Conflit autour de l’exécution d’un contrat de rénovation : enjeux d’expertise et de paiement en litige

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Conflit autour de l’exécution d’un contrat de rénovation : enjeux d’expertise et de paiement en litige

Contexte des Travaux

Monsieur [P] a entrepris des travaux de rénovation de sa maison à [Localité 5] et a engagé Monsieur [V] [S], architecte DPLG, pour la conception. La société BATIFERE a été choisie pour réaliser les travaux, avec un devis établi le 24 avril 2023 pour un montant de 71 170 euros TTC.

Assignation en Justice

Le 10 juin 2024, Monsieur [P] a assigné la société BATIFERE en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles, demandant une expertise, le paiement d’une provision de 6000 euros pour les frais d’expertise, ainsi que des sommes pour le montant du devis, des dommages-intérêts et des frais de justice.

État d’Avancement des Travaux

Monsieur [P] a signalé que le chantier était en souffrance et non achevé, malgré plusieurs tentatives de conciliation. Un rapport technique du cabinet ISTIA a révélé des malfaçons et un non-respect des normes en vigueur, corroboré par un constat d’huissier.

Réponse de la Société BATIFERE

La société BATIFERE a reconnu que des travaux avaient été partiellement exécutés, mais a contesté les demandes de Monsieur [P], affirmant que ce dernier avait arrêté les paiements et avait commandé des travaux supplémentaires non réglés. BATIFERE a également informé Monsieur et Madame [P] de l’arrêt des prestations en raison d’impayés.

Demande d’Expertise Judiciaire

Le tribunal a jugé que la demande d’expertise était légalement admissible, considérant que les allégations de Monsieur [P] étaient fondées et justifiées par des preuves. L’expertise a été ordonnée pour évaluer les désordres et malfaçons.

Décision sur les Demandes de Provision

Le tribunal a estimé que les obligations contractuelles des parties étaient contestées, rendant prématuraires les demandes de provisions pour travaux et dommages-intérêts. La demande de provision ad litem a été rejetée.

Frais et Dépens

Aucune des parties n’étant considérée comme succombante au stade de l’expertise, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens ont été mis à la charge du demandeur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG
24/00871
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
22 OCTOBRE 2024

N° RG 24/00871 – N° Portalis DB22-W-B7I-SBF6
Code NAC : 54G
AFFAIRE : [Y] [P] C/ S.A.R.L. BATIFERE

DEMANDEUR

Monsieur [Y] [P]
né le 14 Mars 1956 à MAROC ([Localité 3]),
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Bruce AOUDAI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A 198, Me Anne-lise ROY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 343

DEFENDERESSE

SOCIETE BATIFERE
Société à responsabilité limitée, ayant son siège [Adresse 1], immatriculée au RCS d’EVRY sous le numéro 790 040 612 00026, représentée par son Gérant Monsieur [B] [G] élisant domicilie audit siège,
représentée par Me Alexandre OPSOMER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 481

Débats tenus à l’audience du : 24 Septembre 2024

Nous, Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, assistée de Virginie DUMINY, Greffier,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 24 Septembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 22 Octobre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] a souhaité réaliser des travaux de rénovation et modification de sa maison située [Adresse 2] à [Localité 5] (78). Pour la conception des travaux, il a fait appel à Monsieur [V] [S], architecte DPLG. Pour la réalisation de ces travaux, il a fait appel à la société BATIFERE. Il a été régularisé le devis n°DEV-2023-0002 pour un montant de 71 170 euros TTC.

Par acte de Commissaire de Justice en date du 10 juin 2024, M. [Y] [P] a assigné la société BATIFERE en référé devant le Tribunal judiciaire de Versailles aux fins de voir :
– ordonner une expertise,
– condamner la société BATIFERE au paiement d’une provision d’un montant de 6000 euros correspondant au frais que nécessite l’expertise judiciaire,
– condamner la société BATIFERE à leur payer la somme de 71170 euros,
– condamner la société BATIFERE à leur payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts, correspondant au préjudice d’ores et déja subi
– condamner la société BATlFERE à leur payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Il expose que le 24 avril 2023, la société BATIFERE a établi un devis de travaux pour un montant de 71170 euros TTC et qu’à ce jour, malgré de vaines tentatives de conciliation, ce chantier est en souffrance, non livré et inachevé ; que le rapport technique réalisé par le cabinet ISTIA du 15 décembre 2023 est consternant, soulignant que les travaux sont réalisés en dépit du bon sens, en ne respectant pas les normes en vigueur, et est corroboré par le constat d’huissier.

Aux termes de ses conclusions, la défenderesse sollicite de voir :
– lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande d’expertise judiciaire formée, mais rappelle que l’expert qui sera désigné n’aura pas à rechercher des désordres et s’en tiendra strictement : aux défauts et malfaçons allégués dans l’assignation de Monsieur [P], à mettre en évidence dans quelle mesure le maître d’ouvrage n’a pas procédé au paiement des travaux réalisés, à faire le compte entre les parties,
– condamner Monsieur [P] à prendre à sa charge les entiers frais d’expertise judiciaire,
– dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnation provisionnelle,
– débouter Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes, pour ce qui concerne le surplus.

Elle fait valoir que les travaux sont partiellement exécutés par la société BATIFERE, et que Monsieur [P] a arrêté de payer la société BATIFERE et a également commandé de nombreux travaux supplémentaires à la société, travaux intégralement effectués mais partiellement payés ; que le 8 novembre 2023, la société BATIFERE adressait un courrier à Monsieur et Madame [P] pour les informer de l’avancée des travaux et constaté l’absence de paiement des factures émises, puis le 18 décembre 2023, adressait un courrier recommandé avec accusé de réception au maître d’ouvrage afin de l’informer de l’arrêt des prestations en raison de l’importance des impayés constatés dans le cadre des différents devis pour un montant total de 27 420,50 euros ; que le 3 janvier 2024, Monsieur et Madame [P] contestaient par courriel avoir signé le devis n°DEV 2023-0002 ; qu’ils ne procédaient à aucun règlement au titre des factures et mandataient le cabinet ISTIA à l’effet de réaliser une expertise non-contradictoire (rapport ISTIA en date du 15 décembre 2023) et un commissaire de justice (constat du 7 décembre 2023) ; qu’un accord intervenait sur les modalités financières permettant la reprise et l’achèvement des prestations contractuelles de la société BATIFERE ; que Monsieur et Madame [P] ne procédaient pas toutefois au versement convenu de telle manière que la société BATIFERE ne reprenait pas ses prestations.

Elle formule dès lors protestations et réserves d’usage sur la demande d’expertise judiciaire et relève que la demande provisionnelle est sujette à des contestations sérieuses, l’obligation à paiement n’étant pas établie à hauteur de référé ; qu’il est manifeste que les désordres relevés au cours de l’expertise amiable non contradictoire ressortent d’une inexécution légitime de la société BATIFERE au titre de l’arrêt des paiements dus par le maître d’ouvrage, et qu’en tout état de cause, la demande prétendument provisionnelle de condamnation au paiement de la somme de 71 170 euros correspond au montant du devis DEV-2023-0002 lequel est partiellement exécuté et partiellement impayé.

La décision a été mise en délibéré au 22 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la demande d’expertise

L’article 143 du code de procédure civile dispose que « Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 232 du code de procédure civile ajoute que « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d’un technicien. »

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».

En l’espèce, la mesure demandée est légalement admissible ; le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ; la prétention du demandeur n’est pas manifestement vouée à l’échec ; le demandeur, dont les allégations ne sont pas imaginaires et présentent un certain intérêt, justifie, notamment par le constat de Commissaire de justice et le rapport d’expertise amiable, du caractère légitime de sa demande.

En conséquence, il sera fait droit à la demande dans les conditions détaillées au dispositif.

Sur les demandes de provisions

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le Président du Tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Les obligations contractuelles réciproques des parties se heurtent d’évidence à des contestations sérieuses, rendant prématurées l’octroi de provisions au titre des travaux et de dommages-intérêts.

Il n’y a donc pas lieu à référé sur ces demandes.

La demande de provision ad litem, non justifiée, sera rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Au stade de l’expertise, aucune des parties n’est considérée comme succombante, il n’y a donc pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront à la charge du demandeur.

PAR CES MOTIFS

Nous, Gaële FRANCOIS-HARY, Première Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant en qualité de Juge des référés, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe après débats en audience publique :

Ordonnons une expertise,

Commettons pour y procéder M. [J] [M], expert, inscrit sur la liste de la Cour d’appel de Versailles, avec mission de :
* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,
* se faire remettre toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
* se rendre sur les lieux et en faire la description,
* relever et décrire les désordres, malfaçons et inachèvements affectant l’immeuble litigieux, allégués dans l’assignation et résultant des pièces produites,
* en détailler les causes et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels fournisseurs ou intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, dans quelle proportion,
* indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,
* évaluer, notamment au vu de devis communiqués par les parties, les solutions et travaux nécessaires pour remédier tant aux désordres qu’aux dommages conséquents et en chiffrer le coût,

* préciser et évaluer les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons et inachèvements et par les solutions possibles pour y remédier,
* donner son avis sur les comptes présentés par les parties,
* rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties,
* mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, par le dépôt d’un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu’il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport,

Disons que l’expert pourra, si besoin est, se faire assister de tout sapiteur de son choix,

Fixons à 4000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versé par le demandeur, au plus tard le 15 janvier 2025, entre les mains du régisseur d’avance de recettes de cette juridiction, sous peine de caducité,

Impartissons à l’expert, pour le dépôt du rapport d’expertise, un délai de 8 mois à compter de l’avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision,

Disons qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d’expertise,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provisions au titre des travaux et des dommages-intérêts,

Rejetons la demande de provision ad litem,

Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Disons que les dépens seront à la charge du demandeur.

Prononcé par mise à disposition au greffe le VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Gaële FRANÇOIS-HARY, Première Vice-Présidente, assistée de Virginie DUMINY, Greffier, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

Le Greffier La Première Vice-Présidente

Virginie DUMINY Gaële FRANÇOIS-HARY


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