La société SIPAJU a entrepris des travaux de rénovation et d’extension de sa maison, impliquant le cabinet PLUGIN STUDIO comme maître d’œuvre et la société SETBER pour les travaux de gros œuvre. Un désaccord a conduit à une réception partielle du chantier en février 2019, après quoi SETBER a réclamé un solde de 180 769,28 € pour les travaux réalisés. SIPAJU a contesté cette somme, évoquant des travaux non réalisés et des surfacturations, et a demandé un remboursement de 47 987,58 €.
Le tribunal a d’abord rejeté une demande d’expertise judiciaire, mais la Cour d’appel a ordonné une expertise pour évaluer les travaux réalisés et les coûts associés. Après plusieurs rapports d’expertise, SETBER a assigné SIPAJU en paiement de son solde de travaux. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires, chacune contestant les prétentions de l’autre. Le tribunal a finalement condamné SIPAJU à payer 110 017,98 € à SETBER pour le solde des travaux, tout en déboutant SIPAJU de sa demande de préjudice financier et SETBER de sa demande pour des travaux supplémentaires. SIPAJU a également été condamnée à verser 5 000 € pour les frais irrépétibles et aux dépens, avec exécution provisoire de la décision. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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6ème chambre 2ème section
N° RG 19/13617 – N° Portalis 352J-W-B7D-CRFS4
N° MINUTE :
Contradictoire
Assignation du :
17 Octobre 2019
JUGEMENT
rendu le 06 Septembre 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. SOCIETE EUROPEENNE DES TRAVAUX DE BATIMENT ET DE RENOVATION (SETBER)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Julien COULET, avocat au barreau de PARIS,, vestiaire #D0178
DÉFENDERESSE
S.N.C. SIPAJU
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Maître Louis COFFLARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0826
Décision du 06 Septembre 2024
6ème chambre 2ème section
N° RG 19/13617 – N° Portalis 352J-W-B7D-CRFS4
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente
Madame Marion BORDEAU, Juge
Madame Stéphanie VIAUD, Juge
assistée de Madame Audrey BABA, Greffier
DEBATS
A l’audience du 02 mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Nadja GRENARD , juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– Signé par Madame Nadja Grenard , Présidente de formation et par Madame Audrey BABA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société SIPAJU a, en sa qualité de propriétaire, décidé de procéder à la rénovation et à l’extension de sa maison sise [Adresse 1] à [Localité 6].
Dans le cadre de cette opération de construction, sont notamment intervenus :
– le cabinet PLUGIN STUDIO Architecte DPLG en qualité de maître d’oeuvre ;
– la société SETBER en charge des lots terrassement, gros œuvre, fondations et VRD.
– la société DL BATIMENT en qualité de sous-traitant de la société SETBER.
Suite à un désaccord entre le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre, le maître d’ouvrage a convoqué la société SETBER pour procéder à une réception partielle du chantier le 28 février 2019.
Le 27 mars 2019, la société SETBER a adressé au maître d’ouvrage sa proposition de décompte général et définitif faisant apparaître un solde restant impayé de 180 769,28 €.
Par courrier du 2 avril 2019, la société SIPAJU a contesté devoir cette somme et a sollicité en réponse une somme de 47.987,58€ reprochant essentiellement à la société SETBER des travaux non réalisés et des quantités surfacturées contestant devoir le règlement de travaux supplémentaires non commandés.
Par ordonnance de référé du 24 janvier 2020, le président du Tribunal judiciaire de Nanterre, statuant en référé, a rejeté la demande d’expertise judiciaire sollicitée par la SNC SIPAJU dans le cadre du litige l’opposant à la société PLUGIN STUDIO.
Par arrêt du 3 décembre 2020, la Cour d’appel de Versailles a infirmé l’ordonnance du 24 janvier 2020 et ordonné une expertise confiée à M. [M] [V] aux fins notamment de :
– déterminer au regard du projet de la société SIPAJU le montant des travaux à réaliser pour réaliser le lot gros œuvre ;
– analyser et comparer les devis proposés au maître d’ouvrage par la société PLUGIN STUDIO par rapport au prix du marché pour le lot gros œuvre,
– décrire et chiffrer le coût des travaux réalisés par la société SETBER par rapport au prix du marché.
Par ordonnance de référé du 19 mai 2021, le président du Tribunal judiciaire de Nanterre, statuant en référé, a déclaré communes à la société SETBER les opérations d’expertise ordonnées par arrêt du 3 décembre 2020.
M. [V] a déposé son rapport le 7 février 2022.
Engagement de la procédure au fond
Par exploits d’huissier du 17 octobre 2019, la société EUROPEENNE DES TRAVAUX DE BATIMENT ET DE RENOVATION (SETBER) a assigné la société SIPAJU devant le Tribunal judiciaire de Paris en paiement de son solde de travaux.
Sur la procédure devant le juge de la mise en état
Par ordonnance du 27 novembre 2020, le juge de la mise en état a, à la demande de la SNC SIPAJU, ordonné une expertise judiciaire sur pièces et désigné pour ce faire M. [R] [B] avec pour mission de :
décrire et évaluer le coût des travaux réalisés par la S.A.R.L. SETBER ;décrire et évaluer le coût des travaux convenus qui n’ont pas été réalisés par la S.A.R.L. SETBER;donner son avis sur les préjudices subis ;proposer un compte entre les parties ;rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties.
Enfin le juge de la mise en état a sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport.
L’expert a déposé son rapport en mars 2022.
Prétentions des parties
Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 15 février 2023, aux termes desquelles la société SETBER sollicite de voir, par décision assortie de l’exécution provisoire :
A titre principal
débouter la société SIPAJU de l’ensemble de ses demandes ;
condamner la société SIPAJU à lui payer la somme de 180.769,28 € TTC au titre du solde restant dû et conformément au DGD produit, avec intérêts légaux à compter du 16 avril 2019,
A titre subsidiaire
condamner la société SIPAJU à lui payer la somme de 113.714,97 € conformément au rapport [B], avec intérêts légaux à compter du 16 avril 2019,
En tout état de cause
condamner la société SIPAJU à lui payer la somme de 15.000€ au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
***
Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 11 mai 2023, aux termes desquelles la SNC SIPAJU sollicite de voir, par décision assortie de l’exécution provisoire :
débouter la société SETBER de ses demandes ;
condamner la société SETBER à lui payer la somme de 75 678,31 € en réparation des préjudices subis ;
fixer le compte entre les parties et notamment les sommes restant dû par la SNC SIPAJU àla société SETBER à 43 963,67 euros TTC ;
condamner la société SETBER à lui payer la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens, incluant les frais d’expertise.
*
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties.
La clôture est intervenue le 7 septembre 2023.
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
I. Sur la demande en paiement de la société SETBER
La société SETBER sollicite de voir fixer le montant du solde lui restant dû à la somme de 180.769,28 € TTC se décomposant de la manière suivante :
137 499,99 € TTC au titre du solde du marché- 17.856 € TTC de moins-values+ 61 125,30 € TTC au titre de travaux supplémentaires
La SNC SIPAJU pour sa part estime être redevable uniquement de la somme de 43 963,67 € TTC se décomposant de la manière suivante :
550 000 € TTC au titre du montant du marché – 412 502,02 € au titre du montant des paiements effectués ; – 17 856 € au titre des travaux en moins-value, à savoir 17856 euros ; – 8624 € TTC au titre des travaux non exécutés- 67 054,31 € au titre de la réparation de son préjudice financier.
Il s’ensuit que les principaux points de désaccord portent sur les travaux supplémentaires, les travaux non exécutés et le préjudice financier allégué par la SNC SIPAJU étant précisé que les deux parties s’accordent pour qualifier le marché de forfaitaire tel que cela en outre ressort du marché de travaux signé par les parties le 23 juillet 2018 produit aux débats.
I.A. Sur le montant du solde dû au titre du marché principal
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1353 du Code civil prévoit que Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En application de ces dispositions, l’entrepreneur qui sollicite le paiement de son solde de chantier doit justifier qu’il a exécuté les travaux conformément à ses engagements contractuels et aux règles de l’art.
Au vu des pièces du dossier et du rapport d’expertise, il ressort que le montant du marché principal a été fixé par les parties à la somme de 550 000 € TTC, que sur cette somme les parties s’accordent pour dire que des prestations évaluées à hauteur de la somme de 17 856 € n’ont pas été réalisées et ne sont pas dues.
La SNC SIPAJU soutient ne pas être redevable également de la somme de 8624 € TTC figurant sur le devis de la société SETBER sous la mention « RSO sous existant » et ne correspondant à aucune prestation. Elle ajoute que cette mention est un mauvais copier-coller du devis de son sous-traitant, la société DL BATIMENT.
Force est de constater en l’espèce que la mention « RSO sous existant » figure en en effet sur le devis de la société DL BATIMENT en ce qu’elle constitue le titre d’une partie refermant différentes prestations et ne correspond, selon l’expert judiciaire, M. [B], à aucune prestation précisément prévue par le CCTP sur lequel le devis SETBER a été établi. Dans la mesure où cette mention fait double-emploi avec les prestations décrites dans la partie relative à la zone intérieure sous-sol existant, il s’ensuit que la société SETBER ne justifie pas avoir réalisé spécifiquement cette prestation évaluée à 8624 € dans son devis. Celle-ci doit dès lors être déduite du montant restant dû.
Enfin il ressort du rapport d’expertise que la SNC SIPAJU justifie avoir réglé sur cette somme un montant de 412 502,02 € de sorte qu’il reste dû un solde de 110 017,98 € TTC sur le marché principal.
I.B. Sur les travaux supplémentaires
La société SETBER expose être créancière de la somme de 61 125,30 € TTC au titre de travaux supplémentaires comprenant les travaux suivants :
10.339,20 € au titre du décaissement de 20cm ;13154,40 € au titre du décaissement Dallage 16 cm pour zone Jacuzzi ;7198,40 € au titre de cuisine démolition prévu en terre ;9748,20 € au titre de la réalisation portique One Salle projection ;4239,40 € au titre de la réalisation réseaux enterrés intérieur ;5217,30 € au titre de la démolition de l’escalier d’accès sous-sol 10.076,40 € au titre de l’augmentation de la superficie du Hamman Jacuzzi1152,00 € au titre de l’essai au Pénétocompactomètre.
Au soutien de sa demande, elle expose, d’une part, que l’expert judiciaire a pu confirmer que ces travaux ont été réalisés, d’autre part, qu’ils profitent au maître d’ouvrage. Elle soutient que les travaux de décaissements supplémentaires ont été sollicités par le contrôleur technique, représentant le maître d’ouvrage, car nécessaires pour respecter les DTU. En outre elle indique que les autres travaux ont été sollicités par le maître d’oeuvre, correspondent à des demandes expresses du maître d’ouvrage et que le maître d’ouvrage était informé des travaux supplémentaires dès lors qu’il était très présent sur le chantier, n’a émis aucune réserve sur les travaux réclamés et en a accepté tacitement le principe.
En réponse, la SNC SIPAJU fait valoir que :
– elle n’a jamais été informée de la réalisation des travaux supplémentaires dont il est demandé le paiement, estimant que ces travaux n’ont ni été commandés, ni approuvés par elle;
– le mail versé aux débats de la société Plugin studio évoque des travaux demandés par le contrôleur technique en août 2018 qui ont été réalisés avant l’envoi de son mail ;
– le contrôleur technique n’est pas un représentant du maître d’ouvrage ;
– les travaux demandés par le contrôleur technique sont destinés à corriger une erreur de conception;
– le tableau produit en pièce 34 n’a aucune valeur probante en ce qu’il s’agit d’un tableau établi par le maître d’oeuvre a posteriori pour les besoins de l’expertise menée par M. [V].
*
En vertu de l’article 1793 du Code civil, lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.
En application de ces dispositions :
– le marché à forfait est le contrat par lequel l’entrepreneur s’engage, en contrepartie d’un prix précisément, globalement et définitivement fixé d’avance à effectuer des travaux dont la nature et la consistance sont nettement définies;
– les seuls travaux supplémentaires pouvant donner lieu à complément de rémunération, doivent satisfaire à une double exigence : ils doivent, d’une part, être autorisés par écrit, d’autre part, les parties doivent avoir nettement convenu de leur prix.
Il s’ensuit qu’en l’absence de renonciation du maître de l’ouvrage aux conditions posées par l’article 1793 du Code civil ou de bouleversement de l’économie du contrat, les travaux supplémentaires n’ayant pas été réalisés dans les conditions prévues par ledit texte ne permettent pas à l’entrepreneur d’exiger un complément de rémunération.
Aux termes de l’article 12 du marché de travaux du 23 juillet 2018, il est stipulé que « En cas d’augmentation dans la masse des matériaux ou en cas de travaux supplémentaires, l’entrepreneur établira un avenant chiffré et signé par les deux parties pour approbation. Cet avenant sera annexé au présent marché. »
Au cas présent, il ressort que la société SETBER produit au soutien de sa demande :
– un devis non signé, comprenant l’ensemble des travaux supplémentaires dont elle sollicite le paiement à l’exception de l’essai au Pénétocompactomètre, évalués toutefois à des montants différents,
– l’avis du contrôleur technique du 8 août 2018 établi après examen des documents d’exécution faisant état de la nécessité de poser l’isolant sous dalle sur un support compacté dont l’épaisseur de la couche doit être d’au minimum 20 cm;
– un courriel adressé par la société PLUGIN STUDIO en date du 5 janvier 2019 à la société SETBER en copie aux associés de la SNC SIPAJU faisant état, d’une part, de la réalisation par la société SETBER, suite à la demande du contrôleur technique, des travaux de décaissement supplémentaire de 20 cm qui ont été rendu nécessaires pour respecter les DTU, d’autre part, de sa demande à l’entreprise de ramener le réseau relevé à côté du réseau gravitaire pour faciliter les travaux suivants;
– un tableau dont la date comme l’auteur ne sont pas indiqués faisant un point sur les souhaits du maître d’ouvrage et demandes complémentaires et dès lors sans valeur probante.
Au vu de ces éléments il s’ensuit que la société SETBER ne produit aucun accord écrit émanant du maître d’ouvrage ou d’un mandataire, disposant d’un pouvoir spécifique pour le représenter, acceptant le principe de la réalisation de travaux supplémentaires et de sa rémunération en dehors du prix forfaitaire.
En effet, il y a lieu de relever que :
– le devis produit n’est pas signé par le maître d’ouvrage ou son mandataire,
– le courriel émane du maître d’oeuvre dont il n’est pas démontré qu’il était le mandataire du maître d’ouvrage,
– ledit courriel a été envoyé après la réalisation des travaux demandés par la société BUREAU VERITAS et ne fait pas état d’une acceptation des autres travaux figurant dans le devis (celui-ci indiquant uniquement « Les autres TS ont été supprimées mais seront néanmoins à exécuter dans la phase suivant »),
– la société BUREAU VERITAS n’est pas le mandataire du maître d’ouvrage.
En conséquence faute de démontrer que les conditions prévues à l’article 1793 du Code civil et rappelées dans l’article 12 du marché de travaux, et dès lors que la simple présence sur le chantier du maître d’ouvrage ou la réception des travaux ne vaut pas acceptation expresse des travaux supplémentaires, il y a lieu de débouter la société SETBER de sa demande de paiement au titre des travaux supplémentaires.
I.C. Sur la demande reconventionnelle de paiement de la somme de 67 054,31 euros TTC
La SNC SIPAJU expose avoir subi un préjudice financier évalué à la somme de 67 054,31 euros TTC correspondant à la différence calculée par l’expert judiciaire, M. [B], entre les quantitatifs figurant sur le devis de la société SETBER et les quantités effectivement utilisées pour la réalisation des travaux objets du marché de travaux de la société SETBER telles qu’évaluées par l’expert judiciaire.
Elle soutient que ce préjudice est consécutif à la violation par la société SETBER :
– de son obligation pré-contractuelle de renseignement prévue à l’article L1112-1 du Code civil, en ce que la société a délibérément caché une surfacturation grossière des quantités ce qui est démontré par le devis de son sous-traitant à qui le marché a été intégralement sous-traité et qui a évalué les travaux à hauteur d’une somme de 320 000 € HT au lieu des 550 000 € TTC chiffrés par la société SETBER ;
– de son obligation de déclarer son sous-traitant en application de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 en ce que la société SETBER lui a délibérément caché la présence de son sous-traitant afin de lui dissimuler volontairement la facturation falsifiée des quantités de matériaux,
– de son obligation de présenter au maître d’ouvrage un avenant conformément à l’article 12 du CCAP en cas de diminution de la masse des matériaux pour baisser le prix correspondant sans que l’entrepreneur ne puisse élever de contestation sur la baisse du prix forfaitaire.
En réponse la société SEBER fait valoir que :
– le marché étant forfaitaire, le maître d’ouvrage ne peut remettre en cause le prix fixé forfaitairement ;
– il n’est démontré aucune surfacturation dès lors qu’ elle n’était pas l’entreprise la plus chère sur les trois entreprises consultées;
– son devis a été vérifié par le maître d’oeuvre et par un architecte diligenté par le maître d’ouvrage;
– l’expert judiciaire a mis en évidence une différence dans les quantités d’environ 8 % laquelle ne peut être qualifiée de surfacturation grossière;
– le recours à la sous-traitance, qui n’a jamais été interdit pas le maître d’ouvrage, n’a aucune incidence sur la qualification du marché forfaitaire,
– la défenderesse dévoye l’objectif de l’article 12 du CCAP qui est d’inviter les parties à conclure des avenants si elles souhaitent procéder à une modification des travaux.
*
Au cas présent et tel qu’il a été précédemment relevé, il ressort que le marché de travaux conclu entre la SNC SIPAJU et la société SETBER est un marché à forfait. Aux termes du contrat il est stipulé que « le présent marché est conclu à prix global, forfaitaire » de 550 000 € TTC suivant devis établi par la société SETBER du 29 juin 2018.
La SNC SIPAJU ne conteste pas cette qualification et s’en est en outre prévalue pour s’opposer au paiement de travaux supplémentaires.
Or force est de constater que, dans le cadre d’un marché forfaitaire, s’il est possible de préciser les quantités envisagées et d’indiquer leur prix unitaire à titre d’information pour justifier la proposition de prix global dans le devis, cette précision n’est qu’indicative et n’a pas valeur contractuelle sans quoi elle dénaturerait le forfait.
Il s’ensuit dès lors que :
– il ne peut être retenu aucune violation de l’obligation pré-contractuelle d’information liée à une différence entre les quantités en définitive utilisées et les quantités affichées à titre indicatif dans l’offre de prix global,
– il ne peut être reproché à l’entreprise par le maître d’ouvrage l’absence de proposition au maître d’ouvrage d’un avenant en moins-value afin d’adapter le prix forfaitairement fixé aux quantités réellement utilisées par rapport aux quantités prévues initialement qui conduirait à vider de sens la qualification forfaitaire du contrat alors que dans le même temps, le maître d’ouvrage n’a pas souhaité signer le devis de travaux supplémentaires établi par la société SETBER pour se mettre également en conformité avec l’article 12 du CCAP sur l’augmentation de la masse des travaux.
S’agissant enfin du recours à la sous-traitance, il y a lieu de constater qu’aucune clause du marché de travaux du 23 juillet 2018 n’interdit le recours à la sous-traitance, qu’en outre en vertu de l’article 4.4.1 de la norme AFNOR NFP 03-001 à laquelle les parties se sont soumises, il est prévu que l’entrepreneur puisse sous sa responsabilité sous-traiter l’exécution de certaines parties de son marché.
Toutefois il n’en demeure pas moins que le recours à la sous-traitance selon le CCAG doit concerner uniquement une partie du marché et qu’il incombe à l’entreprise d’exécuter avec sa propre main d’oeuvre une part significative des prestations correspondant à son/ses activités de base, qu’en outre celui-ci doit faire accepter son sous-traitant et faire agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage.
Au vu de la comparaison du devis de la société DL BATIMENT et du devis de la société SETBER, il ressort que la société SETBER s’est conservée environ 7,5 % des prestations de son devis et a sous-traité l’ensemble des autres travaux. Il ressort en outre du courrier du 22 janvier 2019 adressé par la société SETBER au maître d’ouvrage que la société SETBER reconnaît ne pas avoir déclaré son sous-traitant, la société DL BATIMENT, au maître d’ouvrage.
Si la société SETBER a manifestement violé les dispositions contractuelles et légales sur le recours à la sous-traitance, force est de constater que la SNC SIPAJU ne démontre pas le lien de causalité entre le préjudice invoqué et la faute commise par la société SETBER. En effet, la SNC SIPAJU ne démontre pas en quoi l’absence de déclaration du sous-traitant, lequel atteste en outre avoir été intégralement payé au titre de son marché de travaux (320 000 € HT), lui a occasionné un préjudice financier correspondant à la différence entre les quantités utilisées effectivement par l’entreprise principale et les quantités indiquées dans son devis.
Au surplus il convient de constater que la défenderesse ne justifie pas de l’existence d’une surfacturation disproportionnée dans la mesure où :
– les quantités figurant sur le devis de la société DL BATIMENT sont sous-évaluées au vu des quantités retenues par l’expert judiciaire (ainsi par exemple, le terrassement du niveau du sous-sol dans la zone intérieure du sous-sol existant est estimée à 24 m³ alors que l’expert retient 50 m³ ; roulage des terres à la brouette pour 24 m³ alors que l’expert retient 67 m³) ;
– le devis de la société SETBER a été choisi après consultation de deux autres entreprises dont les prix étaient au vu de devis de la société PINTO inférieurs d’environ 36 000 € mais ne contenaient pas l’ensemble des prestations figurant dans le devis SETBER et supérieurs pour la société FARIA alors que l’ensemble des prestations figurant dans le devis SETBER n’étaient pas inclus.
Au vu de ces éléments, il convient en conséquence de débouter la SNC SIPAJU de sa demande formée à ce titre.
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En considération des développements précédemment exposés, il convient de condamner la SNC SIPAJU à payer à la société SETBER la somme de 110 017,98 € TTC au titre du solde restant dû en exécution du marché de travaux du 23 juillet 2018 assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2019, date de l’assignation valant mise en demeure, faute pour la demanderesse de justifier de l’envoi d’une mise en demeure adressée par recommandée à la date du 16 avril 2019.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La SNC SIPAJU, succombant dans ses demandes, sera condamnée aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire et à payer la somme de 5000 € à la société SETBER au titre des frais irrépétibles supportés.
Au vu de l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire, compatible avec la nature du litige, sera ordonnée.
Le tribunal, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par voie de mise à disposition au greffe en application de l’article 450 du Code de procédure civile, les parties en ayant été avisées,
CONDAMNE la SNC SIPAJU à payer à la société SETBER la somme de 110 017,98 € TTC au titre du solde restant dû en exécution du marché de travaux du 23 juillet 2018 assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2019 ;
DEBOUTE la SNC SIPAJU de sa demande de préjudice financier ;
DEBOUTE la société SETBER de sa demande au titre des travaux supplémentaires
CONDAMNE la SNC SIPAJU à payer la somme de 5000 € à la société SETBER au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la SNC SIPAJU aux dépens incluant les frais d’expertise judiciaire ;
ORDONNE l’exécution provisoire.
Fait et jugé à Paris le 06 Septembre 2024
Le Greffier La Présidente