Conflit de construction : enjeux de responsabilité et de garanties dans un projet immobilier

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Conflit de construction : enjeux de responsabilité et de garanties dans un projet immobilier

Le 28 décembre 2009, les époux [I] signent un contrat de construction avec la société GROUPE DIOGO FERNANDES pour 475 000 euros. Le permis de construire est délivré le 30 juillet 2010, et une assurance dommages-ouvrage est souscrite auprès de la Compagnie AVIVA. La déclaration d’ouverture de chantier date du 2 mai 2011, et plusieurs avenants sont réalisés durant les travaux. Le 31 mars 2014, les époux [I] refusent de réceptionner l’ouvrage, entraînant une assignation en justice par le constructeur pour obtenir une réception judiciaire et le paiement des travaux. Les époux [I] assignent en appel la société VERSPIEREN en garantie.

Une expertise est ordonnée, mais l’expert dépose son rapport en raison de l’absence de règlement de sa consignation par les époux. Le jugement du 7 juillet 2020 du Tribunal Judiciaire de Versailles prononce la réception judiciaire avec réserves et condamne les époux à payer une partie du montant convenu. La société GROUPE DIOGO FERNANDES est condamnée à reprendre certains travaux et à payer des pénalités de retard. Les époux [I] interjettent appel, et la société GROUPE DIOGO FERNANDES est déclarée en liquidation judiciaire en novembre 2021.

La Cour d’appel de Versailles confirme en partie le jugement initial, ordonnant la fixation de diverses sommes au passif de la liquidation de la société GROUPE DIOGO FERNANDES. Un pourvoi en cassation est formé par les époux [I] et d’autres parties. En mars 2024, les époux [I] assignent la société ABEILLE IARD & SANTE en référé pour une expertise, invoquant des désordres aggravés et de nouveaux problèmes. La société ABEILLE IARD & SANTE conteste la demande d’expertise et demande à être mise hors de cause, arguant que les griefs des époux [I] étaient connus avant la réception judiciaire. La décision sur cette demande sera rendue le 8 octobre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG
24/00466
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
08 OCTOBRE 2024

N° RG 24/00466 – N° Portalis DB22-W-B7I-R6ZS
Code NAC : 54G
AFFAIRE : [Y] [I], [P] [K] épouse [I] C/ S.A. ABEILLE IARD & SANTE

DEMANDEURS

Monsieur [Y] [I]
né le 26 Février 1959 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 1] – [Localité 4]
représenté par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C52, Me Christine BASLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 559

Madame [P] [K] épouse [I]
née le 30 Décembre 1963 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 1] – [Localité 4]
représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C52, Me Christine BASLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 559

DEFENDERESSE

La Société ABEILLE IARD & SANTE, anciennement dénommée Société AVIVA ASSURANCES,
SA au capital de 178 771 908,38 € immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 306 522 665, dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
es qualité d’assureur Garantie Décennale & Responsabilité civile de la société GROUPE DIOGO FERNANDES, contrat n° 75 622 087,
représentée par Me Alberta SMAIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0290, Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Débats tenus à l’audience du : 10 Septembre 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 10 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 08 Octobre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Le 28 décembre 2009, les époux [I] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans avec la société GROUPE DIOGO FERNANDES, pour un montant de 475 000 euros TTC, construction située [Adresse 3] à [Localité 6].

Le permis de construire a été délivré le 30 juillet 2010.

Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la Compagnie AVIVA (devenue ABEILLE IARD & SANTE), laquelle est également l’assureur de responsabilité civile et de responsabilité obligatoire de la société GROUPE DIOGO FERNANDES. La garantie de livraison à prix et délais convenus a été souscrite auprès de la société HCC INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY (HCCI), devenue TOKIO MARINE EUROPE.

La déclaration d’ouverture de chantier est en date du 2 mai 2011. En cours de chjantier, le projets a fait l’objet de plusieurs avenants.

En l’absence d’accord entre le maître de l’ouvrage et le constructeur sur les conditions d’achèvement des travaux et leur réception, les époux [I] ayant refusé, le 31 mars 2014, de réceptionner l’ouvrage et de solder les derniers appels de fonds émis par le constructeur, la société GROUPE DIOGO FERNANDES a alors assigné les époux [I], par acte du 16 mai 2014, pour voir prononcer la réception judiciaire et les voir condamner au paiement du solde des travaux. Les époux [I] ont assigné en appel en garantie la société VERSPIEREN en qualité de mandataire de la société HCCI en qualité de garant de livraison.

Par ordonnance du 7 avril 2015, le Juge de la Mise en Etat a ordonné avant-dire droit une mesure d’expertise, désignant M. [V] [B] en qualité d’Expert Judiciaire, sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

Par ordonnance du 7 mars 2017, le Juge de la mise en état a déclaré les opérations d’expertise opposables à la Compagnie AVIVA ASSURANCES, en qualité d’assureur de la société GROUPE DIOGO FERNANDES, à M. [E] [L], à la société SANTO ET FERNANDES, à la société CLAUDE MONTBAILLY CONCEPT et à M. [G] [N].

L’expert a déposé le 16 octobre 2017 son rapport d’expertise en l’état en raison de l’absence de règlement de sa consignation complémentaire par les époux [I].

Par jugement du 7 juillet 2020, le Tribunal Judiciaire de Versailles a :
– mis hors de cause la société VERSPIEREN, [E] [L] et la société SANTO ET FERNANDES,
– jugé recevable l’intervention volontaire de la société TOKIO MARINE EUROPE (venant aux droits de HCC INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY),
– prononcé la réception judiciaire au 31 mars 2014 avec 20 réserves listées,
– condamné les époux [I] à payer à la société GROUPE DIOGO FERNANDES la somme de 95% du prix convenu soit 95.000 euros avec intérêts au taux de 1% par mois à compter du 15 avril 2014 jusqu’au jour du paiement de la somme de 95 000 euros, ainsi que le montant des travaux décrits dans les avenants n° 1 à 4 soit un total de 16 689 euros avec intérêts au taux de 1% par mois à compter du 15 avril 2014 jusqu’au jour du paiement de la somme de 16 689 euros,
– débouté la société GROUPE DIOGO FRENANDES de sa demande en paiement du solde des travaux,
– autorisé M. et Mme [I] à consigner la somme de 23 750 euros correspondant au solde du montant des travaux à la Caisse des dépôts et consignations dans un délai de 3 mois suivant la signification du présent jugement et jusqu’à ce que les réserves soient levées,
– débouté la société GROUPE DIOGO FERNANDES de sa demande de remboursement des frais de nettoyage du terrain,
– condamné la société GROUPE DIOGO FERNANDES, dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 25 euros par jour de retard, à :
– reprendre la charpente et la toiture conformément à la hauteur prévue dans les plans annexés au permis de construire et au CCMI,
– remplacer les corniches actuelles par des corniches CHAINARIVE 400×190 des Etablissements STRADAL prévues à la notice descriptive,
– reprendre la totalité des couvertures (toiture et auvents) en zinc,
– débouté M. et Mme [I] de leur demande tendant à condamner la société GROUPE DIOGO FERNANDES :
* à reprendre l’auvent côté entrée garage à vélo pour en porter la hauteur à 2,50 m
* à mettre en conformité les linteaux avec les plans du CCMI et du permis de construire,
* à la reprise du lot VRD au vu des conclusions du rapport [T],
* au raccordement du drainage périmétrique des fondations conformément à la notice descriptive et à défaut, réalisation des travaux de drainage conformément aux règles de l’art,
* à reprendre l’intégralité de l’étanchéité des murs enterrés pour mettre fin aux infiltrations constatées au sous-sol,
– condamné la société GROUPE DIOGO FERNANDES à payer à M. et Mme [I] la somme de 52 566,66 euros au titre des pénalités de retard,
– jugées irrecevables comme prescrites ou infondées les demandes de M. et Mme [I] de remboursement des frais d’étude de sol, des frais de raccordement divers, des frais de démolition,
– condamné la société GROUPE DIOGO FERNANDES à payer à M. et Mme [I] la somme de 3171,62 euros au titre des frais d’électricité,
– débouté M. et Mme [I] de leur demande au titre d’un préjudice supplémentaire moral et de jouissance et de leur demande de nouvelle expertise,
– condamné la société TOKIO MARINE EUROPE à garantir la condamnation de la société GROUPE DIOGO FERNANDES à payer à M. et Mme [I] les sommes de 3171,62 euros au titre du dépassement du prix convenu et de 47 658,33 euros au titre des pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant 30 jours,

– condamné la société TOKIO MARINE EUROPE à garantir la levée des réserves en désignant, 15 jours après une mise en demeure de la société GROUPE DIOGO FERNANDES restée infructueuse, sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux,
– débouté la société TOKIO MARINE EUROPE de sa demande de garantie dirigée à l’encontre de la Compagnie AVIV A,
– condamné la société GROUPE DIOGO FERNANDES à garantir les condamnations de la société TOKIO MARINE EUROPE à payer à M. et Mme [I] les sommes de 3171,62 euros au titre du dépassement du prix convenu et de 47 658,33 euros au titre des pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant 30 jours,
– donné acte à la société GROUPE DIOGO FERNANDES de ce qu’elle se reconnaît débitrice à l’égard de M. et Mme [I] d’une somme de 13 573,88 euros, se décomposant comme suit:
* au titre des désordres relatifs aux regards s’élevant à 9387,60 euros,
* au titre des désordres relatifs à l’insuffisance de ventilation en sous-sol s’élevant à 1029,48 euros,
* au titre des désordres affectant les terrasses s’élevant à 2100 euros,
* au titre des désordres affectant le ballon d’eau chaude, le chemin d’accès dans les combles et la trappe s’élevant à 1456,80 euros,
– dit que la compensation entre les dettes réciproques de M. et Mme [I] et la société GROUPE DIOGO FERNANDES, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives, ne peut pas être en l’état ordonnée,
– débouté la société GROUPE DIOGO FERNANDES de sa demande de garantie dirigée contre
la société CLAUDE MONBAILLY CONCEPT, M. [G] [N] et la Compagnie AVIVA,
– débouté M. et Mme [I], la société GROUPE DIOGO FERNANDES et la société TOKIO MARINE EUROPE de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
– condamné la société GROUPE DIOGO FERNANDES à payer à la Compagnie AVIVA la somme de 1000 euros et à M. [N] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné M. et Mme [I] et la société GROUPE DIOGO FERNANDES au paiement chacun de la moitié des dépens,
– ordonné l’exécution provisoire.

Les époux [I] ont interjeté appel de ce jugement. Au cours de la procédure d’appel, la société GROUPE DIOGO FERNANDES a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Versailles du 23 novembre 2021, fixant au 1er octobre 2021 la date de cessation des paiements.

Par arrêt du 3 octobre 2022, la Cour d’appel de Versailles a :
– confirmé le jugement déféré en ce qu’il a :
* prononcé la réception judiciaire au 31 mars 2014 avec 20 réserves,
* condamné les époux [I] à payer à la société GROUPE DIOGO FERNANDES la somme de 95% du prix convenu soit 95.000 euros avec intérêts au taux de 1% par mois à compter du 15 avril 2014 jusqu’au jour du paiement, et le montant des travaux décrits dans les avenants n° 1 à 4 soit un total de 16 689 euros avec intérêts au taux de 1% par mois à compter du 15 avril 2014 jusqu’au jour du paiement,
– débouté la société GROUPE DIOGO FRENANDES de sa demande en paiement du solde des travaux,
– autorisé M. et Mme [I] à consigner la somme de 23 750 euros correspondant au solde du montant des travaux à la Caisse des dépôts et consignations,
– débouté la société GROUPE DIOGO FERNANDES de sa demande de remboursement
des frais de nettoyage du terrain,
– débouté M. et Mme [I] du surplus de leurs demandes de travaux
– jugées irrecevables comme prescrites ou infondées les demandes de M. et Mme [I] de remboursement des frais d’étude de sol, des frais de raccordement divers, des frais de démolition,
– débouté M. et Mme [I] de leur demande au titre d’un préjudice supplémentaire moral et de jouissance et de leur demande de nouvelle expertise,
– débouté la société TOKIO MARINE EUROPE de sa demande de garantie dirigée à l’encontre de la société AVIV A,
– débouté la société GROUPE DIOGO FERNANDES de ses demandes de garantie dirigées contre M. [N] et la société AVIVA,
– débouté M. et Mme [I], la société GROUPE DIOGO FERNANDES et la société TOKIO MARINE EUROPE de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
– condamné la société GROUPE DIOGO FERNANDES à payer à la société AVIVA la somme de 1000 euros et à M. [N] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné M. et Mme [I] et la société GROUPE DIOGO FERNANDES au paiement chacun de la moitié des dépens,
– infirmé le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant a :
– ordonné la fixation au passif de la liquidation de la société GROUPE DIOGO FERNANDES de la somme de 100 000 euros au titre des travaux de reprise,
– ordonné la fixation au passif de la liquidation de la société GROUPE DIOGO FERNANDES de la somme de 526 324,62 euros au titre des pénalités de retard,
– ordonné la fixation au passif de la liquidation de la société GROUPE DIOGO FERNANDES de la somme de 3171,62 euros au titre des frais d’électricité,
– ordonné la compensation entre les sommes réciproquement due entre les parties à concurrence de la somme la plus faible, y compris les condamnations prononcées par le juge de l’exécution du tribunal de Chartes,
– condamné la société TOKIO MARINE EUROPE à payer à M. et Mme [I] la somme de 578 014,21 euros au titre des pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant 30 jours,
– condamné la société TOKIO MARINE EUROPE, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à garantir la levée des réserves en désignant sous sa responsabilité, 15 jours après une mise en demeure de la société GROUPE DIOGO FERNANDES restée infructueuse, la personne qui terminera les travaux,
– dit que cette astreinte commencera à courir 2 mois après la signification du présent arrêt et pour une durée de 12 mois, sauf à ce qu’il soit statué à nouveau à l’issue de ce délai,
– condamné in solidum M. et Mme [I], la société GROUPE DIOGO FERNANDES et la société TOKIO MARINE EUROPE aux dépens de la procédure d’appel, qui les supporteront in fine à concurrence d’un tiers chacun,
– condamné la société GROUPE DIOGO FERNANDES à payer à M. [N] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute autre demande au titre des frais irrépétibles.

Un pourvoi en cassation a été formé par les époux [I], la société TOKIO MARINE EUROPE et le liquidateur judiciaire de la société GROUPE DIOGO FERNANDES. La procédure est toujours pendante.

La société TOKIO MARINE a été condamnée, par jugement du 31 juillet 2024 du Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Chartres, au paiement d’une somme de 30.000 euros au titre de la liquidation d’astreinte ordonnée par la Cour d’appel. Le Juge de l’exécution a en outre fixé une nouvelle astreinte.

Par acte de Commissaire de Justice en date du 29 mars 2024, M. [Y] [I] et Mme [P] [K] épouse [I] ont assigné la société ABEILLE IARD & SANTE en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir ordonner une expertise.

Aux termes de leurs conclusions, les demandeurs maintiennent leur demande et concluent au débouté des demandes de la société ABEILLES ASSURANCES.

Ils exposent que depuis l’arrêt de la Cour d’appel, la société TOKIO MARINE EUROPE n’a toujours pas désigné d’entreprise pour finir les travaux et reprendre les désordres et que les travaux de reprise n’ont toujours pas été effectués, malgré sa condamnation au titre de la liquidation d’astreinte et à une nouvelle astreinte.

Ils soutiennent que depuis, les désordres se sont aggravés et que de nouveaux sont apparus. Ils énumèrent une liste de 58 désordres affectant l’ouvrage, établis par les rapports des experts amiables saisis par les demandeurs (rapport NIVERT, rapport APCE, rapport PIPA, rapport SEVESC). Ils précisent qu’il n’y a pas autorité de la chose jugée quant à ces désordres, dans la mesure où : soit les juridictions manquaient d’éléments d’appréciation, soit elles invitaient le constructeur à les reprendre, soit ils n’étaient pas connus dans toute leur ampleur quant aux conséquences, soit ils sont apparus ultérieurement. Ils affirment que depuis avril 2022, ils ont constaté de nouveaux désordres ou des désordres aggravés, qui relèvent également de la garantie décennale et qui ont fait l’objet d’une nouvelle déclaration DO auprès de la Cie ABEILLE ASSURANCE, et énumèrent ainsi une liste de 24 nouveaux désordres, relatifs notamment à l’installation de chauffage, l’isolation thermique, la ventilation, l’étanchéité, l’affaissement des auvents, ainsi qu’au non-respect des règles de sécurité et aux non-conformités par rapport au permis de construire. Ils rappellent que relèvent de la garantie décennale les désordres relatifs aux défauts d’isolation thermique, de chauffage, d’étanchéité, recherchant ainsi la responsabilité de la Cie ABEILLE ASSURANCE en sa qualité d’assureur de responsabilité décennale et d’assureur de responsabilité civile professionnelle de la société GROUPE DIOGO FERNANDES, et en sa qualité d’assureur au titre des dommages intermédiaires et d’assureur de responsabilité civile de droit commun. Ils affirment donc que certains griefs n’étaient pas connus au jour de la réception prononcée par le tribunal et confirmée par la Cour, et que c’est l’objet de la présente mise en œuvre de la garantie décennale, faisant valoir en outre que les réserves n’étaient pas connues dans toute leur ampleur : infiltrations, contre-pentes, étanchéité des toits terrasses ; les non-façons, non-finitions ou non-conformités sont devenues aujourd’hui des désordres de plus ou moins d’ampleur qu’il appartiendra à l’expert d’apprécier, puis au juge du fond de trancher.

Enfin, s’agissant, de l’absence de vocation de la police souscrite à s’appliquer, ils relèvent que ce débat relève de la compétence du juge du fond.

Aux termes de ses conclusions, la défenderesse sollicite de voir débouter les époux [I] de leur demande d’expertise judiciaire, et prononcer la mise hors de cause de la Compagnie ABEILLE IARD & SANTE, es qualité d’assureur de la société GROUPE DIOGO FERNANDES, sa police n’ayant pas vocation à être mobilisée dans le cadre du présent litige.

Elle relève que les époux [I] ne justifient pas d’un motif légitime à venir solliciter la désignation d’un expert judiciaire, ces derniers n’ayant eu de cesse de soutenir que la maison édifiée par la société GROUPE DIOGO FERNANDES n’était pas en état d’être réceptionnée, faisant état de très nombreuses réclamations en cours de chantier, ce que rappelle notamment le jugement du Tribunal Judiciaire de Versailles du 7 juillet 2020, qui a prononcé la réception judiciaire au 31 mars 2014 assortie de 20 réserves « figurant dans les deux procès-verbaux de constat d’huissiers dressés le 31 mars 2014 en présence des deux parties ».

Elle souligne que si l’on reprend la liste des griefs visés dans l’exploit introductif d’instance des époux [I] du 29 mars 2024, force est de constater que les réclamations allégués étaient soient connues par les époux [I] avant la réception judiciaire du 31 mars 2014 soit constituent des réserves à la réception, et qu’ainsi, les réclamations formulées par les époux [I] n’ont pas vocation à prospérer du fait du caractère apparent et/ou réservé de leurs griefs.

Elle souligne également que les rapports établis postérieurement à la réception judiciaire prononcée le 31 mars 2014 ne sont qu’une redite des réclamations formulées par les époux [I] en cours de chantier et ne sauraient en aucune façon justifier de l’existence de désordres apparus postérieurement à la réception du 31 mars 2014.

A titre subsidiaire, elle sollicite sa mise hors de cause au motif que sa police n°75.622.087 n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce, d’une part parce que les réclamations des époux [I] ne sauraient relever de la garantie décennale, et d’autre part parce que le volet RC n’a pas plus vocation à être mobilisée dans le cadre du présent litige, la garantie RC n’ayant pas vocation à garantir les travaux de reprise des désordres, et enfin parce que la garantie Dommages intermédiaires, facultative, n’a pas été souscrite par la société GROUPE DIOGO FERNANDES.

La décision a été mise en délibéré au 8 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la demande d’expertise

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, et présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ; elle doit être pertinente et utile.

Si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir l’existence des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

En l’espèce, les demandeurs allèguent que « L’ouvrage est affecté des désordres suivantes :
1. Non-conformité de la charpente (hauteur et pente) au permis de construire et au CCMI nécessitant démolition ;
2. Non-conformité de la hauteur de l’auvent côté entrée garage à vélo, aux plans du permis de construire (hauteur prévue : 2,50 m) ;
3. Non-conformité de l’implantation du local à vélo ;
4. Non-conformité des linteaux – non conformes au permis de construire et aux plans annexés au CCMI ;
5. Non-conformité des corniches, au modèle convenu dans la notice descriptive, laquelle prévoyait des profils sous toiture type CHAINARIVE 400X190 des ETS STRADAL contrat ;
6. Malfaçons et désordres affectant toutes les couvertures en zinc à joints debout (toitures et auvents), erreur de conception des points singuliers de zingueries, ventilation de couverture insuffisante ;
7. Non-conformité du réseau VRD – raccordement du réseau EP sur réseau EU/EV conforme aux prescriptions de la SEVESC – Défaut de pente et bouchonnement du réseau EP ;

8. Défaut de raccordement du drainage périmétrique des fondations cf. notice descriptive et défaut d’efficience du drainage (défaut de pente) ;
9. Infiltrations au sous-sol – défaut d’étanchéité des murs enterrés de 1ère catégorie (sous-sol aménagé et mur contre terre) ; présence d’eau au pied de mur de la cave, eau émergeant du drain dépourvu de pente et favorisant la rétention d’eau, absence de traitement d’étanchéité de la paroi contre terre du mur de la cave adossé au vide sanitaire du local vélo ;
10. Défaut de raccordement de la pompe de relevage côté façade rue ;
11. Insuffisance de descentes d’eau pluviale (une sur la terrasse arrière et une sur la terrasse du garage à vélo) ;
12. Non-conformité des culottes eaux pluviales ;
13. Défaut de regards en pieds de toutes les descentes pluviales ;
14. Défaut de trop-plein en toiture-terrasse accessible côté rue et en terrasse inaccessible sur garage-vélo ;
15. Défaut de porte-solin en toiture-terrasse accessible côté rue ;
16. Défaut de complexe anti-racinaire et défaut de végétalisation sur la terrasse arrière (1er étage) ;
17. Absence de chemin d’accès au moteur VMC sous combles ;
18. Défaut de joints d’étanchéité derrière les robinetteries et les revêtements céramiques ;
19. Ballon d’eau chaude entièrement rouillé ;
20. Défaut ou insuffisance de ventilation du sous-sol, du vide-sanitaire, défaut de ventilation basse dans la cave ;
21. Défaut de protection des sorties de ventilation contre les pénétrations d’eau
22. Défaut de regards de visite du drainage extérieur (absence de cheminée de visite du complexe drainant – pente nulle du réseau favorisant la rétention d’eau)
23. Désordres affectant l’ensemble des barres d’appui (présence importante de rouille) et défaut de scellement desdites barres (danger pour les personnes) et infiltrations consécutives au défaut de scellement ;
24. Défaut d’étanchéité toutes les couvertines d’acrotère ( joints non étanches)
25. Désordres affectant la pierre bleue du sous-sol, de la cuisine et de l’entrée (voile blanchâtre, carreaux ébréchés) ;
26. Infiltrations affectant l’ensemble des murs du sous-sol ;
27. Défaut de perron prévu à la notice descriptive manquant ;
28. Défaut d’empierrement du chemin d’accès au car-port, au garage et à l’entrée de la maison;
29. Non-conformité de la hauteur de la marche de la porte d’entrée (non conforme aux plans);
30. Défaut de ravalement ;
31. Absence de coupure de capillarité ;
32. Défaut de calfeutrement des traversées de parois par les réseaux ;
33. Apparition de coulures en façade au droit des ouvertures type oeil de bœuf (défaut de pente vers l’extérieur) ;
34. Non-conformité de la hauteur des reliefs localement non conformes (< 0,15 m) 35. Défaut de joints sur chaperons des reliefs et décollés manquants ; 36. Apparition de fissures en façade ; 37. Défaut de conformité du niveau du plancher bas du local vélo trop bas par rapport au niveau du RDC ; 38. Non-conformité de l’implantation du puisard trop proche de l’ouvrage (< 3 m en l’espèce, 1,80 m). Absence de grille anti-chute ; 39. Défaut de trop-plein de la cuve de récupération d’eau de pluie ; 40. Défaut d’exécution du puits filtrant et de la rétention des eaux pluviales (non conforme aux obligations du permis de construire) ; 41. Défaut d’étanchéité et/ou non-conformité de l’étanchéité des toits-terrasse : section de certains moignons non conforme ; conception des moignons à l'aide de siphon cloche non conforme ; absence de trop-plein ; absence de crapaudines au droit des moignons ; non-conformité des solins ; hauteur non réglementaire des reliefs (acrotères) ; 42. Défaut de calfeutrement des menuiseries en appui sur la maçonnerie ; 43. Isolant des combles posé de manière anarchique (existence de fuite thermique) 44. Collier de fixation des réseaux en quantité insuffisante favorisant les pentes nulles voire des contre-pentes ; 45. Absence de ventilation primaire ; 46. Non-conformité de l’adduction d'eau en pose directe avec le sol ; 47. Vasques SDB 1er étage mal posées – non-conforme à l’usage et à sa destination ; 48. Dysfonctionnement du plancher rayonnant du séjour et de la chambre au rez-de-chaussée; 49. Défaut de fonctionnement du radiateur au 1er étage (mezzanine) ; 50. Non-conformité à la réglementation thermique RT 2005 et de la performance énergétique – caractéristiques thermiques minimales non atteintes et isolation des toitures, terrasses et balcons non conformes. ; 51. VMC non fonctionnelle : gaines de ventilation écrasées en combles (insuffisance du passage du flux) et gaines déboitées de leur bouche d’aspiration dans salle d’eau ; 52. Non-respect du volet paysager du permis de construire (arbres à planter) ; 53. Non-conformité aux règles de sécurité : Présence d’un point lumineux dans la douche (zone 0) ; 54. Non-conformité aux règles de sécurité : écart au feu du conduit de fumée avec la charpente non respecté – danger d’embrasement ; 55. Contre pente des gouttières, fuite de certaines gouttières, gouttières en dehors de l'écoulement des eaux de l'auvent côté entrée ; 56. Affaissement de l’ensemble des auvents ; 57. Défaut de ventilation des débords de toit ; 58. Défaut de conformité du lot VRD - réseaux non conformes aux prescriptions d’assainissement. Non-conformité des règles de raccordement au réseau public d’assainissement et branchements contrôlés présentant un impact pour l'environnement." Les demandeurs affirment eux-mêmes que "Les désordres sont établis par les rapports des experts amiables saisis par les demandeurs (Rapport NIVERT, Rapport APCE, Rapport PIPA, Rapport SEVESC)", étant précisé que le rapport NIVERT date du 10 août 2021, le rapport APCE de mai 2019, le rapport PIPA du 20 janvier 2022 et le rapport SECESC du 19 octobre 2021. Il n'est pas contestable que ces désordres sont l'objet de la procédure encore en cours (pourvoi en cassation), ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 3 octobre 2022, sur appel du jugement du Tribunal judiciaire de Versailles du 7 juillet 2020. Les demandeurs affirment que "depuis avril 2022, [ils] ont constaté de nouveaux désordres ou qui se sont aggravés, qui relèvent également de la garantie décennale et qui ont fait l'objet d'une nouvelle déclaration DO auprès de la Cie ABEILLE ASSURANCE". Ils précisent qu'"Il s'agit notamment de désordres relevant de l'installation de chauffage, d'un défaut d'isolation thermique, d'un défaut de ventilation, d'un défaut d'étanchéité, du non-respect des règles de sécurité, d'un affaissement des auvents " en listant 24 désordres comme suit: "Etanchéité : 1. Étanchéité des toits-terrasse défectueuse : section de certains moignons non conforme ; conception des moignons à l'aide de siphon cloche non conforme ; absence de trop-plein ; absence de crapaudines au droit des moignons ; non-conformité des solins ; hauteur non réglementaire des reliefs (acrotères) ; Isolation thermique/ ventilation : 2. Défaut de calfeutrement des menuiseries en appui sur la maçonnerie 3. Isolant des combles posé de manière anarchique (existence de fuite thermique) 4. VMC non fonctionnelle : gaines de ventilation écrasées en combles (insuffisance du passage du flux) et gaines déboitées de leur bouche d’aspiration dans salle d’eau 5. Absence de ventilation primaire – défaut de ventilation au sous-sol Chauffage : 6. Dysfonctionnement du plancher rayonnant du séjour et de la chambre au rez-de-chaussée 7. Défaut de fonctionnement du radiateur au 1er étage (mezzanine) 8. Non-conformité à la réglementation thermique RT 2005 – caractéristiques thermiques minimales non atteintes et isolation des toitures, terrasses et balcons non conformes Affaissement des auvents, pentes nulles et contre-pentes : 9. Contre pente des gouttières, fuite de certaines gouttières, gouttières en dehors de l'écoulement des eaux de l'auvent côté entrée 10. Affaissement des auvents, défaut de ventilation des débords de toit 11. Collier de fixation des réseaux en quantité insuffisante favorisant les pentes nulles voire des contre-pentes Non-respect des normes de sécurité et des règles de l’art : 12. Adduction d'eau en pose directe avec le sol 13. Vasques SDB 1 er étage mal posées – retrait trop important par rapport au meuble bas 14. Présence d’un point lumineux dans la douche (zone 0) 15. Ecart au feu du conduit de fumée avec la charpente non respecté – danger d’embrasement Mais encore de non-conformités par rapport au permis de construire : erreur d’altimétrie, erreur d’implantation et ayant une répercussion sur l’habitabilité de la maison : 16. Hauteur du toit inférieure de 32 cm par rapport aux plans du permis de construire, la construction a une hauteur au faîtage de 7.68 m alors que le permis de construire prévoyait une hauteur au faîtage de 8 m. (retenue comme réserve par le Tribunal et la Cour) 17. Hauteur du toit de l’avancée (toit secondaire) est inférieure de 23 cm 18. Hauteur du niveau de la construction au niveau de la gouttière - dite hauteur « à l’égout » - se situe à 5m70 au lieu des 5m80 prévus au permis de construire 19. Hauteur des linteaux des baies du premier étage non conforme ; la hauteur des linteaux des baies de la porte d’entrée et de la fenêtre sous le porche, a été réduite (retenue comme réserve par le Tribunal et la Cour) 20. Corniche, pourtant précisément décrit au contrat, non conforme (retenue comme réserve par le Tribunal et la Cour) 21. Défaut d’implantation du local à vélo 22. Non-conformité du seuil de la porte d’entrée par rapport au sol naturel 23. Absence de raidisseurs verticaux dans les murs 24. Outre enfin, le fait que le lot VRD soit à reprendre intégralement puisque les réseaux ne sont pas conformes aux prescriptions d’assainissement." Ils ajoutent que "La SEVESC conclut à une non-conformité des règles de raccordement au réseau public d'assainissement. Elle ajoute : les branchements contrôlés présentent un impact pour l'environnement", étant à nouveau précisé que le rapport SEVESC date du 19 octobre 2021. Il n'est pas non plus contestable que ces désordres font aussi l'objet de la procédure encore en cours, dans la mesure où les demandeurs n'apportent aucun élément de preuve laissant présumer qu'il s'agit de désordres totalement nouveaux ou d'aggravations de désordres apparus postérieurement à l'arrêt d'appel du 3 octobre 2022. La déclaration de sinistre du 31 mars 2014, dont se prévalent les époux [I] pour dénoncer de nouveaux désordres, reprend in extenso la liste des 58 désordres susvisés dans la cadre de la procédure en cours. Enfin, les huit photos du sous-sol versées aux débats, non datées et indéterminées, sont insuffisantes à caractériser le motif légitime justifiant d'ordonner une nouvelle expertise. La demande d'expertise sera donc rejetée. Sur les dépens Les dépens seront à la charge des demandeurs, qui succombent à la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, statuant en qualité de Juge des référés, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe après débats en audience publique :

Rejetons la demande d’expertise,

Disons que les dépens seront à la charge de M. [Y] [I] et Mme [P] [K] épouse [I].

Prononcé par mise à disposition au greffe le HUIT OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le Greffier La Première Vice-Présidente

Virginie DUMINY Gaële FRANÇOIS-HARY


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