Sommaire Contexte de la copropriétéL’ensemble immobilier situé à [Adresse 4] à [Localité 2] est composé de plusieurs immeubles à usage d’habitation, divisés en 11 lots sous le régime de la copropriété. Les propriétaires incluent Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] pour le lot n°3 (appartement B1), Madame [J] [C] pour le lot n°4 (appartement B2), et Madame [A] [E] pour le lot n°7 (appartement C3), qui jouit également d’une partie de terrain. La SCI DE L’ESTAQUE détient les lots 9, 10 et 11, représentant les bâtiments D, E et F. Un syndic bénévole, Madame [D] [Z], représente la copropriété. Un litige a éclaté concernant l’accès commun au sein de la copropriété. Procédure judiciaireLe 6 mars 2023, Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] ont assigné la SCI DE L’ESTAQUE, Madame [A] [E] et le syndicat des copropriétaires devant le tribunal. Ils demandent la reconnaissance de leur action, la remise en état des lieux pour rétablir l’accès au passage commun, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive. En réponse, le syndicat des copropriétaires a demandé à être débouté de toutes les demandes, tandis que la SCI DE L’ESTAQUE a contesté l’existence d’un passage commun et a invoqué la prescription trentenaire. Madame [A] [E] a également demandé à faire valoir son droit de jouissance sur les parties communes. Arguments des partiesLes demandeurs soutiennent que la SCI DE L’ESTAQUE a illégalement construit sur le passage commun, entravant l’accès. Ils affirment avoir utilisé ce chemin jusqu’en 2020, date à laquelle des travaux ont été réalisés. En revanche, la SCI DE L’ESTAQUE et Madame [A] [E] contestent ces affirmations, arguant que le chemin revendiqué n’a jamais été utilisé par les copropriétaires et que les constructions réalisées étaient légales. Le syndicat des copropriétaires a également souligné qu’aucune demande n’était formulée à son encontre. Analyse du tribunalLe tribunal a examiné les documents et les preuves présentées par les parties. Il a constaté que le règlement de copropriété stipule un passage commun, mais que les éléments de preuve, y compris des photographies et des attestations, montrent que ce passage n’a pas été utilisé par les copropriétaires depuis des décennies. De plus, le tribunal a noté que les constructions de la SCI DE L’ESTAQUE ne constituaient pas une entrave à un passage qui n’existait pas. Décision du tribunalLe tribunal a débouté les demandeurs de toutes leurs demandes, concluant qu’ils n’avaient pas prouvé l’existence d’un droit de passage sur les lots de la SCI DE L’ESTAQUE. Il a également condamné les demandeurs à verser des dommages et intérêts à Madame [A] [E] et à la SCI DE L’ESTAQUE pour procédure abusive. En outre, les demandeurs ont été condamnés aux dépens et à payer des frais supplémentaires sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de recevabilité de l’action en justice dans le cadre d’un litige de copropriété ?L’article 31 du Code de procédure civile précise que « toute personne a qualité pour agir en justice si elle justifie d’un intérêt légitime ». Dans le cadre d’un litige de copropriété, les copropriétaires peuvent agir en justice pour défendre leurs droits relatifs aux parties communes ou à l’usage des biens communs. Il est également important de noter que l’article 768 du même code stipule que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Ainsi, pour être recevables, les demandeurs doivent démontrer qu’ils ont un intérêt à agir, ce qui est généralement le cas pour les copropriétaires qui souhaitent défendre l’accès aux parties communes. En l’espèce, Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] ont assigné la SCI DE L’ESTAQUE et d’autres parties, ce qui montre qu’ils estiment avoir un intérêt à défendre l’accès au passage commun. Quelles sont les implications de la prescription acquisitive dans le cadre d’un litige de copropriété ?La prescription acquisitive est régie par les articles 2261 et suivants du Code civil. L’article 2261 stipule que « la prescription est un moyen d’acquérir la propriété d’un bien par la possession continue et non équivoque pendant un certain délai ». Dans le cadre d’une copropriété, la prescription peut être opposée pour revendiquer un droit de passage ou l’usage d’une partie commune. L’article 2262 précise que le délai de prescription est de 30 ans pour les biens immobiliers, sauf si un acte interruptif de prescription est intervenu. Dans le cas présent, la SCI DE L’ESTAQUE a soutenu qu’elle était fondée à opposer la prescription trentenaire sur le passage revendiqué par les autres copropriétaires, en raison de l’absence d’utilisation de ce passage depuis plusieurs décennies. Les demandeurs, quant à eux, ont tenté de prouver que le passage était utilisé jusqu’en 2020, mais les éléments de preuve, tels que les photographies et les attestations, ont montré que le passage n’était pas accessible. Comment se détermine le droit de passage dans une copropriété ?Le droit de passage dans une copropriété est généralement déterminé par le règlement de copropriété, qui doit être conforme aux dispositions des articles 1 et 2 de la loi du 10 juillet 1965. L’article 1 de cette loi précise que « la copropriété est un mode de propriété qui s’applique à un immeuble bâti divisé en lots ». Le règlement de copropriété doit définir les parties communes et les droits d’usage qui y sont attachés. Dans le cas présent, le règlement de copropriété stipule que l’accès aux différents bâtiments s’effectue par un passage commun. Cependant, les parties en litige ont des interprétations divergentes sur l’existence et l’étendue de ce passage. Les éléments de preuve, tels que les plans et les attestations, ont montré que le chemin revendiqué par les demandeurs n’était pas un passage commun, mais plutôt une partie intégrante des lots privatifs de la SCI DE L’ESTAQUE. Quelles sont les conséquences d’une résistance abusive dans le cadre d’un litige de copropriété ?La résistance abusive est régie par l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans le cadre d’un litige de copropriété, si une partie agit de manière abusive en s’opposant à des droits légitimes d’un autre copropriétaire, elle peut être condamnée à verser des dommages et intérêts. Dans cette affaire, les demandeurs ont été déboutés de leurs demandes, ce qui a conduit à la conclusion que leur action était abusive. Par conséquent, ils ont été condamnés à verser des dommages et intérêts à Madame [A] [E] et à la SCI DE L’ESTAQUE pour le préjudice moral causé par leur résistance. Quelles sont les implications des frais de justice dans un litige de copropriété ?Les frais de justice sont régis par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. De plus, l’article 700 du même code permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Dans le cas présent, les demandeurs ont été condamnés in solidum aux dépens et à verser des sommes au titre de l’article 700 à la SCI DE L’ESTAQUE, à Madame [A] [E] et au syndicat des copropriétaires. Cette décision souligne l’importance de la responsabilité financière des parties dans le cadre d’un litige, en particulier lorsque l’une des parties agit de manière abusive ou sans fondement légitime. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
JUGEMENT N°24/
du 10 DÉCEMBRE 2024
Enrôlement : N° RG 23/02579 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3BU6
AFFAIRE : Mme [J] [C], Mme [L] [S] ép. [K], M. [V] [K] (Me IKHLEF)
C/ S.C.I. DE L’ESTAQUE (la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES), Mme [A] [E] (Me RAVENAUX), S.D.C. [Adresse 4] (la SELARL JURISBELAIR)
DÉBATS : A l’audience Publique du 03 septembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 26 novembre 2024 puis prorogée au 10 décembre 2024
PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024
Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEURS
Madame [J] [O] [B] [C]
née le 16 mars 1964 à [Localité 5](93)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8] – [Adresse 1]
Madame [L] [S] épouse [K]
née le 12 décembre 1971 à [Localité 9] (10)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8] – [Adresse 1]
Monsieur [V] [W] [K]
né le 1er février 1972 à [Localité 6] (89)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8] – [Adresse 1]
tous représentés par Maître Hakim IKHLEF, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DÉFENDEURS
S.C.I. DE L’ESTAQUE
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 825 5578 708
dont le siège social est sis [Adresse 8] – [Localité 2]
prise en la personne de son gérant en exercice
représentée par Maître Olivier BURTEZ-DOUCEDE de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
Madame [A] [E]
née le 14 août 1976 à [Localité 7] (13)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8] – [Localité 2]
représentée par Maître Victor RAVENAUX, avocat au barreau de MARSEILLE
Syndicat des Copropriétaires [Adresse 4] [Localité 2]
représenté par son Syndic bénévole en exercice Madame [D] [Z]
demeurant [Adresse 8] – [Localité 2]
représenté par Maître Lisa VIETTI de la SELARL JURISBELAIR, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
EXPOSE DU LITIGE
L’ensemble immobilier sis [Adresse 4] [Localité 2] est constitué de différents immeubles à usage d’habitation portant les lettres A, B, C, D, E et F.
Cet ensemble est soumis au régime de la copropriété et divisé en 11 lots.
Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] sont propriétaires du lot n°3, consistant en un appartement B1.
Madame [J] [C] est propriétaires du lot n°4 consistant en un appartement B2.
Madame [A] [E] est propriétaire du lot n°7 consistant en un appartement C3, outre la jouissance exclusive d’une partie de terrain teinte en marron sur le plan de la copropriété.
La SCI DE L’ESTAQUE est propriétaire des lots 9, 10 et 11, représentant les bâtiments D, E et F.
La copropriété est représentée par un syndic bénévole, Madame [D] [Z].
Un litige est survenu au sujet de l’accès commun au sein de la copropriété.
*
Suivant exploits du 6 mars 2023, Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] ont fait assigner devant le présent tribunal la SCI DE L’ESTAQUE, Madame [A] [E] et le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier des [Adresse 4].
Par conclusions notifiées par RPVA le 6 mai 2024, Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] demandent au tribunal de :
– dire Mme [J] [C], M. [V] [K] et Mme [L] [K] recevables en leur action,
– les déclarer bien-fondés,
– débouter la SCI DE L’ESTAQUE, Mme [E] et le SYDICAT DES COPROPRIETAIRES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– juger la prescription immobilière non acquise au profit de la SCI DE L’ESTAQUE de Mme [E], compte tenu du délai inférieur à trente années qui s’est écoulé depuis l’achèvement des constructions et empiètements réalisées sur les parties communes,
– condamner la SCI DE L’ESTAQUE à remettre en état les lieux afin de permettre à l’ensemble des copropriétaires d’emprunter le passage commun qui prend son ouverture au n°[Adresse 8] et aboutit au numéro [Adresse 8], en procédant à la démolition des ouvrages construits sur le passage commun et à la suppression du portillon fermé dont elle s’est réservée les clés,
– condamner Mme [A] [E] à remettre en état les lieux afin de permettre à l’ensemble des copropriétaires d’emprunter le passage commun qui prend son ouverture au n°[Adresse 8] et aboutit également au numéro [Adresse 8], en procédant à la démolition des ouvrages construits sur le passage commun et à la suppression du rideau métallique situé à l’entrée / sortie du [Adresse 8],
– assortir lesdits travaux de remise en état d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard, faute d’exécution dans un délai de 45 jours à compter de la signification du Jugement à venir,
– se réserver le droit de liquider l’astreinte ainsi prononcée,
– condamner in solidum la SCI DE L’ESTAQUE et Mme [A] [E] à verser chacun à Mme [J] [C], M. [V] [K] et Mme [L] [K] une indemnité de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamner in solidum les requis à payer à Mme [J] [C], M. [V] [K] et Mme [L] [K] une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’à supporter la charge des entiers dépens,
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
– subsidiairement, avant dire droit designer tel expert qu’il plaira au Tribunal avec pour mission de :
– se rendre sur les lieux,
– décrire les empiètements de parties communes constatés dans la copropriété des 9/35 et [Adresse 3],
– reconstituer le passage commun litigieux traversant la copropriété en conformité avec les règlements de copropriété, les états descriptifs de division et plans annexés,
– décrire les démolitions d’ouvrages à envisager par la SCI DE L’ESTAQUE et Mme [E] afin de remettre l’entrée, le cheminement et les sorties du passage commun dans leur état initial,
– dire que les frais d’expertise à consigner seront intégralement supportés par le Syndicat des copropriétaires des 9/35 et [Adresse 3].
Par conclusions notifiées par RPVA le 12 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier des [Adresse 4] demande au tribunal de :
– constater qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre du syndicat des copropriétaires,
– débouter les requérants de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner in solidum les requérants au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
– dire n’y avoir pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par conclusions notifiées par RPVA le 29 septembre 2023, la SCI DE L’ESTAQUE demande au tribunal de :
– juger que la SCI DE L’ESTAQUE et ses auteurs n’ont jamais eu de passage commun traversant les lots de copropriété 9, 10 et 11,
– rejeter l’intégralité des demandes de Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K],
– subsidiairement, dans l’hypothèse où il serait jugé l’existence d’un passage commun traversant les lots 9, 10 et 11 qui forment une seule unité d’habitation,
– juger que depuis 1972, en l’état de la construction opérée par Monsieur [Y], la SCI DE L’ESTAQUE est fondée à opposer la prescription trentenaire acquisitive de cette partie de passage,
– rejeter l’intégralité des demandes formulées par Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K],
– reconventionnellement,
– les condamner au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– les condamner au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
– dire ne pas y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Par conclusions notifiées par RPVA le 6 octobre 2023, Madame [A] [E] demande au tribunal de :
– à titre principal,
– juger qu’elle est fondée à opposer le mécanisme de la prescription acquisitive s’agissant de son droit de jouissance privative sur les parties communes rattachée à son lot de copropriété,
– débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes,
– à titre reconventionnel, condamner solidairement les demandeurs à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral causé par le recours abusif d’une voie de droit par les demandeurs,
– à titre subsidiaire, juger que les défendeurs devront supporter entièrement la provision à valoir sur les frais d’expertise,
– condamner solidairement les demandeurs à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 mai 2024.
Sur la nullité de l’assignation
L’article 768 du code de procédure civile énonce que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
En l’espèce, il convient de constater que dans les motifs de ses conclusions le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier des [Adresse 4] soulève la nullité de l’assignation.
Toutefois, cette demande n’est pas reprise dans le dispositif des écritures.
Il n’y a pas lieu de répondre à cette argumentation, étant observé à titre surabondant que cette demande de nullité relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Sur la prescription quinquennale de l’action
De même, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier des [Adresse 4] développe des argumentations en faveur d’une prescription de l’action des demandeurs.
Toutefois, aucune demande d’irrecevabilité n’est formulée dans le dispositif de ses conclusions.
Il n’y a pas lieu de répondre à cette argumentation, étant observé à titre surabondant que cette demande d’irrecevabilité relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Sur les demandes de remise en état à l’encontre de la SCI DE L’ESTAQUE
Le règlement de copropriété du 3 avril 1959 stipule que “l’accès aux différents bâtiments s’effectue par un passage commun d’un mètre vingt centimètres dans sa plus grande largeur et situé à gauche des bâtiments A et B et entre les bâtiments C d’une part et D et E d’autre part. Ledit passage prend son ouverture sur la [Adresse 8] où il ne porte pas de numéro et aboutit également à la [Adresse 8] où il porte d’un côté le numéro [Adresse 8] et de l’autre côté le numéro [Adresse 8].”
Les parties s’accordent à dire que le plan de la copropriété comportant le cachet de Maître [N] qui a rédigé le règlement de copropriété est le plan officiel de la copropriété lors de sa création.
Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] font valoir que le chemin d’accès passait initialement à la fois dans les lots D, E et F pour aboutir par un voie d’accès droite au n°[Adresse 8] de la [Adresse 8] et par ailleurs, accédait également au numéro n°[Adresse 8] de la [Adresse 8].
Ils estiment que la SCI DE L’ESTAQUE s’est accaparé ce bout de chemin et escaliers et l’a fait disparaître en construisant dessus un garage, puis une terrasse avec piscine et en le fermant par deux portails, l’un au sein de la copropriété et l’autre à l’arrivée au niveau du [Adresse 8].
Ils estiment également que Madame [A] [E] a annexé illégalement des parties communes en créant un parking au niveau du n°[Adresse 8], supprimant ainsi le second cheminement de la copropriété.
Les demandeurs affirment dans leurs écritures qu’entre leurs acquisitions respectives en 2017 et les travaux réalisés courant 2020 par la SCI DE L’ESTAQUE, ils utilisaient les escaliers qui débouchaient au n°[Adresse 8].
Ils estiment que le garage construit dans les années 1970 sur la parcelle de la SCI DE L’ESTAQUE ne condamnait pas l’escalier qu’ils jugent commun. La construction du garage sur la parcelle de la SCI DE L’ESTAQUE dans les années 1970 n’est pas contestée et résulte des clichés satellites produits en date du 1er janvier 1972 sur lesquels ce garage est parfaitement identifiable.
Or, il résulte de l’ensemble des photographies satellites produites aux débats que le garage construit dans les années 70 par les auteurs de la SCI DE L’ESTAQUE se trouve en bord de parcelle, sur le tracé du chemin revendiqué par les demandeurs. Par ailleurs, sur le tracé de ce prétendu chemin se trouve un très grand palmier, visible sur l’intégralité des photographies. Ces éléments contredisent l’existence d’un passage utilisé par les copropriétaires jusqu’en 2020.
Les photographies aériennes ne montrent aucun chemin contournant le garage.
Le procès-verbal de constat établi à l’initiative des demandeurs montre que l’accès au chemin revendiqué situé sur les parcelles de la SCI DE L’ESTAQUE est fermé par un portillon manifestement ancien.
Les défendeurs produisent de nombreuses attestations, qui émanent soit de copropriétaires actuels ou passés soit de voisins immédiats. Toutes les attestations font état d’un chemin unique, qui n’aboutit qu’au niveau du n°[Adresse 8], et dont le tracé n’a jamais changé.
Enfin, les demandeurs eux-même produisent un plan de masse établi en août 2011 par un architecte lors de la déclaration préalable de travaux de Monsieur et Madame [Z]. Ce plan montre le parcours du chemin qui forme un coude à droite pour à gauche pour aboutir au [Adresse 8] entre deux petites bâtisses. Aucun passage n’est représenté au niveau des lots 9, 10 et 11.
L’ensemble de ces éléments montre que l’affirmation de Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] suivant laquelle ils ont utilisé le chemin situé sur la parcelle de la SCI DE L’ESTAQUE débouchant au niveau du [Adresse 8] jusqu’à la réalisation des travaux de la SCI DE L’ESTAQUE en 2020 est nécessairement mensongère.
Le plan de la copropriété montre un chemin qui part du n°[Adresse 8], qui fait un virage sur la droite au niveau du bâtiment C et du portail donnant accès au lot F et qui fait ensuite un virage à 90° sur la gauche au milieu de la largeur du bâtiment C pour arriver au milieu des parties communes qui sont au niveau du [Adresse 8].
Le plan montre également un escalier, débouchant au niveau du [Adresse 8]. La qualité des photocopies de ce plan ne permet pas de savoir avec certitude si un chemin est formalisé de manière continue sur le lot F.
En tout état de cause, la clause du règlement de copropriété relative à ce chemin n’évoque pas explicitement deux branches, dont l’une déboucherait sur le n°[Adresse 8] et l’autre sur le n°[Adresse 8]. Il est écrit qu’il aboutit à la [Adresse 8] “où il porte d’un côté le numéro [Adresse 8] et de l’autre côté le numéro [Adresse 8].” Cette formulation est très ambiguë et il n’est pas possible d’affirmer que le règlement de copropriété prévoyait deux branches au chemin dans sa partie haute, d’autant que la partie du chemin aboutissant au n°[Adresse 8] est intégralement dans des lots privatifs de copropriété. En l’absence de toute servitude grevant ces lots de copropriété pour y instituer un droit de passage au bénéfice de l’ensemble des copropriétaires, cette interprétation est sujette à forte contestation.
En effet, le règlement de copropriété dans la description des lots stipule que l’immeuble F, lot n°11, est une parcelle de terrain à usage de jardin sur partie de laquelle est édifié un poulailler et qui figure en teinte jaune et bleu sur le plan.
Aucun chemin ni droit de passage au profit des autres copropriétaires n’est mentionné au titre de ce lot. Il en va de même pour les lots 9 et 10.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le chemin ou bouts de chemin représentés sur les lots 9, 10 et 11 sont à usage exclusif des propriétaires de ces lots.
Les attestations produites établissent que le chemin utilisé par l’ensemble des habitants, ainsi que des riverains avant installation de portails en début et fin de chemin, aboutit depuis toujours en partie haute au portillon qui se trouve toujours actuellement entre le n°[Adresse 8] et le n°[Adresse 8]. Ce portillon est manifestement ancien et est décrit dans les attestations. Il est indiqué qu’il a été installé il y a de nombreuses années pour barrer le passage aux personnes étrangères à la copropriété.
Dans ces conditions, il a été démontré que le règlement de copropriété n’a pas institué de droit de passage sur les lots 9, 10 et 11.
En tout été de cause, si l’ambiguïté de la clause du règlement de copropriété et du plan annexé peuvent être reconnus, il est établi que depuis la création de la copropriété ou au moins depuis 1970, ce chemin n’a pas été utilisé par les copropriétaires, les parcelles de la SCI DE L’ESTAQUE étant intégralement clôturées depuis la création de la copropriété suivant les termes du règlement de copropriété, et le chemin barré par le garage. Cette situation permet de reconnaître si besoin en était nécessaire une prescription acquisitive de la SCI DE L’ESTAQUE sur le supposé chemin aboutissant au n°[Adresse 8].
Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] ne peuvent pas revendiquer un quelconque droit des copropriétaires sur ce chemin.
Ils seront déboutés de leurs demandes de remise en état dirigées à l’encontre de la SCI DE L’ESTAQUE.
Sur la demande de remise en état à l’encontre de Madame [A] [E]
Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] font valoir que Madame [A] [E] a construit un parking sur les parties communes et a fait installer un rideau métallique privant les copropriétaires de l’accès au chemin au n°[Adresse 8].
Le procès-verbal de constat qu’ils ont fait établir mentionne que “nous poursuivons dans l’unique passage qui s’offre à nous et nous débouchons, en empruntant un petit portillon sur la [Adresse 8], entre le numéro [Adresse 8] et le numéro [Adresse 8].”
Cette déclaration du commissaire de justice, ainsi que les photographies, montrent que le chemin aboutit au petit portillon décrit dans les attestations par ceux qui racontent avoir utilisé ce passage depuis longtemps. Le rideau métallique litigieux se trouve à plusieurs mètres de ce portillon et ne constitue aucune entrave au passage.
Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] ne contestent pas le fait que Madame [A] [E] a acquis par prescription acquisitive la dalle sur laquelle elle stationne ses véhicules. Toutefois, ils estiment que la pose du rideau métallique est plus récente et ne peut être couverte par la prescription.
Toutefois, il a été dit que le procès-verbal de constat montre que le chemin d’accès au niveau du n°[Adresse 8], qui n’a subi aucune modification depuis la création de la copropriété, se trouve éloigné du rideau métallique, et en dehors de la zone de parking créée par les auteurs de Madame [A] [E].
Le plan de 2011 montre cette zone de parking et son accès sur la voie publique. Ces derniers sont à droite du portillon de la copropriété.
Les photographies satellites d’août 2014 montrent que la zone de parking de Madame [A] [E] était totalement clôturée.
La création de la zone de parking étant prescrite de manière non contestée, Madame [A] [E] pouvait librement installer un rideau métallique sur l’accès à la voie publique, ce rideau ne se trouvant pas sur l’extrémité du chemin commun de la copropriété et n’en obstruant pas le passage.
Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] seront nécessairement déboutés de leur demande de suppression de ce rideau métallique.
Sur la demande d’expertise
Il a été démontré que Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] invoquent un trouble de jouissance sur le passage commun qui n’existe pas, ce chemin étant praticable d’un bout à l’autre, sur un tracé extrêmement ancien.
Ils invoquent des empiètements sans les établir, le procès-verbal de constat qu’ils produisent n’en mettant en évidence aucun.
La problématique du chemin commun ne nécessite aucune expertise.
Les parties reconnaissent qu’au cours du temps, en l’absence de syndic professionnel, chacun a pu faire des aménagements au sein de la copropriété, suivant accord verbal des copropriétaires. Ils concèdent que le plan initial de la copropriété ne correspond plus à l’état actuel des lieux.
Toutefois, ils ont fait établir des devis auprès de notaires et géomètres experts afin de régulariser la situation. Le coût est apparu démesuré par rapport aux besoins.
En tout état de cause, cette problématique échappe au présent contentieux et il n’appartient pas au tribunal d’ordonner une expertise qui serait un audit de la copropriété. Seuls les copropriétaires peuvent décider en assemblée générale d’engager de tels frais.
La demande d’expertise sera rejetée.
Sur la demande de Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] au titre de la résistance abusive
Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] étant déboutés de l’intégralité de leurs demandes, en l’absence de toute atteinte à l’exercice du passage dans le chemin commun de la copropriété entre le [Adresse 8] et le [Adresse 8], ils seront nécessairement déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur la demande de dommages et intérêts de Madame [A] [E]
L’article 1240 du Code civil énonce que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Madame [A] [E] réclame l’indemnisation de son préjudice moral issu de la procédure abusive introduite par les demandeurs.
L’analyse des termes du règlement de copropriété, du plan de cette dernière et des pièces des parties a montré que Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] ont saisi le tribunal en déclarant de manière mensongère avoir été privés d’un passage allant du [Adresse 8] au [Adresse 8] par la pose d’un portail métallique par Madame [A] [E]. Il a été démontré qu’au jour de leurs acquisitions respectives, l’accès au [Adresse 8] se réalisait par le portillon installé par la copropriété il y a de nombreuses années afin de fermer le passage aux riverains non copropriétaires.
Leur action à l’encontre de Madame [A] [E], dont ils reconnaissent la prescription acquisitive trentenaire sur la dalle, dont ils savent que le portail métallique n’obstrue pas l’accès à la voie publique au niveau du n°[Adresse 8], et alors qu’ils n’ont aucun trouble de jouissance des parties communes, est abusive.
Ils seront condamnés in solidum à payer à Madame [A] [E] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts de la SCI DE L’ESTAQUE
Il sera également alloué à la SCI DE L’ESTAQUE la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les motifs identiques.
Sur les demandes accessoires
L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n’en mette la totalité ou une partie à la charge de l’autre partie.
Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] succombant principalement dans cette procédure, seront condamnés in solidum aux entiers dépens.
Il résulte de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat majorée de 50 %.
En l’espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI DE L’ESTAQUE, Madame [A] [E] et du syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier des [Adresse 4] la totalité des frais irrépétibles qu’ils ont pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Il conviendra en conséquence de condamner in solidum Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] à payer sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
– 2.500 euros à la SCI DE L’ESTAQUE,
– 2.500 euros à Madame [A] [E],
– 2.500 euros au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier des [Adresse 4] pris en la personne de son syndic en exercice.
En vertu de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Aucune circonstance ne justifie qu’il soit fait obstacle au bénéfice de l’exécution provisoire de la présente décision.
Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déboute Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] de l’intégralité de leurs demandes principales et subsidiaires,
Condamne in solidum Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] à payer 2.000 euros à Madame [A] [E] à titre de dommages et intérêts,
Condamne in solidum Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] à payer 2.000 euros à la SCI DE L’ESTAQUE à titre de dommages et intérêts,
Condamne in solidum Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] aux dépens,
Condamne in solidum Madame [J] [C], Madame [L] [S] épouse [K] et Monsieur [V] [K] à payer sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :
– 2.500 euros à la SCI DE L’ESTAQUE,
– 2.500 euros à Madame [A] [E],
– 2.500 euros au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier des [Adresse 4] pris en la personne de son syndic en exercice,
Disons n’y avoir lieu d’écarter le bénéfice de l’exécution provisoire.
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DIX DÉCEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE