Confirmation de la recevabilité d’une action en paiement malgré des contestations sur la forclusion et les obligations d’information du créancier

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Confirmation de la recevabilité d’une action en paiement malgré des contestations sur la forclusion et les obligations d’information du créancier

M. [D] [Z] a exercé une activité de chambres d’hôtes depuis le 12 juin 2015, d’abord en tant qu’auto-entrepreneur, puis comme gérant de la SARL BNB Saumur – Gîte Les Orchidées depuis janvier 2017. Il a ouvert deux comptes personnels et deux comptes professionnels à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine, ainsi que deux prêts professionnels. En raison de soldes débiteurs persistants sur ses comptes personnels, la banque a informé M. [Z] de la situation et l’a mis en demeure de régulariser ses comptes. Après un refus de sa proposition de régularisation, la banque a prononcé l’exigibilité immédiate des soldes et a assigné M. [Z] en paiement devant le tribunal d’instance de Saumur, qui a rendu un jugement le 16 septembre 2019, condamnant M. [Z] à payer des sommes dues. M. [Z] a interjeté appel de ce jugement, contestant notamment la décision sur la forclusion. La Caisse de crédit agricole a également formulé un appel incident. L’instruction de l’affaire a été clôturée par une ordonnance le 21 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel d’Angers
RG
19/02210
COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

JC/LD

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/02210 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ES4Y

Jugement du 16 Septembre 2019

Tribunal d’Instance de SAUMUR

n° d’inscription au RG de première instance 1118000496

ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2024

APPELANT :

M. [D] [Z]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 7] (ROYAUME-UNI)

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Aurélie BLIN de la SELARL LEX PUBLICA, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 190623 substituée par Me Marion PINEAU

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE L’ANJJOU ET DU MAINE

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS substitué par Me Audrey PAPIN

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 04 Juin 2024 à

14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre et devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 17 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE :

Depuis le 12 juin 2015, M. [D] [Z] exerce une activité de chambres d’hôtes, d’abord sous le statut d’auto-entrepreneur puis, à compter de janvier 2017, en tant que gérant de la SARL BNB Saumur – Gîte Les Orchidées.

La Caisse de crédit agicole mutuel de l’Anjou et du Maine a consenti à M. [Z] l’ouverture dans ses livres de deux comptes personnels n° [XXXXXXXXXX05] et n° [XXXXXXXXXX06].

M. [Z] a par ailleurs été titulaire de deux comptes professionnels auprès de cette même banque, ainsi que de deux prêts professionnels conclus le 22 mai 2015 et le 18 novembre 2015.

Les deux comptes personnels n° [XXXXXXXXXX05] et n° [XXXXXXXXXX06] ayant fonctionné durablement en position débitrice, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine a informé M. [Z], par une lettre du 1er août 2017, du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous les frais ou les intérêts sur arriérés applicables.

Par une lettre du 19 septembre 2017, elle a mis en demeure M. [Z] d’avoir à régulariser le solde débiteur de ses comptes n° [XXXXXXXXXX05] (31 086,16 euros) et n° [XXXXXXXXXX06] (31 157,45 euros) dans un délai de dix jours, à peine de recouvrement judiciaire des créances.

Le 9 octobre 2017, M. [Z] a soumis à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine une proposition de régularisation amiable, que la banque a toutefois refusée par une lettre en réponse du 27 octobre 2017.

Par des lettres du 30 octobre 2017 et du 16 novembre 2017, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine a prononcé l’exigibilité immédiate du solde des deux comptes et mis M. [Z] en demeure de lui régler la somme de 31 086,16 euros s’agissant du compte n° [XXXXXXXXXX05] et celle de 31 157,45 euros s’agissant du prêt n° [XXXXXXXXXX06].

Elle l’a ensuite fait assigner en paiement devant le tribunal d’instance de Saumur par un acte d’huissier du 30 octobre 2018.

Par un acte du même jour, elle l’a également fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saumur en paiement des sommes dues au titre des comptes professionnels et des deux prêts professionnels qu’elle lui avait consentis.

Par un jugement du 16 septembre 2019, le tribunal d’instance de Saumur a :

– dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer,

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion,

– condamné M. [Z] à payer à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine les sommes de :

* 31 039,97 euros, au titre du solde débiteur du compte bancaire n° [XXXXXXXXXX05],

* 31 103,50 euros, au titre du solde débiteur du compte bancaire n° [XXXXXXXXXX06],

avec les intérêts au taux légal à compter 16 novembre 2017,

– débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Z] aux entiers dépens de l’instance,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire,

Par une déclaration du 8 novembre 2019, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement, l’attaquant en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire, intimant la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine.

M. [Z] et la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ont conclu.

Une ordonnance du 21 mai 2024 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Aux terme de ses dernières conclusions n° 2, remises à la cour par la voie électronique le 3 juin 2020 et auxquelles il est envoyé pour un exposé des moyens, M. [Z] demande à la cour :

– de le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion,

statuant de nouveau,

à titre principal,

– de dire et juger que l’action de la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine est forclose,

– en conséquence, de débouter la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

– de débouter la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de son appel incident et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– de prononcer la déchéance du droit aux intérêts et frais à l’encontre de la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine

– de lui accorder un report du paiement des sommes qui seraient mises à sa charge dans la limite de deux années,

à titre infiniment subsidiaire,

– de lui accorder un échelonnement du paiement des sommes qui seraient mises à sa charge dans la limite de deux années,

en tout état de cause,

– de condamner la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

Aux termes de ses dernières conclusions remises à la cour par la voie électronique le 14 avril 2020, auxquelles il est envoyé pour un exposé des moyens, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine demande à la cour :

– de dire M. [Z] non fondé en son appel, ainsi qu’en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– de l’en débouter,

– de la recevoir en son appel incident, ainsi qu’en ses demandes, fins et conclusions,

y faisant droit,

– d’infirmer le jugement entrepris,

– de condamner M. [Z] à lui payer les sommes suivantes :

* au titre du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX05], la somme de 31 092,29 euros avec les intérêts au taux légal sur la somme de 31 086,16 euros à compter du 25 novembre 2017 et jusqu’à parfait paiement,

* au titre du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX06], la somme de 31 163 euros avec les intérêts au taux légal sur la somme de 31 157,45 euros à compter du 25 novembre 2017 et jusqu’à parfait paiement,

– de débouter M. [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions, déclarées non fondées,

– de condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables, en tout cas non fondées,

– de condamner M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Lors de l’audience, il a été demandé à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de faire valoir ses observations quant au fait que son appel incident ne visait pas expressément les chefs du jugement critiqués. Le conseil de la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine a fait parvenir ses observations par un message électronique du 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est précisé que, bien qu’il ait interjeté appel du jugement en ce qu’il a dit ne pas y avoir lieu de surseoir à statuer, M. [Z] ne développe aucun moyen tendant à critiquer, en droit ou en fait, ce chef de la décision, qui sera par conséquent confirmé

– sur la forclusion :

M. [Z] soutient que l’action en paiement du solde du compte n° [XXXXXXXXXX05] est forclose en application de l’article R. 312-35 du code de la consommation puisque ce compte est devenu débiteur dès le 23 mai 2016 et que la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine n’a introduit son action que le 30 octobre 2018.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine approuve le premier juge d’avoir retenu que le compte n° [XXXXXXXXXX05] n’a fonctionné systématiquement en position débitrice qu’à compter du 31 mai 2017, le dépassement du 23 mai 2016 ayant été régularisé dès le 27 mai 2016 et ne pouvant donc pas faire courir le délai de la forclusion. Elle ajoute même que

M. [Z] bénéficiait d’une autorisation de découvert de 1 200 euros sur ce compte n° [XXXXXXXXXX05], de telle sorte que le délai de la forclusion n’a commencé à courir qu’à compter du 30 juin 2017, soit à la date de prélèvement des débits différés, sans régularisation ultérieure. Elle développe le même raisonnement s’agissant du compte n° [XXXXXXXXXX06], en affirmant que celui-ci n’a fonctionné de façon ininterrompue en position débitrice qu’à compter du 31 mai 2017 voire qu’à compter du 30 juin 2017 du fait de l’autorisation de découvert de 1 200 euros qui avait été consentie.

Sur ce,

Bien que M. [Z] demande, dans le dispositif de ses conclusions, que l’action de la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine soit déclarée forclose sans distinction, il ne développe de moyens au soutien de cette prétention qu’en ce qui concerne le seul paiement du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX05], à l’exclusion du compte n° [XXXXXXXXXX06]. De ce fait, le jugement ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir relative à l’action en paiement du solde du compte n° [XXXXXXXXXX06], en l’absence de toute critique, en droit ou en fait, dirigée contre ce chef de la décision.

Pas plus qu’en première instance, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ne produit de contrat d’ouverture du compte n° [XXXXXXXXXX05] ni de convention d’autorisation de découvert. Elle verse en revanche aux débats les extraits de ce compte pour la période du 24 novembre 2015 au 23 juin 2017, M. [Z] fournissant même les relevés de compte ultérieurs jusqu’au 23 août 2017.

L’article L. 311-52 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, prévoit que les actions en paiement engagées devant le tribunal d’instance à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le remboursement d’un crédit à la consommation doivent être formées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, celui-ci pouvant être notamment le dépassement, au sens du 11° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 311-47.

L’article L. 311-11 (11°) du même code définit le dépassement comme un découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l’emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l’autorisation de découvert convenue. Et l’article L. 311-47 du code de la consommation dispose que lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit au sens de l’article L. 311-2, dans les conditions régies par le chapitre consacré aux crédits à la consommation.

Il résulte de ces textes que l’action en paiement d’un découvert tacitement accepté n’est forclose qu’en cas de dépassement non régularisé pendant une durée de deux ans. En cas de dépassements successifs mais régularisés avant l’expiration du délai de deux ans, la forclusion n’est en revanche pas acquise.

En l’espèce, il est exact que le solde du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX05] est passé en position débitrice à plusieurs reprises, dont le 23 mai 2016, mais tous ces dépassements ont donné lieu à des régularisations par l’effet d’un passage ultérieur du solde en position créditrice, y compris au cours du mois. Ce n’est au final qu’à compter du 31 mai 2017 que le solde est devenu débiteur de façon ininterrompue, comme l’a retenu le premier juge.

Le point de départ de la forclusion se situe donc au 31 août 2017, à l’expiration du délai de trois suivant l’apparition de la position débitrice, et l’action introduite par l’assignation du 30 octobre 2018, moins de deux ans après, est donc recevable. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir.

– sur la condamnation au paiement :

Le premier juge a, d’une part, retranché de la créance alléguée au titre du découvert du compte n° [XXXXXXXXXX05] le montant des intérêts et des frais, en retenant qu’ils n’étaient pas justifiés par la production d’une convention d’autorisation de découvert. D’autre part, il a prononcé la déchéance pour la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de son droit aux intérêts au titre du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX06].

M. [Z] demande la confirmation de la décision sur ce point et il ne discute pas le montant des condamnations mises à sa charge en première instance. Ces montants ne peuvent donc être aggravés, au détriment de l’appelant, qu’en cas d’appel incident.

(a) sur l’effet dévolutif de l’appel incident :

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine entend précisément se prévaloir d’un tel appel incident. A l’audience, il a toutefois été demandé à la banque ses observations quant au fait que cet appel incident ne visait pas expressément les chefs du jugement critiqués. Dans sa note en délibéré du 18 juin 2024, l’intimée fait valoir qu’aucune disposition n’exige que le dispositif des conclusions reprenne les chefs du jugement critiqués, la Cour de cassation n’ayant imposé à l’appelant principal (2e Civ., 17 septembre 2020 – n° 18-23.626) puis à l’appelant incident (2e Civ., 1er juillet 2021 – n° 20-10.694) que de solliciter l’annulation ou l’infirmation du jugement et ces jurisprudences étant en tout état de cause inapplicables en l’espèce puisqu’antérieures à l’appel principal (8 novembre 2019) et à l’appel incident (14 avril 2020). Elle ajoute que la Cour de cassation a même affirmé clairement que le dispositif des conclusions de l’appelant n’a pas à rappeler les chefs du jugement critiqués (2e Civ., 3 mars 2022 – n° 20-20.017) et que, si l’article 954, alinéa 2, du code de procédure civile modifié par le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 impose désormais ce rappel, la disposition nouvelle n’est applicable qu’aux appels interjetés à compter du 1er septembre 2024

Sur ce,

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine n’a conclu qu’une seule fois. C’est par ces conclusions remises au greffe le 14 avril 2020, dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, que la banque a entendu former son appel incident. Le dispositif de ces conclusions demande uniquement d’ ‘infirmer le jugement entrepris’ puis de condamner M. [Z] au paiement, sans énoncer expressément les chefs du jugement critiqués, qu’il s’agisse de la déchéance du droit aux intérêts prononcée ou des condamnations décidées en première instance après application de cette sanction. C’est pour cette raison que la cour s’est interrogée sur la nécessité pour l’intimée de mentionner expressément les chefs du jugement critiqués dans le dispositif de ses conclusions remises dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, portant appel incident, au regard des dispositions de l’article 562 de ce même code.

La réponse apportée par la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine dans sa note en délibéré n’est pas pleinement convaincante puisqu’elle renvoie au formalisme des conclusions imposé par l’article 954 du code de procédure civile et son interprétation par la Cour de cassation. Or, l’interrogation de la cour ne porte pas sur le fait que la banque n’aurait pas demandé l’infirmation de la décision dans le dispositif de ses dernières conclusions – ce qu’elle a d’ailleurs dûment fait – ou qu’elle n’aurait pas repris les chefs du jugement critiqués dans ses dernières conclusions.

Force est toutefois de constater que l’obligation de mentionner les chefs du jugement expressément critiqués ne figure qu’à l’article 901 (4°) du code de procédure civile propre à la déclaration d’appel et qu’aucune disposition similaire n’existe s’agissant de l’appel incident. De même, si l’appel incident est soumis, tout autant que l’appel principal, aux dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, rien n’interdit à l’appelant incident de développer les chefs du jugement qu’il critique expressément dans le corps de ses écritures uniquement, sans avoir nécessairement à les énoncer dans le dispositif de ses premières conclusions.

Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine a valablement saisi la cour d’un appel incident portant sur le montant des condamnations prononcées en première instance.

(b) sur le découvert du compte n° [XXXXXXXXXX05] :

M. [Z] ne reprend pas le motif du jugement qui a conduit au retranchement des frais et des intérêts réclamés et qui tenait à l’absence de preuve du caractère contractuel de ces frais et de ces intérêts en l’absence de production par la banque d’une convention d’autorisation de découvert signée par lui. En effet, il reproche certes à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de ne pas produire la convention de compte relative au compte

n° [XXXXXXXXXX05] mais il ne développe, pour tous moyens, que l’absence d’information dans le délai d’un mois suivant l’apparition du dépassement ainsi que l’absence de toute proposition d’un autre type d’opération de crédit à l’issue du délai de trois mois ayant suivi l’apparition du dépassement, respectivement au visa des articles L. 312-92, alinéa 2 et L. 312-93 du code de la consommation, pour conclure exclusivement à la déchéance du droit aux intérêts de la banque en application de l’article L. 341-9 du même code.

De fait, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ne verse aux débats que les relevés du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX05] pour la période du 24 novembre 2015 au 23 août 2017, à l’exclusion de toute convention autorisant un découvert ou même d’ouverture du compte de dépôt.

L’article L. 311-46 du code de la consommation, recodifié à l’article L. 312-92, alinéa 2, du même code par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, prévoit que dans le cas d’un dépassement significatif qui se prolonge au-delà d’un mois, le prêteur informe l’emprunteur, sans délai, par écrit ou sur un autre support durable, du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables.

L’article L. 311-47 du même code, recodifié à l’article L. 312-93 par l’ordonnance précitée, prévoit par ailleurs que lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit au sens de l’article L. 311-2, dans les conditions régies par le chapitre sur les crédits à la consommation.

L’une comme l’autre de ces obligations sont sanctionnées à l’article L. 311-48, alinéa 4, du code de la consommation (devenu l’article L. 341-9 du même code) par la perte pour le prêteur des sommes correspondant aux intérêts et aux frais de toute nature applicables au dépassement considéré.

L’analyse des relevés du compte confirme que celui-ci a fonctionné en position débitrice à plusieurs reprises mais sur quelques jours tout au plus et en revenant systématiquement en position créditrice avant l’expiration du délai d’un mois. Ce n’est qu’à compter du 31 mai 2017 que le solde du compte est demeuré débiteur, de manière ininterrompue, pour des montants significatifs de – 1 188,95 euros (2 juin 2017), de – 16 071,96 euros (30juin 2017) et jusqu’à – 31 078,16 euros (23 août 2017).

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine affirme avoir satisfait à l’article L. 311-46, alinéa 2, précité par l’envoi à M. [Z] d’une lettre du 1er août 2017 et d’avoir satisfait à l’article L. 311-47 précité par la lettre de mise en demeure de régulariser la situation du 19 septembre 2017. Cependant, la première lettre a été envoyée à une date non déterminable et elle porte une date (1er août 2017) en tout état de cause postérieure à l’expiration du délai d’un mois ayant suivi l’apparition du dépassement que la cour estime avoir été significatif dès le 2 juin 2017, date à laquelle il a dépassé – 1 100 euros sans jamais repasser au-dessus de ce montant. De surcroît, la lettre mentionne certes le montant du taux des intérêts applicable (18,74 %) mais il se contente, s’agissant des intérêts et des frais sur les arriérés, d’informer M. [Z] que ‘(…) le paiement éventuel de vos opérations de débit par chèque, carte, virement ou prélèvement, pourra entraîner des frais, directement prélevés sur votre compte, en fonction des conditions générales de banque en vigueur, conformément à la réglementation’ sans aucunement détailler les différents frais ni renvoyer à aucun document récapitulatif.

La seconde lettre du 19 septembre 2017 a été envoyée le 20 septembre 2017, soit plus de trois mois après l’apparition du dépassement. Cette lettre est une mise en demeure de régler l’intégralité des sommes dues au titre des différents concours, en ce compris le solde du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX05] (31 086,16 euros), dans les dix jours de sa réception et à peine de poursuite judiciaire. Ce faisant, la lettre considérée ne correspond assurément pas à une proposition d’un autre type de crédit au sens de l’article L. 311-47 précité mais elle ne s’analyse pas non plus en une démarche de résiliation de la convention d’ouverture de compte conformément aux dispositions de l’article L. 312-1-1 III du code monétaire et financier puisque celle-ci rend nécessaire un délai de préavis de deux mois.

En définitive, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ne démontre pas avoir satisfait les obligations que lui imposaient les articles

L. 311-46, alinéa 2, et L. 311-47 du code de la consommation. Elle doit donc être privée des intérêts et des frais de toute nature afférents au dépassement survenu le 31 mai 2017, représentant la somme de (38,19 + 8 + 6,13) 52,32 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné M. [Z] à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de

(31 092,29 – 52,32) 31 039,97 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2017.

(b) sur le découvert du compte n° [XXXXXXXXXX06] :

M. [Z] approuve le premier juge d’avoir déchu la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine de son droit aux intérêts en application de l’article L. 341-9 du code de la consommation, faute pour elle de justifier qu’elle a satisfait aux obligations imposées par les articles L. 312-92, alinéa 2, et

L. 312-93 précités.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine produit la convention d’ouverture du compte n° [XXXXXXXXXX06], signée le 26 octobre 2016. Cette convention ne contient aucune autorisation de découvert ni aucune possibilité d’un dépassement. Elle se contente en effet d’indiquer que ‘le titulaire peut sous réserve d’acceptation de sa demande par la Caisse Régionale, se voir accorder une autorisation de découvert de moins de 3 mois suite à l’ouverture du présent compte, dont les modalités d’ouverture et d’utilisation seront fixées par un contrat distinct et signé par lui’, sans qu’un tel contrat soit produit. Au contraire d’ailleurs, la convention mentionne un ‘taux maximum des intérêts débiteurs (découvert non convenu) en vigueur à ce jour : 18.25 % l’an.  Ce taux est variable selon les modalités figurant au barème tarifaire remis ce jour. Cette information n’équivaut pas à un droit à découvert’ (article 2).

L’intimée verse aux débats les relevés du compte n° [XXXXXXXXXX06] sur la période du 27 octobre 2016 au 23 août 2017. Leur analyse révèle que le compte a fonctionné en position débitrice à plusieurs reprises mais sur quelques jours tout au plus et en revenant systématiquement en position créditrice avant l’expiration du délai d’un mois. Ce n’est qu’à compter du 31 mai 2017 que le solde du compte est demeuré débiteur, de manière ininterrompue, pour des montants significatifs de – 1 200 euros (31 mai 2017), de – 16 100 euros (30 juin 2017) et jusqu’à

– 31 149,45 euros (23 août 2017).

Comme précédemment, la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine affirme avoir satisfait à l’article L. 312-92, alinéa 2, précité par l’envoi à

M. [Z] d’une lettre du 1er août 2017 et d’avoir satisfait à l’article L. 312-93 précité par la lettre de mise en demeure de régulariser la situation du 19 septembre 2017. Mais pour les mêmes raisons que précédemment, il ne peut pas être considéré que les deux lettres satisfont aux obligations légales qui pesaient sur la banque. La première lettre, qui a été envoyée à une date non déterminée et qui comporte une date de rédaction (1er août 2017) en tout état de cause postérieure à l’expiration du délai d’un mois suivant l’apparition du dépassement significatif que la cour situe au 31 mai 2017 (-1 200 euros), ne contient au surplus aucun détail suffisant des intérêts et des frais sur arriérés applicables. La seconde lettre du 19 septembre 2017 a été envoyée le 20 septembre 2017, soit plus de trois mois après l’apparition du dépassement, contient certes une mise en demeure de régler notamment le solde débiteur du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX06] (31 157,45 euros) dans les dix jours de sa réception et à peine de poursuite judiciaire, mais ne vaut ni proposition d’un autre type de crédit au sens de l’article L. 312-93 précité ni démarche de résiliation de la convention d’ouverture de compte en respectant le délai de préavis de l’article L. 312-1-1 III du code monétaire et financier.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine ne démontre donc pas non plus avoir satisfait les obligations que lui imposaient les articles

L. 312-92, alinéa 2, et L. 312-93 du code de la consommation. Elle doit donc être privée des intérêts et des frais de toute nature afférents au dépassement survenu le 31 mai 2017, représentant la somme de (46,15 + 8 + 6,15) 60,30 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné M. [Z] à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de

(31 163,60 – 60,30) 31 103,30 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2017.

– sur les délais de grâce :

M. [Z] fait valoir la précarité de sa situation financière mais également le fait que la SARL BNB Saumur est en pleine expansion, ayant réalisé un bénéfice de 13’130,67 euros au 31 décembre 2018 et son chiffre d’affaires ayant triplé pour atteindre 307’861,42 euros au 31 décembre 2019. Il explique que ces bons résultats vont lui permettre de rembourser son compte courant d’associé et d’utiliser les fonds au remboursement de la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine. Il indique par ailleurs qu’il a mis en vente sa propriété du [Adresse 2] à [Localité 8] (Maine-et-Loire) pour un prix de 620 000 euros. C’est pourquoi il demande à bénéficier, sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil, d’un report du paiement de la dette pendant deux années, afin de disposer du temps nécessaire pour finaliser ces opérations préalables au remboursement de ses nombreux créanciers, ou, subsidiairement, d’un échelonnement du paiement de ses dettes sur deux années.

La Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine s’oppose à tout délai de grâce en indiquant que M. [Z] a déjà bénéficié de larges délais de paiement puisqu’il n’a procédé à aucun versement depuis la première mise en demeure du 19 septembre 2017. Elle ajoute qu’il n’est pas justifié du nombre des créanciers de M. [Z] ni d’aucune évaluation de son bien immobilier, pour lequel aucune offre d’achat n’a été formulée depuis le mandat conclu le 22 octobre 2019.

Sur ce,

L’article 1244-1 du code civil, devenu l’article 1343-5 de ce même code, autorise le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, à reporter ou à échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

M. [Z] ne justifie pas en l’espèce de sa situation actualisée puisque les éléments qu’il produit pour établir le montant de ses revenus (avis d’imposition ou comtpes de résultat de la SARL BNB Saumur) concernent la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019. De même, s’il démontre que la SCI [Z] a confié un mandat de vente de son bien immobilier du [Adresse 2] à [Localité 8] (Maine-et-Loire) le 22 octobre 2019 pour un prix de 620 000 euros, il n’est justifié d’aucune offre de vente ni même d’aucune visite depuis lors.

Certes, M. [Z] justifie qu’il fait l’objet de poursuites en justice de la part de plusieurs créanciers (SA Compagnie Générale de Location d’Equipements) et même de condamnations au profit de certains de ces créanciers (SA Banque Postale Financement, SA Société Générale et Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine). Pour autant, il ne justifie d’aucun règlement intervenu au profit de la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine au titre des deux dettes concernées par la présente procédure depuis qu’elles ont été rendues exigibles, il y a près de sept ans à la date de l’arrêt.

Dans ces circonstances, M. [Z] sera débouté de ses demandes de report du paiement des dettes comme de délais de paiement.

– sur les demandes accessoires :

Le jugement est confirmé dans ses dispositions ayant statué sur les dépens de première instance, étant précisé que l’appel ne porte pas sur le chef du jugement ayant débouté les parties de leurs demandes respectives formées au titre des frais irrépétibles.

M. [Z], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditons de l’article 699 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa demande formée au titre des frais irrépétibles exposés en appel et il sera à l’inverse condamné, sur ce même fondement, à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine une somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement par mise à disposition au greffe,

Confirme, dans les limites de l’appel, le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Déboute M. [Z] de ses demandes de report de paiement et de délais de paiement ;

Déboute M. [Z] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] à verser à la Caisse de crédit agricole mutuel de l’Anjou et du Maine une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne M. [Z] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


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