La Sci Joulia Van Santfort Invest a signé un contrat avec la Sarl ETT le 30 septembre 2020 pour des travaux de rénovation d’un immeuble, d’un montant total de 93.500 euros. Les paiements étaient prévus en fonction de l’avancement des travaux, sur présentation de factures. La Sci a réglé plusieurs factures, mais n’a pas payé la facture n°8 de 17.088,28 euros. Après plusieurs mises en demeure, la Sarl ETT a assigné la Sci devant le tribunal pour obtenir le paiement de cette facture et des dommages et intérêts. La Sarl ETT réclame également des intérêts de retard et des frais de justice. En réponse, la Sci Joulia Van Santfort Invest conteste le paiement, arguant que les travaux n’ont pas été réalisés dans les délais convenus et qu’elle a dû faire appel à d’autres entreprises pour terminer les travaux. Elle demande également des dommages et intérêts pour les préjudices subis en raison des retards. Les parties n’ont pas réussi à trouver un accord lors d’une médiation ordonnée par le tribunal.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU : 07 Octobre 2024
DOSSIER : N° RG 22/04048 – N° Portalis DBX4-W-B7G-RGX3
NAC : 56B
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL – Fil 1
JUGEMENT DU 07 Octobre 2024
PRESIDENT
Madame KINOO, Vice-Présidente
Statuant à juge unique conformément aux dispositions des
articles R 212-9 et 213-7 du Code de l’Organisation judiciaire
GREFFIER lors du prononcé
Madame CHAOUCH, Greffier
DEBATS
à l’audience publique du 03 Juin 2024, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l’audience de ce jour.
JUGEMENT
Contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDERESSE
S.A.R.L. ETT, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 5]
représentée par Maître Laurent DUCHARLET de la SELARL LAURENT DUCHARLET, avocats au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant, vestiaire : 116
DEFENDERESSE
S.C.I. JOULIA VAN SANTFORT INVEST, RCS TOULOUSE 877 562 223, dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 3]
représentée par Maître Nicolas DALMAYRAC de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 49
Exposé des faits et de la procédure
Par acte d’engagement du 30 septembre 2020, la Sci Joulia Van Santfort Invest a conclu avec la Sarl ETT un marché de travaux immobiliers, ayant pour objet la réalisation de divers travaux de rénovation d’un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 5], pour un montant total de 93.500 euros toutes taxes comprises. Les travaux portaient sur la totalité des lots VRD, concassé, démolition, gros oeuvre, plâtrerie, isolation, parquet, carrelages, menuiseries intérieures.
Les paiements devaient intervenir au fur et à mesure de l’exécution des travaux, sur présentation de factures de situation établies par la Sarl ETT.
La Sci Joulia Van Santfort Invest a payé à la Sarl ETT :
– une facture de situation n°1, référencée SIT000209, d’un montant de 6.904,26 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 6.559,05 euros après application de la retenue de garantie ;
– une facture de situation n°2, référencée SIT000212, d’un montant de 7.447,44 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 7.075,07 euros après application de la retenue de garantie ;
– une facture de situation n°3, référencée SIT000231, d’un montant de 14.994,98 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 14.245,23 euros après application de la retenue de garantie ;
– une facture de situation n°4, référencée SIT000291, d’un montant de 6.544,56 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 6.217,33 euros après application de la retenue de garantie ;
– une facture de situation n°5, référencée SIT000311, d’un montant de 9.599,70 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 9.119,71 euros après application de la retenue de garantie ;
– une facture de situation n°6, référencée SIT000328, d’un montant de 3.603,60 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 3.423,42 euros après application de la retenue de garantie ;
– une facture de situation n°7, référencée SIT000329, d’un montant de 14.464,94 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 13.914,60 euros après application de la retenue de garantie.
La Sci Joulia Van Santfort Invest n’a pas payé à la Sarl ETT la facture de situation n°8, référencée SIT000359, d’un montant de 17.088,28 euros TTC, correspondant à un montant net à payer de 16.233,86 euros après application de la retenue de garantie.
Par courrier recommandé du 12 avril 2021, avec avis de réception signé le 16 avril 2021, M. [E], maître d’oeuvre, a mis en demeure la Sarl ETT de finaliser les travaux sous 10 jours et de procéder à l’installation des cuisines sous 5 jours.
Par courrier du 19 avril 2021, signifié par huissier de justice le même jour, M. [E], maître d’oeuvre, a mis en demeure la Sarl ETT de finaliser les travaux sous 5 jours et de procéder à l’installation des cuisines sous 2 jours.
Par courrier de son conseil en date du 10 juin 2021, la Sarl ETT a mis en demeure la Sci Joulia Van Santfort Invest de lui payer la somme de 16.233,86 euros, correspondant à la dernière facture de situation.
Par exploit d’huissier du 22 septembre 2022, la Sarl ETT a fait assigner la Sci Joulia Van Santfort Invest devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d’obtenir le paiement de cette somme et l’allocation de dommages et intérêts.
Par ordonnance du 17 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a fait injonction aux parties de rencontrer un médiateur. Aucun accord n’a été trouvé entre les parties.
La clôture de la mise en état, avec fixation à l’audience du 3 juin 2024, est intervenue le 18 janvier 2024.
Prétentions et moyens des parties
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 20 septembre 2023, la Sarl ETT demande au tribunal de :
condamner la Sci Joulia Van Santfort Invest à payer à la Sarl ETT, la somme au principal de 16.233,86 euros TTC, outre les intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 9 février 2021 ;condamner la Sci Joulia Van Santfort Invest à payer à la Sarl ETT, la somme de 5.000 euros à titre dommages et intérêts pour résistance abusive, débouter la Sci Joulia Van Santfort Invest, de ses demandes reconventionnelles ;condamner la Sci Joulia Van Santfort Invest à régler à la Sarl ETT la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la Sci Joulia Van Santfort Invest aux entiers dépens ;ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
A cet effet, la Sarl ETT soutient, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, que la Sci Joulia Van Santfort Invest ne lui a pas payé la dernière facture de situation d’un montant de 16.233,86 euros, établie le 1er mars 2021. Elle précise que l’acte d’engagement prévoyait que les factures devaient être payées dans un délai de 25 jours à compter de la date de leur établissement. Elle sollicite la condamnation de la Sci Joulia Van Santfort Invest au paiement de la somme qu’elle estime lui être due, assortie des intérêts de retard à compter du 10 juin 2021, date à laquelle son conseil a adressé à la Sci Joulia Van Santfort Invest un courrier de mise en demeure.
Elle justifie sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive par l’ancienneté de la créance, les multiples injonctions de payer adressées à sa cocontractante, et le silence gardé par cette dernière.
Pour conclure au rejet de la demande reconventionnelle formulée par la partie défenderesse, la Sarl ETT fait valoir que les retards de livraison qui ont affecté le chantier sont imputables à la Sci Joulia Van Santfort Invest, qui a changé ses instructions au cours de la réalisation du chantier, qui n’a pas communiqué les documents nécessaires à l’exécution des travaux, et qui n’a pas respecté ses obligations de paiement. Elle fait observer par ailleurs que la Sci Joulia Van Santfort Invest ne produit aucune pièce permettant d’établir qu’elle aurait eu recours aux services d’un tiers pour achever les travaux.
En réponse, en l’état de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 novembre 2023, la Sci Joulia Van Santfort Invest demande au tribunal de :
débouter la Sarl ETT de ses demandes ;condamner la Sarl ETT à lui payer la somme de 29.032,41 euros ;condamner la Sarl ETT à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la Sarl ETT aux dépens, dont distraction au profit de Maître Nicolas Dalmayrac.
Pour conclure au rejet des prétentions de la demanderesse, la Sci Joulia Van Santfort Invest fait valoir que son obligation de payer était corrélée à la bonne réalisation des travaux prévus, dans les délais convenus. Elle fait observer que la Sarl ETT ne justifie pas de l’envoi au maître d’œuvre de la facture de situation dont elle demande le paiement, et qu’elle n’a en réalité jamais transmis cette facture. Elle soutient par ailleurs, qu’elle est fondée à refuser le paiement sollicité, dès lors que les travaux accusaient un retard de 145 jours et qu’elle a dû confier certains travaux non réalisés à des entreprises tierces.
Au soutien de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 29.032,41 euros, correspondant à la réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis, déduction faite de la somme réclamée par la Sarl ETT au titre de la facture impayée, la Sci Joulia Van Santfort Invest fait valoir, au visa des articles 1103, 1106 et 1231-1 et suivants du code civil :
Que la Sarl ETT n’a pas respecté le planning contractuellement prévu, et que ce retard est dû aux seules défaillances de cette dernière et non à une cause extérieure, de sorte que les pénalités de retard prévues au contrat doivent lui être payées pour un montant total de 21.750 euros hors taxes ;Qu’elle a subi un préjudice correspondant à la perte de chance de louer les appartements que les travaux visaient à rénover, lesquels n’ont pu être mis en location qu’à compter du 4 juin 2021 en raison du retard dans l’exécution des travaux, alors qu’ils devaient l’être à compter du 31 janvier 2021 ; qu’en raison de la rapidité avec laquelle les logements ont été loués, la perte de chance de percevoir les loyers correspondant doit être fixée à 95 %, de sorte que son préjudice s’établit à 14.478 euros ;Que la Sarl ETT a surfacturé, à hauteur de 9.038,27 euros, les travaux qu’elle a effectivement réalisés, dès lors que le coût des travaux non réalisés est supérieur à la partie du prix du marché non facturée par cette dernière.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
1. Sur les demandes de la Sarl ETT
1.1 Sur la demande en paiement
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Par ailleurs, l’article 1219 du code civil prévoit qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Aux termes des deux premiers alinéas de l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
En l’espèce, l’article 5 de l’acte d’engagement signé entre les parties le 30 septembre 2020 stipule que « le maître de l’ouvrage s’engage à effectuer les paiements au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Le versement de ces sommes se fera par paiement par chèque ou virement sous 25 jours à compter de la date d’établissement des factures ».
La huitième facture de situation, référencée SIT000359, fait apparaître un montant net à payer de 16.233,86 euros.
Il est établi que, par courrier de son conseil en date du 10 juin 2021, la Sarl ETT a mis en demeure la Sci Joulia Van Santfort Invest de lui payer sous huitaine la somme de 16.233,86 euros correspondant à la facture de situation susmentionnée.
La Sci Joulia Van Santfort Invest ne conteste pas n’avoir pas payé cette somme à la Sarl ETT.
Si la Sci Joulia Van Santfort Invest soutient que la facture de situation dont le paiement est sollicité n’a jamais été transmise à l’architecte maître d’œuvre, il n’est pas contestable qu’elle avait nécessairement connaissance du montant qui lui était réclamé, qui lui avait été rappelé dans le courrier de mise en demeure en date du 10 juin 2021.
La Sci Joulia Van Santfort Invest ne peut davantage se prévaloir de l’exception d’inexécution en faisant valoir que la Sarl ETT a réalisé les travaux objet du marché avec un retard de 145 jours, alors qu’un tel retard, à le supposer établi, ne saurait l’autoriser à retenir le paiement des travaux effectivement réalisés.
Il ressort de la facture de situation litigieuse que la somme dont le paiement est demandé correspond aux travaux suivants :
* S’agissant du lot déconstruction et gros oeuvre, à la reprise des nez de plancher, pour un montant HT de 980 euros (490 x 2), correspondant à 70% du montant total prévu au devis ;
* S’agissant du lot sols,
– à la réalisation d’un ragréage au R+1 et au R+2, pour un montant HT de 5.110 euros (2.555 x 2), correspondant à 70% du montant total prévu au devis,
– à la pose de carrelages, pour un montant HT de 1.386 euros (693 x 2), correspondant à 70% du montant total prévu au devis,
– à la pose de faïences, pour un montant HT de 1.680 euros (840 x 2), correspondant à 70% du montant total prévu au devis,
– à la fourniture et la pose de plinthes, pour un montant HT de 1.000 euros (500 x 2), correspondant à 50% du montant total prévu au devis et portant à 80 % l’avancement cumulé,
– à la fourniture et la pose d’une sous-couche phonique sous parquet, pour un montant HT de 1.898,40 euros (949,20 x 2), correspondant à 70% du montant total prévu au devis, et portant à 100 % l’avancement cumulé,
– à la pose de parquet, pour un montant HT de 3.480,40 euros (1.740,20 x 2), correspondant à 70% du montant total prévu au devis et portant à 100 % l’avancement cumulé.
Le décompte général définitif établi par le maître d’oeuvre le 17 novembre 2022 fait état de ce que les travaux de carrelage et de faïence n’ont pas été réalisés. Il est également indiqué que 30 % du parquet n’a pas été posé, les décomptes opérés par le maître d’oeuvre faisant apparaître que ces travaux partiellement réalisés incluent, non seulement la pose du parquet, mais également la fourniture et la pose des plinthes et de la sous-couche phonique.
La Sarl ETT ne fournit aucun élément permettant de contredire les constatations du maître d’oeuvre, échouant dès lors à rapporter la preuve, qui lui incombe, de ce que les travaux précités, dont elle sollicite le paiement, auraient été effectivement réalisés.
S’agissant en revanche des travaux de ragréage et de reprise des nez de plancher, le décompte définitif opéré par le maître d’oeuvre ne mentionne pas qu’ils n’auraient pas été réalisés. Il ressort au contraire des comptes-rendus de chantier versés aux débats :
– que le ragréage n’était plus signalé comme devant être réalisé à compter de la visite de chantier du 18 février 2021, alors que tel était le cas auparavant ;
– que la reprise des nez de balcon n’était plus signalée comme devant être réalisée à compter de la visite de chantier du 18 mars 2021, alors que tel était le cas auparavant.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que :
* Les travaux de pose des faïences et carrelage ne sont pas dûs ;
* Les travaux de reprise des nez de plancher et de ragréage, facturés pour un montant de 6.090 euros HT (5.110 + 980), sont dus en totalité ;
* La fourniture et la pose de sous couche phonique, la pose de parquet, ainsi que la fourniture et la pose de plinthes ne pouvaient être facturés qu’à hauteur de 40% du montant total prévu au devis, compte tenu des 30 % antérieurement facturés sur la facture de situation n° 5 référencée SIT000311, soit :
– 1.084,80 euros HT (1.356 x 2 x 0,4) s’agissant de la fourniture et la pose de sous couche phonique,
– 1.988,80 euros HT (2.486 x 2 x 0,4) s’agissant de la pose de parquet,
– 800 euros HT (1.000 x 2 x 0,4) s’agissant de la fourniture et la pose de plinthes.
La somme dûe à la Sarl ETT est ainsi de 9.963,60 euros HT (6.090 + 1.084,80 + 1.988,80 + 800), soit un montant net à payer, après ajout de la TVA (10%), mais retrait de la retenue de garantie (5%) de 10.411,96 euros (9.963,60 x 1,1 x 0,95).
Il convient donc de condamner la Sci Joulia Van Santfort Invest à payer à la Sarl ETT la somme de 10.411,96 euros au titre de la facture de situation n° 8.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2021 (et non à compter du 9 février 2021 comme le sollicite la Sarl ETT dans le dispositif de ses conclusions),date de la mise en demeure adressée à la Sci Joulia Van Santfort Invest.
1.2 Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive
Selon le troisième alinéa de l’article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
S’il ressort des précédents motifs que, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 10 juin 2021, la Sci Joulia Van Santfort Invest n’a pas payé à la Sarl ETT la somme de 10.411,96 euros qu’elle lui devait au titre de la facture de situation n°8, la demanderesse ne démontre l’existence d’aucun préjudice indépendant du retard de paiement dont elle a eu à souffrir, qui ne serait pas déjà réparé par les intérêts moratoires assortissant la condamnation précédemment prononcée.
Il conviendra, dès lors, de débouter la Sarl ETT de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive.
2. Sur la demande reconventionnelle de la Sci Joulia Van Santfort Invest
A titre liminaire, il faut observer que la Sci Joulia Van Santfort Invest énonce dans ses conclusions que le préjudice qu’elle estime avoir subi s’élève à 45.266,27 euros correspondant :
Pour 21.750 euros à l’application des pénalités de retard prévues dans l’acte d’engagement ;Pour 14.478 euros à la réparation du préjudice résultant de la perte de chance de percevoir des loyers compte tenu du retard affectant le chantier ;Pour 9.038,27 euros à des travaux qui auraient été surfacturés par la Sarl ETT.
Cependant, la Sci Joulia Van Santfort Invest demande uniquement la condamnation de la Sarl ETT à lui payer la somme de 29.032,41 euros, expliquant avoir déduit la somme de 16.233,86 euros réclamée par la Sarl ETT.
2.1 Sur les pénalités de retard
Il est admis que l’entrepreneur est tenu, vis-à-vis du maître de l’ouvrage, d’une obligation de résultat d’achever les travaux à la date prévue par le contrat, sauf preuve d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité tenant à la force majeure ou à la faute du maître de l’ouvrage.
Par ailleurs, l’article 1219 du code civil prévoit qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Aux termes de l’article 3 de l’acte d’engagement, il était prévu que les travaux réalisés par la Sarl ETT devaient intervenir du 5 octobre 2020 au 10 janvier 2021. Le délai global de fin des travaux était fixé au 31 janvier 2021.
L’article 6 de l’acte d’engagement stipule que « il sera appliqué des pénalités de retard avec un tarif journalier de cent cinquante euros hors taxes par jour de retard ».
Enfin, l’article 5 de l’acte d’engagement prévoit que « Le maître de l’ouvrage s’engage à effectuer les paiements au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Le versement de ces sommes se fera par chèque ou virement sous 25 jours à compter de la date d’établissement des factures. »
Il ressort des différents comptes-rendus de chantier établis par le maître d’œuvre que ce dernier a indiqué, à compter de la visite de chantier du 10 décembre 2020, que l’avancement du chantier était pénalisé par des travaux dont l’exécution était attendue de la part de la Sarl ETT. Le maître d’œuvre a ensuite constaté un retard des travaux à compter de la visite de chantier du 4 février 2021. Ce retard est également évoqué dans les courriels échangés entre le maître d’œuvre et la Sarl ETT.
Il est établi que le maître d’œuvre a mis en demeure la Sarl ETT de finaliser les travaux convenus par courrier recommandé avec avis de réception signé le 16 avril 2021, puis par exploit d’huissier signifié le 19 avril 2021. Le maître d’œuvre indiquait à cette date que le chantier présentait un retard de 99 jours.
Il ressort du décompte final opéré par le maître d’œuvre le 17 novembre 2022 que la réception du chantier n’est intervenue que le 4 juin 2021. Ce dernier relève que les travaux confiés à la Sarl ETT ont été réalisés avec un retard de 145 jours par rapport au planning contractuellement fixé, ce nombre de jours correspondant à la période allant du 10 janvier 2021 au 4 juin 2021.
La Sarl ETT ne conteste pas utilement l’existence d’un retard, mais soutient qu’il est imputable à la Sci Joulia Van Santfort Invest. Elle fait valoir que cette dernière a changé ses instructions au cours de la réalisation du chantier, n’a pas communiqué les documents nécessaires à l’exécution des travaux, et n’a pas respecté ses obligations de paiement.
Pour justifier du changement d’instructions qu’elle allègue, la Sarl ETT ne produit qu’un seul courriel adressé au maître d’œuvre le 27 avril 2021, par lequel elle faisait état de ce que la Sci Joulia Van Santfort Invest avait demandé à son menuisier de retirer les éléments de cuisine qu’il avait installés. Il faut cependant relever que ce courriel n’est étayé par aucune autre pièce et que la Sarl ETT ne donne pas la moindre indication sur les conséquences qui seraient résultées, le cas échéant, d’un éventuel changement d’instructions. Dans ces conditions, le courriel produit par la Sarl ETT est insuffisant à établir que le retard de livraison constaté serait imputable à des changements d’instructions provenant de la Sci Joulia Van Santfort Invest.
Pour justifier de ce que la Sci Joulia Van Santfort Invest aurait tardé à lui envoyer des documents nécessaires à la réalisation des travaux, la Sarl ETT produit un seul courriel qu’elle a adressé au maître d’œuvre le 17 février 2021, par lequel elle réclamait que lui soient communiqués les plans de pose des carrelages et faïences, ainsi que les choix opérés s’agissant des faïences. Là encore, force est de constater que ce courriel n’est étayé par aucune autre pièce et que la Sarl ETT ne donne pas la moindre indication sur les conséquences qui seraient résultées, le cas échéant, d’un éventuel retard de la Sci Joulia Van Santfort Invest à communiquer des informations déterminantes pour la poursuite du chantier. Au surplus, il se déduit dudit message que le poseur de cuisine n’était pas disponible au jour même de son envoi. Cet élément est insuffisant à établir que le retard de livraison constaté serait imputable à l’envoi tardif, par la Sci Joulia Van Santfort Invest, de documents nécessaires à la réalisation des travaux.
Pour établir la méconnaissance, par la Sci Joulia Van Santfort Invest, de son obligation de paiement, la Sarl ETT produit :
– un courriel du 11 février 2021 par lequel elle se plaignait de ce que la facture de situation n° 4 concernant le lot gros œuvre n’avait pas été réglée, et transmettait la facture de situation correspondant à l’acompte du lot sol ;
– un courriel du 5 mars 2021 par lequel elle réclamait le paiement de l’acompte concernant le lot sol ;
– un courriel du 25 mars 2021 réclamant le paiement d’un acompte concernant le lot cuisine.
Il ressort des pièces versées aux débats que :
– la facture de situation n°4 référencée SIT000291 correspond au lot gros oeuvre ;
– la facture de situation n°5 référencée SIT000311 correspond à l’acompte du lot sol ;
– la facture de situation n°6 référencée SIT000328 correspond à l’acompte du lot cuisine.
Si les factures de situation produites ne mentionnent pas les dates auxquelles elles ont été établies, qui demeurent inconnues, il faut retenir, compte tenu de la date des courriels précédemment visés que les factures de situation n° 4 et n° 5 avaient été établies le 11 février 2021 au plus tard, tandis que la facture de situation n° 6 avait été établie le 25 mars 2021 au plus tard.
La Sarl ETT produit par ailleurs un tableau, établi par ses soins, mentionnant notamment la date de paiement des différentes factures de situation. Les informations qui y figurent ne sont pas contestées par la Sci Joulia Van Santfort Invest. Il en ressort que :
– la facture de situation n°4 référencée SIT000291 a été payée le 5 mars 2021, tandis que la facture de situation n°6 référencée SIT000328 a été payée le 6 avril 2021, soit moins de 25 jours après la date de leur établissement, ainsi qu’elle a été précédemment fixée ;
– la facture de situation n°5 référencée SIT000311 a cependant été payée le 16 mars 2021, 33 jours après la date de son établissement, ainsi qu’elle a été précédemment fixée, soit avec un retard de 8 jours.
Huit des 145 jours de retard constatés par le maître d’oeuvre sont ainsi imputables à la Sci Joulia Van Santfort Invest, qui a manqué à sa propre obligation en ne payant pas, dans les délais convenus, la facture de situation n°5 qui lui avait été transmise.
Il faut également relever que si l’acte d’engagement prévoyait que l’intervention de la Sarl ETT devait s’achever le 10 janvier 2021, le délai global de fin des travaux était fixé au 31 janvier 2021. Il en résulte que le chantier devait se poursuivre pour une durée de 21 jours à la suite de l’intervention de la Sarl ETT. La Sci Joulia Van Santfort Invest ne peut dès lors considérer que le nombre de jours de retard devant être retenus à l’encontre de la Sarl ETT correspond à la période entre la date à laquelle cette dernière aurait dû terminer son intervention et celle à laquelle le chantier a finalement été réceptionné le 4 juin 2021. Il convient ainsi de déduire ces 21 jours des 145 jours de retard constatés par le maître d’oeuvre.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de faire application de la clause figurant dans l’acte d’engagement, prévoyant le paiement d’une pénalité de retard d’un montant de 150 euros par jour de retard, mais de retenir que le retard imputable à la Sarl ETT s’élève à 116 jours (145 – 21 – 8).
Dès lors, la Sarl ETT doit être condamnée à payer à la Sci Joulia Van Santfort Invest la somme de 17.400 euros (150 euros x 116 jours) au titre des pénalités de retard.
2.2 Sur la perte de chance de percevoir les loyers
Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En l’espèce, il ressort des pièces produites par la Sci Joulia Van Santfort Invest que les six logements de l’immeuble ont été loués en vertu de contrats de bail conclus les 11 juin 2021, 12 juin 2021, 19 juin 2021, 24 juin 2021 et 15 juillet 2021, et prenant effet aux mêmes dates. Les loyers hors charges des six appartements loués représentent un montant global de 3.760 euros.
Le retard affectant la réalisation des travaux de l’immeuble, imputable à la Sarl ETT ainsi que cela ressort des précédents motifs, a nécessairement empêché de proposer les appartements à la location jusqu’à la réception du chantier, intervenue le 4 juin 2021.
Si le retard de livraison du chantier est ainsi à l’origine d’une perte de chance de percevoir des loyers, il faut cependant relever que les pénalités de retard prévues dans l’acte d’engagement s’analysent en une clause pénale qui fixe a priori et à titre forfaitaire le montant de la réparation due en cas de non-respect des délais convenus. Ces pénalités visent ainsi notamment à réparer le préjudice qui résulterait de l’impossibilité de jouir pleinement de l’immeuble objet des travaux ou de l’exploiter.
Par ailleurs, il convient d’observer que la Sci Joulia Van Santfort Invest demande, au titre de la perte de chance de percevoir des loyers, la réparation d’un préjudice subi précisément sur la période au titre de laquelle des pénalités de retard sont encourues. En outre, le montant des pénalités de retard au paiement desquelles la Sarl ETT a été ci-dessus condamnée, est supérieur au préjudice que la Sci Joulia Van Santfort Invest estime avoir subi au titre de la perte de chance de percevoir des loyers.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la perte de chance de percevoir des loyers dont la Sci Joulia Van Santfort Invest sollicite la réparation n’apparaît en rien distincte du préjudice que les pénalités de retard contractuellement prévues ont vocation à couvrir.
Faute de démonstration de l’existence d’un préjudice distinct, qui excéderait celui déjà réparé par la condamnation de la Sarl ETT au paiement des pénalités de retard prévues au contrat, il convient de rejeter la demande en dommages et intérêts formulée par la Sci Joulia Van Santfort Invest, pour sa part sollicitée au titre de la réparation d’une perte de chance de percevoir des loyers.
2.3 Sur l’existence d’une surfacturation
Il ressort du compte rendu de chantier établi par le maître d’œuvre à l’issue de la visite de chantier du 6 mai 2021 que la Sarl ETT a été déchargée de la fin des travaux des lots carrelage, menuiseries intérieures et cuisine, qui ont été confiés à des sociétés tierces.
Dans le décompte final qu’il a réalisé le 17 novembre 2022, le maître d’œuvre a indiqué que la Sarl ETT n’avait pas réalisé les travaux de pose du carrelage et de la faïence, de fourniture et de pose des cuisines, de pose des placards, et qu’elle n’avait réalisé que 30 % des travaux de pose des parquets.
Il n’est cependant produit aucune autre pièce permettant de connaître, de façon exacte, les travaux qui n’ont pas été réalisés par la Sarl ETT, ceux qui auraient été confiés à des entrepreneurs tiers, et le montant de ces travaux.
En particulier, il faut relever que le maître d’œuvre indique, dans son décompte final, qu’un constat d’huissier atteste des travaux non réalisés par la Sarl ETT, sans toutefois que ledit constat soit versé aux débats.
Dans ces conditions, il faut retenir que la Sci Joulia Van Santfort Invest ne met pas le tribunal en mesure d’évaluer l’existence d’une éventuelle surfacturation qu’aurait pratiquée la Sarl ETT.
Il convient donc de rejeter la demande en dommages et intérêts formulée par la Sci Joulia Van Santfort Invest, pour sa part sollicitée au titre d’une surfacturation pratiquée par la Sarl ETT.
3. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
3.1 Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La Sarl ETT, qui succombe principalement, sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Nicolas Dalmayrac.
3.2 Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Il n’apparaît pas équitable de laisser à la Sci Joulia Van Santford la charge des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense. En conséquence, la Sarl ETT sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
3.3 Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à l’espèce, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, compte tenu de l’absence de motif dérogatoire, il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision, sans qu’il y ait lieu de l’ordonner.