Conflit d’associés : la désignation d’un administrateur ad hoc

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Conflit d’associés : la désignation d’un administrateur ad hoc

Il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la conformité de l’administration d’une société à ses statuts. La désignation d’un administrateur ad hoc ne peut être ordonnée par le juge des référés que s’il est rapporté l’existence d’une urgence ou d’un péril imminent tel qu’un dysfonctionnement paralysant l’activité de la société.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la désignation d’un administrateur ad hoc est une mesure exceptionnelle qui suppose de rapporter la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent.

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence de différents ».

L’article 835 du même code ajoute « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

En outre, le juge des référés est le juge de l’évidence.

L’article 1855 du code civil dispose que « Les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d’un mois ».

Résumé de l’affaire

La société SP INVESTISSEMENTS a assigné en référé les sociétés HABITAT TRADITION, URBAN PROMOTION et LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES afin de désigner un administrateur ad hoc pour gérer les affaires de cette dernière société. L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises et la société LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES n’a pas comparu. La société SP INVESTISSEMENTS maintient ses demandes, tandis que les sociétés HABITAT TRADITION et URBAN PROMOTION demandent à être déboutées. La décision a été mise en délibéré pour le 30 juillet 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 juillet 2024
Tribunal judiciaire de Pontoise
RG
24/00160
DU 30 juillet 2024 Minute numéro :

N° RG 24/00160 – N° Portalis DB3U-W-B7I-NQIQ

Code NAC : 71C

S.A.S.U. SOCIETE SP INVESTISSEMENTS
C/
S.C.I. LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES
S.A.S. URBAN PROMOTION
SASU HABITAT TRADITION

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE PONTOISE

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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ORDONNANCE RÉFÉRÉ

LA JUGE DES REFERES : Jeanne GARNIER, juge placée auprès du Premier Président de la Cour d’appel de VERSAILLES, déléguée aux fonctions de Juge des référés au Tribunal judiciaire de PONTOISE 

LE GREFFIER : Xavier GARBIT

LES PARTIES :

DEMANDEUR(S)
S.A.S.U. SOCIETE SP INVESTISSEMENTS, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Stéphane ALAIMO de la SELARL LEHMANN ET ALAIMO, avocats au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 171

DÉFENDEUR(S)
S.C.I. LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES, dont le siège social est sis [Adresse 1]
non représentée

S.A.S. URBAN PROMOTION, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Erwann MFOUMOUANGANA de la SELARL RS EM AVOCATS, avocats au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 181

SASU HABITAT TRADITION, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Julien AUCHET de la SCP INTERBARREAUX EVODROIT, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 13

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Débats tenus à l’audience du : 28 juin 2024
Date de délibéré indiquée par la Présidente par mise à disposition au greffe
le 30 juillet 2024

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EXPOSE DU LITIGE

Par actes séparés de commissaire de justice en date des 26 et 27 décembre 2023, la société SP INVESTISSEMENTS a fait assigner en référé la société HABITAT TRADITION, la société URBAN PROMOTION et la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES devant le tribunal judiciaire de PONTOISE afin de voir :
Déclarer la société SP INVESTISSEMENTS recevable et bien fondée en ses demandes,Désigner un administrateur ad hoc qui disposera de tous les pouvoirs attribués au dirigeant de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES,Dire que l’administrateur ad hoc pourra se faire assister par toute personne de son choix,Dire que l’administrateur désigné aura notamment pour mission de :Convoquer les associés de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES à une (ou plusieurs) Assemblée(s) Générale(s) pour l’approbation des exercices clos au 31 décembre 2018, au 31 décembre 2019, au 31 décembre 2021, au 31 décembre 2022,Convoquer les associés de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES à une Assemblée Générale en vue de la présentation et de l’approbation des comptes définitifs de ladite société après réalisation de son objet,Convoquer les associés de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES à une Assemblée Générale aux fins de présentation, d’approbation et de répartition des résultats et du boni de liquidation de ladite société et, préalablement, de procéder aux opérations de celle-ci,Tenir les dites assemblées générales concernées,Se faire remettre ou communiquer par les gérants, tous les documents comptables, financiers et juridiques de la société, nécessaires à l’accomplissement de sa mission,Dire que l’administrateur désigné devra rendre compte de l’accomplissement de sa mission dans un délai de six mois à compter de sa désignation,Fixer la provision à valoir sur la rémunération de l’administrateur qui sera versée par la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES, et à défaut pour celle-ci d’y procéder dans un délai d’un mois, par la société SP INVESTISSEMENTS, dans ce même délai d’un mois,Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,Condamner les sociétés HABITAT TRADITION et URBAN PROMOTION à verser à la société SP INVESTISSEMENTS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,Condamner les sociétés HABITAT TRADITION et URBAN PROMOTION aux entiers dépens de la présente instance.
L’affaire a été appelée à l’audience du 12 mars 2024 et renvoyée au 28 juin 2024 à la demande de la société URBAN PROMOTION. Le 28 juin 2024, la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES, citée par remise de l’acte à l’étude, n’était pas représentée et n’a pas comparu.

La société SP INVESTISSEMENTS maintient les demandes aux termes de son assignation.

Au visa de ses conclusions visées à l’audience, la société HABITAT TRADITION demande au juge des référés de :
Débouter la société SP INVESTISSEMENTS de toutes fins, moyens et prétentions,Condamner la société SP INVESTISSEMENTS au paiement d’une indemnité de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.La société HABITAT TRADICTION fait valoir qu’il n’y a pas d’urgence ni de dommage imminent qui justifierait la demande.

Par conclusions visées à l’audience, la société URBAN PROMOTION sollicite du juge des référés de :
Débouter la société SP INVESTISSEMENTS de toutes ses demandes, fins et conclusions,Condamner la société SP INVESTISSEMENTS à payer à la société URBAN PROMOTION la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions des parties.

La décision a été mise en délibéré au 30 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 4 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Il résulte de l’application de ces dispositions que l’opinion formulée par les parties sur un point de pur droit ne constitue pas un terme du litige.

Dès lors, il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes visant à voir dire, juger ou constater l’opinion des parties sur la qualification juridique de faits ou d’actes de nature à nourrir les moyens et arguments en débat.

A titre liminaire, il est rappelé qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la désignation d’un administrateur ad hoc

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence de différents ».
L’article 835 du même code ajoute « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
En outre, il sera rappelé que le juge des référés est le juge de l’évidence.
L’article 1855 du code civil dispose que « Les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d’un mois ».
En l’espèce, la société SP INVESTISSEMENTS rappelle que la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES a été créée par les sociétés SP INVESTISSEMENTS, URBAN PROMOTION et HABITAT TRADITION pour réaliser une opération immobilière. La demanderesse prétend que seuls les comptes clos de l’année 2020 ont été soumis à l’approbation de l’assemblée générale des associés conformément à l’article 21 des statuts depuis la création de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES en 2018. La société SP INVESTISSEMENTS soutient qu’aucune assemblée générale n’a été tenue par les dirigeants pour l’approbation des comptes définitifs, de présentation et d’affectation des résultats définitifs alors que l’opération immobilière fondant son objet social est terminée. La demanderesse reproche aux dirigeants de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES de ne pas avoir l’intention de présenter les comptes malgré la lettre de mise en demeure qu’elle a adressée.
En réponse, la société HABITAT TRADITION fait valoir que l’administration de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES n’est pas compromise comme le prétend la société SP INVESTISSEMENTS qui a eu accès à l’ensemble des documents comptables et financiers de la société. La société HABITAT TRADITION précise qu’une assemblée générale a été organisée le 16 février 2024 mais qu’aucune résolution n’a été adoptée, rendant nécessaire la convocation d’une nouvelle assemblée générale sans toutefois que cela ne puisse s’entendre comme un dysfonctionnement dans l’administration de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES. La société HABITAT TRADITION soutient, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, que la désignation d’un administrateur ad hoc en référé est soumise au critère de l’urgence ou d’une menace constituant un péril imminent, ce qui n’est pas démontré par la demanderesse.
La société URBAN PROMOTION conteste la demande en désignation d’un administrateur provisoire en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la désignation est une mesure exceptionnelle qui suppose de rapporter la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un péril imminent. La société URBAN PROMOTION prétend que la société SP INVESTISSEMENTS ne rapporte pas la preuve de ces éléments d’autant que l’objet social ayant été réalisé, la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES ne peut avoir un fonctionnement altéré ou être en état de péril imminent.
Il résulte des arguments développés par les parties et des pièces versées aux débats qu’il existe des désaccords entre les associés de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES, à savoir la société SP INVESTISSEMENTS d’une part, et les société URBAN PROMOTION et HABITAT TRADITION d’autre part, s’agissant de la gestion et de l’administration de la société civile.
Il n’appartient pas au juge des référés, à ce stade, de se prononcer sur la conformité de l’administration de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES à ses statuts. En outre, il convient de rappeler comme l’ont souligné les sociétés URBAN PROMOTION et HABITAT TRADITION, que la désignation d’un administrateur ad hoc ne peut être ordonnée par le juge des référés que s’il est rapporté l’existence d’une urgence ou d’un péril imminent tel qu’un dysfonctionnement paralysant l’activité de la société.
Les reproches adressés par la société SP INVESTISSEMENTS aux sociétés URBAN PROMOTION et HABITAT TRADITION dans la gestion de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES, tiennent à des transactions avec des sociétés tierces, à l’absence de convocation d’assemblée générale pour approbation des comptes des années 2018, 2019, 2021 et 2022, et à l’absence de bénéfice net tel qu’il était projeté à l’origine. Ces reproches ne se rattachent pas à un évènement récent, les transactions dénoncées datent de plusieurs années, les comptes concernés portent sur les années passées, de sorte que l’urgence n’est pas caractérisée. Enfin, les parties s’accordant pour dire que l’objet social de la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES a été rempli, il ne peut être considéré que l’absence de bénéfice espéré ou la nécessité de reconvoquer une assemblée générale des associés pour approuver les comptes définitifs et clôturer l’activité, font courir un péril imminent à la société civile créée entre les parties.
Par conséquent, il n’y a pas lieu à référé sur les demandes tendant à la désignation d’un administrateur ad hoc.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société SP INVESTISSEMENTS, qui succombe, supportera la charge des entiers dépens.

Il convient de condamner la société SP INVESTISSEMENTS, partie succombante, à payer à la société URBAN PROMOTION la somme de 1 500 euros, et à payer à la société HABITAT TRADITION la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société SP INVESTISSEMENTS sera déboutée de sa demande sur ce point.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, rendue par mise à disposition au greffe,
DISONS n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société SP INVESTISSEMENTS tendant à la désignation d’un administrateur ad hoc pour la société civile LA RESIDENCE DU PARC DES CHARMILLES ;

DEBOUTONS la société SP INVESTISSEMENTS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la société SP INVESTISSEMENTS à payer à la société HABITAT TRADITION la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNONS la société SP INVESTISSEMENTS à payer à la société URBAN PROMOTION la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

REJETONS toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;

CONDAMNONS la société SP INVESTISSEMENTS au paiement des dépens ;

RAPPELONS que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Et l’ordonnnance est signée par la présidente et le greffier.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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