La société Labenne Rougier, spécialisée dans le négoce d’outils et de matériaux de construction, a assigné la société Sima 17, entreprise générale du bâtiment, devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour obtenir le paiement de factures impayées. Sima 17 ne s’est pas présentée à l’audience, ce qui a conduit à une ordonnance du 3 août 2021 condamnant Sima 17 à verser 8.983,57 euros à Labenne Rougier, ainsi qu’une saisie-attribution de 10.804,98 euros sur son compte bancaire. En réponse, Sima 17 a assigné Labenne Rougier en répétition de l’indu pour la même somme. Le jugement du 21 juillet 2022 a condamné Labenne Rougier à payer 10.804,98 euros à Sima 17, tout en ordonnant une compensation des sommes dues. Sima 17 a fait appel, suivi d’un appel incident de Labenne Rougier. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires, Sima 17 cherchant à confirmer le jugement en partie et Labenne Rougier demandant son infraction. L’ordonnance de clôture a eu lieu le 19 août 2024, et la cour a finalement infirmé le jugement de première instance, débouté Sima 17 de ses demandes et condamné Sima 17 à verser 2.000 euros à Labenne Rougier au titre des frais de justice.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 16 OCTOBRE 2024
N° RG 22/04165 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-M4AR
S.A.R.L. SIMA 17
c/
S.N.C. LABENNE ROUGIER
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 juillet 2022 (R.G. 2021F01308) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 06 septembre 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. SIMA 17, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Marc FRIBOURG de la SELARL SELARL FRIBOURG ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.N.C. LABENNE ROUGIER, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 7]
Représentée par Maître Laurence TASTE-DENISE de la SCP R.M.C., avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Olivier ROQUAIN, avocat au barrreau d’AGEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 septembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
* * *
La société en nom collectif Labenne Rougier est spécialisée dans le négoce d’outils et de matériaux de construction.
La société Sima 17 est une entreprise générale du bâtiment.
Le 29 juin 2021, la société Labenne Rougier a assigné la société Sima 17 devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux afin d’obtenir le paiement de factures émises en novembre et décembre 2020. La société Sima 17 ne s’est pas présentée à l’audience et n’a pas été représentée.
Par ordonnance prononcée le 3 août 2021, la société Sima 17 a été condamnée à payer à la société Labenne Rougier une provision de 8.983,57 euros outre les intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne, majoré de 10 points de pourcentage à compter de la mise en demeure du 29 mars 2021, outre une somme de 500 euros au titre de l’article 700 et les dépens.
Cette ordonnance a été signifiée le 18 août suivant à la société Sima 17.
Le 31 août 2021, la société Labenne Rougier a fait procéder à la saisie-attribution de la somme de 10.804,98 euros sur le compte bancaire de la société Sima 17.
Par acte du 12 novembre 2021, la société Sima 17 a fait assigner la société Labenne Rougier à titre principal en répétition de l’indu à hauteur de la somme de 10.804,98 euros.
Par jugement prononcé le 21 juillet 2022, le tribunal de commerce a statué ainsi qu’il suit :
– condamne la société Labenne Rougier à payer à la société Sima 17 la somme de 10.804,98 euros ;
– condamne la société SIMA 17 à payer à la société Labenne Rougier la somme de 10.804,98 euros à titre de dommages et intérêts ;
– ordonne la compensation des sommes auxquelles les parties sont condamnées ;
– laisse à la charge des parties les frais irrépétibles, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qu’elles ont engagés ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– fait masse des dépens et condamne les parties à les payer pour moitié par chacune d’entre elles.
La société Sima 17 a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 6 septembre 2022.
La société Labenne Rougier a formé un appel incident.
***
Par dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2023, la société Sima 17 demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1302 et suivant du code civil, 1240 et suivants du même code,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Labenne Rougier à payer à la société Sima 17 la somme de 10.804,98 euros ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Sima 17 à payer à la société Labenne Rougier la somme de 10.804,98 euros ;
– débouter la société Labenne Rougier de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– la condamner au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens.
***
Par dernières écritures notifiées le 24 juillet 2024, la société Labenne Rougier demande à la cour de :
Vu les articles 1240, 1302-2 et 1302-3 du code civil,
A titre principal,
– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 juillet 2022 en ce qu’il a condamné la société Labenne Rougier à payer à la Société Sima 17 la somme de 10.804,98 euros et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Labenne Rougier ;
Statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée la Société Sima 17 en son action formée à l’encontre de la société Labenne Rougier ;
– débouter la société Sima 17 de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Déclarant recevable la demande reconventionnelle de la société Labenne Rougier,
– condamner la société Sima 17 à payer à la Société Labenne Rougier la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens ;
Subsidiairement,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 juillet 2022 en toutes ses dispositions ;
– condamner la Société Sima 17 à payer à la société Labenne Rougier la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens.
***
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 août 2024.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
1. L’article 1302 du code civil dispose :
« Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
La restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.»
En vertu de l’article 1302-2 du même code, celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d’autrui peut agir en restitution contre le créancier.
Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
2. Au visa de ces textes, la société Sima 17 fait grief au jugement déféré de l’avoir condamnée à payer la somme de 10.804,98 euros à titre de dommages et intérêts à la société Labenne Rougier ; elle explique que la créance de l’intimée devait être recouvrée auprès de la société Sima, seule titulaire d’un compte auprès de la société Labenne Rougier.
L’appelante fait valoir que toutes les factures dont le paiement est réclamé se rapportent à des chantiers sur lesquels est intervenue la société Sima ; que si le prénom du gérant de la société Sima 17 peut y être mentionné, c’est parce que celui-ci travaillait auparavant au sein de la société Sima, gérée par son père.
La société Sima 17 conclut que la présente procédure est le résultat de l’erreur de l’intimée qui a mal renseigné ses factures et tente de recouvrer aujourd’hui contre la société gérée par [Y] [C] les sommes qu’elle ne peut plus recouvrer contre la société gérée par [E] [C], en liquidation judiciaire.
3. La société Labenne Rougier répond que le tribunal de commerce a retenu à tort que la société Sima 17 n’était pas sa débitrice alors que les parties ont bien entretenu des relations contractuelles ; que les deux sociétés Sima et Sima 17 ont volontairement entretenu la confusion par diverses manoeuvres ; que la société Sima 17 n’a jamais élevé la moindre protestation alors qu’elle a reçu une mise en demeure et a été attraite devant le juge des référés puis condamnée au titre des factures litigieuses, condamnation dont elle n’a pas relevé appel, de même qu’elle n’a pas discuté la saisie-attribution opérée en août 2021.
L’intimée ajoute que les factures visées portent la référence de commandes passées en octobre et novembre 2020 et mentionnent l’adresse « [Adresse 6] à [Localité 2] », alors qu’à ces dates le siège social de la société Sima se trouvait toujours [Adresse 1].
Sur ce,
4. Il résulte des mentions des extraits Kbis versés aux débats que Monsieur [E] [C], né le 1er janvier 1970 à [Localité 4] (Turquie), a créé le 1er octobre 2013 une société à responsabilité limitée dénommée Sima, dont le siège social était situé [Adresse 1] à [Localité 3] et qui avait pour activité la réalisation de tous travaux du bâtiment et travaux publics. Cette société a transféré son siège social à [Adresse 5] le 14 décembre 2020, date à laquelle elle a été immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saintes.
Le tribunal de commerce de Saintes a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement au bénéfice de la société Sima le 21 octobre 2021 puis a prononcé sa liquidation judiciaire le 2 décembre 2021.
Monsieur [Y] [C], né le 29 décembre 1988 à Bordeaux, a immatriculé le 24 septembre 2020 au Registre du commerce de Saintes une société à responsabilité limitée dénommée ‘Sima 17’, dont l’activité, commencée le 1er septembre 2020, est l’entreprise générale du bâtiment et dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 2], Charente Maritime.
Les factures dont la société Labenne Rougier réclame le paiement à la société Sima 17 ont émises le 30 novembre 2020 pour 7 d’entre elles et le 31 décembre 2020 pour 5 autres factures, la dernière, émise le 27 novembre 2020 porte sur un achat payé et emporté le même jour ; les douze autres factures font référence à des commandes passées entre le 13 octobre et le 29 décembre 2020.
Ces factures n’ont qu’une seule référence client, le numéro 160185, et sont destinées à l’EURL Sima Construction, [Adresse 6].
5. Or il doit être relevé que la société Sima établie à [Localité 3] était référencée sous le numéro de client 4888 à l’en-tête des factures émises par la société Labenne-Rougier, ainsi qu’il résulte des mentions de la facture émise le 9 septembre 2020 pour une commande passée la veille.
Par ailleurs, la société Sima n’a transféré son siège social en Charente Maritime que le 14 décembre 2020, de sorte que les factures émises à l’adresse de [Localité 2] ne pouvaient la concerner.
Six factures mentionnent l’intervention de Monsieur [Y] [C], dont il est soutenu sans être démontré qu’il aurait travaillé au sein de l’entreprise de son père ; il doit au contraire être souligné que, aux dates des commandes visées par ces factures, Monsieur [Y] [C] avait d’ores et déjà créé son entreprise, au bénéfice de laquelle il intervenait nécessairement.
6. Il en résulte que les factures émises le 31 décembre 2020 qui concernaient le même client référencé sous le même numéro et à la même adresse ne peuvent que concerner la seule Sima 17, établie dès le mois de septembre 2020 à [Localité 2], plusieur semaines avant le transfert du siège social de la société Sima, réalisé le 14 décembre 2020.
7. Il y a lieu en conséquence d’accueillir l’appel incident de l’intimée, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Labenne Rougier à payer à la société Sima 17 la somme de 10.804,98 euros en répétition de sommes indues et, statuant à nouveau, de débouter la société Sima 17 de sa demande de ce chef.
La condamnation de la société Sima 17 au paiement de la somme de 10.804,98 euros à titre de dommages et intérêts doit être également infirmée puisqu’elle faisait droit à une demande subsidiaire de la société Labenne Rougier aux fins de compensation entre les créances respectives et est dès lors sans objet.
8. Enfin, la demande principale de la société Labenne Rougier en paiement de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts sera rejetée, faute pour l’intimée de démontrer le principe du préjudice allégué.
9. La société Sima 17, partie succombante tenue au paiement des dépens de première instance et d’appel, sera condamnée à payer à la société Labenne Rougier la somme de 2.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Infirme le jugement prononcé le 21 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Sima 17 de l’ensemble de ses demandes.
Condamne la société Sima 17 à payer à la société Labenne Rougier la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Sima 17 à payer les dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président