Contexte de l’affaireLa société par actions simplifiée [6], spécialisée dans la sécurité et la sécurité incendie, a été soumise à un contrôle par l’URSSAF Normandie concernant l’application des législations sur les cotisations et contributions obligatoires pour la période de 2020 à 2021. Contrôle et redressementL’URSSAF a demandé la transmission du grand livre de comptabilité par deux lettres recommandées, qui sont revenues non réclamées. En août 2023, l’URSSAF a émis une lettre d’observations, signalant des irrégularités et un redressement de 48 333 euros. Mise en demeure et recoursEn octobre 2023, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer un montant total de 50 749 euros, incluant des majorations de retard. En décembre 2023, M. [Y] [O] a saisi la commission de recours amiable, qui a partiellement annulé certaines taxes. Procédure judiciaireEn avril 2024, la SAS [6] a contesté la décision de la commission devant le tribunal judiciaire de Bobigny. L’affaire a été entendue en septembre 2024, où M. [O] a exposé ses arguments en faveur de l’annulation des redressements. Arguments de la sociétéM. [O] a soutenu que des difficultés liées à la crise sanitaire l’avaient empêché de faire les déclarations nécessaires. Il a également contesté l’absence de décision de Pôle emploi concernant son statut de salarié. Position de l’URSSAFL’URSSAF a demandé au tribunal de déclarer le recours recevable mais de débouter la société de ses demandes, en justifiant que l’absence de demande préalable à la DIRECCTE pour le chômage partiel justifiait le redressement. Décision du tribunalLe tribunal a rejeté la contestation de la SAS [6], validant les redressements notifiés par l’URSSAF. Il a également fait droit à la demande reconventionnelle de l’URSSAF, condamnant la société à payer 11 777 euros. Conséquences et exécutionLes dépens ont été mis à la charge de la SAS [6], et l’exécution provisoire a été ordonnée. Le tribunal a précisé que tout appel devait être interjeté dans un délai d’un mois suivant la notification du jugement. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00940 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZJO4
Jugement du 15 NOVEMBRE 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 15 NOVEMBRE 2024
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 24/00940 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZJO4
N° de MINUTE : 24/02260
DEMANDEUR
S.A.S. [6]
ayant son siège social [Adresse 1]
Représentée par Monsieur [O] [Y], liquidateur
[Adresse 3]
[Localité 5]
DEFENDEUR
URSSAF HAUTE NORMANDIE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Monsieur [D] [H]
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 2 septembre 2024.
Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Madame Dominique RELAV, Greffier.
A défaut de conciliation, l’affaire a été plaidée, le tribunal statuant à juge unique conformément à l’accord des parties présentes et représentées.
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Dominique RELAV, Greffier.
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00940 – N° Portalis DB3S-W-B7I-ZJO4
Jugement du 15 NOVEMBRE 2024
La société par actions simplifiée [6], dont l’activité était la mise à disposition de système de sécurité et la sécurité incendie, a fait l’objet d’un contrôle de l’application des législations relatives aux cotisations et contributions obligatoires de la part de l’URSSAF Normandie pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021.
Dans le cadre de ce contrôle, par deux lettres recommandées, adressées les 6 février et 6 mars 2023, revenues avec la mention “pli avisé et non réclamé”, l’inspecteur du recouvrement a sollicité la transmission du grand livre de comptabilité pour les années 2020 et 2021.
Par lettre recommandée du 22 août 2023, reçue le 4 septembre, l’URSSAF Normandie lui a adressé une lettre d’observations comportant six observations certaines donnant lieu à redressement entraînant un rappel de cotisations et de contributions obligatoires d’un montant de 48 333 euros.
Par lettre du 10 octobre 2023, reçue le 16 octobre, l’URSSAF confirmait les observations suite à contrôle.
Par lettre du 26 octobre 2023, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer la somme de 50749 euros, correspondant à 48 333 euros de cotisations et 2416 euros de majorations de retard.
Par lettre du 12 décembre 2023, M. [Y] [O], pour la SAS [6], a saisi la commission de recours amiable d’un recours contre cette mise en demeure.
Par décision du 7 février 2024, transmise par lettre recommandée du 22 février dont l’accusé de réception est revenu signé, la commission de recours amiable a partiellement fait droit au recours, annulant la taxation forfaitaire pour 2021, soit la somme de 18 362,50 euros et les majorations de retard afférentes.
Par requête reçue le 24 avril 2024, la SAS [6] a saisi le tribunal judiciaire de Bobigny en contestation de la décision de la commission de recours amiable.
A défaut de conciliation possible, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 2 septembre 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
M. [O] [Y], liquidateur de la SAS [6], indique que malgré le courriel adressé par Maître [P] faisant part de sa désignation et d’une demande d’aide juridictionnelle en cours, il renonce à cette demande et sollicite l’examen de son recours. Développant oralement sa requête introductive d’instance, il demande au tribunal d’annuler les chefs de redressement n° 3 – chômage partiel, n° 5 – réduction générale des cotisations et n° 6 – taxation forfaitaire de l’assiette pour l’année 2020.
Au soutien de sa demande, il fait valoir qu’il était dans l’impossibilité de faire la déclaration à la DIRECCTE compte tenu des difficultés engendrées par la crise sanitaire (fermeture du siège social, contraint de rester en Ile-de-France, impossibilité de joindre les administrations …). Il évoque la force majeure.
En ce qui concerne l’absence de décision de pôle emploi pour le dirigeant, il indique qu’il était dans l’ignorance des modalités pratiques pour interroger l’organisme. Il soutient que compte tenu des fonctions techniques et de sous traitance qu’il occupait, il existe nécessairement un lien de subordination.
Sur la fixation forfaitaire de l’assiette, il conteste la lecture de l’URSSAF qui a rejeté les pièces justificatives pour 2020 pour absence de concordance et produit de nouveaux éléments, notamment les bulletins de salaires de mars à septembre 2020 régularisés et un nouveau compte de résultat.
Par conclusions reçues le 30 août 2024 et soutenues oralement à l’audience, l’URSSAF Normandie, régulièrement représentée, demande au tribunal de :
– déclarer recevable le recours de la SAS [6],
– la débouter de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer la décision de la commission de recours amiable,
– condamner la société au paiement de la somme de 11 777 euros, soit 10913 euros de cotisations outre 864 euros de majorations de retard au titre des redressements contestés et non contestés.
Elle fait valoir que le demandeur n’est pas en mesure de justifier d’une demande préalable à la DIRECCTE pour le chômage partiel et qu’en l’absence de cette demande préalable, l’indemnité d’activité partielle ne peut être qualifiée de revenu de remplacement ce qui justifie le redressement.
Elle rappelle que seul pôle emploi peut accorder la participation au régime d’assurance chômage au mandataire titulaire d’un contrat de travail et que c’est le droit à la cotisation chômage qui conditionne le droit à l’application de la réduction générale et au taux réduit d’allocation familiale. En l’absence de preuve de la saisine de pôle emploi par M. [O], elle indique que le redressement est justifié.
Sur la fixation forfaitaire de l’assiette pour l’année 2020, l’URSSAF indique que les annexes 12 et 8 jointes à la requête permettent de prendre en compte les montants figurant sur le nouveau compte de résultat et qu’elle a donc annulé ce chef de redressement pour l’année 2020, soit 19057,88 euros en cotisations et les majorations afférentes ce qui ramène les sommes dues à 11777 euros.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de Procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 4 octobre 2024, prorogé à la date figurant en tête du présent jugement.
La société par actions simplifiée [6] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du Havre le 10 novembre 2017.
Au terme de ses statuts, son capital social constitué de 10 actions de 10 euros chacune est réparti entre M. [Y] [O] (5 actions) et Mme [R] [Z] épouse [O] (5 actions), le premier étant président de la société, la seconde, directrice.
Elle a cessé totalement son activité le 1er janvier 2023. Elle a été radiée le 8 novembre 2023 après clôture des opérations de liquidation le 18 octobre 2023, le liquidateur étant M. [Y] [O].
En droit, la personnalité morale d’une société commerciale subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.
Sur le chef de redressement n° 3 – chômage partiel
La lettre d’observations détaille les conditions dans lesquelles l’activité partielle peut être mise en place et les mesures particulières prises dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid 19. Elle rappelle que l’employeur doit être en mesure de prouver qu’il a effectué une demande d’activité partielle auprès de la Direccte pour justifier le versement aux salariés d’indemnités d’activité partielle.
En l’espèce, il résulte des constats Faits par les inspecteurs que la société a versé des indemnités au titre de l’activité partielle à M. [O] en mars 2021 ce qui n’est pas contesté par la société.
M. [O] évoque des difficultés matérielles, l’absence d’information et l’absence de perception de toute aide au titre du dispositif pour solliciter la clémence de l’organisme de recouvrement. Il produit également un échange de courriel avec la DDETS 76 activité partielle qui confirme qu’aucune demande d’autorisation préalable à l’activité partielle n’a été saisie dans le logiciel.
Il suit de là qu’en l’absence de demande formulée auprès de la Direccte, l’URSSAF a, à bon droit, notifié ce chef de redressement.
La contestation de la société sera rejetée.
Sur les chefs de redressement n° 4 et 5 – réduction du taux de cotisation AF et réduction générale
Aux termes de l’article L. 5312-12-2 du code du travail, “Pôle emploi se prononce de manière explicite sur toute demande d’un employeur concernant un de ses mandataires sociaux ou d’une personne titulaire d’un mandat social ayant pour objet de déterminer son assujettissement à l’obligation d’assurance contre le risque de privation d’emploi prévue à l’article L. 5422-13.
La décision ne s’applique qu’à la personne objet de cette demande et est opposable pour l’avenir à son employeur, à Pôle emploi et aux organismes en charge du recouvrement des contributions d’assurance chômage tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation a été appréciée n’a pas été modifiée. […]”
La lettre d’observations rappelle que pour pouvoir bénéficier des réductions de cotisations, le mandataire qui est également salarié doit justifier d’une réponse de Pôle emploi sur son assujettissement à l’obligation d’assurance contre le risque de privation d’emploi.
M. [O] estime que sa situation de salarié doit être reconnue, malgré l’absence d’attestation Pôle emploi. Il produit une attestation lui refusant le bénéfice d’une indemnité pour insuffisance de cotisations. Il soutient que l’organisme faisant état d’une insuffisance de cotisations, il ne s’agit pas d’une absence de cotisations.
Si les bulletins de salaire de M. [Y] comportent une ligne assurance chômage, certains mentionnent aussi “évolution de la rémunération liée à la suppression des cotisations chômage”, ce qui, contrairement à ce que soutient le salarié, ne permet pas de retenir qu’il a effectivement cotisé.
En tout état de cause, seule une décision explicite de Pôle emploi permettrait d’établir qu’il a été assujetti. En l’absence d’une telle décision, les redressements sont justifiés et la contestation du demandeur sera rejetée.
Les contestations de M. [O] pour le compte de la société étant écartée, le redressement est justifié. Celui-ci ne démontrant pas s’être acquittée des sommes réclamées dans la mise en demeure, il convient de faire droit à la demande reconventionnelle en paiement formulée par l’URSSAF, ramenée à la somme de 11 777 euros compte tenu de l’annulation de la taxation forfaitaire au titre de l’année 2020.
Sur les mesures accessoires
En application de l’article 696 du code de Procédure civile, les dépens seront mis à la charge de la SAS [6] qui succombe.
L’exécution provisoire sera ordonnée en application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Rejette la contestation de la SAS [6] du redressement notifié par lettre d’observations du 22 août 2023 délivrée par l’URSSAF Normandie ;
Valide les chefs de redressements contestés – chômage partiel et réduction des cotisations ;
Fait droit à la demande reconventionnelle en paiement présentée par l’URSSAF ;
Condamne la SAS [6] à payer à l’URSSAF Normandie la somme de 11 777 euros, soit 10 913 euros de cotisations et 864 euros de majorations de retard au titre des redressements maintenus pour les années 2020 et 2021 ;
Met les dépens à la charge de la SAS [6] ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe, la Minute étant signée par :
La greffière La présidente
Dominique RELAV Pauline JOLIVET