Monsieur [G] [S] et Madame [X] [S] ont engagé la SAS Rem Paysage et Formation pour la construction d’une piscine, avec un devis accepté le 16 janvier 2018 pour un montant total de 17 674,39 euros, dont un acompte de 5 100 euros a été versé. Les travaux ont commencé le 8 février 2018, et une première facture de 8 570,41 euros a été réglée le 23 février 2018. Face à des désordres sur le chantier et à l’abandon des travaux par la SAS, les époux [S] ont mis en demeure l’entreprise le 9 mars 2018 et ont demandé la résolution du contrat le 30 mars 2018.
Une seconde facture de 1 618,83 euros a été émise le 23 mars 2018, mais la SAS a ensuite mis en demeure les époux de la régler. Le 21 février 2019, un tribunal a ordonné aux époux de payer cette somme, mais ils ont formé opposition. Le 24 octobre 2019, le tribunal a annulé l’ordonnance d’injonction de payer, validé la résiliation du contrat aux torts de la SAS, rejeté sa demande de paiement, et condamné la SAS à verser 3 500 euros aux époux, ainsi qu’à payer 1 500 euros pour les frais de justice. La SAS a interjeté appel le 31 décembre 2019, demandant l’infirmation du jugement et le paiement de diverses sommes par les époux. Les époux ont, de leur côté, demandé la confirmation du jugement et des condamnations supplémentaires à l’encontre de la SAS. La procédure a été clôturée le 27 mai 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/00005 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OOUS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 24 OCTOBRE 2019
TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 11-19-000632
APPELANTE :
SAS REM PAYSAGE & FORMATION,
immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 829.408.228, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Doaä BENJABER, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [G] [S]
né le 13 mars 1980 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [X] [M] épouse [S]
née le 15 décembre 1981 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 06 Mai 2024 révoquée avant l’ouverture des débats et nouvelle ordonnance de clôture en date du 27 Mai 2024.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargée du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixée au 27 juin 2024 et prorogée au 19 septembre 2024 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
* *
EXPOSE DU LITIGE
Selon devis n° DC 2017/043 accepté le 16 janvier 2018, Monsieur [G] [S] et Madame [X] [S] ont confié à la SAS Rem Paysage et Formation divers travaux dont la construction d’une piscine moyennant un prix total de 17 674,39 euros. Un acompte de 5 100 euros a été versé le jour même.
Le chantier a débuté le 8 février 2018.
Une facture N°FC 2018/004 concernant la situation n’1 du devis n° DC2017/043 a été éditée le 21 février 2018 pour un montant de 8 570,41 euros.
Les époux [S] ont versé cette somme le 23 février 2018.
Considérant que le chantier présentait des désordres, et que la SAS Rem Paysage et Formation avait abandonné ledit chantier, les époux [S] ont mis en demeure cette dernière de reprendre les travaux par courrier du 9 mars 2018.
Une facture n°FC2018/008 concernant la situation n°2 du devis n° DC2017/043 a été éditée le 23 mars 2018 pour un montant de 1 618,83 euros.
Par courrier en date du 30 mars 2018, les époux [S] ont indiqué à la SAS Rem Paysage et Formation qu’ils souhaitaient la résolution du contrat en raison de l’inexécution de ses obligations, de malfaçons et de dégâts.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 juillet 2018, la SAS Rem Paysage et Formation a mis en demeure, en vain, les consorts [S] de lui verser la somme de 1 618,83 euros.
Saisi à la demande de la SAS Rem Paysage et Formation, par ordonnance portant injonction de payer du 21 février 2019, le président du tribunal d’instance de Montpellier a condamné les consorts [S] à régler à la SAS la somme de 1 618,83 euros avec les intérêts au taux légal à compter de la signification de l’ordonnance.
Ladite ordonnance d’injonction de payer a été signifiée aux consorts [S] le 7 mars 2019 et ces derniers ont formé opposition le 14 mars 2019.
Par jugement du 24 octobre 2019, le tribunal d’instance de Montpellier a déclaré recevable l’opposition et a notamment :
– déclaré non avenue l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 21 février 2019 par le président du tribunal d’instance de Montpellier ;
– dit que la résiliation du contrat conclu le 16 janvier 2018 entre les époux [S] et la SAS Rem Paysage et Formation aux torts exclusifs de cette dernière est valide ;
– rejeté la demande en paiement présentée par la SAS Rem Paysage et formation ;
– condamné la SAS Rem Paysage et Formation à verser aux époux [S] la somme totale de 3 500 euros ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné la SAS Rem Paysage et Formation à verser aux époux [S] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– rejeté la demande au titre du droit proportionnel ;
– condamné la SAS Rem Paysage et Formation aux entiers dépens.
Par déclaration d’appel enregistrée au greffe en date du 31 décembre 2019 la SAS Rem Paysage et Formation a régulièrement interjeté appel du jugement susvisé, l’acte d’appel précisant les chefs de jugement critiqués.
Par ses conclusions enregistrées au greffe en date du 24 mai 2024, la SAS Rem Paysage et Formation demande à la cour d’infirmer dans son intégralité le jugement rendu par le tribunal d’instance de Montpellier le 24 octobre 2019. Elle sollicite de voir :
– débouter les époux [S] de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner solidairement les époux [S] à lui payer la somme de 1 618,83 euros augmentée du doublement des intérêts légaux depuis le 23 avril 2018 soit un mois après l’émission de la facture;
– condamner solidairement les époux [S] à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de trésorerie et perte de chance subi ;
– condamner solidairement les époux [S] à lui restituer la somme de 3 500 euros correspondant à la condamnation à titre de dommages et intérêts de l’appelante en première instance, celle de 1 500 euros à titre de condamnation à l’article 700 du code de procédure civile en première instance, celle de 1 200 euros devant le JEX, celle de 803,05 euros au titre des frais de saisie et celle de 101,76 euros au titre des intérêts de retard ;
– condamner solidairement les époux [S] à lui payer la somme de 102,92 euros au titre des frais bancaires suivant la procédure de saisie attribution ;
– condamner solidairement les époux [S] aux dépens, en ce compris ceux relatifs à la procédure en injonction de payer, à la procédure devant le tribunal d’instance, à celle devant le juge de l’exécution et à la présente procédure, et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par leurs conclusions enregistrées au greffe en date du 22 mai 2024, les époux [S] demandent à la cour de confirmer le jugement du 24 octobre 2019 rendu par le tribunal d’instance de Montpellier et de :
– faire sommation de verser la facture ‘union des matériaux’ et le bon de livraison ;
– condamner la SAS Rem Paysage et Formation à payer la somme de 1 500 euros supplémentaire à titre de dommages et intérêts ;
– débouter la SAS Rem Paysage et Formation de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
– compenser la créance invoquée par la SAS Rem Paysage et Formation avec la créance issue du préjudice invoqué par les époux [S],
En tout état de cause :
– condamner la SAS Rem Paysage et Formation aux dépens et à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire et juger qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu’en cas d’exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l’huissier de justice instrumentaire en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 10 décembre 1996, seront supportés solidairement par la SAS Rem Paysage et Formation.
La clôture de la procédure, initialement prononcée par ordonnance du 06 mai 2024 puis révoquée, a été finalement prononcée le 27 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément fait référence aux conclusions des parties et au jugement déféré.
Sur les demandes principales
Le tribunal a considéré que les époux [S] avaient à bon droit fait usage de l’exception d’inexécution eu égard :
– aux désordres constatés par huissier le 29 mars 2018 (muret de la piscine pas droit, absence de remontée d’étanchéité, porte du local technique de la piscine non réglée et d’une couleur différente de celle souhaitée par les clients…),
– de l’absence d’engin et de matériel sur le chantier,
– aux paiement des factures.
La SAS Rem Paysage et Formation fait au contraire valoir que le contrat a été unilatéralement rompu par les époux [S], elle-même ayant refusé de réaliser des travaux non prévus au devis. Elle soutient avoir parfaitement respecté ses obligations contractuelles en réalisant les travaux en dépit des conditions météorologiques difficiles. Elle affirme ne jamais avoir abandonné le chantier, qui n’a pu être poursuivi du fait du refus des époux [S] de voir l’entreprise accéder à leur domicile. S’agissant des malfaçons alléguées, elle souligne que monsieur [S], dans la perspective d’une réduction des coûts des travaux devait réaliser lui-même certaines tâches, que certaines prestations n’étaient pas prévues (muret et porte du pool house), et que la preuve des malfaçons alléguées n’est en tout état de cause pas rapportée.
Les époux [S] affirment pour leur part, constat d’huissier à l’appui, que l’ouvrage est affecté de malfaçons et de non façons. Ils soutiennent que la SAS Rem Paysage et Formation a délaissé leur chantier au profit d’un autre et qu’elle a retiré du chantier l’ensemble des matériaux stockés dont une palette de sacs de ciment et un enduit d’ores et déjà réglés par eux.
Le devis accepté le 25 janvier 2018 (pièce 1 de l’appelante) prévoyait, à la charge de la SAS Rem Paysage et Formation des travaux d’implantation, de repérage et de démolition, des travaux de terrassement, la mise en ‘uvre de la structure brute du bassin, la réalisation d’un escalier de trois marches et d’une plage immergée, la pose d’un pourtour en margelles droites et la réalisation d’un local technique.
Les pièces versées aux débats laissent apparaître que l’avancement du chantier a été perturbé par la météorologie (périodes de pluie et de neige, pièces 14 à 16 et 24 de l’appelante) et que, par ailleurs, certains travaux devaient être réalisés par monsieur [S] lui-même (pièces 17 et 25 de l’appelante).
Si le 9 mars 2018, les époux [S] ont mis en demeure la SAS Rem Paysage et Formation de reprendre le chantier, force est de constater que des travaux ont été prévus dès le 1er mars 2018 par l’entreprise (pièce 16 de l’appelante) et ont été réalisés postérieurement à la mise en demeure par l’entreprise, notamment le montage du local technique du 12 au 16 mars 2018 (pièce 22 de l’appelante), de sorte qu’il ne peut être valablement soutenu que le chantier aurait été abandonné.
Par la suite, le 23 mars 2018, lors d’une réunion sur le chantier, les époux [S] ont demandé à l’entreprise de quitter les lieux (pièces 6 bis et 19 de l’appelante). Dès le lendemain pourtant, monsieur [O], représentant la SAS Rem Paysage et Formation, sollicitait en vain un accès au chantier afin de pouvoir terminer les travaux (pièce 19 de l’appelante).
Il ne peut de ce fait être reproché à l’entreprise un abandon de chantier, qui ne peut par ailleurs pas se déduire de la simple reprise, éventuellement momentanée, de certains éléments de chantier.
Par ailleurs, s’agissant des éventuelles non-façons et malfaçons décrites par le procès-verbal de constat d’huissier du 29 mars 2018, le chantier n’est pas terminé au jour du constat, ce qui implique nécessairement l’existence de non-façons et ne peut caractériser en revanche l’existence de malfaçons, des reprises étant susceptibles d’intervenir jusqu’à la réception de l’ouvrage.
Enfin, l’huissier de justice est un professionnel du droit, et non de la construction, et ses constatations ne revêtent pas le caractère technique attendu d’une expertise, seule à même de décrire avec précision les travaux attendus, ainsi que les non-façons, malfaçons et désordres éventuels.
Par conséquent, aucune faute, aux termes des éléments versés aux débats, ne peut être reprochée à l’entreprise, qui a effectué la majeure partie des travaux prévus avant de se voir interdire l’accès au chantier.
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé et les époux [S] seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes, y compris en dommages et intérêts et tendant à faire sommation à la SAS Rem Paysage et Formation de verser la facture «union des matériaux» et le bon de livraison à l’adresse des consorts [S].
Les travaux facturés ayant été réalisés, les époux [S] seront condamnés à payer à la SAS Rem Paysage et Formation la somme de 1 618,83 euros correspondant à la dernière facture non réglée et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, le doublement des intérêts légaux, de surcroît à compter du 23 avril 2018, apparaissant injustifié.
L’attitude des époux [S] ayant fait perdre à la SAS Rem Paysage et Formation une chance de terminer le chantier et d’en percevoir le montant dans son intégralité, ils seront par ailleurs condamnés à payer à la SAS Rem Paysage et Formation une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur des demandes tendant à voir condamner solidairement les époux [S] à restituer la somme de 3 500 euros correspondant à la condamnation à titre de dommages et intérêts de l’appelante en première instance, celle de 1 500 euros à titre de condamnation à l’article 700 du code de procédure civile en première instance, celle de 1 200 euros devant le JEX, celle de 803,05 euros au titre des frais de saisie et celle de 101,76 euros au titre des intérêts de retard
La SAS Rem Paysage et Formation sera déboutée de ces demandes, dans la mesure où la restitution au titre des dommages et intérêts et des sommes versées au titre de l’article 700 en application du jugement de première instance découle de l’infirmation du jugement, et dans la mesure où les autres sommes sont relatives à d’autres procédures, étant précisé qu’il n’est pas justifié des frais de saisie et des intérêts de retard.
Sur la demande tendant à voir condamner solidairement les époux [S] à payer la somme de 102,92 euros au titre des frais bancaires suivant la procédure de saisie attribution
La SAS Rem Paysages et Formation sera déboutée de cette demande, qui ne concerne pas directement le présent litige mais est relatif à la procédure devant le juge de l’exécution.
Sur les demandes accessoires
Eu égard à l’issue de la présente procédure, le jugement sera infirmé.
Les époux [S], qui succombent, seront condamnés à payer à la SAS Paysage et Formation la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils seront par ailleurs condamnés aux dépens de première instance et d’appel.
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 octobre 2019 par le tribunal d’instance de Montpellier ;
Statuant de nouveau,
Déboute monsieur [G] [S] et madame [X] [M] épouse [S] de l’ensemble de leurs demandes ;
Déboute la SAS Rem Paysage et Formation de ses demandes tendant à voir condamner solidairement les époux [S] à restituer la somme de 3 500 euros correspondant à la condamnation à titre de dommages et intérêts de l’appelante en première instance, celle de 1 500 euros à titre de condamnation à l’article 700 du code de procédure civile en première instance, celle de 1 200 euros devant le JEX, celle de 803,05 euros au titre des frais de saisie et celle de 101,76 euros au titre des intérêts de retard ;
Déboute la SAS Rem Paysage et Formation de sa demande tendant à voir condamner solidairement les époux [S] à payer la somme de 102,92 euros au titre des frais bancaires suivant la procédure de saisie attribution ;
Condamne monsieur [G] [S] et madame [X] [M] épouse [S] à payer à la SAS Rem Paysage et Formation la somme de 1 618,83 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2019, date du jugement de première instance ;
Condamne monsieur [G] [S] et madame [X] [M] épouse [S] à payer à la SAS Rem Paysage et Formation la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne monsieur [G] [S] et madame [X] [M] épouse [S] à payer à la SAS Rem Paysage et Formation la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne monsieur [G] [S] et madame [X] [M] épouse [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le greffier, Le président,