Le 27 août 2024, lors d’une audience publique, les avocats ont été informés que l’ordonnance serait rendue le 8 octobre 2024. Par un acte sous seing privé daté des 29 et 30 septembre 2014, la LANDESBANK SAAR a accordé un prêt immobilier in fine de 900 000 euros à la SCI BALTA 567, destiné au refinancement d’un immeuble en copropriété. La SCI, constituée le 4 septembre 2014, a été cédée par M. [K] et la société INTEROCEAN SHIPPING à Mme [Z] et son enfant mineur [U] le 1er octobre 2014. Une autre SCI, DIX-NEUF, possède également des lots dans le même immeuble, servant de logement familial.
Le prêt, d’une durée de dix ans, a un taux d’intérêt fixe de 3,20 % pour la première période, initialement jusqu’au 31 octobre 2022, mais prolongée jusqu’au 30 juin 2023. En l’absence d’accord sur le taux pour la seconde période, la banque a appliqué un taux par défaut à partir du 1er juillet 2023. Contestant ce taux, la SCI et Mme [Z] ont assigné la banque en référé le 19 octobre 2023 pour obtenir la suspension de l’application du nouveau taux et le maintien du taux fixe de 3,20 %. Le juge des référés a d’abord déclaré son incompétence, mais la cour d’appel a infirmé cette décision, affirmant la compétence des juridictions françaises. La SCI et Mme [Z] ont ensuite assigné la banque pour obtenir le remboursement des mensualités prélevées et des dommages-intérêts. La banque a soulevé l’incompétence des juridictions françaises et a demandé des condamnations à son encontre. Le juge de la mise en état a statué en faveur de l’exception d’incompétence de la banque, renvoyant les demanderesses à mieux se pourvoir et les condamnant aux dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le 08/10/2024
A Me GAUTIER
Me DE RYCK
■
9ème chambre 2ème section
N° RG 23/13688 – N° Portalis 352J-W-B7H-C254W
N° MINUTE :
Assignation du :
19 Octobre 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 08 Octobre 2024
DEMANDEURS
S.C.I. BALTA 567 agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice domiciliée audit siège en cette qualité
[Adresse 3]
[Localité 5] FRANCE
Madame [C] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 5] FRANCE
Madame [U] [Z] [K] représentée par Madame [C] [Z], son représentant légal, domicilié au [Adresse 3] à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 5] FRANCE
Madame [G] [Z] [K] représentée par Madame [C] [Z], son représentant légal, domiciliée au [Adresse 3] à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 5] FRANCE
représentées par Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0233
DEFENDERESSE
Etablissement LANDESBANK SAAR
[Adresse 7]
[Localité 2] ALLEMAGNE
représenté par Maître Xavier DE RYCK de l’AARPI ASA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0018, et par Maître Marie-Paule WAGNER du cabinet ASA – Avocats associés – AARPI, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
M. MALFRE, Premier Vice-président adjoint
assisté de Camille CHAUMONT, Greffière
A l’audience du 27 août 2024 sur incident, en audience publique, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 08 Octobre 2024.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Par acte sous seing privé des 29 et 30 septembre 2014, réitéré devant notaire le 30 septembre 2014, la LANDESBANK SAAR, établissement de crédit de droit allemand, a consenti à la SCI BALTA 567 (la SCI) un prêt professionnel immobilier in fine d’un montant nominal de 900 000 euros, dans le cadre du système allemand d’épargne-construction, ce prêt étant affecté au refinancement d’un immeuble en copropriété situé [Adresse 3]/[Adresse 1] à [Localité 5], dont les lots 5, 6, 7 et 23 appartiennent à la SCI.
Cette SCI a été constituée le 4 septembre 2014 par M. [K] et par la société de droit luxembourgeois INTEROCEAN SHIPING. Elle a pour objet social la réalisation de toutes opérations immobilières ou opérations s’y rattachant.
Par actes du 1er octobre 2014, M. [K] et la société INEROCEAN SHIPING a cédé la totalité des parts sociales de la SCI à Mme [Z] et à l’enfant mineur [U] [Z] [K]. Une partie des lots appartenant à cette SCI constitue le logement familial de Mme [Z] et de ses enfants.
La SCI DIX-NEUF, constituée dans les mêmes conditions que la présente SCI et ayant également souscrit un prêt auprès de la même banque, est propriétaire des lots 9, 10 et 21 dans le même immeuble, ces lots, réunis aux lots appartenant à l’autre SCI, constituant également le logement familial de Mme [Z] et de ses enfants.
Le prêt consenti par la LANDESBANK SAAR, soumis au droit allemand, d’une durée totale de dix ans, se compose de périodes successives à taux fixe. Le taux d’intérêt et le montant de la mensualité sont fixes pendant chaque période de taux fixe mais variables de période à période. L’acte de prêt mentionne les conditions convenues pour la première période de taux fixe, à compter de la date de décaissement jusqu’au 31 octobre 2022. Pour cette première période, il a été convenu l’application d’un taux d’intérêt fixe de 3,20 % l’an.
La date de fin de cette première période a été reportée par les parties au 30 juin 2023. Faute d’accord sur le taux fixe à appliquer pour la seconde période, la banque a appliqué, à partir du 1er juillet 2023, le taux par défaut prévu au contrat, soit le taux Euribor à 12 mois majoré de 2 %.
Contestant l’application de ce taux, la SCI et Mme [Z], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [U] et [G] [Z] [K], ont, par acte du 19 octobre 2023, assigné la banque devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir suspendre pendant une durée de 24 mois l’application de l’article III.6 derniers alinéas du contrat de prêt, jusqu’à ce que le litige soit réglé au fond, et ordonner l’application par la banque du taux d’intérêt fixe de 3,2% prévu par l’article II.3.3 de ce contrat, avant la mise en œuvre du contrat épargne-construction à compter du 1er décembre 2024, avec un taux fixe de 2,75%.
Par ordonnance du 6 février 2024, le juge des référés s’est déclaré matériellement incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.
Par arrêt du 31 mai 2024, la cour d’appel de Paris a infirmé cette ordonnance, retenant la compétence des juridictions françaises des référés pour statuer sur les demandes provisoires et conservatoires formées par les appelantes et, évoquant l’affaire, n’a pas retenu l’existence d’un dommage imminent dans l’application du nouveau taux d’intérêt du prêt.
Pour retenir la compétence du juge français, la cour a estimé que la demande de suspension du nouveau taux d’intérêt appliqué par la banque avait vocation à s’appliquer en France, outre que le maintien provisoire du précédent taux d’intérêt résultant de cette demande de suspension constituait une mesure provisoire ou conservatoire au sens de l’article 35 du règlement UE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, dit « Bruxelles 1 bis ».
Par ailleurs, pour retenir que l’application du nouveau taux d’intérêt par la banque ne constituait pas un dommage imminent, la cour a considéré que l’envoi par la banque le 13 juin 2023 d’une lettre pourtant datée du 21 mai 2023 et portant proposition d’un nouveau taux, ne constituait pas un faux mais ne faisait que rendre inopposable à l’emprunteur la date de cette proposition, ajoutant que dans tous les cas, la SCI avait reçu en temps utile la nouvelle proposition de la banque et avait disposé du temps nécessaire pour la refuser.
Par acte du 19 octobre 2023, la SCI et Mme [Z], agissant en son nom personnel et ès qualités, ont fait assigner la LANDESBANK SAAR devant ce tribunal, afin qu’il lui soit ordonné d’appliquer le taux d’intérêt fixe de 3,2 % prévu par le contrat de prêt, avant la mise en œuvre du contrat épargne-construction à compter du 1er décembre 2024 avec un taux fixe de 2,75 %, de rembourser la partie des mensualités prélevées soit la somme de 2 200,50 euros par mois depuis le 1er juillet 2023 et, en tout état de cause, de condamner la banque, à titre de dommages-intérêts, à payer à la SCI la somme de 2 200,50 euros par mois à partir du 30 juillet 2023, en réparation de son préjudice matériel, et à Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, la somme de 4 800,50 euros en réparation de son préjudice moral. Elles entendent par ailleurs que la banque soit condamnée à payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI reproche à la banque d’appliquer l’avenant du 21 mai 2023 qu’elle estime antidaté et adressé en dehors de la période contractuelle, pour lui imposer un taux d’intérêt majoré, et entend être remboursée des sommes indûment prélevées à ce titre par la banque, qui doit appliquer les stipulations de l’article II-3.3 du contrat de prêt. Mme [Z], agissant en son nom personnel et ès qualités, se prévaut de ce manquement contractuel, en ce qu’il porte atteinte au logement de sa famille, et entend être indemnisée du préjudice moral subi.
Par conclusions d’incident du 24 juillet 2024, la LANDESBANK SAAR sollicite du juge de la mise en état qu’il déclare les juridictions françaises incompétentes pour connaître de l’affaire, les demanderesses étant renvoyées à mieux se pourvoir. Sur les demandes concernant le faux, elle soulève à titre principal l’incompétence du tribunal et, subsidiairement, l’irrecevabilité de cette demande. Elle entend par ailleurs que la SCI et Mme [Z], agissant en son nom personnel et ès qualités, soient condamnées in solidum à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident du 30 juillet 2024, la SCI et Mme [Z], agissant en son nom personnel et ès qualités, s’opposent à cette exception d’incompétence. Par ailleurs, elles demandent au juge de la mise en état de dire que l’avenant du 21 mai 2023 de la LANDESBANK SAAR constitue un faux en écriture et, subsidiairement, de dire cet avenant inopposable. Elles sollicitent la condamnation de la banque à leur payer la somme de 6 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Il ne sera pas statué sur la demande de la SCI visant à lui donner acte, concernant le taux d’épargne-construction, que la LANDESBANK SAAR valide le fait que le taux fixe garanti de 2,75 % s’appliquera à compter du 1er novembre 2024, cette demande ne constituant pas une prétention.
Sur l’exception d’incompétence :
La banque rappelle que son siège social se situe à [Localité 6], en Allemagne, et que l’article 18.2. des conditions générales du prêt consenti à la SCI stipule qu’il est fait expressément attribution de compétence au tribunal dans le ressort duquel est situé le siège social de la banque, soit le tribunal de Sarrebruck.
Elle estime que cette clause attributive de juridiction est valable selon le règlement « Bruxelles 1 bis », ce règlement n’exigeant pas, dans l’ordre international, que la clause soit conclue entre deux commerçants.
Elle souligne que la SCI n’a pas la qualité de consommateur puisqu’en droit communautaire comme en droit interne, le consommateur ne peut s’entendre que d’une personne physique. Elle note de plus que la SCI a souscrit le prêt pour les besoins de son activité professionnelle, ainsi que l’emprunteur l’a reconnu au point II.1. de l’offre de prêt, celle clause étant opposable à la SCI et ne lui permettant plus de revendiquer la qualité de consommateur. La banque ajoute que lors de l’octroi du prêt, aucun des demandeurs membres de la famille [Z] n’était associé de la SCI, outre qu’au vu de son objet social consistant à exploiter tous immeubles et non à détenir un bien unique, la SCI est de nature professionnelle, relevant en outre que lors de l’octroi du prêt, les biens immobiliers financés étaient affectés à la gestion locative.
Elle considère par conséquent que c’est à tort que les défenderesses à l’incident soutiennent que la SCI est une société sans objet professionnel.
Par ailleurs, la LANDESBANK SAAR conteste qu’il puisse lui être opposé les dispositions de l’article 7 du règlement « Bruxelles 1 bis » énonçant que : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».
En effet, de première part, elle relève qu’en l’espèce la matière est ici contractuelle et non délictuelle puisque le litige oppose principalement la SCI et la banque qui sont contractuellement liées par le contrat de prêt, et qu’il a pour objet direct ledit contrat et son exécution.
Elle note que c’est de façon artificielle que les associés de la SCI interviennent aux cotés de la société, alors que ces derniers ne formulent aucune demande propre, le tribunal étant saisi de demandes concernant l’application des clauses du prêt, alors que les associés, qui n’ont pas la qualité de cocontractants, ne sont pas recevables à former de telles demandes.
Elle estime que ces associés ne sont que des intervenants volontairement à la procédure, ne formulant pas de prétentions propres, cette intervention volontaire ne pouvant avoir d’incidence sur la compétence de la juridiction.
De seconde part, la banque soutient que le fait dommageable ne peut pas être localisé en France, relevant que les associés de la SCI ne sont que des victimes par ricochet pour lesquels la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) décide qu’ils ne peuvent saisir que le même tribunal que la victime directe (arrêt « Dumez » du 11 janvier 1990, aff. C-220/88).
Elle ajoute qu’en cas de préjudice économique, le lieu d’établissement de la victime ne doit pas être considéré nécessairement comme le lieu du fait dommageable et qu’il convient de rechercher l’existence d’un lien suffisant avec le lieu où se produit le fait générateur.
Or, elle note qu’en l’espèce, le lieu du paiement des intérêts est l’Allemagne, en application de l’article 12.2. des conditions générales du prêt fixant le lieu des paiements à [Localité 6].
En réplique, la SCI et Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, considèrent que la clause attributive de compétence prévue dans le contrat de prêt ne peut pas s’appliquer en raison de la nature délictuelle de la faute de la banque et de l’implication de tiers au contrat.
A titre principal, les défenderesses à l’incident font valoir que la faute de la banque ne relève pas du contrat, rappelant avoir assigné la banque sur un fondement délictuel, alors que le lieu du dommage comme du risque de dommage est celui de situation de l’immeuble constituant le logement familial. Elle relève que la banque, par ses agissements, s’est située hors du champ contractuel en refusant de l’appliquer, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise exécution du contrat.
Subsidiairement, Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, rappelle qu’elle est une victime directe et que la jurisprudence de la cour de cassation reconnaît au tiers au contrat cette qualité.
Les défenderesses à l’incident estiment qu’il convient de donner compétence au juge du lieu de dommage, puisque la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est, sauf dispositions contraires du règlement Bruxelles 1bis, celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.
Or, elles relèvent qu’en l’espèce, le dommage subi par la famille [Z] [K] est une atteinte à son droit au logement.
A titre plus subsidiaire, si la famille [Z] [K] était considérée comme une victime par ricochet, la SCI et Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, soutiennent que le juge compétent est celui compétent pour la victime principale. En effet, elles estiment que l’arrêt de la CJUE du 11 janvier 1990 considère que le juge internationalement compétent pour connaître de l’action de la victime par ricochet est celui duquel la victime initiale a subi son dommage et qu’en conséquence, s’il s’agit d’un manquement contractuel, le juge serait celui de l’exécution du contrat.
Or, comme l’a rappelé la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 31 mai 2024, elle souligne que le lieu d’exécution du contrat est à [Localité 4], au vu du lieu de prélèvement des mensualités et de l’immeuble financé.
Elles rappellent par ailleurs qu’une clause attributive de juridiction ne peut pas en principe être opposée à un tiers, que ce soit dans le cadre d’une chaîne de contrats translatifs de propriété ou en présence d’un groupe de contrats, à moins de démontrer que le tiers a accepté cette clause, de sorte qu’une telle clause lui est inopposable, soulignant que la seule exception rendant opposable cette la clause est le cas des chaînes de contrat translatif de propriété, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, s’agissant d’un contrat de prêt.
Ceci étant exposé.
Contrairement à ce que soutient la SCI pour les besoins de la cause dans le cadre du présent incident, l’action qu’elle a introduite par son assignation du 19 octobre 2023 est de nature contractuelle. En effet, il résulte de l’examen de cette assignation qu’est contestée l’opposabilité de l’avenant, avenant qui est prévu au contrat, mais dont il est considéré qu’il n’a pas été adressé dans les délais contractuels. La SCI en conclut que l’application par la banque des dispositions III-6 du contrat de prêt est illicite et entend que soient appliquées les stipulations du point prévues à l’article II-3.3 dudit contrat. La nature contractuelle de cette action est d’ailleurs expressément mentionnée dans l’assignation en page 12, lorsqu’est envisagée la seule demande de Mme [Z], à titre personnel et ès qualités, dans le paragraphe intitulé « Les demandes de la famille [Z] », où il est indiqué : « les demanderesses en tant que bénéficiaires du logement familial et associées de la société Balta 567 sont victimes des manquements contractuels de la banque LBS dans le cadre du contrat de prêt conclu avec la société Balta 567 (…). En premier lieu, la famille [Z]-[K] est bien fondée à se prévaloir du manquement contractuel de la banque LBS à l’égard de la société Balta 567 (…) ». L’assignation du 19 octobre 2023 vise d’ailleurs à son dispositif, comme fondements juridiques, non seulement l’article 1240 du code civil sur la responsabilité extracontractuelle mais aussi les articles 1100 et suivants du même code incluant la responsabilité contractuelle.
Dès lors, la SCI ne saurait se prévaloir des dispositions en matière de compétence reprises à l’article 7 2) du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 dit « Bruxelles 1bis », qui précisent qu’en matière délictuelle ou quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
Par ailleurs, la banque doit être approuvée en ce qu’elle fait valoir que la SCI n’a pas la qualité de consommateur. En effet, l’article liminaire du code de la consommation définit le consommateur comme une personne physique.
De plus, lorsqu’elle a contracté le prêt litigieux, la SCI a reconnu au point II. 1 du contrat que ce prêt était destiné au financement de son activité professionnelle, ce qui est conforme à son objet social de l’époque consistant à effectuer toutes opérations immobilières ou opérations s’y rattachant.
Il importe peu à cet égard que, postérieurement à la conclusion du contrat de prêt, cette SCI serait devenue uniquement familiale, du fait de cessions de parts sociales SCI et du fait qu’elle ne soit devenue propriétaire que de lots dans lesquels Mme [Z] et ses enfants demeurent.
Par conséquent, la SCI ne peut pas bénéficier des dispositions particulières du règlement dit « Bruxelles 1bis » en matière de compétence pour les contrats conclus par un consommateur pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, en particulier des règles protectrices reprises à l’article 19 de ce règlement, s’agissant des conventions des parties dérogeant à ces règles spéciales de compétence.
Il peut donc être fait application des dispositions de l’article 25 du règlement « Bruxelles 1bis », qui autorisent les parties à convenir, sans considération de leur domicile, d’une juridiction ou de juridictions d’un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé.
Or, le contrat de prêt comporte à l’article 18.2. de ses conditions générales, une clause attribuant compétence au tribunal dans le ressort duquel est situé le siège social de la banque, soit le tribunal de Sarrebruck, pour connaître des difficultés relatives à l’exécution du contrat, ce qui constitue le litige principal au fond.
La seule demande formée par Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, en ce qu’elle est accessoire par rapport aux demande principales formées par la SCI, ne saurait remettre en cause l’application de cette clause sur la compétence.
En effet, dans l’assignation du 19 octobre 2023, la requérante fait valoir que les manquements contractuels commis par la banque à l’encontre de la SCI causent un préjudice moral à la famille, en ce qu’elle serait exposée au risque de vente par la banque des lots constituant le domicile familial, ce préjudice moral étant évalué à la somme mensuelle prélevée par la banque depuis le mois de juillet 2023.
Pour autant, ainsi que cela a été rappelé par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 31 mai 2024, la SCI ne rencontre pas de difficultés financières pour régler le différentiel mensuel résultant de l’application de l’avenant contesté. De plus, la seule existence d’une hypothèque de premier rang sur les lots composant le domicile de la famille ne saurait constituer un dommage, n’étant qu’une sûreté au profit du prêteur.
C’est donc à tort que Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, soutient qu’elle est une victime directe, de sorte que serait compétent le tribunal du lieu du dommage qu’elle subit. En effet, l’objet principal du litige dans le cadre duquel elle ne forme qu’une demande accessoire, est la non-exécution conforme du contrat de prêt par la banque, ainsi que le soutient la SCI.
Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualité, est donc une victime par ricochet des manquements contractuels reprochés par la SCI à la banque.
Or, la présence dans la cause de Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, ne saurait influer sur les règles de compétence applicables. En effet, si les conséquences dommageables de l’exécution d’un contrat ouvrent, pour les tiers qui en souffrent, une action en responsabilité délictuelle eu égard au principe de relativité des contrats, ces tiers qui sont des victimes par ricochet, au sens du droit européen, ne peuvent saisir que les tribunaux compétents à l’endroit des victimes directes (CJUE, 11 janvier 1990, Dumez, C-220/88).
Il convient dans ces conditions de faire droit à l’exception d’incompétence.
Il n’y a donc pas lieu de statuer sur le faux allégué, pas plus que sur la demande tendant à dire que l’avenant du 21 mai 2023 est inopposable.
Sur les autres demandes :
Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la SCI et Mme [Z], agissant à titre personnel et ès qualités, seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 1 500 euros.
Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par l’établissement de crédit de droit allemand LANDESBANK SAAR, division LANDESBAUSPARKASSE SAARBRUCKEN ;
Renvoie la SCI BALTA 567 et Mme [C] [Z], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [U] et [G] [Z] [K], à mieux se pourvoir ;
Condamne in solidum la SCI BALTA 567 et Mme [C] [Z], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs, [U] et [G] [Z] [K], aux dépens de l’incident, ainsi qu’à payer à l’établissement de crédit de droit allemand LANDESBANK SAAR, division LANDESBAUSPARKASSE SAARBRUCKEN la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Faite et rendue à Paris le 08 Octobre 2024
La Greffière Le Juge de la mise en état