Conflit contractuel et enjeux d’exécution : entre obligations et impossibilités financières

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Conflit contractuel et enjeux d’exécution : entre obligations et impossibilités financières

La société Clain a mandaté en 2017 la société ENR-CCRS pour réhabiliter des bâtiments afin de produire de l’électricité. ENR-CCRS a réalisé une étude de faisabilité en mai 2018, estimant le coût du projet à 394.000 euros HT. Un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage a été signé le 17 août 2018, et ENR-CCRS a sous-traité les travaux à deux autres sociétés. Après l’achèvement des travaux, Clain a constaté que le moulin ne produisait pas d’électricité et a demandé une expertise judiciaire. Suite au rapport d’expertise, Clain a assigné ENR-CCRS, son dirigeant, et les sociétés sous-traitantes pour obtenir réparation de ses préjudices. ENR-CCRS a également assigné la société Croix. Le tribunal de commerce a rendu un jugement le 2 octobre 2021, condamnant ENR-CCRS, Allytech et son liquidateur à indemniser Clain, tout en déboutant Clain de certaines de ses demandes. ENR-CCRS et son dirigeant ont fait appel de ce jugement. En mars 2024, Clain a demandé la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement, ce qui a conduit à des échanges de conclusions entre les parties. L’incident a été examiné en audience en septembre 2024, et le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation, condamnant ENR-CCRS et son dirigeant aux dépens de l’incident.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Cour d’appel de Poitiers
RG
23/02349
Ordonnance n°163

R.G : N° RG 23/02349 – N° Portalis DBV5-V-B7H-G43W

[R]

S.A.S. ENR-CCRS

C/

S.A.R.L. CLAIN

S.A. AXA FRANCE IARD

S.A.R.L. ENTREPRISE CROIX

S.A.R.L. ALLYTECH

S.E.L.A.R.L. [K]

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ORDONNANCE

DU 08 OCTOBRE 2024

Nous, Thierry MONGE, Président de Chambre faisant fonction de Conseiller de la Mise en état, assisté de Elodie TISSERAUD, greffière,

DEMANDERESSES A L’INCIDENT

S.A.R.L. CLAIN

[Adresse 2]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Christine JAIS, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. ENTREPRISE CROIX

[Adresse 9]

[Localité 6]

ayant pour avocat Me Isabelle LOUBEYRE de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEURS A L’INCIDENT

Monsieur [N] [R]

[Adresse 11]

[Localité 5]

S.A.S. ENR-CCR

[Adresse 11]

[Localité 5]

ayant tous les deux pour avocat postulant Me Anis RAHI, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Daniel DUCO, avocat au barreau de TOULOUSE

AUTRES PARTIES A LA PROCEDURE

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 3]

[Localité 10]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Dominique LACAN, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. ALLYTECH rep par la SELAR [K] en qualité de liquidateur judiciaire

[Adresse 1]

[Localité 8]

défaillante

S.E.L.A.R.L. [K], liquidateur judiciaire de la SARL ALLYTECH

[Adresse 12],

[Adresse 12]

[Localité 7]

défaillante

EXPOSÉ :

La société Clain a confié en 2017 à la société ENR-CCRS, dirigée par [N] [R], la réhabilitation d’un ensemble de bâtiments sis à [Localité 14] dénommés ‘[Adresse 13]’ en vue de la production d’électricité destinée à être commercialisée.

La société ENR-CCRS a établi en mai 2018 une étude concluant à la faisabilité du projet, pour un coût total estimé à 394.000 euros HT permettant un retour sur investissement à la treizième année.

Les deux sociétés ont alors signé le 17 août 2018 un contrat qualifié ‘d’assistance à maîtrise d’ouvrage’ confiant la réalisation du projet à ENR-CCRS, qui a elle-même confié les travaux de rénovation de la roue à aube à la société Croix et les travaux d’électrification du moulin à la société Allytech.

Constatant à l’issue des travaux que le moulin n’était pas en mesure de produire de l’électricité, la société Clain a saisi d’une demande d’expertise le juge des référés du tribunal de commerce de Poitiers, qui a fait droit à sa demande.

Au vu des conclusions du rapport déposé le 30 juin 2021 par le technicien, elle a fait assigner par actes des 4 et 6 octobre 2021 la société ENR-CCRS, M. [N] [R], la société Allytech et l’assureur de celle-ci la compagnie AXA France Iard devant la juridiction consulaire de la Vienne pour les entendre condamner à l’indemniser de ses préjudices.

La société Allytech ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du 30 septembre 2021, elle a fait assigner son liquidateur judiciaire, la société [K] prise en la personne de maître [H] [K].

Selon acte du 25 mars 2022, la société ENR-CCRS et M. [N] [R] ont fait assigner devant la même juridiction la société Croix.

Les instances ont été jointes.

Par jugement du 2 octobre 2021, le tribunal de commerce de Poitiers a, notamment :

* débouté la société ENR-CCRS de sa demande en nullité du rapport d’expertise

* condamné solidairement la société ENR-CCRS, la société Allytech et son liquidateur judiciaire la société [K], à payer à la société Clain à titre d’indemnité la somme de 388.836,33 euros

* autorisé en contrepartie et sous réserve du paiement effectif et intégral de cette indemnité, la société ENR-CCRS et M [N] [R] à récupérer à leurs frais et sans dommages à l’ouvrage, les éléments identifiables et démontables

* débouté la société Clain de sa demande d’indemnisation au titre d’une perte d’exploitation et d’un gain manqué prévisible

* condamné M. [N] [R] solidairement avec la société ENR-CCRS, la société Allytech et son liquidateur judiciaire la société [K], à payer à la société Clain à titre d’indemnité la somme de 388.836,33 euros

* débouté la société Clain de sa demande tendant à voir condamner la société AXA à lui payer cette somme

* condamné la société Clain à payer 20.196,11 euros à la société Croix au titre de sa facture F1377

* débouté la société Clain de sa demande tendant à être relevée et garantie de cette condamnation par ENR-CCRS, M. [R] et AXA France Iard

* rejeté la demande de la société Clain tendant à voir fixer à 418.852,53 euros sa créance au passif de la liquidation judiciaire d’Allytech

* rejeté la demande de la société ENR-CCRS tendant à voir fixer à 413.836,33 euros sa créance au passif de la liquidation judiciaire d’Allytech

* condamné solidairement la société ENR-CCRS, M. [R], la société Allytech et la société [K] ès-qualités à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile

.5.000 euros à la société Clain

.500 euros à la société AXA France Iard

.800 euros à la société Croix

* condamné solidairement la société ENR-CCRS, M. [R], la société Allytech et la société [K] ès-qualités aux dépens.

La société ENR-CCRS et M. [N] [R] ont relevé appel de ce jugement le 20 octobre 2023 en ses chefs de décision leur faisant grief.

Elles ont saisi d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire la première présidente de la cour d’appel, qui a rejeté leur demande par ordonnance du 21 mars 2024.

La société Clain a saisi le conseiller de la mise en état par conclusions transmises par la voie électronique le 28 mars 2024 d’un incident tendant à voir ordonner la radiation de l’affaire du rôle de la cour au motif que les appelantes n’ont pas exécuté le jugement entrepris.

Elle sollicitait aussi la condamnation de la société ENR-CCRS et de M. [N] [R] aux dépens de l’incident et à leur verser 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Entreprise Croix a transmis le 3 mai 2024 par la voie électronique des conclusions à même fin de radiation et réclamé 1.500 euros à la société ENR-CCRS et M. [N] [R] en indiquant que ceux-ci n’avaient pas exécuté la décision déférée.

La société ENR-CCRS et M. [N] [R] ont transmis le 13 mai 2024 par la voie électronique des conclusions sur incident demandant au conseiller de la mise en état

-à titre principal : de surseoir à statuer jusqu’à ce que la première présidente ait statué sur la requête en omission de statuer sur la demande subsidiaire en consignation dont elle était saisie

-subsidiairement : de ne pas radier l’affaire, aux motifs qu’ils sont l’un et l’autre dans l’impossibilité d’exécuter le jugement, la société ENR-CCRS ayant une activité très réduite, un chiffre d’affaires de l’ordre de 19.000 euros et des pertes supérieures à 20.000 euros, et M. [K], en rémission d’un cancer et en arrêt-maladie, n’ayant ni les revenus ni le patrimoine pour régler les causes du jugement.

-en tout état de cause : de condamner in solidum les sociétés Clain et Croix aux dépens de l’incident et à leur payer à chacun 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Clain a transmis par la voie électronique des conclusions n°2 pour maintenir ses demandes et ajouter que la demande de sursis à statuer est désormais sans objet puisque la première présidente a statué le 17 mai 2024, pour la rejeter, sur la requête en omission de statuer.

L’incident a été évoqué à l’audience du 10 septembre 2024 et mis en délibéré à ce jour

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la demande de sursis à statuer

La prétention des appelants à voir le conseiller de la mise en état surseoir à statuer sur les demandes de radiation jusqu’à ce que la première présidente ait statué sur la requête en omission de statuer dont elle était saisie est devenue sans objet puisqu’elle a rejeté cette requête par ordonnance du 17 mai 2024.

* sur les demandes de radiation

Aux termes de l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider à la demande de l’intimé, et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire, lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

Quand bien même il est avéré que le jugement n’a pas été exécuté, le prononcé de la radiation n’est, pour le conseiller de la mise en état, qu’une faculté.

Au vu des éléments de la cause, elle n’a pas à être ordonnée en l’espèce.

La société ENR-CCRS et M [N] [R], qui reconnaissent ne pas avoir exécuté le jugement, supporteront les dépens de l’incident.

L’équité justifie de ne pas mettre d’indemnité de procédure à leur charge.

Leur propre demande d’indemnité pour frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Nous, conseiller de la mise en état,

REJETONS l’incident à fin de radiation de l’affaire du rôle de la cour pour cause de défaut d’exécution du jugement déféré

CONDAMNONS in solidum la société ENR-CCRS et M [N] [R] aux dépens de l’incident

DISONS n’y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles d’incident.

Le Greffier, Le Conseiller de la mise en état,


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