Conflit autour de la conformité d’un chalet en kit : enjeux de responsabilité et d’exécution contractuelle

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Conflit autour de la conformité d’un chalet en kit : enjeux de responsabilité et d’exécution contractuelle

PRESENTATION DU LITIGE

Les époux [B] [C] ont acquis un chalet en kit pour 18 850 €, livré le 7 décembre 2020, et ont confié son montage à Monsieur [A] en juin 2021. Ils ont constaté des fissures, des problèmes d’étanchéité et d’autres défauts, confirmés par une expertise amiable. Après avoir assigné la société WSN et Monsieur [A], ils ont obtenu la nomination d’un expert, dont le rapport a conclu que le chalet n’était pas conforme aux normes de construction en bois. Les époux ont alors demandé la résolution de la vente et des indemnités pour divers préjudices.

DEMANDES DES DEMANDEURS

Les époux [B] [C] ont sollicité la résolution de la vente, la reprise du chalet par la société WSN, et le paiement de plusieurs sommes provisionnelles pour couvrir le prix de vente et leurs préjudices. Ils ont également demandé une indemnité en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Dans leurs conclusions, ils ont mis en avant que le chalet, présenté comme habitable, ne l’était pas en réalité, et que les désordres constatés justifiaient leur demande.

DEFENSE DE LA S.A.R.L. WSN

La S.A.R.L. WSN a contesté les demandes des époux, arguant que le chalet avait été livré conformément au contrat et que les prétendus désordres étaient dus à des erreurs de montage. Elle a également demandé un complément d’expertise pour vérifier la conformité du chalet aux normes. WSN a soutenu que les époux avaient été informés des adaptations nécessaires pour rendre le chalet habitable et que les contestations soulevées n’étaient pas fondées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le juge des référés a rejeté la demande de résolution de la vente, considérant que le chalet avait été livré et que les obligations contractuelles avaient été respectées. La question de la conformité du chalet aux normes habitables relevait du juge du fond, et les arguments des demandeurs étaient sérieusement contestés. La demande subsidiaire de provision a également été rejetée pour les mêmes raisons. Enfin, la demande de complément d’expertise a été considérée comme non justifiée, l’expert ayant déjà répondu à sa mission.

DECISION

Le tribunal a débouté les époux [B] [C] de leurs demandes, les dispensant du paiement d’une indemnité en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, et les condamnant aux dépens.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la base juridique de la demande de résolution de la vente par les époux [B] [C] ?

La demande de résolution de la vente formulée par les époux [B] [C] repose sur l’article 1224 du Code civil, qui stipule que « la résolution de la vente peut être demandée en cas d’inexécution grave des obligations résultant du contrat ».

Pour qu’une telle résolution soit prononcée, il est nécessaire que le juge des référés constate qu’une obligation non sérieusement contestable a été violée.

En l’espèce, le tribunal a noté que le chalet convenu a bien été livré, ce qui signifie que le contrat a été exécuté par le vendeur.

La question de savoir si le chalet doit remplir les caractéristiques d’un chalet « habitable » et s’il respecte les normes de construction est une question qui relève du juge du fond.

Il a été souligné que le fondement de l’argumentation des demandeurs ne repose pas sur la résolution pour inexécution, mais plutôt sur des garanties telles que les vices cachés ou la conformité, ou encore le manquement au devoir d’information.

Ainsi, le tribunal a conclu que l’argumentation des demandeurs se heurte à une contestation sérieuse, car ils ne pouvaient ignorer que leur chalet nécessitait des adaptations pour être rendu habitable conformément au permis de construire.

Quelles sont les implications de la décision sur la demande subsidiaire de paiement d’une provision ?

La demande subsidiaire de paiement d’une provision formulée par les époux [B] [C] n’a pas d’autre fondement que la demande principale, qui a été rejetée.

Cela signifie que l’obligation invoquée pour demander la provision est tout aussi sérieusement contestée que celle qui a été soulevée pour la résolution du contrat.

En effet, l’inexécution grave d’une obligation contractuelle n’a pas été établie, ce qui a conduit le tribunal à rejeter également cette demande.

Il est important de noter que, selon l’article 1231-1 du Code civil, « le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution, sauf s’il prouve que celle-ci est due à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ».

Dans ce cas, les époux [B] [C] n’ont pas réussi à prouver que la société WSN avait manqué à ses obligations contractuelles de manière non contestable, ce qui a conduit à la décision de débouter leur demande de provision.

Quelles sont les conséquences de la demande reconventionnelle de complément d’expertise ?

La demande reconventionnelle de complément d’expertise formulée par la S.A.R.L. WSN a été rejetée par le tribunal.

Le tribunal a constaté que l’expert avait déjà répondu de manière exhaustive à sa mission initiale.

Il a été précisé que le motif légitime d’interroger l’expert sur d’autres questions par un complément d’expertise faisait défaut, car la question de la conformité aux normes applicables avait déjà été posée à l’expert.

Cela s’inscrit dans le cadre de l’article 232 du Code de procédure civile, qui stipule que « l’expert doit répondre à toutes les questions qui lui sont posées ».

En conséquence, le tribunal a jugé que la demande de complément d’expertise n’était pas justifiée et a maintenu la décision initiale de l’expert.

Quelles sont les implications financières de la décision pour les époux [B] [C] ?

Les époux [B] [C] ont été déboutés de leurs demandes, ce qui signifie qu’ils doivent supporter la charge des dépens, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile.

Cet article précise que « la partie qui succombe est condamnée aux dépens ».

De plus, le tribunal a décidé de dispenser les époux [B] [C] du paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour couvrir ses frais d’avocat.

Cette décision a été prise en raison du fait que les époux [B] [C] ont pu être induits en erreur par les conclusions de l’expert, bien que celles-ci ne suffisent pas à donner un fondement juridique à leurs prétentions en référé.

Ainsi, bien qu’ils aient été déboutés, ils ne seront pas contraints de payer des frais supplémentaires au titre de l’article 700, ce qui atténue quelque peu l’impact financier de la décision.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Nantes
RG n° 24/01086
N° RG 24/01086 – N° Portalis DBYS-W-B7I-NK4Z

Minute N° 2024/1115

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

du 12 Décembre 2024

—————————————–

[B], [J], [U], [E] [C]
[E] [V], [M], [I], [R] [C]

C/

S.A.R.L. W.S.N

—————————————

copie certifiée conforme délivrée le 12/12/2024 à :

Me Morgane LE GOFF – 49
la SELARL ROULLEAUX-LEON AVOCATS – 9Me Sandra BRICOUT (BORDEAUX)
dossier

MINUTES DU GREFFE

DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES

(Loire-Atlantique)

_________________________________________

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
_________________________________________

Président : Pierre GRAMAIZE

Greffier : Eléonore GUYON

DÉBATS à l’audience publique du 28 Novembre 2024

PRONONCÉ fixé au 12 Décembre 2024

Ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe

ENTRE :

Monsieur [B], [J], [U], [E] [C],
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]

Madame [Y], [M], [I], [R] [C], demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]

Tous deux représentés par Maître Morgane LE GOFF, avocat au barreau de NANTES

DEMANDEURS

D’UNE PART

ET :

S.A.R.L. W.S.N (RCS LIMOGES n° 537 745 044),
dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Jean-marc LEON de la SELARL ROULLEAUX-LEON AVOCATS, avocats au barreau de NANTES
Rep/assistant : Maître Sandra BRICOUT, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE

D’AUTRE PART

PRESENTATION DU LITIGE

Les époux [B] [C] ont fait l’acquisition d’un chalet en kit au prix de 18 850 € livré le 7 décembre 2020, dont ils ont confié le montage sur leur terrain situé [Adresse 1] à [Localité 6] à Monsieur [S] [A] ([A] [W]) suivant facture du 4 juin 2021.

Se plaignant de l’apparition de nombreuses fissures, d’espaces mettant en défaut l’étanchéité à l’air, de défauts de montage et de planéité et de nombreux désordres confirmés par une expertise amiable du cabinet ABR EXPERTS, les époux [B] [C] ont obtenu la nomination d’un expert par ordonnance de référé du 2 février 2023 après avoir assigné la société WSN, Monsieur [A] et la S.A. ALLIANZ IARD, supposée être l’assureur de Monsieur [A], à l’égard de laquelle ils se sont désistés après avoir été informés qu’elle n’assurait pas Monsieur [A] pour la réalisation de travaux de bâtiment.

L’expert désigné, Monsieur [F] [N] [Z], a déposé son rapport le 22 novembre 2023.

Soutenant sur la base des conclusions de l’expert qui relève que le chalet ne correspond pas à la norme constructive des constructions en bois pour une maison individuelle, les matériaux n’étant pas compatibles pour garantir la sécurité et la durabilité de l’ouvrage et qui retient que la société WSN est responsable à 100 % du caractère non habitable du chalet vendu, les époux [B] [C] ont fait assigner en référé la S.A.R.L. WSN par acte de commissaire de justice du 16 octobre 2024 afin de solliciter, sur le fondement des articles 835 du code de procédure civile, 1224, 1229 et 1231-1 du code civil :
– le prononcé de la résolution de la vente,
– la reprise du chalet par la défenderesse à ses frais sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours passé la décision à intervenir avec un délai de prévenance d’au moins 24 heures,
– le paiement d’une somme provisionnelle de 17 850,00 € au titre du prix de vente sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter d’un délai de 15 jours passé la décision à intervenir,
– le paiement d’une somme provisionnelle de 46 888,81 € au titre de leurs préjudices résultant du coût du montage du chalet (6 405 €), du coût de la dalle et du terrassement (14 226,00 €), de la fourniture des matériaux (6 257,21 €), du préjudice de jouissance (15 000 €), de la démolition de la dalle (9 924 €), du contrat d’hivernage (330 €), du préjudice moral (5 000 €),
– le paiement d’une somme de 5 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire.

Dans leurs dernières conclusions, par lesquelles ils réclament à titre subsidiaire une provision de 78 383,81 € sur l’ensemble de leurs préjudices, les époux [B] [C] font valoir que :
– le chalet en kit est présenté sur le site du vendeur comme un chalet en bois habitable et pas cher, mais l’expert a retenu qu’en l’absence de désordre, le chalet n’est en tout état de cause pas habitable dans l’état dans lequel il a été vendu et acheté,
– des jurisprudences de la Cour de cassation retiennent la compétence du juge des référés pour prononcer la résolution d’un contrat en l’absence de contestations sérieuses, étant souligné que celles invoquées en défense concernent un contrat de bail,
– les prétendues contestations sérieuses soulevées contre le rapport d’expertise n’en sont pas,
– nul n’est besoin d’être ingénieur pour déterminer que la note établie pour les besoins de la cause ne correspond pas au chalet qui leur a été vendu, ce que l’expert a parfaitement répondu,
– s’ils avaient conscience de la nécessité d’ajouter de l’isolation à la structure, ils n’avaient pas connaissance que le chalet ne serait pas conforme à la norme RE 2020 et que la mise en œuvre d’une isolation intérieure engendrerait une perte de surface impliquant que les chambres n’auraient plus cette qualification,
– la résolution pour inexécution grave relève de l’évidence,
– les demandes de provision sur l’indemnisation de leurs préjudices concernent les dépenses exposées en pure perte, dès lors qu’ils n’auraient jamais pu isoler leur maison ni l’aménager,
– alors qu’ils avaient le projet d’en faire leur habitation principale, ils n’ont eu d’autre choix que de résider dans un camping-car avant de prendre en janvier 2023 une location à hauteur de 550 € par mois,
– le permis de construire démontre que le chalet était destiné à devenir leur résidence principale,
– si la résolution n’est pas prononcée, leur demande de provision est néanmoins fondée en raison de l’inexécution contractuelle,
– en formulant une demande de complément d’expertise alors que l’expert a répondu à son dire, la société WSN chercher en réalité à obtenir une contre-expertise qui relève de la compétence du juge du fond.

La S.A.R.L. WSN conclut au débouté des demandeurs et à l’organisation d’un complément d’expertise, avec condamnation des demandeurs au paiement d’une somme de 2 000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en soutenant que :
– contrairement à ce qu’a retenu l’expert en dépit d’un dire qu’elle lui a adressé, la note du bureau d’étude sollicité pour l’obtention du permis de construire sur la base des plans et de la note d’étude bois établie à la demande du fabricant, la preuve n’est pas faite que le chalet ne satisfait pas aux conditions de stabilité, d’étanchéité à l’eau et à l’air et d’isolation thermique,
– l’expert a méconnu que la norme NF DTU 31.2 et l’EUROCODE 5 ne sont pas applicables aux chalets,
– pour des raisons économiques, les époux [C] ont fait l’acquisition d’un chalet de jardin et non d’une maison en bois, pour lequel, sur option et sur devis il est proposé une isolation par l’intérieur ou l’extérieur, afin de le préparer à la norme RT 2020,
– avant de passer commande, les demandeurs ont fait réaliser l’étude du bureau technique et ils avaient parfaitement conscience qu’ils devraient ajouter une isolation et modifier les menuiseries pour répondre aux obligations énergétiques,
– les plans ont été validés par leur architecte et l’isolation a été prévue par leur bureau technique,
– l’expert ne cite aucune réglementation qui n’aurait pas été respectée pour la conception du chalet,
– il a été constaté lors de l’expertise que le sol n’était pas isolé par de la mousse polyuréthane, que les murs et le toit n’étaient pas isolés, que les menuiseries n’étaient pas celles du kit,
– les désordres résultent notamment de l’absence de planéité de la dalle et de la pose des matériaux alors qu’ils présentaient un taux d’hygrométrie trop important en raison de ses conditions de stockage,
– le juge des référés n’est pas compétent pour prononcer la résolution d’une vente et le fondement de la demande n’est même pas précisé, étant souligné que l’existence d’un vice caché n’est pas démontrée, que le chalet est conforme à la commande et aux plans, que les acheteurs ont reçu toute l’information nécessaire et qu’elle n’est pas constructrice de maisons individuelles,
– les demandes de provisions se heurtent à des contestations sérieuses et subsidiairement les préjudices ne sont pas de son fait,
– il serait pertinent de vérifier la réglementation applicable aux chalets de jardin en ordonnant un complément d’expertise.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de résolution de la vente :

La demande des époux [B] [C] tendant à la résolution de la vente et à l’indemnisation de leurs préjudices est exclusivement fondée sur les dispositions de l’article 1224 du code civil c’est à dire l’inexécution grave des obligations résultant du contrat.

Or pour prononcer une résolution dans un tel cas, le juge des référés doit pouvoir constater qu’une obligation non sérieusement contestable a été violée.

En l’espèce, le chalet convenu a bien été livré, de sorte que le contrat a été exécuté par le vendeur.

La question de savoir si ce chalet doit remplir les caractéristiques d’un chalet « habitable » et s’il respecte les normes relève du juge du fond, étant souligné que le fondement d’une telle argumentation n’est pas la résolution pour inexécution mais la garantie des vices cachés ou la garantie de conformité voire le manquement au devoir d’information ou le vice du consentement, puisqu’il s’agirait d’une non-conformité à une qualité annoncée.

En tout état de cause, l’argumentation des demandeurs se heurte à une contestation sérieuse dès lors qu’ils ne pouvaient ignorer que leur chalet nécessitait des adaptations pour être rendu habitable conformément au permis de construire et que les désordres de construction intervenus postérieurement à la livraison rendent impossible à atteindre le résultat attendu.

Il convient donc de rejeter en l’état la demande principale.

Sur la demande subsidiaire de paiement d’une provision :

La demande subsidiaire n’a pas d’autre fondement que la demande principale, de sorte que l’obligation invoquée est tout aussi sérieusement contestée pour demander la résolution du contrat que pour solliciter une provision, étant donné que l’inexécution grave d’une obligation contractuelle n’est pas établie.

Sur la demande reconventionnelle de complément d’expertise :

Dès lors que l’expert a intégralement répondu à sa mission, le motif légitime d’interroger l’expert sur d’autres questions par un complément d’expertise fait défaut alors qu’il est admis que la question de la conformité aux normes applicables a déjà été posée à l’expert par dire.

Sur les frais :

Etant déboutés, les demandeurs devront supporter la charge des dépens.

Il est équitable de dispenser les époux [C] du paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile, dès lors qu’ils ont pu être induits en erreur par les conclusions péremptoires de l’expert, qui ne suffisent cependant pas à donner un fondement juridique à leurs prétentions en référé.

DECISION

Par ces motifs, Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Déboutons les époux [B] [C] de leurs demandes,

Les dispensons du paiement d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons les époux [B] [C] aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Eléonore GUYON Pierre GRAMAIZE


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