Constitution du prêt et de l’assuranceLe 17 janvier 2015, M. [T] [N] et Mme [I] [N] ont contracté un prêt de 48.185 euros remboursable sur 84 mois auprès du Crédit agricole. Ils ont également souscrit à un contrat d’assurance collective auprès de CNP Assurances, incluant des garanties d’incapacité temporaire totale (ITT) et d’invalidité totale (INV). Accident et conséquences médicalesLe 19 mars 2015, M. [N] a subi un accident de ski entraînant une fracture du col fémoral et une prothèse de hanche. Après avoir repris son travail de chauffeur routier, il a été licencié pour inaptitude en novembre 2015. M. [N] a subi deux opérations supplémentaires en 2016 et 2017, et a reçu une pension d’invalidité de 2ème catégorie en juin 2017, suivie d’une mise à la retraite pour inaptitude en décembre 2018. Événements médicaux ultérieursLe 20 août 2018, M. [N] a connu une paralysie partielle, probablement due à un accident ischémique transitoire. En 2019, une échographie a révélé une fuite mitrale mineure. CNP Assurances a commencé à intervenir pour la garantie ITT à partir de mai 2016, mais a cessé la prise en charge après le 8 février 2019, date à laquelle M. [N] a été jugé apte à exercer une activité professionnelle. Contestation de la décision de CNP AssurancesM. [N] a contesté la décision de CNP Assurances, demandant la prise en charge des mensualités jusqu’à son 65ème anniversaire, en raison de son état de santé. CNP Assurances a confirmé la cessation de la garantie, précisant qu’elle n’était pas tenue de suivre les décisions de la Sécurité Sociale. Procédure judiciaireM. [N] a assigné CNP Assurances et le Crédit agricole devant le tribunal judiciaire de Paris en juillet 2019. La procédure a été clôturée en décembre 2023, après plusieurs échanges de conclusions et une expertise médicale. Arguments des partiesM. [N] a soutenu qu’il était en état d’invalidité totale, tandis que CNP Assurances a affirmé qu’il était apte à exercer une activité professionnelle. Le Crédit agricole a été accusé de ne pas avoir informé M. [N] sur les risques couverts par l’assurance. Décision du tribunalLe tribunal a débouté M. [N] de ses demandes contre CNP Assurances et le Crédit agricole, concluant que l’exclusion de garantie pour les affections cardiaques et vasculaires s’appliquait à son cas. M. [N] a été condamné aux dépens, et chaque partie a conservé la charge de ses frais irrépétibles. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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4ème chambre 1ère section
N° RG 19/10005
N° Portalis 352J-W-B7D-CQSM2
N° MINUTE :
Assignations du :
26 et 30 Juillet 2019
JUGEMENT
rendu le 29 Octobre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [T] [N]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Me Elodie DENIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0317
DÉFENDERESSES
S.A. CNP ASSURANCES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Virginie SANDRIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #115
CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE BRIE PICARDIE
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-philippe GOSSET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0812
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge
assistés de Nadia SHAKI, Greffier,
Décision du 29 Octobre 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 19/10005 – N° Portalis 352J-W-B7D-CQSM2
DÉBATS
A l’audience du 04 Septembre 2024 tenue en audience publique devant Madame MASMONTEIL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Le 17 janvier 2015, M. [T] [N] et Mme [I] [N] (ci-après les époux [N]) ont contracté un prêt d’un montant de 48.185 euros remboursable en 84 mois auprès de la société coopérative à capital variable La Caisse du crédit agricole mutuel de Brie Picardie (ci-après le Crédit agricole).
Parallèlement, les époux [N] ont rempli une demande d’adhésion au contrat d’assurance collective des emprunteurs souscrit par le Crédit agricole auprès de la société anonyme CNP Assurances (ci-après CNP Assurances), comportant notamment une garantie incapacité temporaire totale (ITT) et une garantie invalidité totale (INV).
La demande d’admission de M. [N] a été acceptée par courrier de CNP Assurances du 28 janvier 2015, une exclusion de garantie étant stipulée concernant tout sinistre qui résulterait d’affections cardiaques et/ou vasculaires.
Le 19 mars 2015, M. [N] a été victime d’un accident de ski qui a conduit à une fracture traumatique du col fémoral et à la pose d’une prothèse complète de la hanche gauche. Il a repris son activité professionnelle de chauffeur routier, puis a été licencié pour inaptitude, par courrier du 13 novembre 2015.
M. [N] a subi deux nouvelles opérations chirurgicales les 28 février 2016 et 9 mai 2017.
A compter du 1er juin 2017, M. [N] s’est vu délivrer par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne une pension d’invalidité 2ème catégorie. A compter du 1er décembre 2018, M. [N] a fait l’objet d’une mise à la retraite au titre de l’inaptitude au travail.
Le 20 août 2018, M. [N] a été victime d’une paralysie partielle du côté gauche, le compte rendu d’hospitalisation faisant état d’un « probable AIT (Accident Ischémique Transitoire ou Accident Vasculaire Cérébral) ».
Au cours de l’année 2019, une échographie cardiaque a objectivé une fuite mitrale mineure de grade I, tandis que persistait une hypoesthésie de l’hémicorps gauche.
CNP Assurances est intervenue au titre de la garantie ITT à compter du 28 mai 2016, après application de la franchise contractuelle de 90 jours. La prise en charge par CNP Assurances au titre de l’assurance-crédit souscrite s’est poursuivie au titre de la garantie ITT jusqu’au 8 février 2019.
Conformément aux dispositions contractuelles, un contrôle médical a été réalisé par le docteur [D] [U] le 8 février 2019, afin de déterminer si l’état de M. [N] lui permettait de bénéficier des garanties du contrat.
Sur la base de ses conclusions qui contredisaient le certificat médical du docteur [B] [R] du 12 janvier 2019 produit par M. [N], le service assurance emprunteur du Crédit agricole a informé ce dernier, par un courrier du 19 février 2019, qu’il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour bénéficier de la garantie ITT, et que l’assureur l’ayant reconnu apte à exercer partiellement une autre activité professionnelle à compter du 8 février 2019, la prise en charge des échéances de son prêt ne pouvait se poursuivre au-delà du 7 février 2019 au titre de la garantie invalidité totale (INV).
Par lettre du 21 février 2019, M. [N] a contesté la décision de CNP Assurances en demandant la prise en charge des mensualités jusqu’à son 65ème anniversaire, conformément à l’article 16 du contrat d’assurance, au regard de son état de santé et du bénéfice d’une pension d’invalidité 2ème catégorie transformée en pension de retraite pour inaptitude au travail.
Par lettre du 29 mars 2019, CNP Assurances a confirmé la fin de sa garantie rappelant les termes suivants de l’article 20.3.1 : » L’assureur n’est pas tenu de suivre les décisions de la Sécurité Sociale, de la CDAPH (…) ou d’un organisme assimilé. (…) ».
Contestant cette réponse, M. [N] a attrait CNP Assurances et le Crédit agricole devant le tribunal judiciaire de Paris, par assignations des 26 et 30 juillet 2019.
La procédure a fait l’objet d’une première clôture par ordonnance du 30 novembre 2021.
Aux termes d’un jugement du 8 novembre 2022, la présente juridiction a rejeté la demande tendant à voir réputer non écrite la clause de l’article 20.3.2 du contrat d’assurance portant sur la définition de la garantie invalidité totale (INV), et a ordonné, avant dire droit, une mesure d’expertise confiée au docteur [W] [G].
Celui-ci a déposé son rapport le 30 juin 2023.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2023, M. [N] demande au tribunal de :
« Vu l’article 212-1 du Code de la Consommation,
Vu l’article 1103 du Code Civil,
-Dire et Juger que la CNP doit sa garantie,
En conséquence,
– Condamner la CNP ASSURANCES à garantir Monsieur [T] [N] du paiement des mensualités du crédit immobilier entre le 8 février 2019 et le 12 mars 2021 date de la vente du bien immobilier.
– Condamner la CNP ASSURANCES à payer à Monsieur [T] [N] la somme de 16.112,31 € € au titre des mensualités d’ores et déjà échues au 12 mars 2021, date de la vente.
– Débouter la CNP ASSURANCES et le CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE de l’intégralité de leurs demandes.
A titre subsidiaire, vu l’article 1147 ancien du Code Civil :
– Condamner le CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE à payer à Monsieur [T] [N] la somme de 16.112,31 €.
– Condamner in solidum le CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE et la CNP CPASSURANCES à payer à Monsieur [T] [N] la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– Condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Me Elodie DENIS
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ».
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2023, CNP Assurances demande au tribunal de :
« A titre principal
– Juger que l’état de Monsieur [T] [N] ne répond pas à la définition de la garantie invalidité Totale ;
En conséquence,
– Débouter Monsieur [N] de sa demande tendant à voir condamner CNP ASSURANCES à la mobilisation de la garantie contractuelle relative à l’invalidité Totale (INV) postérieurement au 8 février 2019 ;
– Débouter Monsieur [T] [N] de sa demande de paiement de la somme de 16.112,31 euros,
– Débouter Monsieur [T] [N] de sa demande de prise en charge du prêt entre le 8 février 2019 et le 12 mars 2021 ;
– Débouter Monsieur [T] [N] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de CNP ASSURANCES
– Rejeter toute demande de demande de condamnation à des dommages-intérêts ainsi qu’au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Subsidiairement, si par impossible, la garantie de CNP ASSURANCES était mobilisée,
– Juger que la prise en charge de CNP ASSURANCES ne peut s’effectuer que dans les termes et limites du contrat d’assurance, et au profit de l’organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d’assurance,
– Rejeter en totalité l’exécution provisoire,
A titre plus infiniment subsidiaire, pour le cas où l’exécution provisoire ne serait pas écartée,
– Ordonner, en application de l’article 521 Code de procédure civile, la consignation des sommes dues le cas échéant par CNP ASSURANCES sur un compte séquestre jusqu’à la fin de la procédure et l’épuisement des voies de recours, le tiers dépositaire pouvant être Maître Virginie SANDRIN, avocat de CNP ASSURANCES,
A titre plus infiniment subsidiaire encore,
– Ordonner, à la charge de Monsieur [T] [N], la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations, sur le fondement de l’article 514-5 du Code de procédure civile.
En tout état de cause,
– Condamner Monsieur [T] [N] à verser à CNP ASSURANCES la somme de 2.400 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Virginie SANDRIN ».
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2023, le Crédit agricole demande au tribunal de :
« Vu l’article 1147 ancien nouveau 1231 -1et 1150 nouveau 1231-3 du Code civil,
Vu les pièces et jurisprudences versées aux débats,
(…)
RECEVOIR le CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE en ses conclusions, l’y déclarant bienfondé,
JUGER que le CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE n’a absolument pas engagé sa responsabilité à l’égard de Monsieur [N],
DEBOUTER par conséquent Monsieur [N] de l’intégralité de ses demandes infondées en leurs principe et quantum,
En tout état de cause :
CONDAMNER Monsieur [N] à verser au CREDIT AGRICOLE BRIE PICARDIE la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Le CONDAMNER aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jean-Philippe GOSSET, avocat aux offres de droit en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
DEBOUTER Monsieur [N] de sa demande d’exécution provisoire ».
La clôture de la procédure a été prononcée le 12 décembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « juger » et « dire et juger » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes », si elles ne constituent pas une prétention, et elles ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Sur la garantie de CNP Assurances
M. [N] fait valoir qu’il a été reconnu inapte à toute activité professionnelle aux termes d’un certificat médical du 12 janvier 2019 du docteur [R], ce qui a été confirmé d’un point de vue strictement médical par l’expert désigné par le tribunal. Il indique que c’est toutefois par une appréciation inexacte que ce dernier praticien a procédé à une analyse juridique du contrat, en décidant de pondérer l’invalidité fonctionnelle et le taux d’incapacité professionnelle de moitié au regard de l’exclusion de garantie convenue entre les parties. Il soutient qu’une telle appréciation ne peut être faite que par le juge et non par l’expert.
Il critique les propos de l’expert lequel relève l’existence, sur le plan vasculaire, d’antécédents avec un accident ischémique cérébral justifiant l’exclusion de garantie au titre des affections cardiaques et vasculaires. Il rappelle que l’accident ischémique cérébral dont il a été victime est intervenu le 20 août 2018 et ne peut, par voie de conséquence, être considéré comme un antécédent au jour du contrat conclu le 18 janvier 2015. Il en déduit que l’exclusion de garantie ne concerne pas les conséquences de cet accident, celles-ci devant être prises en compte dans l’évaluation de sa capacité à exercer une activité professionnelle ou une activité habituelle non professionnelle.
Il prétend en outre qu’il n’a jamais été démontré que l’accident ischémique cérébral du 20 août 2018 ait pu découler de l’arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire remontant à l’année 2009, et que, dans ces conditions, l’exclusion ne pouvait concerner que l’arythmie cardiaque.
Il explique que son état de santé doit être apprécié de manière globale, sans exclusion de quelques pathologies que ce soient. Il en conclut que la garantie invalidité lui est due jusqu’au 12 mars 2021, date à laquelle il a vendu son bien immobilier.
En réponse, CNP Assurances rappelle que selon les conclusions du docteur [U], M. [N] a été déclaré apte à exercer au moins partiellement son activité professionnelle, ou totalement une autre activité professionnelle, et en tout état de cause capable d’exercer ses activités non professionnelles habituelles. Elle conteste les griefs émis par le demandeur relatifs à la pondération effectuée par le docteur [G] estimant que cette appréciation relève de sa mission.
Elle expose qu’il ressort de l’expertise que l’arythmie complète par fibrillation auriculaire diagnostiquée en 2004, traitée par bithérapie, a évolué par crises paroxystiques et a été responsable d’un accident ischémique transitoire en août 2018. Elle rappelle que tout sinistre résultant d’affections cardiaques ou vasculaires ne peut, que celles-ci soient nées avant ou après l’adhésion au contrat, donner lieu à une prise en charge. Elle en déduit que les conséquences de l’accident du 20 août 2018 ne peuvent pas être prises en compte dans l’évaluation des taux d’incapacité fonctionnelle et professionnelle de M. [N].
Enfin, elle réfute l’argumentaire adverse et rappelle que l’exclusion s’applique à toutes les garanties, y compris la garantie invalidité.
Sur ce,
Aux termes de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable à la cause, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
En application de l’article 1315 ancien du même code, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
En matière d’assurance, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie et à l’assureur qui invoque une clause d’exclusion de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.
En l’espèce, la notice d’information du contrat souscrit par M. [N] prévoit à l’article 20.3.2 :
« Vous êtes en état d’invalidité Totale lorsque, en cours d’assurance, les deux conditions suivantes sont réunies cumulativement :
1. A l’issue d’un état d’incapacité Temporaire Totale défini à l’article 20.3.1, vous vous trouvez dans l’impossibilité reconnue médicalement, d’exercer, même à temps partiel, une quelconque activité professionnelle ou une activité habituelle non professionnelle.
2. Cette invalidité doit être justifiée par la production des pièces prévues à l’article 21.5
« Pièces justificatives à fournir ». ».
Les « pièces justificatives » à fournir en cas d’invalidité totale sont les suivantes :
« une Attestation Médicale d’Incapacité – Invalidité préétablie, tenue à votre disposition chez le Prêteur, à compléter par vos soins et avec l’aide de votre médecin.
Joindre également :
– pour les salariés : une copie de la notification par votre organisme de protection sociale de votre mise en invalidité de 2ème ou 3ème catégorie, ou une copie de la notification d’attribution d’une rente correspondant à un taux d’invalidité supérieur à 66% ;
– pour les fonctionnaires et assimilés : une copie de l’avis du Comité Médical ou de la Commission de Réforme, et une copie de l’arrêté de position administrative ou une copie du titre de pension :
– pour les personnes sans profession, les demandeurs d’emploi et les retraités : un certificat médical précisant les périodes d’incapacité à vos activités habituelles non professionnelles, même à temps partiel. (…) ».
La notice précise en outre à l’article 22 que « la production des justificatifs définis aux points 21.2, 21.3, 21.4 et 21.5 est indispensable mais nullement suffisante pour obtenir les prestations. En effet, au terme de l’examen de l’ensemble des pièces médicales et/ou administratives fournies, l’Assureur détermine si vous êtes en état de PTIA, d’ITT, d’INV ou d’IA au sens du contrat et peut :
– accepter la prise en charge,
– refuser la prise en charge,
– arrêter la prise en charge,
– suspendre la prise en charge dans l’attente de la production de justificatifs supplémentaires et/ou des conclusions du rapport d’une visite médicale effectuée à la demande de l’Assureur auprès d’un médecin désigné par ce dernier et à ses frais.
Les conclusions de la visite médicale peuvent conduire à une cessation de prise en charge par l’Assureur ».
M. [N] ne conteste pas le périmètre du contrat d’assurance, lequel excluait la prise en charge de tout sinistre résultant d’affections cardiaques et/ou vasculaires.
Selon la littérature scientifique non contestée visée par l’expert, l’accident vasculaire cérébral se définit comme « la mort du tissu cérébral (…) due à une insuffisance d’apport de sang et d’oxygène au cerveau qui est causé par l’obstruction d’une artère ».
Il en résulte de manière certaine que l’accident ischémique transitoire ou accident vasculaire cérébral dont M. [N] a été victime le 20 août 2018 constitue un sinistre résultant d’une affection cardiaque et/ou vasculaire au sens de l’exclusion de garantie convenue entre les parties.
Il est constant et confirmé par l’expertise du docteur [G] que M. [N] présente plusieurs pathologies et affections, notamment sur le plan neurovasculaire du fait de l’accident ischémique transitoire ou accident vasculaire cérébral précité. Il n’est pas non plus contesté par M. [N] que les affections qu’il supporte sur le plan neurovasculaire ont une incidence sur son état de santé général.
Dans ces conditions, M. [N] ne peut être suivi lorsqu’il affirme que les conséquences de son accident vasculaire ischémique cérébral doivent être prises en compte dans l’évaluation de sa capacité à exercer une activité professionnelle ou une activité habituelle non professionnelle. Au contraire, l’exclusion convenue dès la prise d’effet du contrat devait nécessairement conduire l’expert à écarter ces affections de cette évaluation, peu important la date et les causes de l’accident.
C’est donc à juste titre que, pour évaluer les taux d’invalidité fonctionnelle et d’incapacité professionnelle, l’expert ne s’est attaché qu’aux seules séquelles résultant de l’accident du 19 mars 2015 sans prendre en compte celles imputables aux pathologies qui font l’objet de l’exclusion de garantie. Il conclut alors à un taux d’invalidité fonctionnelle de 33% et à un taux d’incapacité professionnelle de 50%, l’état de M. [N] n’étant pas selon lui incompatible avec une activité professionnelle à temps partiel, conclusions à l’encontre desquelles M. [N] ne formule aucune critique à l’exception de la pondération liée à l’exclusion de garantie.
M. [N] ne justifie pas d’autres stipulations lui permettant, comme il le soutient, de ne pas faire application de l’exclusion litigieuse au titre de la garantie invalidité et de prendre en compte toutes ses pathologies et son état de santé de manière globale.
Ne se trouvant pas dans l’impossibilité reconnue médicalement d’exercer, même à temps partiel, une activité professionnelle ou une activité habituelle non professionnelle, il ne peut pas être considéré comme étant en état d’invalidité totale au regard du contrat et mettre en jeu la garantie Invalidité totale de CNP Assurances à ce titre.
Dans ces conditions, CNP Assurances a, à juste titre, cessé toute prise en charge au titre du prêt à compter du 8 février 2019, date à laquelle l’état de santé de M. [N] a été reconnu consolidé.
En conséquence, M. [N] sera débouté :
– de sa demande tendant à voir condamner CNP Assurances à garantir le paiement de ses mensualités du crédit immobilier souscrit auprès du Crédit agricole entre le 8 février 2019 et le 12 mars 2021,
– de sa demande tendant à voir condamner CNP Assurance à lui payer la somme de 16.112,31 euros au titre des mensualités d’ores et déjà échues au 12 mars 2021, date de la vente du bien immobilier.
Sur la responsabilité contractuelle du Crédit agricole
Au visa de l’article 1147 ancien du code civil et de l’arrêt de l’Assemblée Plénière du 2 mars 2007 (n°06-15.267), M. [N] reproche au Crédit agricole de ne pas l’avoir éclairé sur l’adéquation des risques couverts par l’assurance avec sa situation personnelle, et sur la notion « d’inaptitude » au sens de la police d’assurance, pouvant légitimement penser que cette notion se référait à sa seule profession de chauffeur routier. Il soutient ainsi que la notice d’information ne définit pas de manière claire et précise les risques garantis, puisqu’il pensait pouvoir bénéficier, en raison de son invalidité 2ème catégorie ou de sa mise à la retraite pour inaptitude, d’une des garanties convenues.
En réponse, le Crédit agricole expose avoir satisfait son devoir d’information à l’égard de M. [N] en lui remettant la notice d’information ainsi qu’une fiche d’information et de conseil à l’issue d’un entretien visant à réaliser un bilan complet de sa situation.
Il rappelle ensuite que CNP Assurances a dans un premier temps accepté d’assurer M. [N], puis a décidé, dans un second temps, de mettre fin à sa garantie en raison des conclusions d’un nouvel examen médical. Il en déduit que le refus de couverture opposé à M. [N] relève d’une appréciation médicale et non d’un défaut d’information sur le périmètre des risques souscrits dont il est demandé la garantie ou de son âge.
Sur ce,
En vertu de l’article L 312-9 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au moment de la souscription du contrat d’assurance par M. [N], « Lorsque le prêteur propose à l’emprunteur un contrat d’assurance en vue de garantir en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées :
1° Au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l’assurance ; (…) ».
Conformément à l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable à la cause, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».
Il est admis que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.
En l’espèce, M. [N] ne conteste pas avoir reçu du Crédit agricole la notice d’information ainsi qu’une « fiche d’information et de conseil » réalisée à l’issue d’un entretien personnalisé. La fiche précitée, qu’il a paraphée, présente une partie relative à sa situation personnelle, aux caractéristiques du prêt immobilier souscrit, ainsi qu’une présentation de l’« éventail des garanties d’assurances » proposées. S’en suivent alors différentes définitions, reprenant celles de la notice, portant sur les garanties et leurs conditions de mise en jeu. Une autre partie fait état des « échanges » intervenus entre le conseiller du Crédit agricole et M. [N] sur « les risques liés au non-remboursement total ou partiel » du prêt en cas de décès/perte totale ou irréversible d’autonomie ou en cas de problèmes de santé privant l’emprunteur de possibilité d’exercer une activité (ITT/INV).
M. [N] était donc informé de l’étendue de la couverture proposée et des risques garantis par le contrat d’assurance qui lui était proposé. Au regard des définitions claires, précises et non équivoques des garanties qui lui ont été exposées au cours de l’entretien susvisé, le demandeur ne pouvait pas raisonnablement penser qu’il bénéficierait, quel que soit son état de santé, en cas d’invalidité de 2ème catégorie ou d’une mise à la retraite pour inaptitude, d’une prise en charge par CNP Assurances jusqu’au terme du prêt.
M. [N] sera donc débouté de sa demande tendant à voir condamner le Crédit agricole à lui payer la somme de 16.112,31 euros sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. En l’espèce, M. [N], partie perdante, sera condamné aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. En l’espèce, au regard des situations économiques respectives des parties, il y a lieu de laisser à chacune d’elles la charge de ses frais irrépétibles.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 515 du code de procédure civile dans sa version applicable au présent litige « hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation ». En l’espèce, au vu du sens de la présente décision, il n’y a pas lieu de l’ordonner.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :
DEBOUTE M. [T] [N] de sa demande tendant à voir condamner la société anonyme CNP Assurances à garantir le paiement de ses mensualités du crédit immobilier souscrit auprès de la société coopérative à capital variable La Caisse du crédit agricole mutuel de Brie Picardie entre le 8 février 2019 et le 12 mars 2021 ;
DEBOUTE M. [T] [N] de sa demande tendant à voir condamner la société anonyme CNP Assurances à lui payer la somme de 16.112,31 euros au titre des mensualités d’ores et déjà échues au 12 mars 2021 ;
DEBOUTE M. [T] [N] de sa demande tendant à voir condamner la société coopérative à capital variable La Caisse du crédit agricole mutuel de Brie Picardie à lui payer la somme de 16.112,31 euros ;
LAISSE à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;
CONDAMNE M. [T] [N] aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige.
Fait et jugé à Paris le 29 Octobre 2024.
Le Greffier La Présidente
Nadia SHAKI Géraldine DETIENNE