Conflit contractuel autour d’une location de véhicule de luxe : enjeux de propriété et de responsabilité

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Conflit contractuel autour d’une location de véhicule de luxe : enjeux de propriété et de responsabilité

Contexte de l’affaire

La SAS CORHOFI, spécialisée dans la location de matériels professionnels, a conclu un contrat de location d’un véhicule FERRARI avec la SCI LES TROIS OLIVIERS le 31 mai 2018, prévoyant 60 loyers mensuels de 4 277,98 euros.

Mise en demeure et résiliation

Le 12 novembre 2018, la SAS CORHOFI a mis en demeure la SCI LES TROIS OLIVIERS pour un arriéré locatif, entraînant la résiliation du bail par une lettre du 2 janvier 2019, où elle a réclamé un montant total de 299 595,84 euros, incluant l’arriéré et le capital restant dû.

Procédures judiciaires

La SAS CORHOFI a saisi le Tribunal de Grande Instance de Toulouse en mars 2019 pour obtenir la résiliation du contrat et le paiement d’une provision de 171 112,62 euros. La SCI LES TROIS OLIVIERS a interjeté appel de cette décision en septembre 2019, et la Cour d’Appel a infirmé l’ordonnance en août 2020.

Assignation et comparution

En décembre 2020, la SAS CORHOFI a assigné la SCI LES TROIS OLIVIERS devant le Tribunal Judiciaire de Toulouse, demandant la nullité de la vente du véhicule et la caducité du contrat de location. Un jugement du 8 février 2024 a ordonné la comparution des gérants des deux sociétés pour clarifier les relations contractuelles.

Déclarations des parties

Lors de la comparution en mars 2024, Monsieur [M] [H] a affirmé que la SCI n’était pas propriétaire du véhicule et que la SAS CORHOFI avait mis fin au contrat sans raison. Monsieur [D] [X] a soutenu que la SCI était propriétaire et que la location avait été demandée par Monsieur [M] [H].

Conclusions de la SAS CORHOFI

Dans ses conclusions de mai 2024, la SAS CORHOFI a demandé la nullité de la vente et la caducité du contrat de location, ainsi que le paiement de 178 279,82 euros, des dommages et intérêts de 25 000 euros, et le remboursement de loyers perçus.

Réponse de la SCI LES TROIS OLIVIERS

La SCI LES TROIS OLIVIERS a contesté la propriété du véhicule et a demandé la restitution de 14 887,38 euros, arguant qu’aucune vente n’avait eu lieu et que le contrat de location avait été exécuté.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a constaté que la SCI LES TROIS OLIVIERS n’était pas propriétaire du véhicule, rendant la vente nulle. Il a condamné la SCI à payer 178 279,82 euros à la SAS CORHOFI, ainsi que 25 000 euros de dommages et intérêts, tout en ordonnant la restitution de 10 267,16 euros pour les loyers perçus.

Conclusion sur les demandes

Le Tribunal a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive de la SAS CORHOFI et a condamné la SCI aux dépens, tout en accordant 3 500 euros à la SAS CORHOFI au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile. L’exécution provisoire a été maintenue.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG
21/00133
MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 15 Novembre 2024
DOSSIER : N° RG 21/00133 – N° Portalis DBX4-W-B7F-PVE5
NAC : 50A

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL – Fil 6

JUGEMENT DU 15 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

En application de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2024, en audience publique, sans opposition des avocats devant :

Madame DURIN, Juge (chargée du rapport)

Qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré composé de

Madame DURIN, Juge
Madame PUJO-MENJOUET, Juge
Madame BLONDE, Vice-Présidente

GREFFIER lors du prononcé

Madame RIQUOIR

JUGEMENT

Contradictoire, rendu après délibéré et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe. Rédigé par Madame PUJO-MENJOUET
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDERESSE

S.A.S. CORHOFI, RCS Lyon 343 174 660, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Virginie DESPIERRES de la SELARL DESARNAUTS HORNY ROBERT DESPIERRES, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats postulant, vestiaire : 217, Me Jean-Baptiste PILA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant, vestiaire :

DEFENDERESSE

S.C.I. LES TROIS OLIVIERS Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Jérôme HORTAL, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 132

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 31 mai 2018, la SAS CORHOFI spécialisée dans la location de matériels professionnels, a loué un véhicule de marque FERRARI immatriculé [Immatriculation 3] à la SCI LES TROIS OLIVIERS moyennant le versement de 60 loyers mensuels à échoir d’un montant de 4 277,98 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 novembre 2018, la SAS CORHOFI a mis en demeure la SCI LES TROIS OLIVIERS de payer l’arriéré locatif, cette lettre visant la cause résolutoire de plein droit prévue au contrat. Via une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 janvier 2018, la SAS CORHOFI a notifié la résiliation du bail et sollicité le paiement de l’arriéré de 17 124,67 euros outre le capital restant dû de 282 471,17 euros, ainsi que la restitution du véhicule.

Par exploit d’huissier du 29 mars 2019, la SAS CORHOFI a saisi le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE en résiliation du contrat de location mais aussi afin de voir condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à lui régler, à titre de provision, la somme de 171 112,62 euros déduction faite de la somme globale de 14 887,32 euros déjà versée par la société défenderesse.

Par déclaration d’appel du 23 septembre 2019, la SCI LES TROIS OLIVIERS a interjeté appel de cette décision.

L’arrêt de la Cour d’Appel de TOULOUSE du 20 août 2020 a infirmé l’ordonnance en référé du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE en toutes ses dispositions.

Par exploit en date du 9 décembre 2020, la SAS CORHOFI a fait assigner devant le Tribunal Judiciaire de TOULOUSE la SCI LES TROIS OLIVIERS afin notamment de voir prononcer la nullité de la vente du véhicule FERRARI immatriculé [Immatriculation 3] intervenue entre elle-même et la SCI LES TROIS OLIVIERS, la caducité du contrat de location intervenu entre elles-deux et réparer son entier préjudice.

Par jugement avant dire droit du 8 février 2024, la juridiction saisie de céans a ordonné la comparution personnelle de Monsieur [M] [H] et de Madame [S] [H], gérants ou anciens gérants de la SCI LES TROIS OLIVIERS, ainsi que la comparution de Monsieur [D] [X] en sa qualité de consultant financier de la SAS CORHOFI. Le magistrat a enfin ordonné la comparution personnelle de la SAS CORHOFI et de la SCI LES TROIS OLIVIERS prise en la personne de leurs représentants légaux. Cette décision était prise au sens où le débat porte essentiellement sur la nature des relations contractuelles entre les parties concernant le véhicule FERRARI immatriculé [Immatriculation 3], dès lors qu’il était reconnu que la SCI LES TROIS OLIVIERS n’en était pas le propriétaire mais que le dernier certificat de cession mentionnait, au 21 avril 2018, les noms de Madame [S] [H] et Monsieur [M] [H] en qualité de nouveaux propriétaires, lesquels sont les gérants ou anciens gérants de la SCI LES TROIS OLIVIERS sans être toutefois parties à la présente instance alors même que leurs auditions permettraient d’apporter un éclairage sur les Faits de l’espèce. Il en était de même pour Monsieur [D] [X], consultant financier de la SAS CORHOFI qui était l’interlocuteur de la SCI LES TROIS OLIVIERS.

Le 22 mars 2024 un procès-verbal de comparution personnelle des parties était dressé, hors présence de Madame [S] [H], absente pour raisons médicales. Monsieur [M] [H] rapporte qu’il n’avait jamais été question que la SCI soit propriétaire du véhicule, ni même CORHOFI, mais qu’il avait été décidé de faire un montage de dossier via la SCI LES TROIS OLIVIERS, CORHOFI proposant une location dans le cadre d’échanges réguliers entre les deux sociétés. Il explique que l’objectif était d’échelonner les paiements, mais que la SAS CORHOFI a mis fin unilatéralement au contrat sans raison. Monsieur [M] [H] dit avoir réglé les premières échéances et avoir conservé la jouissance du véhicule, puis indique avoir acheté le véhicule à titre personnel tout en soutenant que le virement de 186 000 € ne servait pas à acheter la voiture mais constituait un prêt. Monsieur [D] [X] soutient que la SCI LES TROIS OLIVIERS était propriétaire de la FERRARI et que la SAS CORHOFI s’est rapprochée pour une location, à la demande de Monsieur [M] [H], la Procédure étant ensuite bloquée pour un défaut de carte grise qui mentionnait le nom de l’ancien propriétaire du véhicule. La représentante de la SAS CORHOFI confirme ces déclarations en soutenant que la société a acheté le véhicule à la SCI LES TROIS OLIVIERS et non à un tiers vendeur, bien qu’ils n’avaient pas les pièces administratives concernant l’achat par la SCI LES TROIS OLIVIERS, précisant que les éléments bancaires attestaient d’un virement.

Un délai pour conclure a été accordé et la production de diverses pièces ont été sollicitées par le juge de la mise en état avant audience de plaidoirie.

Par conclusions transmises par RPVA le 28 mai 2024, la SAS CORHOFI sollicite de la juridiction saisie de céans de :
– A titre principal :
Prononcer la nullité de la vente du véhicule FERRARI immatriculé [Immatriculation 3] conclue entre la société CORHOFI et la SCI LES TROIS OLIVIERSPrononcer la caducité du contrat de location n°LIBR-83648 conclu entre la SCI LES TROIS OLIVIERS, en qualité de locataire, et la société CORHOFI, en qualité de bailleresse ;En conséquence :
Condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer à la société CORHOFI la somme de 178 279,82 euros outre intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2019, date de la signification de l’assignation devant le Président du Tribunal judiciaire de TOULOUSE ;Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux termes de l’article 1343-2 du Code civil à compter du 29 mars 2019, date de la signification de l’assignation devant le Président du Tribunal judiciaire de TOULOUSE ;Condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer à la société CORHOFI la somme complémentaire de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;Condamner la société CORHOFI à payer à la SCI LES TROIS OLIVIERS la somme de 10 267,16 euros en remboursement des loyers perçus au titre du contrat de location n°LIBR-83648 conclu entre la SCI LES TROIS OLIVIERS, en qualité de locataire, et la société CORHOFI, en qualité de bailleresse ;Ordonner la compensation judiciaire entre les condamnations susvisées.- A titre subsidiaire et dans l’hypothèse où le Tribunal de céans n’annulerait pas le contrat de vente :
Constater que la SCI LES TROIS OLIVIERS a indûment perçu la somme de 178 279,82 euros ;En conséquence :
Condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer à la société CORHOFI la somme de 178 279,82 euros sur le fondement de la répétition de l’indu, outre intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2019, date de la signification de l’assignation devant le Président du Tribunal judiciaire de TOULOUSE ;Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux termes de l’article 1343-2 du Code civil au 29 mars 2019, date de la signification de l’assignation devant le Président du Tribunal judiciaire de TOULOUSE ;- En tout état de cause :
Condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer la société CORHOFI la somme de 25 000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ;Condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer à la société CORHOFI la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de Procédure, dont distraction au profit de Maître DESPIERRES.Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
Au soutien de ses prétentions, et au visa de l’article 1599 la société CORHOFI demande à ce que soit prononcée la nullité de la vente du véhicule et l’anéantissement rétroactif du contrat. Elle expose à ce titre que la SCI LES TROIS OLIVIERS a reconnu officiellement lors de la Procédure de référé ne jamais avoir été propriétaire du véhicule litigieux, de sorte que cela constitue un aveu judiciaire auquel il convient de donner toute force légale. La SAS CORHOFI souligne la relation de confiance entre elle-même et la SCI LES TROIS OLIVIERS en raison de nombreux contrats antérieurs, et du fait que cette dernière lui ait fournit un extrait de compte censé lui démontrer l’acquisition du véhicule au moyen d’un chèque de banque de 180 000 euros. Le fait qu’elle n’ai pas consulté la carte grise ne constitue pas une nullité dès lors que cela ne vaut pas titre de propriété selon la demanderesse, soulignant par ailleurs qu’elle en a fait la demande à la SCI LES TROIS OLIVIERS. A défaut, et au visa de l’article 1599 du Code civil, la SAS CORHOFI demande à ce que la nullité soit prononcée pour dol en ce que la société défenderesse a volontairement et frauduleusement trompé la société demanderesse, et ce dès la genèse de l’opération, à savoir concernant la propriété du véhicule. Corrélativement, la SAS CORHOFI demande la caducité du contrat de location n° LIBR-83648 au visa de l’article 1186 du Code civil dès lors que la nullité de la vente a pour conséquence d’entraîner la caducité du contrat de location entre la SAS CORHOFI et la SCI LES TROIS OLIVIERS sur le véhicule litigieux. Elle expose que du fait que la SCI LES TROIS OLIVIERS n’a pu valablement lui vendre le véhicule, elle n’a, de fait, pas pu lui louer, la caducité devant toutefois prendre en compte le montant des loyers déjà réglés par la défenderesse. A titre subsidiaire, la société demanderesse sollicite la restitution des fonds versés à la SCI sur le fondement de la répétition de l’indu, articles 1302 et 1302-1 du Code civil, et ce dès lors que la dette est inexistante, la facture contestée n’étant pas une facture unique de location sur un véhicule dont la société demanderesse n’a par ailleurs jamais eu possession. Elle précise que la somme versée par la société CORHOFI ne correspond à aucune obligation, de sorte qu’elle a été perçue de manière indue par la SCI LES TROIS OLIVIERS. En tout état de cause, la SAS CORHOFI fait état d’un litige l’opposant à la SCI depuis plus de quatre années qui lui a causé un préjudice, en raison de la résistance abusive du défendeur et du manque de sommes perçues au titre de la location, tel qu’escompté dans le contrat initial.

Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2024, la SCI LES TROIS OLIVIERS sollicite du magistrat près le Tribunal judiciaire de TOULOUSE de :
Constater que la SCI LES TROIS OLIVIERS n’est pas propriétaire du véhicule suivant : 1 véhicule, Marque (D.1) : Ferrari, Modèle (D.3) : 458, Kms compteur : 6000, Immatriculation : [Immatriculation 3], N° châssis € : ZFF68HB0002OS4S7, 1ère mise en circulation : 02/03/2015 ;Constater l’absence ou l’inexistence de la vente du véhicule susvisé entre la SCI LES TROIS OLIVIERS à la société CORHOFI ;Constater l’annulation par la société CORHOFI de son propre contrat de location relatif au véhicule Ferrari ;Constater l’existence d’un contrat de location conclu entre la SCI LES TROIS OLIVIERS à la société CORHOFI formalisé par la facture n°051 du 21 avril 2018 et sa parfaite exécution ;Et se faisant :Débouter la société CORHOFI de l’ensemble de ses demandes ;Condamner la société CORHOFI à restituer à la société SCI LES TROIS OLIVIERS la somme de 14 887,38 euros comme elle s’y est engagée en conséquence de l’annulation unilatérale de son propre contrat de location assortie des intérêts courants à compter de la décision à intervenir ;Condamner la société COHORFI à verser à la SCI LES TROIS OLIVIERS la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de ses demandes, la SCI LES TROIS OLIVIERS, au visa des articles 1582, 1599, 1137 et 1302 du Code civil expose que la SAS CORHOFI ne peut solliciter la nullité de la vente alors même qu’elle mentionne dans ses écritures un accord quant au fait que la SCI LES TROIS OLIVIERS n’a pu lui vendre un véhicule et qu’elle a de manière unilatérale annulé son propre contrat de location. En effet la société défenderesse souligne qu’aucune vente n’a pu avoir lieu dès lors qu’elle n’est matérialisée par aucun acte entre les deux sociétés, mais explique que le véhicule litigieux a été acquis par Monsieur [M] [H] et Madame [S] [H], en indivision, avant de le céder à un garage automobile le 21 avril 2018. La société défenderesse souligne que la SAS CORHOFI n’a pu imaginer, en tant que professionnel, avoir acquis ledit véhicule, d’autant qu’elle n’a sollicité aucun titre de propriété ou carte grise avant d’effectuer toute démarche ou paiement. La SCI rappelle l’arrêt de la Cour d’appel de TOULOUSE en date du 20 août 2020, statuant en référé, et souligne que cette dernière retient que la facture n°15 émise par la SCI LES TROIS OLIVIERS le 21 avril 2018 porte la mention « Contrat de location », et ne répond donc pas aux conditions de l’acte de vente. La société défenderesse dit ainsi qu’il n’y a jamais eu vente du véhicule, mais un contrat de location réglé via un loyer unique de 186 000 euros par la SAS CORHOFI, ce que ladite société a accepté sans contestation, le contrat étant donc achevé. La SCI LES TROIS OLIVIERS expose ce qui constitue, selon elle, un aveu judiciaire par la demanderesse, emportant reconnaissance de ce que la facture n°15 du 21 avril 2018 est un contrat de location, sans qu’un évènement postérieur ne permette d’en solliciter la caducité. Enfin, concernant la demande relative à la répétition de l’indu, la société défenderesse indique que l’annulation unilatérale par la SAS CORHOFI du contrat de location n’emporte pas automatiquement celle du contrat de location conclu par la SCI LES TROIS OLIVIERS à la SAS, et ce dès lors que le bail de la chose d’autrui est uniquement opposable au propriétaire.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2024, date de l’audience de plaidoirie en formation collégiale. L’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Le tribunal rappelle que ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du Code de Procédure civile les demandes des parties tendant à « donner acte », « dire et juger » ou « constater », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que le tribunal n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Sur la nullité de la vente

Sur le principe de la nullité

Aux termes de l’article 1599 du Code civil, « La vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ».

En l’espèce, il ressort des pièces portées aux débats ainsi que des déclarations concordantes des parties, que la SCI LES TROIS OLIVIERS reconnaît ne pas être propriétaire du véhicule litigieux, à savoir la FERRARI immatriculée [Immatriculation 3]. En effet cette dernière le soutien dans ses dernières conclusions, mais plus encore a pu l’indiquer au cours de l’audience de comparution personnelle devant le Tribunal judiciaire de TOULOUSE en date du 22 mars 2024. Lors de cette dernière la SCI LES TROIS OLIVIERS, en son représentant légal, a expliqué que le véhicule appartiendrait à titre indivis à Madame [S] [H] et à Monsieur [M] [H], lesquels auraient ensuite revendu ce véhicule à un garage, sans que la SCI n’en soit donc propriétaire et puisse en user comme tel. Cependant, la société défenderesse ne prouve nullement la propriété ou la revente à un garage dudit véhicule, aucune pièce n’étant fournie en ce sens en dépit des demandes du magistrat lors de l’audience de comparution personnelle.

Plus encore, l’acquisition apparaît dans l’extrait de relevé de compte bancaire de la SCI LES TROIS OLIVIERS, dans lequel un débit de 186 000 euros apparaît, ce document ayant été transmis à la SAS CORHOFI en amont de tout contrat entre eux. La production des échanges de mail entre la SCI LES TROIS OLIVIERS et la SAS CORHOFI en amont de tout contrat, permet à la juridiction de constater les négociations entre les deux sociétés afin d’établir un accord tant sur le prix que sur la chose, rappelant une nouvelle fois que la SAS CORHOFI est spécialisée dans la location de biens d’équipement qu’elle acquiert auprès de fournisseurs choisis ou auprès des locataires eux-mêmes dans le cadre de leaseback.

Enfin sont versés au dossier une facture de vente n°015 du 21 avril 2018 d’un montant de 186 000 euros TTC à l’égard de la société CORHOFI par la SCI LES TROIS OLIVIERS, la SAS ayant par suite, le 31 mai 2018, rédigé un contrat de location n°LIBR-83648 moyennant le versement de 60 loyers mensuels d’un montant de 4 277,98 euros chacun. Cela s’est concrétisé par la remise du véhicule à la société défenderesse le 4 juillet 2018 tel qu’indiqué au procès-verbal de livraison et de réception, signé par la SCI.

Si la propriété du véhicule est contestée, il apparaît que la SCI LES TROIS OLIVIERS maintient que la SAS CORHOFI a réglé la somme de 186 000 euros auprès d’eux dans le cadre d’une location avec un loyer unique. Bien que la pièce n°7 de la SAS CORHOFI peut sembler litigieuse en ce qu’elle mentionne tout à la fois les termes de vente et de location, la SCI ne s’explique toutefois pas, s’il s’agissait d’une location où elle serait la bailleresse, de la raison pour laquelle elle s’est acquittée jusqu’au mois de septembre 2018 des loyers, échangeant avec la SAS CORHOFI face à des difficultés de règlement par la suite.

Plus encore le raisonnement évoqué par la SCI LES TROIS OLIVIERS est illogique en ce que la société se trouve à la fois créancière de la somme de 186 000 euros, versée par la SAS CORHOFI, mais également du véhicule litigieux, alors même que ce dernier devrait être entre les mains de la SAS selon ses dires et s’il s’agissait d’un contrat de location.

Si la SAS CORHOFI n’a pas vérifié l’immatriculation du véhicule ou les mentions du certificat d’immatriculation, il convient de souligner que ces éléments ne constituent pas titre de propriété, et qu’elle avait reçu preuve du versement de la somme par la SCI LES TROIS OLIVIERS, ne doutant donc pas de la régularité de l’acte, plus encore dans le cadre de relations contractuelles récurrentes, comme prouvé par les contrats antérieurs ainsi que les échanges de mails informels entre les parties. Il appartenait à la SCI de régulariser le contrat de cession eu égard à son rôle dans le cadre de la transaction, sans le solliciter de la SAS.

Ainsi, au regard de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que la SCI LES TROIS OLIVIERS a vendu un véhicule FERRARI immatriculé [Immatriculation 3] à la SAS CORHOFI alors qu’elle n’en avait pas la propriété. Ainsi, la vente est nulle en raison de l’absence de propriété du véhicule litigieux par la SCI, laquelle ne pouvait donc pas le céder.

Sur les conséquences de la nullité

Eu égard à la jurisprudence inhérente à l’article 1599 du Code civil, le demandeur peut solliciter des dommages et intérêts dès lors qu’il n’avait pas connaissance du fait que la chose était à autrui.

En l’espèce la SAS CORHOFI n’avait nullement connaissance du défaut de propriété de la SCI LES TROIS OLIVIERS en ce que les éléments en sa possession laissent présumer de sa propriété, la défaillance étant apparue postérieurement au contrat et alors que la SAS avait déjà acquis le véhicule, dont la possession était cependant en les mains de la SCI.

La SAS CORHOFI a acquis le véhicule FERRARI immatriculé [Immatriculation 3] pour la somme de 186 000 euros auprès de la SCI LES TROIS OLIVIERS, somme dont elle est donc débitrice, mais elle s’est trouvée par suite créancière de la somme de 7 720,18 euros suite au règlement des redevances et frais de dossier, réglés donc par la société défenderesse, lesquels doivent être imputés du prix de vente, soit la somme de 178 279,82 euros.

Ainsi, il convient de condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à régler la somme de 178 279,82 euros des suites de la nullité du contrat de vente. Ce règlement permet à chaque partie de se trouver dans l’état antérieur à la conclusion du contrat.

Par ailleurs la SAS CORHOFI demande à ce que lui soit allouée la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, prenant pour calcul la perte de chance de pouvoir mener ses opérations locatives jusqu’à leur terme. Elle argue du fait que la SCI LES TROIS OLIVIERS s’était engagée à régler 60 mensualités de 4 277,98 euros HT, soit 5 133,57 euros TTC mensuels, le total étant de 308 014,20 euros. Faisant état de la différence entre le prix réglé et le prix escompté pour la location du véhicule litigieux, la SAS CORHOFI souligne le manque à gagner sur la période. La SCI LES TROIS OLIVIERS rejette toute demande sur ce fondement.

Il ressort des éléments versés au dossier qu’eu égard à la durée de la Procédure, à la recherche de règlement amiable proposée par la SAS CORHOFI dans un premier temps, la proposition d’annulation du contrat de manière amiable ainsi que la perte de chance de conclure un contrat des suites du litige l’opposant à la SCI LES TROIS OLIVIERS, la somme de 25 000 euros est adaptée au préjudice subi.

Ainsi la SCI LES TROIS OLIVIERS sera condamnée au paiement de la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts auprès de la SAS CORHOFI.

Sur le dol

Le Tribunal ayant fait droit au premier moyen, la nullité pour dol ne sera pas appréciée.

Sur la répétition de l’indu

Le Tribunal ayant fait droit au premier moyen, la répétition de l’indu ne sera pas appréciée.

Sur la caducité du contrat de location

L’article 1186 du Code civil dispose « Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie ».

En l’espèce, la société CORHOFI a signé avec la SAS LES TROIS OLIVIERS un contrat de location sur 60 mois dont l’objet est le véhicule FERRARI immatriculé [Immatriculation 3] le 31 mai 2018, intitulé contrat n°LIBR-83648.

Il y a nécessairement interdépendance entre le contrat de location où la SCI CORHOFI est bailleresse et la SAS LES TROIS OLIVIERS locataire, et l’acte d’achat du véhicule dans lequel la SCI est cessionnaire alors que la SAS est cédante. Ces deux contrats fonctionnent ensemble en ce que suite à l’achat la société défenderesse l’a vendu à la SCI aux fins qu’elle agisse dans le cadre de leaseback dont les termes ont été convenus librement entre les parties et lui loue ainsi le véhicule. Dès lors que le contrat de vente est anéanti aux termes de l’article 1599 du Code civil, alors le contrat de location est caduc en ce sens qu’il devient sans objet.

En conséquence, la SAS CORHOFI sera condamnée à restituer la somme de 10 267,16 euros correspondant aux loyers payés par la SCI LES TROIS OLIVIERS, le surplus ayant été directement imputé sur le prix de vente du véhicule litigieux. Il conviendra que ces sommes fassent l’objet d’une compensation entre les condamnations des parties.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

La SAS CORHOFI sollicite de la juridiction de voir condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS à la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive, arguant du fait que le simple remboursement de la somme de 186 000 euros est insuffisant au regard du préjudice subi.

En l’espèce il apparaît que le Tribunal condamne déjà la SCI LES TROIS OLIVIERS au paiement de dommages et intérêts au titre des opérations locatives qui n’ont pas pu être menées jusqu’à leur terme, mais aussi au regard de la présente Procédure et de la résistance en dépit de la recherche d’une solution amiable. A ce titre toute autre condamnation au paiement de dommages et intérêts serait surabondante.

Ainsi il convient de rejeter la demande la SAS CORHOFI au titre de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les demandes indemnitaires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de Procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

En l’espèce, il y a lieu de condamner la SCI LES TROIS OLIVIERS aux dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de Procédure civile, « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations ».

La SCI LES TROIS OLIVIERS, succombant aux dépens, sera condamnée à payer à la SAS CORHOFI la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

L’article 514 du code de Procédure civile, dans sa version applicable aux instances introduites devant le juge du premier degré à compter du 1er janvier 2020, dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. En vertu de l’article 514-1, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée ».

En l’espèce, rien ne permet d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer à la SAS CORHOFI la somme de 178 279,82 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2019, date de la signification de l’assignation devant le Président du Tribunal judiciaire de TOULOUSE ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux termes de l’article 1343-2 du Code civil à compter du 29 mars 2019, date de la signification de l’assignation devant le Président du Tribunal judiciaire de TOULOUSE ;

CONDAMNE la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer à la SAS CORHOFI la somme de 25 000 euros au titre des dommages et intérêts ;

CONDAMNE la SAS CORHOFI à payer à la SCI LES TROIS OLIVIERS la somme de 10 267,16 euros en remboursement des loyers perçus au titre du contrat de location n°LIBR-83648 conclu entre la SCI LES TROIS OLIVIERS, en qualité de locataire, et la SAS CORHOFI, en qualité de bailleresse ;

ORDONNE la compensation judiciaire des condamnations susvisées ;

DEBOUTE la SAS CORHOFI au titre de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

DEBOUTE la SCI LES TROIS OLIVIERS de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la SCI LES TROIS OLIVIERS à payer à la SAS CORHOFI la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître DESPIERRES ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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