La société Hibana a engagé la société La manufacture pour des travaux de rénovation d’un local destiné à une école, avec un contrat signé le 15 juin 2017 pour un montant de 160 958,49 euros HT. Les travaux devaient commencer le 19 juin 2017 et être achevés le 16 août 2017, avec des pénalités en cas de retard. Cependant, des désaccords ont surgi concernant la réception des travaux, le prix, les travaux supplémentaires et les pénalités de retard. En janvier 2018, un tribunal a ordonné à Hibana de verser une provision à La manufacture et a désigné un expert pour évaluer les travaux.
En octobre 2020, le tribunal a débouté Hibana de ses demandes de préjudice et a condamné Hibana à payer La manufacture. Un jugement ultérieur en janvier 2021 a corrigé une erreur matérielle dans le jugement précédent. Hibana a interjeté appel, demandant la révision des décisions et la reconnaissance de manquements contractuels de La manufacture. La manufacture a également formé un appel incident, contestant les décisions du tribunal et demandant des indemnités. Après plusieurs audiences, la cour a confirmé certaines décisions du tribunal tout en inférant d’autres, condamnant Hibana à payer une somme à La manufacture et à couvrir les dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 54C
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 OCTOBRE 2024
N° RG 21/01871
N° Portalis DBV3-V-B7F-UMPV
AFFAIRE :
E.U.R.L. HIBANA
C/
S.A.S. LA MANUFACTURE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 octobre 2020 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° RG : 2020F00536
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Noémie LE BOUARD
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
E.U.R.L. HIBANA
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Noémie LE BOUARD de la SELARL LE BOUARD AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 113
****************
INTIMÉE
S.A.S. LA MANUFACTURE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
Plaidant : Me Séverine SPIRA de l’ASSOCIATION CABINET SPIRA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0252
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 Juillet 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
La société Hibana, propriétaire d’un immeuble à [Localité 2] (78), a commandé à la société La manufacture (anciennement dénommée Idealtechnologies rénovation) des travaux pour la création d’une école dénommée « after school ».
La société La manufacture s’est engagée à réaliser la rénovation du local pour un prix de 160 958,49 euros HT. Les parties ont signé un devis le 15 juin 2017 avec un descriptif technique pour chacun des 11 lots.
Le démarrage des travaux était prévu le 19 juin 2017 pour être livrés le 16 août 2017, avec pénalités en cas de retard. Les conditions de paiement prévoyaient un acompte de 40 % puis un règlement bimensuel sur situation d’avancement et une retenue de 5 % en cas de réception avec réserve.
La réception des travaux n’a pas été formellement constatée et les parties ont été en désaccord sur le caractère forfaitaire du prix, l’état final du chantier, le décompte des sommes dues, les travaux supplémentaires et les pénalités de retard.
Par ordonnance de référé du 31 janvier 2018, le président du tribunal de commerce de Versailles a condamné la société Hibana au paiement de la somme provisionnelle de 9 545,99 euros (sur les 62 744,01 euros réclamés) à la société La manufacture et, sur demande de celle-ci, a désigné un expert, M. [L] [C], aux fins d’examiner les travaux et a enjoint à la société Hibana de produire un cautionnement de 49 096,18 euros sous astreinte.
Le rapport d’expertise a été rendu le 24 septembre 2019.
Par assignation délivrée le 2 décembre 2019, la société Hibana a fait assigner la société La manufacture aux fins d’obtenir le paiement des préjudices matériel et de jouissance qu’elle estime avoir subis et des pénalités de retard.
Par jugement contradictoire du 7 octobre 2020, le tribunal de commerce de Versailles a :
– débouté la société Hibana de ses demandes,
– condamné la société Hibana à payer la somme de 40 493,79 euros HT à la société La manufacture, ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
– débouté la société La manufacture de sa demande d’indemnité financière,
– condamné la société Hibana au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont frais d’expertise et de greffe.
Le tribunal a tout d’abord rejeté la demande de la société Hibana au titre du préjudice matériel, eu égard au rapport de l’expert judiciaire.
Il a estimé que devis initial n’avait pas un caractère forfaitaire en dépit d’une mention de ce type mais ne concernant qu’une prestation particulière.
Le tribunal a dit que la date de réception, avec réserves, devait être fixée au 1er septembre 2017, en raison de la prise de possession effective des locaux par la société Hibana.
Il n’a pas retenu les pénalités de retard au motif que le délai contractuel n’avait pas été dépassé.
Le tribunal a également rejeté les demandes de préjudice de jouissance faute de démonstration de la société Hibana.
Il a validé les montants des travaux de reprise et les travaux supplémentaires proposés par l’expert, établissant le compte entre les parties, et a condamné la société Hibana à payer à La manufacture le solde en sa faveur.
Par jugement du 27 janvier 2021, le tribunal de commerce de Versailles a rectifié, sur requête en application des dispositions de l’article 462 du code de procédure civile, l’erreur matérielle qui entachait le premier jugement, en substituant dans le dispositif la mention « condamne la société La manufacture à payer à la société Hibana la somme de 13 587,71 euros HT après compensation entre les sommes dues par la société La manufacture et les sommes dues par la société Hibana », à celle erronée de « condamne la société Hibana à payer la somme de 40 493,79 euros HT à la société La manufacture ».
Par déclaration du 19 mars 2021, la société Hibana a interjeté appel de ces jugements.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 9 décembre 2021, la société Hibana demande à la cour de :
– réformer le jugement du 27 janvier 2021 en ce qu’il a rectifié l’erreur matérielle qui entachait le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 7 octobre 2020, et supprimé de son dispositif « condamne l’EURL Hibana à la somme de 13 587,71 euros HT après compensation entre les sommes dues par la société La manufacture et les sommes dues par l’EURL Hibana » (sic),
– infirmer le jugement du 7 octobre 2020 en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes, l’a condamnée à payer les sommes de :
– 40 493,79 euros HT à la société La manufacture avec la capitalisation des intérêts
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens
à titre principal,
– constater que la société La manufacture a manqué à son obligation contractuelle, en raison des malfaçons et désordres affectant le local dont elle avait la charge des travaux en vertu du contrat du 15 juin 2017,
– constater que la société La manufacture a manqué à son obligation contractuelle, en raison du retard dans la livraison du chantier qui était initialement prévue le 16 août 2019,
– constater que le devis régularisé entre les parties le 15 juin 2017 était forfaitaire,
– débouter la société La manufacture de l’intégralité de ses demandes,
– déclarer irrecevable la demande nouvelle de paiement d’une indemnité de 20 000 euros,
– en conséquence, condamner la société La manufacture à lui payer les sommes de :
– 91 280 euros au titre de son préjudice matériel
– 350 euros au titre des pénalités de retard
– 50 000 euros au titre de son préjudice de jouissance
– 30 000 euros, comprenant les frais d’expertise à hauteur de 10 952 euros, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
– à titre subsidiaire, avec les mêmes constatations,
– condamner la société La manufacture à lui verser les sommes de :
– 91 280 euros en raison de l’erreur sur les qualités essentielles dont elle a été victime, pensant que le contrat était forfaitaire
– 490 350 euros au titre des pénalités de retard
– 50 000 euros au titre de son préjudice de jouissance
– 30 000 euros, comprenant les frais d’expertise, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 5 avril 2022, la société La manufacture forme appel incident et demande à la cour de :
– débouter la société Hibana de ses appels,
– la recevoir en son appel incident, l’y déclarer bien fondée,
– infirmer les jugements en ce qu’ils l’ont condamnée à payer à la société Hibana 13 587,71 euros HT, après compensation, et l’ont déboutée de ses demandes,
– sur les omissions de statuer, dire que le marché n’était pas forfaitaire,
– dire qu’elle était fondée à suspendre ses travaux, 15 jours après sa mise en demeure du 8 novembre 2017,
– débouter la société Hibana de sa demande en paiement d’une indemnité de 24 863,50 euros HT soit 29 836,20 euros TTC, au titre des non-façons, du seul fait de la suspension du marché,
– prononcer la résiliation judiciaire du marché, aux torts exclusifs de la société Hibana,
– la condamner à une indemnité de 20 000 euros, de ce chef,
– dire que la prise de possession des lieux par la société Hibana vaut réception tacite au 1er septembre 2017, constater ou prononcer la réception à cette date,
– sur les points devant faire l’objet d’une infirmation, débouter la société Hibana de sa demande de paiement de la somme de 54 081,50 euros et dire qu’à tout le moins aucune TVA n’est due sur une indemnité,
– condamner la société Hibana, après compensation, au paiement de la somme de 59 337,39 euros TTC, en principal, augmentée des intérêts au taux marginal de la BCE majoré de 10 points, soit 11 %, à compter du 8 novembre 2017, avec capitalisation,
– la condamner au paiement de 13 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens, qui comprendront ceux de référé, d’expertise, de constats d’huissier, de première instance et d’appel, à recouvrer selon l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2023, l’affaire a été initialement fixée à l’audience de plaidoirie du 11 septembre 2023 puis a été renvoyée à l’audience du 1er juillet 2024 en raison de l’indisponibilité du président. Elle a été mise en délibéré au 21 octobre 2024.
La société La manufacture ne remet pas en cause la décision querellée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande au titre de son préjudice financier. Ce point est donc définitif.
Sur la recevabilité de la demande de la société La manufacture
La société Hibana demande à la cour de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la société La manufacture -au titre de la résiliation judiciaire du marché- de la condamner à payer une indemnité de 20 000 euros.
Selon l’article 64 du code de procédure civile, ‘Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.’
L’article 70 du même code ajoute, ‘Les demandes reconventionnelles (…) ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.’
Enfin, l’article 567 du code de procédure civile dispose que ‘Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.’
Or la société La manufacture est défenderesse à l’instance de sorte que les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, concernant les demandes nouvelles en appel, ne s’appliquent pas.
Ainsi, sa demande « nouvelle » de condamnation est une demande reconventionnelle puisqu’elle est défenderesse et prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention du demandeur originaire.
Cette demande se rattache à ses prétentions en première instance par un lien suffisant, elle est donc, en application de l’article 70 précité, recevable.
Sur les demandes de la société Hibana et les demandes reconventionnelles de la société La manufacture
Sur le caractère forfaitaire du marché
En application de l’article 1793 du code civil, lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d »uvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.
Il est admis que les juges devant qualifier les contrats, non pas en s’arrêtant aux termes employés par les parties mais en analysant le contenu de leur convention, ne sont pas liés par l’affirmation du caractère forfaitaire du contrat qu’ils peuvent cependant retenir comme indice. Ainsi, certaines stipulations sont incompatibles avec un marché à forfait.
En l’espèce, le document contractuel versé par les parties, soit un ensemble de devis, paraphé et signé par elles, a été conclu au prix de 160 958,49 euros HT.
Il contient, dans le paragraphe intitulé « coordination et suivi de projet » la mention suivante : « Mise en ‘uvre des travaux préparatoires avec M. [I] (le représentant du maître d’ouvrage) pour le suivi projet, réunion de chantier et coordination générale – au besoin présentation sur demande des architectes des échantillons et éléments de finition carrelage, parquet, cuisine, nuanciers couleurs, fournisseurs de mobiliers – selon cahier des charges défini par les plans remis – recherche et travaux de présentation des matériels et des fournisseurs – Cette prestation, conçue sous forme de forfait, comprend l’ensemble des réunions et du suivi de chantier selon avancement projet pour aboutir à la réalisation du projet fini, et à la livraison avec le parfait achèvement » . C’est la seule référence à un « forfait » contenue dans le devis et il concerne une prestation particulière chiffrée à la somme de 2 000 euros.
Les lots comportent des quantités et des coûts unitaires détaillés par prestations et de nombreuses options à choisir par le maître d’ouvrage, avec un prix et des quantités définies.
De plus, comme l’ont remarqué les premiers juges, les multiples échanges et le contrôle quasi quotidien du maître d’ouvrage sur la conduite du chantier, comme il ressort du document contractuel et de la pratique des parties telle que confirmée par l’expert judiciaire, montrent que celui-ci était bien informé sur le fait qu’il y avait de nombreuses modifications soumises à l’accord des cocontractants et que des travaux supplémentaires pour une somme représentant plus d’un quart du devis ont été commandés par le maître d’ouvrage.
Le tribunal a ainsi justement considéré que la société Hibana ne pouvait pour ces raisons soutenir que le marché initial était un marché à forfait.
De plus, elle ne saurait invoquer, pour ces mêmes raisons, une quelconque erreur sur la teneur du contrat qu’elle a signé.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande au titre du préjudice matériel et la demande reconventionnelle en résiliation du contrat
La société Hibana argue de malfaçons et non-façons de la part de son cocontractant dans l’exécution de ses prestations pour réclamer sa condamnation à lui réparer un préjudice matériel qui comprend la reprise de ces désordres.
De son côté, la société La manufacture prétend que la caution bancaire qu’elle avait réclamée à la société Hibana par sommation et que le juge des référés lui a enjoint de fournir ne l’a pas été dans les temps et que c’est ainsi qu’elle a suspendu les travaux et que les non-façons constatées par l’expert sont la conséquence de l’absence de fourniture de cette caution, ce qui lui permettrait, aujourd’hui, de demander la résiliation du contrat aux torts de son cocontractant.
Sur cette demande de résiliation, la seule mise en demeure envoyée par la société La manufacture l’a été le 8 novembre 2017, elle visait essentiellement le paiement des sommes qu’elle estimait lui être dues alors qu’à cette date les relations entre les parties étaient déjà rompues et que le maître de l’ouvrage avait pris possession des travaux. La demande de résiliation n’est, de ce fait, pas pertinente et ne peut prospérer.
Il ressort du rapport de l’expert judiciaire qui a examiné les documents contractuels et les travaux exécutés par la société La manufacture, pour en dresser un tableau récapitulatif et exhaustif, auquel il conviendra de se reporter pour les détails, que des non-façons et des malfaçons ont été constatées pour respectivement 24 863,50 euros et 29 218 euros, soit un total de 54 081,50 euros HT soit 64 897,80 euros TTC.
L’expert a détaillé, poste par poste, les 60 désordres allégués figurant dans les constats d’huissier dressés à la demande de la société Hibana, apportant pour chaque désordre, une description, le chiffrage des reprises et un avis technique, constatations qui ont été justement retenues par la première juridiction et qui ne sont pas sérieusement contestées par les parties.
L’expert a constaté également que la société Idéaltechnologies rénovation (ancien nom de la société La manufacture) avait effectué, à la demande du maître d’ouvrage et sous sa supervision, des travaux qu’il a justement qualifiés de « supplémentaires » puisque n’entrant pas dans les devis initiaux conclus par les parties, pour un montant facturé de 40 837,67 euros HT. Ces travaux ne souffrent pas de malfaçons selon l’expert. Leur acceptation par le maître d’ouvrage est évidente pour les deux motifs exposés ci-avant.
Ainsi, le compte entre les parties peut être établi de la façon suivante :
Sommes dues au titre du marché : 160 958,49 euros HT + travaux supplémentaires 40 837,67 euros HT = 201 796,16 euros HT
La société Hibana a versé 128 000 euros HT
120 045,01 euros HT
7 954,99 euros HT ( provision au titre de l’ordonnance de référé)
À déduire les malfaçons et non-façons d’un total de 54 081,50 euros HT
Soit un solde dû à la société La manufacture de 19 714,66 euros HT, cette société ayant une forme commerciale il n’est pas pertinent de rajouter la TVA.
En conséquence, la société Hibana est condamnée à payer cette somme à la société La manufacture. Les deux décisions de première instance ne sont pas confirmées sur la somme initiale et la somme rectificative qu’elles ont retenues.
Concernant les intérêts, la société La manufacture réclame l’application de l’article L.441-6 du code de commerce dans sa version applicable au 15 juin 2017, qui dispose « Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire ».
Or le contrat ne stipule aucune pénalité en cas de retard de paiement.
En conséquence, les intérêts au taux légal sont dus à compter de la demande soit du 8 novembre 2017, l’anatocisme dans les conditions légales est confirmé.
Sur les pénalités de retard
Le document contractuel signé par les parties stipule « Chantier à livrer le 16 août 2017. Des pénalités de retard de 350,00 euros par jour s’appliqueront ainsi :(1) chantier non réceptionné, (2) chantier réceptionné avec réserves supérieures à 5 % ».
Il est constant que le démarrage du chantier a été retardé, la réception du chantier était fixée au 16 août 2017, à cette date les malfaçons constatées dans le constat d’huissier présenté ne permettaient pas une telle réception.
Le rapport d’expertise relève qu’à la date du 5 septembre 2017 un second constat d’huissier, photos à l’appui, montre les désordres toujours existants mais précise que : « ces désordres ne sont pas de nature à empêcher une réception avec réserves ».
L’ordonnance de référé précise que la société Hibana reconnaît avoir pris possession des lieux le 1er septembre 2017 et de fait, l’école dès cette date, a pu accueillir des enfants.
Le rapport d’expertise propose de retenir cette dernière date comme celle de la réception avec réserves.
La date du 1er septembre 2017, à laquelle la société Hibana a pris possession de l’ouvrage et a pu exploiter son activité commerciale, est retenue pour la réception tacite avec réserves.
L’expert ajoute que le chantier conformément aux stipulations du devis, aurait dû démarrer théoriquement le 1er juillet 2017 que les travaux supplémentaires ont nécessité un délai global de 20 jours, et qu’en conséquence, la prise en compte de la date de réception au 1er septembre et le délai des travaux supplémentaires font qu’il n’y a pas eu de dépassement du délai contractuel. Cette constatation est juste.
En conséquence la société Hibana est déboutée de sa demande, le jugement est confirmé sur ce point.
Sur le préjudice de jouissance
Le tribunal a raisonnablement remarqué que l’école a pu accueillir des élèves dès le 1er septembre 2017, ce qui apparaît être une date normale d’ouverture d’un établissement périscolaire.
Ainsi, la société Hibana, ne prouvant aucun préjudice de jouissance, a justement été déboutée de sa demande, le jugement est confirmé.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
La société Hibana, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance. Elle est également condamnée aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du même code.
Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions, les circonstances de l’espèce justifient de condamner la société Hibana à payer à la société La manufacture une indemnité de 2 500 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel.
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
Dit recevable la demande en paiement de la somme de 20 000 euros de la société La manufacture, l’en déboute ;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a,
– débouté la société Hibana d’une partie de ses demandes
– débouté la société La manufacture de sa demande d’indemnité financière
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil
– condamné la société Hibana au paiement à la société La manufacture de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont frais d’expertise et de greffe.
Infirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Hibana à payer à la société La manufacture la somme de 19 714,66 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 ;
Y ajoutant,
Condamne la société Hibana aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la société La manufacture une indemnité de 2 500 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,