux droits de la société Bred Banque populaire en vertu d’une convention de cession de portefeuille de créances régularisée le 1er décembre 2020, a demandé la saisie des rémunérations de M. [R] entre les mains de son employeur, la société Xerolab, à hauteur de la somme de 150.219,49 euros en principal et frais. M. [R] a contesté cette mesure.

Parallèlement, par acte de commissaire de justice du 23 septembre 2022, la société MCS et associés a fait pratiquer entre les mains de la SCI Frajen une saisie de droits incorporels portant sur les parts sociales détenues par M. [B] [R], ainsi qu’une saisie-attribution des sommes détenues sur le compte courant de ce dernier, en recouvrement de la somme de

150 925,63 euros. Ces actions ont été initiées sur le fondement du jugement du tribunal de commerce d’Évreux du 22 juillet 2004 et de la convention de cession de portefeuille de créances du 1er décembre 2020. Les saisies ont été dénoncées à M. [R] par actes de commissaire de justice du 27 septembre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 12 octobre 2022, M. [R] a assigné la SAS MCS et associés devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Évreux en contestation des saisies pratiquées.

Suivant un acte du 31 janvier 2024, la société MCS et associés a cédé son portefeuille de créances au Fonds commun de titrisation Absus.

Par jugement contradictoire du 6 février 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Évreux a :

ordonné la jonction des deux procédures numéros RG

22/003432 et RG 23/001429 sous le numéro RG 22/003432 ;

déclaré M. [R] recevable en son action ;

prononcé la nullité de la saisie de droits incorporels portant sur

les parts sociales détenues par M. [R] dans le capital social de la SCI Frajen, pratiquée par acte d’huissier du 23 septembre 2022 et dénoncée le 27 septembre 2022 ;

ordonné la mainlevée totale de cette saisie, aux frais de la société MCS et associés ;

prononcé la nullité de la saisie-attribution du compte courant d’associé au nom de M. [R] dans les livres de la SCI Frajen, pratiquée par acte d’huissier du 23 septembre 2022 et dénoncée le 27 septembre 2022 ;

ordonné la mainlevée totale de la saisie-attribution ;

débouté la société MCS et associés de sa demande de saisie des rémunérations de M. [R] ;

débouté M. [R] de sa demande indemnitaire ;

condamné la société MCS et associés à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société MCS et associés aux entiers dépens de l’instance ;

rappelé que la décision est assortie de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 5 mars 2024, le Fonds commun de titrisation Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management (anciennement dénommée Equitis Gestion SAS), représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS et associés, a interjeté appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2024.

Exposé des prétentions des parties

Dans ses dernières conclusions, communiquées le 8 août 2024, le Fonds commun de titrisation Absus demande à la cour :

de le dire recevable et bien fondé en son appel ;

d’infirmer le jugement du 6 février 2024 en ce qu’il a prononcé la nullité des saisies de parts sociales et de compte courant d’associé telles qu’initiées entre les mains de la SCI Frajen au préjudice de M. [R], en ce qu’il a ordonné la mainlevée de ces saisies, et en ce qu’il a également débouté la SAS MCS et associés, aux droits de laquelle il vient aujourd’hui, de sa demande de saisie arrêt des rémunérations de M. [R] ;

d’infirmer également le jugement en ce qu’il a condamné la SAS MCS et associés à verser 1 500 euros à M. [R] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

de débouter M. [R] de toutes ses demandes ;

d’ordonner la saisie-arrêt des rémunérations de M. [R] entre les mains de la société IDEMAPS ‘ XEROLAB, immatriculée au RCS d’Évreux, à hauteur de 150 219,49 euros arrêtés au 18 mars 2022 ;

de condamner M. [R] à payer une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

de condamner M. [R] aux dépens, avec distraction au profit de M. Simon Mosquet-Leveneur, avocat au barreau de Rouen, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées le 22 juillet 2024, M. [R] demande à la cour de :

déclarer M. [R] recevable et bien fondé en ses écritures et son appel incident ;

déclarer irrecevables et nulles la déclaration d’appel et les conclusions d’appel régularisées par le Fonds commun de titrisation Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management (anciennement dénommée Equitis Gestion SAS) et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM ;

À défaut, au fond :

confirmer partiellement le jugement du 6 février 2024 ;

prononcer la nullité de la saisie de droits incorporels portant sur les parts sociales détenues par M. [R] dans le capital social de la SCI Frajen, pratiquée par acte de commissaire de justice du 23 septembre 2022 et dénoncée le 27 septembre 2022 ;

ordonner la mainlevée totale de cette saisie aux frais de la société MCS et associés, aux droits de laquelle vient aujourd’hui le Fonds commun de titrisation Absus, ayant pour société de gestion IQ EQ Management et pour entité en charge du recouvrement, la société MCS TM ;

prononcer la nullité de la saisie-attribution du compte courant d’associé ouvert au nom de M. [R] dans les livres de la SCI Frajen, pratiquée par acte de commissaire de justice du 23 septembre 2022 et dénoncée le 27 septembre 2022 ;

ordonner la mainlevée totale de cette saisie aux frais de la société MCS et associés ;

débouter la société MCS et associés aux droits de laquelle vient le Fonds commun de titrisation Absus de sa demande de saisie des rémunérations de M. [R] ;

condamner la société MCS et associés à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société MCS et associés aux entiers dépens de l’instance ;

Reformant partiellement le jugement du 6 février 2024 :

condamner le Fonds commun de titrisation Absus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, anciennement dénommée Equitis gestion SAS , et pour entité en charge du recouvrement la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS et associés à payer à M. [R] la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant :

condamner le Fonds commun de titrisation Absus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, anciennement dénommée Equitis gestion SAS , et pour entité en charge du recouvrement la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS et associés à supporter les entiers dépens de l’instance d’appel ;

condamner le Fonds commun de titrisation Absus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, anciennement dénommée Equitis gestion SAS, et pour entité en charge du recouvrement la société MCS TM, venant aux droits de la société MCS et associés à payer à M. [R] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l’instance d’appel ;

À titre subsidiaire :

lui accorder un délai de grâce de deux ans.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel

M. [R] soutient que l’appel est irrecevable dans la mesure où il émane du « Fonds commun de titrisation Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management, anciennement dénommée Equitis Gestion SAS, et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM ». Il invoque le fait que le fonds commun de titrisation n’a pas la personnalité morale, conformément à l’article L.214-180 du code monétaire et financier, et que seule la société de gestion peut le représenter à l’égard des tiers et dans toute action en justice selon l’article L.214-183 du même code.

Il fait valoir que l’appel aurait dû être formé par la société de gestion et non par la société MCS TM, et qu’il convient de faire application de la jurisprudence en matière de sociétés en formation dépourvues de personnalité morale, selon laquelle les actes souscrits en propre par un organe privé de personnalité morale sont nuls. Par ailleurs, M. [R] précise qu’il n’a jamais été informé du transfert de la créance au profit du fonds, ni du fait que la société de gestion avait confié le recouvrement à une entité dédiée.

Le FCT Absus rétorque que le code monétaire et financier permet expressément à une entité en charge du recouvrement de représenter un fonds commun de titrisation. Il affirme également que la jurisprudence relative aux sociétés en formation ne s’applique pas en l’espèce, et rappelle que la cour d’appel de Rouen a déjà statué sur ce point en reconnaissant la régularité de la représentation du fonds ainsi désignée.

La cour retient qu’en vertu des articles L.214-180 et L.214-183 du code monétaire et financier, le fonds commun de titrisation est représenté par sa société de gestion à l’égard des tiers et dans toute action en justice. L’article L.214-172 du même code, dans sa version en vigueur, prévoit que le recouvrement des créances peut être confié à une entité autre que la société de gestion, avec l’obligation d’informer le débiteur par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire.

Il ressort des pièces versées aux débats que le FCT Absus a valablement informé M. [R] du transfert des créances ainsi que de la désignation de la société MCS TM comme entité en charge du recouvrement. Suivant conclusions d’intervention volontaire du 25 mars 2024, il a ainsi fait état, d’une part, de la cession de créances intervenue à son bénéfice le 31 janvier 2024 et, d’autre part, des modalités de représentation du fonds par l’entité en charge du recouvrement.

Il est indifférent que l’appelant ait été identifié comme suit : « FCT ABSUS, ayant pour société de gestion la société IQ EQ management (anciennement dénommée Equitis gestion SAS) et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM’ » et non sous la désignation suivante : « la société de gestion, la société IQ EQ ayant pour société de gestion la société IQ EQ management (anciennement dénommée Equitis Gestion SAS), et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM (anciennement dénommée Equitis gestion SAS) -et/ou l’entité en charge du recouvrement la société MCS TM, agissant au nom et pour le compte du FCT ABSUS.», les deux formulations étant équivalentes, de sorte que ce moyen est inopérant.

L’appel interjeté par le FCT Absus, représenté par la société MCS TM, est par conséquent jugé régulier.

Sur le moyen tiré du défaut de qualité à agir de la société MCS et associés

M. [R] allègue que le créancier poursuivant ne justifie pas de l’étendue de ses droits.

Aux fins de justifier de la qualité à agir de la société MCS et associés, il est versé aux débats le procès-verbal de constat dressé le 24 février 2021 par M. [H], huissier de justice (pièce 5), mentionnant qu’au rang des minutes de son office, ont été déposés l’original d’une convention de cession de portefeuille de créances en date du 1er décembre 2020, conclue entre la société Bred Banque Populaire et la société MCS et associés et l’annexe à la convention de cession de portefeuille de créances en date du 1er décembre 2020, reproduisant des extraits de cette convention et notamment l’article 1 intitulée cession, prévoyant que « sont transmis avec les créances composant le portefeuille de créances toutes les sûretés, garanties et accessoires attachés aux créances (‘) le cédant subroge par les présentes le cessionnaire dans tous les droits, actions, nantissements, privilèges, hypothèques, cautionnements et plus généralement toutes sûretés réelles ou personnelles à l’égard des différents clients, cautions, garants, ayants droit ou ayants cause du cédant au titre de chaque élément du portefeuille. Les droits ainsi transmises doivent s’entendre comme étant l’ensemble des droits détenus par le cédant à la date de la convention, ainsi que tous droits futurs relatifs auxdits éléments incluant notamment, tout droit accessoire au droit du cédant de recevoir le principal, les intérêts et les frais relatifs aux créances, incluant le droit du cédant d’appliquer et d’obtenir l’exécution de toute disposition du contrat de prêt, tout droit de poursuite et de défense judiciaire et de tous les autres droits à l’encontre des clients cédés résultant de relatifs au contrat de prêt et plus généralement, aux créances. (‘)  », l’annexe 1 listant les créances cédées détenues à l’encontre de la SCI AMSD.

M. [R] argue toutefois que l’acte de cession produit est incomplet et ne permet pas de déterminer les personnes du cédant et du cessionnaire. Il soutient également qu’il n’a pas été signifié conformément à l’article 1690 du code civil, et que la simple connaissance de la cession de créances ne la rend pas opposable.

La pièce 5 de l’appelante établit tant la réalité de la cession de créances intervenue le 1er décembre 2020 entre la société Bred Banque populaire et la société MCS et associés que la qualité des parties, le premier juge ayant exactement considéré que l’ordre de présentation de chacune des parties suffit à établir leurs qualités respectives de cédant et de cessionnaire, étant observé qu’il n’est fait état d’aucune incohérence qui permettrait de remettre en cause cette présentation.

Le premier juge a également pu retenir que l’acte de notification n’a pas à contenir les conditions de la cession mais doit seulement permettre au débiteur cédé d’identifier et d’individualiser la créance cédée, ledit acte contenant en l’espèce les éléments nécessaires à l’exacte information du débiteur quant au transfert de sa créance.

En outre, il n’est pas discutable que la cession de créances est soumise aux dispositions des articles 1321 et 1324 du code civil, l’article 1690 du même code n’ayant pas vocation à s’appliquer, de sorte que la notification adressée à M. [R] par lettre simple et par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 26 avril 2021 satisfait aux exigences textuelles précitées, le premier juge ayant justement retenu que la cession en cause lui était opposable.

La validité de l’acte établi par un officier public étant incontestable et la notification de la cession ayant été effectuée conformément aux dispositions de l’article 1324 du code civil, la cour rejette les moyen tiré du défaut de qualité à agir de la société MCS et associés.

Sur le moyen tiré du défaut de droit d’agir du FCT Absus

M. [R] fait valoir que le FCT Absus prétend être titulaire des créances détenues par la société MCS et associés, dont celles sur la société AMSD, ainsi que ses accessoires, parmi lesquels figure le titre exécutoire obtenu par la Bred Banque populaire contre lui, en qualité de caution solidaire. Il soutient que le FCT Absus ne justifie pas de ses droits sur ces créances, estimant que, même subrogé, il ne saurait disposer de plus de droits que son auteur. Il affirme en outre que le titre exécutoire du 22 juillet 2004 pris à son encontre, n’est pas mentionné dans l’acte de cession des créances. Il conteste également la lisibilité de la pièce 10, laquelle contient, selon lui, une annexe illisible listant les créances acquises. Enfin, il soutient que la Bred Banque populaire disposait d’une créance directe et distincte contre lui, du fait de sa condamnation en tant que caution avant l’ouverture de la liquidation judiciaire de la SCI AMSD. Il estime en conséquence que la déclaration de créances contre le débiteur principal n’a pas interrompu la prescription à son égard.

Le FCT Absus rétorque que l’annexe 1 au bordereau de cession de créances démontre clairement que la SCI AMSD est bien la débitrice cédée. Il ajoute qu’il n’était pas nécessaire de mentionner le jugement contre M. [R] en qualité de caution, dans la mesure où la cession des créances à l’encontre du débiteur principal inclut nécessairement la cession de ses accessoires, y compris les engagements de caution.

La cour constate que la lecture de l’annexe en question est effectivement difficile, mais que le procès-verbal de constat dressé par l’huissier de justice le 24 février 2021 confirme que les créances de la SCI AMSD faisaient partie du portefeuille de créances cédées à la société MCS et associés, puis au FCT Absus le 31 janvier 2024, l’acte portant sur « la cession en bloc des créances du portefeuille ».

Il est par ailleurs constant que la cession de créances consentie dans le cadre d’une opération de titrisation transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée, notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant à l’encontre de la caution garantissant le paiement de la créance, qui constitue un accessoire du cautionnement, lui-même garantie accessoire de la créance détenue contre le débiteur principal, le FCT Absus justifiant, au cas d’espèce, venir aux droits de la société MCS et associés, laquelle vient aux droits de la banque Bred Banque populaire, cédante et détentrice initiale de la créance, la circonstance que la banque ait obtenu du tribunal un titre exécutoire contre M. [R] n’étant pas de nature à modifier la nature de la dette de celui-ci à son égard.

La cession inclut donc les sûretés, garanties et accessoires liés à la créance, ce qui implique que le titre exécutoire obtenu contre M. [R] en qualité de caution a bien été transféré. Il est donc établi que le FCT Absus dispose d’un droit d’action.

En conséquence, le moyen tiré du défaut de droit d’agir du FCT Absus est rejeté.

Sur la prescription de l’action

M. [R] soutient que l’action du FCT Absus est forclose, en vertu de l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution. Il avance que la prescription n’a pas été interrompue par la déclaration de créances de la Bred Banque populaire dans la procédure de liquidation judiciaire de la SCI AMSD, car cette dernière n’a pas d’effet interruptif à l’égard de la caution solidaire. Selon lui, la prescription aurait dû être interrompue par un acte d’exécution forcée ou conservatoire à son encontre, ce qui n’a pas été fait.

Le FCT Absus, pour sa part, fait valoir que la déclaration de créances dans la procédure collective du débiteur principal interrompt la prescription à l’égard de la caution solidaire, cet effet se prolongeant jusqu’à la clôture de la liquidation judiciaire. Il rappelle que la SCI AMSD a été placée en liquidation judiciaire le 19 mars 2010 et que la clôture pour insuffisance d’actif a été prononcée le 14 mars 2016, ce qui fait courir un nouveau délai de prescription de 10 ans.

La cour rappelle que l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution, issu de la loi du 17 juin 2008, dispose que l’exécution des titres exécutoires ne peut être poursuivie que pendant 10 ans.

En l’espèce, le jugement du 22 juillet 2004 est devenu exécutoire le 11 septembre 2004, alors que la prescription applicable aux voies d’exécution était trentenaire en vertu de l’article 2262 ancien du code civil. Ce délai de prescription qui courrait initialement jusqu’au 11 septembre 2034 n’était pas écoulé à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le 18 juin 2008, le délai de prescription de 10 ans s’est donc substitué à cette date à l’ancienne prescription et a couru à compter du 18 juin 2008, la nouvelle durée de prescription expirant le 18 juin 2018.

La banque Bred Banque populaire a procédé à la déclaration de ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la SCI AMSD le 12 mai 2010, clôturée pour insuffisance d’actif le 14 mars 2016.

S’il est constant que la déclaration de créances au passif de la liquidation judiciaire du débiteur principal interrompt la prescription à l’égard de la caution solidaire jusqu’à la clôture de la liquidation et que la suspension des poursuites est également étendue à la caution personne physique, ce n’est toutefois vrai que dans les hypothèses d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation, les créanciers bénéficiaires de garantie pouvant néanmoins prendre des mesures conservatoires. Il s’en suit qu’ils ne sont pas empêchés d’agir immédiatement contre la caution au cas de liquidation judiciaire directe.

Au cas d’espèce, le créancier poursuivant, muni d’un titre exécutoire en date du 22 juillet 2004, pouvait donc agir en recouvrement de sa créance jusqu’au 18 juin 2018. C’est très justement que le premier juge a relevé la tardiveté des actes de poursuite initiés par le FCT Absus en septembre 2022 et qu’il a rejeté la requête aux fins de saisie des rémunérations.

La cour confirme que l’action est prescrite. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de délais de paiement formulée par M. [R].

Sur le droit à un procès équitable

M. [R] invoque la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, faisant valoir que dix-huit ans se sont écoulés entre le jugement de 2004 et les premières mesures d’exécution. Il déplore que la créance ait fait l’objet de plusieurs cessions entre divers créanciers sans qu’il en ait été informé, et qu’un nouveau changement soit intervenu en cours de procédure.

La cour a considéré que M. [R] avait été informé des cessions intervenues. Il ne peut en outre être fait grief aux créanciers poursuivants d’agir en recouvrement de leurs créances. Par ailleurs, M. [R] ne justifie pas du fait que ses droits de la défense aient été compromis, ni qu’il ait été privé de son droit à un procès équitable, étant observé qu’il ne formule aucune demande spécifique à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

M. [R] sollicite la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral qu’il prétend avoir subi en raison des actes de poursuite engagés par la société MCS et Associés, puis par le FCT Absus. Il soutient que ces actes, frappés par la prescription, sont constitutifs d’un abus de droit, que le créancier ne pouvait ignorer leur insuffisance de fondement juridique et le caractère inopposable des actes invoqués.

La cour rappelle que l’article L.121-2 du code des procédures civiles d’exécution permet au juge de l’exécution d’ordonner la mainlevée de toute mesure abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie. Toutefois, pour qu’une telle demande soit recevable, une faute caractérisée doit être démontrée. Or, en l’espèce, la simple prescription des poursuites ne suffit pas à établir une faute de la part du créancier, la régularité de la cession de créances et son opposabilité à M. [R] ayant par ailleurs été retenues.

En conséquence, M. [R] est débouté de sa demande de dommages et intérêts par confirmation du jugement déféré.

Sur les frais de procédure

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, le FCT Absus est condamné aux dépens d’appel et à payer une indemnité de 1 500 euros à M. [R] au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement,par mise à disposition au greffe :

Déclare recevable l’appel formé par le FCT Absus, ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management (anciennement dénommée Equitis Gestion SAS), et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM ;

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d’agir du FCT Absus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management (anciennement dénommée Equitis Gestion SAS), et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM ;

Condamne le FCT Absus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management (anciennement dénommée Equitis Gestion SAS), et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM aux dépens de la procédure d’appel ;

Condamne le FCT Absus ayant pour société de gestion la société IQ EQ Management (anciennement dénommée Equitis Gestion SAS), et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société MCS TM à payer à M. [B] [R] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente


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