→ Résumé de l’affaireMadame [J] [K] a mandaté Maître [N] [V] pour la défendre dans un contentieux prud’homal contre son employeur. Suite à une requête de Madame [K], le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier a taxé les honoraires de Maître [V] à 3.244,84 euros TTC, dont 1.560 euros déjà perçus. Madame [K] est donc redevable de 1.684,84 euros, majorés d’intérêts de retard. Maître [V] a interjeté appel de cette décision, demandant la confirmation de la taxation et la condamnation de Madame [K] à payer les honoraires restants, ainsi que d’autres frais. Madame [K] demande la confirmation de l’ordonnance de taxe. Les parties ont plaidé leurs arguments lors d’une audience et doivent fournir des observations supplémentaires avant une décision du premier président. |
→ L’essentielIrrégularité de la procédureMaître [V] sollicite, à l’appui de sa note en délibéré du 25 juin 2024, que soient rejetées les écritures adverses en ce que le président a autorisé Madame [K] à déposer des pièces et non des écritures visant à compléter son argumentaire. En procédure orale, l’article 446-1 du code de procédure civile prévoit que les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien ou peuvent « se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit ». Madame [K] n’a produit aucun écrit à l’audience du 6 juin 2024, de sorte qu’elle a été autorisée à adresser l’intégralité de ses pièces à la cour et à Maître [V]. Par courrier du 7 juin 2024 reçu à la cour le 13 juin 2024, Madame [K] a effectivement adressé ses écritures et ses pièces à la présente juridiction, courrier envoyé contradictoirement à Maître [V], qui a répondu par courrier du 25 juin 2024. Ainsi, s’agissant d’une procédure orale et le principe du contradictoire ayant pleinement été respecté, la demande de Maître [V] de rejeter les écritures de Madame [K] ne saurait prospérer. Manquement aux diligencesSelon l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Sauf en cas d’urgence ou de force majeure, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires. En l’espèce, une convention d’honoraires a été établie le 20 juin 2017 et a été valablement acceptée par Madame [K]. La facturation de diligences dans le cadre de la procédure d’appel plus d’un an après la rédaction de conclusions récapitulatives soulève des interrogations sur le respect des termes de la convention. De plus, l’absence de justification pour la facturation d’honoraires supplémentaires remet en question la transparence des diligences effectuées. La demande de taxe de la facture du 10 mai 2023 sera donc rejetée. Confirmation de l’ordonnance de taxeEn conséquence, il y a lieu de confirmer, en toutes ses dispositions, l’ordonnance de taxe du bâtonnier du barreau de Montpellier du 7 août 2023 ayant taxé les honoraires de Maître [V]. Maître [V] sera condamnée au paiement des entiers dépens et, succombant à la présente instance, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 01 AOUT 2024
N° RG 23/04949 – N° Portalis DBVK-V-B7H-P7HS
CONTESTATION D’HONORAIRES D’AVOCAT
Décision déférée à la cour : Ordonnance du 07 AOUT 2023 du BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER N° 939/2023
Nous, Jonathan ROBERTSON, Conseiller, désigné par le Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier pour statuer sur les contestations d’honoraires des avocats, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,
dans l’affaire entre :
D’UNE PART :
Maître [N] [V]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante en personne
D’AUTRE PART :
Madame [J] [K]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Comparante en personne
L’affaire a été appelée à l’audience publique du 06 Juin 2024 à 14 heures.
Après avoir mis l’affaire en délibéré au 01 Août 2024 la présente ordonnance a été prononcée par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signée par Jonathan ROBERTSON, Conseiller et par Alexandra LLINARES, greffier.
– 2 expéditions + 2 exécutoires à Me [N] [V] (LRAR), Mme [J] [K] (LRAR)
– 1 copie bâtonnier de Montpellier
– 1 copie dossier
Madame [J] [K] a mandaté Maître [N] [V] afin de défendre ses intérêts dans le cadre d’un contentieux prud’homal à l’encontre de son employeur.
Par requête du 6 avril 2023, Madame [K] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier d’une demande de taxe des honoraires de Maître [V].
Par ordonnance de taxe du 7 août 2023, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier a :
– taxé et arrêté les honoraires dus à Maître [V] par Madame [K] à la somme de 2.704,03 euros HT, soit 3.244,84 euros TTC,
– constaté que Maître [V] indique avoir perçu une somme de 1.560 euros,
– ordonné à Madame [K] de payer à Maître [V] la différence, soit un reliquat de 1.684,84 euros augmenté des intérêts de retard depuis la saisine du 6 avril 2023 au taux légal majoré de 1,5 points et ce, jusqu’à complet paiement de la dette,
– ordonné que, nonobstant appel, la décision est rendue exécutoire à hauteur de la somme de 1.500 euros assortie des intérêts.
Cette décision a été notifiée le 4 septembre 2023 à Maître [V].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2023, Maître [V] a interjeté appel de l’ordonnance rendue par le bâtonnier, auprès de la cour d’appel de Montpellier.
A l’audience du 6 juin 2024, les parties ont soutenu leurs écritures, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.
Maître [V] demande au premier président :
– de juger qu’elle est recevable et bien fondée en ses demandes,
– de confirmer la taxation et la condamnation de Madame [K] à la somme de 1.684,84 euros TTC pour les diligences prévues dans le forfait,
– de confirmer que les éventuels frais de signification des décisions et frais d’exécution forcée pour le recouvrement seront à la charge exclusive de Madame [K],
– d’infirmer le rejet de la demande de paiement du droit de plaidoirie à hauteur de 13 euros par Madame [K] et la condamner à lui verser cette somme,
– d’infirmer le rejet de la demande de taxation pour les diligences non prévues dans le forfait et condamner Madame [K] à lui verser la somme de 960 euros TTC, soit 800 euros HT,
– d’infirmer le rejet de la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner Madame [K] à lui verser la somme de 1.500 euros,
– de condamner Madame [K] aux entiers dépens.
Madame [K] demande au premier président de confirmer l’ordonnance de taxe du bâtonnier du 7 août 2023.
Madame [K] a été autorisée à produire une note en délibéré avant le 13 juin 2024, Maître [V] ayant été elle-même autorisée à faire valoir ses observations avant le 20 juin 2024.
Sur la recevabilité des écritures de Madame [K]
Maître [V] sollicite, à l’appui de sa note en délibéré du 25 juin 2024, que soient rejetées les écritures adverses en ce que le président a autorisé Madame [K] à déposer des pièces et non des écritures visant à compléter son argumentaire.
En procédure orale, l’article 446-1 du code de procédure civile prévoit que les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien ou peuvent « se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit ».
Madame [K] n’a produit aucun écrit à l’audience du 6 juin 2024, de sorte qu’elle a été autorisée à adresser l’intégralité de ses pièces à la cour et à Maître [V]. Par courrier du 7 juin 2024 reçu à la cour le 13 juin 2024, Madame [K] a effectivement adressé ses écritures et ses pièces à la présente juridiction, courrier envoyé contradictoirement à Maître [V], qui a répondu par courrier du 25 juin 2024.
Ainsi, s’agissant d’une procédure orale et le principe du contradictoire ayant pleinement été respecté, la demande de Maître [V] de rejeter les écritures de Madame [K] ne saurait prospérer.
Sur les diligences
Selon l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
En l’espèce, une convention d’honoraires a été établie le 20 juin 2017 (pièce n°11 appelante) ; cette convention a été valablement acceptée par Madame [K], aucune pièce ne viendrait démontrer qu’elle n’aurait pas été en capacité de souscrire de manière éclairée à la convention litigieuse.
Dès lors, cette convention, qui constitue la loi des parties, doit recevoir pleine application.
Pour la procédure devant le conseil des prud’hommes, la convention prévoit un honoraire de base fixé à la somme de 1.300 euros HT, soit 1.560 euros TTC, qui a été réglé, n’est pas contesté par l’une ou l’autre des parties et qui sera confirmé.
Pour la procédure devant la cour d’appel, si la convention d’honoraires prévoit la mission de l’avocat « dans le cadre d’un litige l’opposant à la SAS NOVA SANTE relevant de la compétence du conseil de prud’hommes et de la chambre sociale de la cour d’appel », force est de constater que le détail des missions prévues par l’article 2 vise la procédure devant le conseil des prud’hommes et non la procédure d’appel.
En outre, la convention précitée prévoit en son article 4 :
« 4 – Voie des recours
Dans l’hypothèse où la décision obtenue ferait l’objet d’un recours, un avenant à la présente convention sera établi.
A défaut d’avenant, les termes de la présente convention seront reconduits intégralement dans le cadre de la procédure devant la cour. »
La taxation des honoraires de Maître [V] à hauteur de 1.300 euros HT, soit 1.560 euros TTC pour la procédure d’appel, sera donc confirmée.
Maître [V] sollicite également la taxation de la facture du 10 mai 2023 d’un montant de 800 euros HT, soit 960 euros TTC, dont l’objet est « Diligences effectuées non comprises dans le forfait » (pièce n°6 appelante), et établie comme suit :
– CPH : rédaction d’une seconde requête le 7 novembre 2017 : 2h : 400 euros
– Conclusions récapitulatives devant la CA le 19 août 2022 : 2h : 400 euros
MONTANT TOTAL HT : 800 euros
MONTANT TOTAL TTC : 960 euros.
Cette facture est établie postérieurement à la contestation des honoraires de Maître [V] par Madame [K] devant le bâtonnier. L’avocate n’a donc porté à la connaissance de Madame [K] l’existence d’honoraires complémentaires que le 10 mai 2023, soit près de six ans après la rédaction d’une seconde requête devant le conseil des prud’hommes datée du 7 novembre 2017 et ce, alors que toutes ses autres factures sont établies concomitamment à la réalisation des diligences (facture du 28 septembre 2017, pièce n°2 appelante, facture du 30 octobre 2018, pièce n°3 appelante). Aussi, elle sollicite la facturation de diligences dans le cadre de la procédure d’appel plus d’un an après la rédaction de conclusions récapitulatives et alors même qu’elle avait établi une facture le 8 novembre 2022 (pièce n°4 appelante) dans laquelle elle mentionne toutes les diligences accomplies devant la cour d’appel, conformément à la convention, sans faire aucunement mention de l’existence d’autres diligences qui nécessiteraient une facturation complémentaire à venir.
En outre, il est mentionné dans l’article 2.1 de la convention d’honoraires, après l’énumération des diligences conventionnellement prévues, les termes suivants :
« Les parties conviennent que cette convention ne traite pas de l’hypothèse où il y aurait une audience supplémentaire, tel un départage, une réouverture des débats, une mission d’expertise, une mission rapporteur, un référé. Si nécessaire, il sera conclu un avenant à la présente convention si une telle hypothèse devait se présenter. »
Or, l’avocate ne justifie pas de l’impossibilité, telle qu’une situation d’urgence, de présenter un avenant à la convention pour justifier d’honoraires supplémentaires.
Maître [V] invoque la jurisprudence de la Cour de cassation qui prévoit que l’absence de convention d’honoraires ne prive pas l’avocat de son droit à rémunération et sollicite ainsi l’application des critères légaux prévus par l’article 10 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971. Or, cette jurisprudence n’a vocation à s’appliquer que dans les cas où aucune convention d’honoraires n’a été régulièrement conclue entre les parties et les critères de fixation des honoraires prévus par l’article précité ne sauraient raisonnablement remplacer une convention légalement formée.
Sa demande de taxe de la facture du 10 mai 2023 d’un montant de 960 euros TTC sera donc rejetée ; il convient donc de confirmer l’ordonnance de taxe du bâtonnier sur ce point.
S’agissant de l’honoraire de résultat, Maître [V] facture à Madame [K] la somme de 124,84 euros TTC. Cette somme correspond au taux de 10% HT du montant de la somme perçue par la cliente et prévu par la convention, compte tenu de l’arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Montpellier (au demeurant non communiqué par les parties) lui octroyant la somme de 1.049,03 euros tel qu’il n’est pas contesté.
L’ordonnance de taxe du bâtonnier sera donc également confirmée sur ce point.
Maître [V] sollicite également la somme de 13 euros relative au droit de plaidoirie ; or, il convient de rappeler que le droit de plaidoirie (timbre de plaidoirie) fait partie des dépens aux termes de l’article 695 7° du code de procédure civile et que la connaissance de ceux-ci échappe au juge de l’honoraire, les dépens étant vérifiés par le secrétaire de la juridiction et taxés par le juge taxateur conformément à la procédure d’ordre public prévue par les articles 704 et suivants du code de procédure civile.
Sa demande à ce titre sera donc rejetée.
En conséquence, il y a lieu de confirmer, en toutes ses dispositions, l’ordonnance de taxe du bâtonnier du barreau de Montpellier du 7 août 2023 ayant taxé les honoraires de Maître [V] à la somme de 2.704,03 euros HT, soit 3.244,84 euros TTC.
Maître [V] sera condamnée au paiement des entiers dépens et, succombant à la présente instance, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Nous, magistrat délégué par le premier président, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRMONS l’ordonnance de taxe du bâtonnier du barreau de Montpellier du 7 août 2023 en toutes ses dispositions ;
REJETONS toutes autres demandes ;
CONDAMNONS Maître [N] [V] au paiement des entiers dépens ;
DISONS n’y avoir à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le magistrat délégué