Contexte de l’affaireMme [U] [V] a engagé la société CMID pour des travaux de maçonnerie et de terrassement sur sa propriété, selon un devis accepté le 12 juin 2019 pour un montant total de 13 415 euros TTC. Un acompte de 3 982,60 euros a été versé par Mme [V]. Facturation et mise en demeureLe 9 août 2019, la société CMID a émis une facture pour un solde restant dû de 8 017,40 euros TTC. Par la suite, une mise en demeure a été envoyée à Mme [V] le 19 novembre 2020 pour le paiement de cette somme. Procédure judiciaireEn raison de l’absence de règlement, la société CMID a assigné Mme [V] en paiement de la somme due par acte du 16 février 2021. Le tribunal judiciaire de Caen a rendu un jugement le 2 juillet 2021, condamnant Mme [V] à payer la somme de 8 017,40 euros TTC, ainsi qu’une indemnité de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Appel de Mme [V]Mme [V] a formé appel de ce jugement le 7 décembre 2021, demandant la réformation de la décision et contestant les demandes de la société CMID. Elle a soulevé des défauts d’exécution de la part de l’entrepreneur, notamment la démolition d’une partie de mur non prévue au devis et l’absence de repose de la rambarde de sécurité. Arguments des partiesMme [V] a soutenu que la démolition du mur avait été effectuée sans son accord et que la société CMID n’avait pas respecté ses obligations en matière de sécurité. En réponse, la société CMID a affirmé avoir agi avec l’accord de Mme [V] et a contesté les manquements allégués. Décision de la courLa cour a examiné les arguments des deux parties et a conclu que Mme [V] n’était pas fondée à exciper de manquements contractuels concernant la démolition du mur. Cependant, la cour a reconnu un manquement relatif à la sécurité, en raison de l’absence de repose de la rambarde, justifiant une réduction du montant dû. Conclusion et condamnationLe jugement a été infirmé, et Mme [V] a été condamnée à payer la somme de 7 665,40 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Les parties ont été déboutées de toute autre demande, et Mme [V] a été condamnée aux dépens de la procédure d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° Portalis DBVC-V-B7F-G4IH
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 02 Juillet 2021 –
RG n° 21/00741
COUR D’APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2024
APPELANTE :
Madame [U] [V]
née le 08 Octobre 1946 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée et assistée de Me Jean-Jacques SALMON, substitué par Me BAUGE, avocats au barreau de CAEN
INTIMÉE :
La S.A.R.L. CMID
N° SIRET : 502 632 870
[Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Véronique BOUCHARD, avocat au barreau de CAEN
DÉBATS : A l’audience publique du 20 juin 2024, sans opposition du ou des avocats, Mme DELAUBIER, Conseillère, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 22 Octobre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [U] [V] a mandaté la société CMID aux fins de réaliser des travaux de maçonnerie et de terrassement sur sa propriété selon devis accepté le 12 juin 2019 pour un montant de 13 415 euros TTC.
Mme [V] a versé un acompte de 3 982,60 euros.
Le 9 août 2019, la société CMID a émis une facture pour un solde restant dû d’un montant de 8 017,40 euros TTC et, par lettre recommandée avec avis de réception du 19 novembre 2020, mis en demeure Mme [V] de procéder au paiement de la dite somme.
A défaut de règlement amiable, la société CMID a assigné Mme [V] par acte du 16 février 2021 en paiement de la somme principale de 8 017,40 euros TTC au titre de la facture du 9 août 2019.
Par jugement du 2 juillet 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Caen a :
– condamné Mme [V] à payer à la société CMID la somme de 8 017,40 euros TTC, correspondant au solde de la facture du 9 août 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
– condamné Mme [V] à payer à la société CMID la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [V] au paiement des dépens ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 7 décembre 2021, Mme [V] a formé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 mai 2022, Mme [V] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
– débouter la société CMID de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– écarter l’attestation de la Sarl [C] Paysagiste pour non-respect des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire,
– ordonner la réduction du prix de la facture réclamée par la société CMID ;
– dire que la créance de la société CMID se limitera à la somme de 4 194,53 euros TTC ;
En tout état de cause,
– condamner la société CMID à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 3 mai 2022, la société CMID demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, de débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes et, en conséquence, de la condamner au règlement du solde de la facture n° 2019-08-001 en date du 9 août 2019 soit 8 017,40 euros TTC ainsi qu’à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 22 mai 2024.
Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
– Sur la demande en paiement :
Au soutien de son appel, Mme [V] invoque à titre principal deux défauts d’exécution de la société CMID justifiant son refus de payer le solde de la facture en application de l’article 1217 du code civil.
Elle reproche ainsi à l’entrepreneur d’avoir détruit une partie de mur, prestation non prévue au devis et pour laquelle elle n’a jamais donné son accord, et de surcroît, d’avoir omis de procéder à la repose de la rambarde de sécurité préexistante à la réalisation des travaux ce, en la remplaçant de manière non sécurisée par des barrières non fixées, tombées au premier coup de vent.
A titre subsidiaire, et sur le fondement des articles 1223 et 1347 du code civil, l’appelante estime qu’à tout le moins, la cour devrait réduire le prix restant à devoir afin de tenir compte de ces manquements contractuels ce pour un montant de 3 822, 87 euros de sorte qu’elle devrait être tenue au paiement de la seule somme de 4194,53 euros.
La société CMID réplique que, contrairement à ce qui est soutenu par Mme [V], elle n’a commis aucune erreur en procédant avec son accord à l’abattement d’une partie du mur qui menaçait de s’effondrer, que la pose d’un garde-corps n’était pas prévue au devis et qu’en conséquence, en l’absence de tout manquement caractérisé de sa part susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle, elle est bien fondée en sa demande en paiement du solde intégral de sa facture du 9 août 2019 ainsi que le premier juge l’a exactement considéré.
Sur ce,
Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 1217 du même code, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
Enfin, l’article 1219 du même code précise qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Il est constant que le 12 juin 2019, Mme [V] a accepté un devis établi la veille par la société CMID pour des travaux de terrassement et de maçonnerie moyennant le prix total de 13 415,67 euros TTC, et comprenant la réalisation des prestations suivantes :
Au titre du lot ‘terrassement’:
– Démolition et terrassement sur une profondeur de 50 cm, hauteur maxi 2,1 m, évacuation comprise
– Réalisation d’une fouille pour fondation 0,45 x 0,25
– Dépose et repose pavé au pied du mur
– Dépose et repose pavage terrasse
– Terrassement : remblaiement derrière le mur en graviers
– Remise en état du jardin, bâche, plantes, paillage.
Au titre du lot ‘maçonnerie’ :
– Mur agglos blancheur épaisseur 20 cm
– Fondation en BA avec semelle filante 15/35
– Enduit imperméabilisation
– Dalle BA
– Bêche périphérique BA.
Ce document contractuel diffère d’un précédent devis établi par la même société le 21 mars 2019 et signé par Mme [V] pour un montant hors options de 11 790,07 TTC euros (outre selon Mme [V] une option pour 25 cm de mur supplémentaire au prix de 441,25 euros TTC qui aurait été retenue) en ce qu’il comprend la réalisation d’une dalle BA et bâche périphérique BA, d’une prestation de dépose et repose pavage terrasse ainsi qu’une modification du prix unitaire des prestations et prévoit une remise commerciale de 1743,75 euros TTC.
Il est constant par ailleurs que Mme [V] a réglé une somme de 3 982,60 euros et qu’une facture a été émise le 9 août 2019 pour un solde restant dû de 8017,40 euros tenant compte de ce versement.
Il est indifférent qu’une somme de 1179,73 euros HT ait été réglée par ailleurs par Mme [V] ainsi qu’elle le prétend alors que les travaux correspondants (dalle BA et bâche périphérique BA) ne sont pas repris sur la facture litigieuse et que leur paiement n’est pas réclamé par la société CMID.
Dès lors, c’est à Mme [V], qui excipe d’une faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles par la société CMID pour échapper au paiement du solde de la facture, qu’il revient d’en rapporter la preuve.
– Sur l’exception d’inexécution résultant de la démolition d’une partie du mur non prévue au devis :
Il n’est pas contesté qu’une partie de mur a été abattue par la société CMID, l’entrepreneur assurant que fragilisée, celle-ci menaçait de s’effondrer et que Mme [V] dûment informée avait donné son accord pour sa démolition.
L’attestation de M. [C], paysagiste, versée au soutien de cette allégation, non conforme aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, n’emportera pas la conviction de la cour en ce qu’elle ne présente pas des garanties suffisantes au regard de l’absence de production de tout document officiel justifiant de l’identité de son auteur.
Il reste cependant que Mme [V] expose que c’est à la suite du premier devis du 21 mars 2019 que la société CMID, laquelle avait déjà commencé les travaux depuis le 5 juin 2019, a démoli une partie du mur sans son accord. Elle ajoute qu’un autre devis (non produit) aurait été établi le 7 juin 2019 pour un montant total de 15 508,17 euros TTC, affirmant que ce montant considérablement plus élevé résultait du surcoût engendré par la seule erreur commise par la société CMID, de sorte que cette dernière aurait accepté de rediscuter les tarifs annoncés, ce qui a donné lieu au dernier devis accepté le 12 juin 2019 pour un total de 13 415,67 euros après déduction d’une remise commerciale de 1743,75 euros TTC.
A suivre Mme [V], la démolition de la partie du mur litigieuse a donc été exécutée avant l’établissement du devis accepté le 12 juin 2019, et cette réalisation dénoncée comme le surcoût de travaux qu’elle aurait engendré ont été débattus entre les parties pour parvenir à un nouvel accord matérialisé par ce dernier devis comportant de fait une ‘remise commerciale de 1743,75 euros TTC’, outre la diminution du tarif unitaire des prestations à effectuer.
Dès lors, quel que fut le motif ayant conduit la société CMID à effectuer cette démolition (fragilisation ou une erreur de l’entrepreneur), Mme [V] n’est pas fondée à exciper ‘à titre de manquement contractuel’ cette réalisation et le surcoût en résultant, puisqu’elle avait accepté le devis intégrant ces éléments et, en compensation, le bénéfice principal d’une remise commerciale.
Ce moyen sera donc rejeté.
– Sur l’exception d’inexécution résultant de l’absence de repose de la rambarde de sécurité :
Il est constant que dans le cadre de l’exécution des travaux de terrassement et de maçonnerie relatifs à la réalisation de fondations, de reprise d’une dalle portée et de l’élévation d’un mur, la société CMID a déposé une rambarde de protection attenant au mur démoli.
Il ne fait pas débat que ce matériel n’a pas été reposé ni fixé et que deux barrières de chantier mobiles appartenant à l’entrepreneur ont été laissées à titre provisoire.
Le constat d’huissier dressé le 3 mars 2020 révèle que la hauteur du mur soutenant la terrasse est au minimum de 2 m, que deux barrières de chantier rouges et blanches sont posées au bas du mur et qu’en l’absence de protection, ‘il existe un grave risque de chute dans la descente du garage’.
Il y est également relevé qu’il n’existe aucune fixation dans les dalles de la terrasse pouvant accueillir la dite rambarde.
Certes, le devis de terrassement et de maçonnerie ne mentionne pas expressément la pose d’un garde-fou ou la repose de la barrière existante mais il ne dit rien non plus de sa dépose.
Ayant procédé à l’enlèvement de la rambarde dans le cadre de ces travaux, la société CMID devait exécuter sa repose à l’identique. A tout le moins, elle devait prévoir les points de fixation à cette fin et informer en amont Mme [V] de la nécessité de solliciter un autre corps de métier afin de prévoir la pose d’un nouveau garde fou dès la fin de son intervention.
Or, l’entrepreneur ne démontre pas que ‘son gérant avait clairement expliqué à Mme [V] que pour le garde-corps elle devrait faire appel à une autre entreprise’ ni au demeurant que cette prestation n’entrait pas dans le champ de son activité couvert par son assureur tel que prétendu. En outre, l’installation provisoire de deux barrières de chantier amovibles pour mettre en garde les occupants de l’habitation ne saurait caractériser le respect par la société CMID de son obligation de résultat et de sécurité.
Si ce manquement n’était pas suffisamment grave pour justifier l’inexécution par Mme [V] de son obligation de payer 70% du prix total dont elle était redevable à la réception des travaux conformément à leur accord, il justifie néanmoins une réduction du solde réclamé à ce seul titre.
L’appelante réclame une réduction d’un montant total de 3 822,87 euros au titre du surcoût lié à la démolition (1184,35 euros HT), de la dépense engagée pour la pose d’un garde fou (facture de 2350,43 euros) et des frais de constat d’huissier d’un montant de 288,09 euros.
Toutefois, aucune somme ne saurait être déduite au titre du surcoût lié à la démolition pour les raisons ci-dessus exposées et il sera rappelé que le frais de constat d’huissier sont à prendre en compte le cas échéant dans l’évaluation des frais irrépétibles prévus par l’article 700 du code de procédure civile.
S’agissant de la rambarde, la réduction à appliquer doit inclure, non pas le coût d’une nouvelle barrière alors qu’il n’est pas prétendu que l’existante était hors d’usage ensuite des travaux réalisés par la société CMID, mais uniquement celui de la pose que la cour évalue à la somme de 352 euros (coût de la pose selon facture ECP du 26 mai 2020 communiquée par Mme [V]).
En conséquence, le jugement sera infirmé et Mme [V] condamnée au paiement de la somme de 7665,4 euros TTC (8017,4 euros – 352 euros).
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Succombant même partiellement en appel, Mme [V] sera aussi condamnée aux dépens de la procédure d’appel.
En revanche, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties en cause d’appel.
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe ;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné Mme [U] [V] à payer à la société CMID la somme de 8017,4 euros ;
Statuant du seul chef infirmé et y ajoutant,
Condamne Mme [U] [V] à payer à la société CMID la somme de 7665,4 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne Mme [U] [V] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON