Confidentialité des données : 7 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/01910

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Confidentialité des données : 7 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/01910
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JP/CS

Numéro 23/860

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 7 mars 2023

Dossier : N° RG 22/01910 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IIKI

Nature affaire :

Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts

Affaire :

S.A.R.L. SOLOREDAX

C/

S.A.S. JEMADE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 7 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 10 janvier 2023, devant :

Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. SOLOREDAX agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]’

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Virginie DANO, avocat au barreau de Nantes

INTIMEE :

S.A.S. JEMADE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Lydie VILAIN-ELGART de la SELARL ASTREA, avocat au barreau de DAX

Assistée de Me Laura JACQMIN, avocat au barreau de Bordeaux

sur appel de la décision

en date du 07 JUIN 2022

rendue par le PRESIDENT DU TC DE DAX

Par ordonnance de référé du 7 juin 2022,le président du tribunal de commerce de DAX a :

– débouté la société SOLOREDAX de l’ensemble de ses demandes,

– rétracté l’ordonnance rendue le 23 septembre 2021 à la requête de la société SOLOREDAX SARL (RG N° 2021 000 1659) ;

– ordonné en conséquence la nullité de la désignation de l’huissier de justice instrumentaire en la personne de Maître [H] (SCP [W] [H] [A] [U] [C] [AP])

– ordonné en conséquence la nullité des opérations de saisie menées le 29 novembre 2021 dans les locaux de la société JEMADE en exécution de l’ordonnance du 23 septembre 2021 ainsi que les actes subséquents ;

– condamné par provision la SARL SOLOREDAX au paiement à la société JEMADE SAS de la somme de 1800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dépens à la charge de la SARL SOLOREDAX dont frais de greffe liquidés à la somme de 40,66 € TTC.

Par déclaration du 6 juillet 2022 , la SARL SOLOREDAX a interjeté appel de la décision.

La SARL SOLOREDAX sollicite par voie de conclusions :

Vu notamment l’article 145 et suivants, l’article 493 du Code de procédure civile

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces,

– REFORMER l’ordonnance de référé du 5 avril 2022

Et STATUER DE NOUVEAU :

– DIRE et JUGER que l’ordonnance du 23 septembre 2021 est justifiée au regard des circonstances et des preuves à préserver.

En conséquence,

– DEBOUTER la société JEMADE de sa demande en rétraction de ladite ordonnance.

En tout état de cause,

– MODIFIER les mesures ordonnées dans l’ordonnance, si cela s’avère nécessaire et opportun au regard des intérêts en présence dans ce litige et les limiter de la façon suivante:

-« Rechercher tout élément de nature à permettre au tribunal d’apprécier le caractère déloyal

de la concurrence exercée par la société JEMADE, créée le 6 avril 2021 et exploitant la résidence L’AMARENA.

– Rechercher à cette fin toute proposition commerciale, devis, contrat établis avec les clients

de la société requérante, avec lesquels il existe une forte suspicion de concurrence déloyale et notamment : Mr [P], Madame [R], [V], [F], [S], [L], [I], [Y], [D], [M],[Z] ;[E], [B],

[X], [O],[N], [T] [K], [AW], [BC], [BI], [BO], [YP] ; lesquels étaient des clients récurrents de la société SOLOREDAX et n’ont pas renouvelé et/ou ont annulé leur réservation, postérieurement à l’ouverture de la résidence L’AMARENA.

– De prendre connaissance des échanges de courriers, le cas échéant électroniques (courriels)

de la société JEMADE et de l’ensemble de ses salariés, avec lesdits clients susvisés, étant

précisé que les données de nature personnelle ne pourront faire l’objet de copie ou mention

dans le constat qui sera dressé ;

– De prendre connaissance des échanges de courriers et courriel avec la société DCI, prospect de la société SOLOREDAX mais devenue client de la résidence L’AMARENA.

– De rechercher l’ensemble des éléments comptables et commerciaux de la société JEMADE

en rapport avec les clients listés susvisés »

– CONDAMNER la société JEMADE à la somme de 2 500€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

La société JEMADE conclut à :

Vu l’article 145 du code de procédure civile,

Vu la requête initiale déposée par la société SOLOREDAX,

Vu l’ordonnance rendue le 23 septembre 2021,

Il est demandé à la Cour d’appel de Pau :

A TITRE PRINCIPAL   :

– CONFIRMER l’ordonnance rendue le 7 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

En ce qu’elle a statué comme suit :

– DEBOUTER la société SOLOREDAX de l’ensemble de ses demandes ;

– RETRACTER l’ordonnance rendue le 23 septembre 2021 à la requête de la société SOLOREDAX SARL (RG n°2021 001659) ;

– ORDONNER en conséquence la nullité de la désignation de l’huissier de justice instrumentaire en la personne de Maître [H] (SCP [W] [H] [G] [C] [AP]) ;

– ORDONNER en conséquence la nullité des opérations de saisie menées le 29 novembre 2021 dans les locaux de la société JEMADE en exécution de l’ordonnance du 23 septembre 2021 ainsi que les actes subséquents ;

– CONDAMNER la société SOLOREDAX SARL au paiement de la somme de 1800€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au entiers dépens d’instance.

Y Ajoutant :

– DEBOUTER la société SOLOREDAX de l’ensemble de ses demandes ;

– CONDAMNER la société SOLOREDAX SARL au paiement de la somme de 2500€ au

titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au entiers dépens d’instance

d’appel.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

– CONFIRMER l’ordonnance rendue le 7 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Ce faisant :

– DEBOUTER la société SOLOREDAX SARL de sa demande de MODIFIER les mesures ordonnées en les limitant comme suit :

– Rechercher tout élément de nature à permettre au tribunal d’apprécier le caractère déloyal de la concurrence exercée par la société JEMADE, créée le 6 avril 2021 et exploitant la résidence L’AMARENA.

– Rechercher à cette fin toute proposition commerciale, devis, contrat établis avec les clients de la société requérante, avec lesquels il existe une forte suspicion de concurrence déloyale et notamment : Mr [P], Madame [R], [V], [F], [S], [L], [I], [Y], [D], [M],[Z] ;[E], [B], [X], [O],[N], [T] [K], [AW], [BC], [BI], [BO], [YP] ; lesquels étaient des clients récurrents de la société SOLOREDAX et n’ont pas renouvelé et/ou ont annulé leur réservation, postérieurement à l’ouverture de la résidence L’AMARENA.

– De prendre connaissance des échanges de courriers, le cas échéant électroniques (courriels) de la société JEMADE et de l’ensemble de ses salariés, avec lesdits clients susvisés, étant précisé que les données de nature personnelle ne pourront faire l’objet de copie ou mention dans le constat qui sera dressé ;

– De prendre connaissance des échanges de courriers et courriel avec la société DCI, prospect de la société SOLOREDAX mais devenue client de la résidence L’AMARENA.

– De rechercher l’ensemble des éléments comptables et commerciaux de la société JEMADE en rapport avec les clients listés susvisés »

– CONDAMNER la société SOLOREDAX SARL au paiement de la somme de 2500€ au

titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au entiers dépens d’instance

d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022.

SUR CE

[J] [YA] est un ancien salarié de la société SOLOREDAX au sein de laquelle il a occupé le poste de directeur d’établissement du 20 avril 2011 au 3 juin 2021 date de son licenciement pour faute lourde au motif notamment de non-respect de son obligation de loyauté de fidélité par le détournement de clientèle, utilisation de ressources appartenant à la société SOLOREDAX.

Il précise à cet égard qu’après de nombreuses années à manager les équipes et gérer la résidence : « les jardins du lac » il avait informé sa direction de son souhait de créer sa propre structure, la société JEMADE exploitant la résidence : «AMARENA. »

Alors que son employeur la société SOLOREDAX était informée de ce projet par lui-même et avait initialement apporté son agrément elle lui avait adressé postérieurement un courrier de notification de son licenciement pour faute lourde. Il fait valoir que son contrat de travail ne contenait aucune clause de non-concurrence.

Il avait démarré son activité en mai 2021 et recevait un courrier de mise en demeure du 7 juin 2021 exigeant la cessation de tout acte de concurrence déloyale.

Par requête du 16 septembre 2021 la société SOLOREDAX sollicitait que soit rendue une ordonnance autorisant la mise en ‘uvre d’une mesure d’instruction in futurum sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 23 septembre 2021 le président du tribunal de commerce de Dax faisait droit à cette demande en commettant l’étude d’ huissier de justice qu’il désignait avec mission de se rendre au siège de la société JEMADE 6, Rue du 19 mars 1952 40 990 SAINT PAUL LES DAX et de rechercher tout élément de nature à permettre au tribunal d’apprécier le caractère déloyal de la concurrence exercée par la société JEMADE crée le 6 avril 2021 et exploitant la résidence L’AMARENA, rechercher à cette fin toute proposition commerciale, devis, contrat établi avec les clients et fournisseurs de la société requérante, prendre connaissance des échanges de courriers,le cas échéant électroniques(Courriels) de la société JEMADE et de l’ensemble de ses salariés, Étant précisé que les données de nature personnelle ne pourront faire l’objet de copie ou mention dans le constat qui sera dressé, de rechercher l’ensemble des éléments comptables et commerciaux de la société JEMADE.

La société JEMADE contestait cette saisie et sollicitait par voie d’assignations en date du 3 et 4 février 2022 la rétractation de l’ordonnance par devant le président de la juridiction.

Par ordonnance dont appel le président du tribunal de commerce ordonnait la rétractation de l’ordonnance et annulait la nomination de l’ huissier de justice instrumentaire et de toutes ses diligences.

Ce magistrat considérait qu’en ne fixant pas de limites dans la saisie des informations par l’huissier commis, les mesures requises par l’ordonnance rendue, de portée trop générale ont permis de fouiller sans limitation l’ensemble des documents et fichiers rendant ainsi la mesure disproportionnée. Il avait relevé que ces mesures d’instruction ne fixaient aucune limite dans les mots-clés de clients, de documents ni de limites temporelles en lien avec les faits reprochés à Monsieur [YA] et à la société JEMADE que ce dernier dirige.

L’article 145 du code de procédure civile prévoit que : « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dès lors qu’un procès est déjà engagé, les mesures d’instruction légalement admissibles,destinées à conserver ou à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ne peuvent plus être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’existence d’une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d’instruction in futurum que si l’instance au fond est ouverte sur le même litige à la date de la requête.

C’est par requête en date du 16 septembre 2021 que la société SOLOREDAX sollicitait que soit rendue une ordonnance autorisant la mise en ‘uvre d’une mesure d’instruction in futurum sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 23 septembre 2021, le président du tribunal de commerce de Dax a fait droit à cette demande.

 

L’ordonnance de rétractation a été rendue le 7 juin 2022 et appel a été interjeté le 6 juillet 2022.

Par acte du 10 décembre 2021, la SARL SOLOREDAX a assigné [J] [YA] et la SAS JEMADE sur le fondement des articles 1240 et suivants du Code civil, pour actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société SOLOREDAX et pour obtenir la condamnation solidaire de [J] [YA] et la SAS JEMADE à réparer le préjudice subi par la société SOLOREDAX estimé à la somme de 420 000 € à parfaire en fonction des investigations de huissier instrumentaire.

L’ article 561 du code de procédure civile dispose que : « l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées au livre premier et deuxième du présent code».

L’ordonnance du 23 septembre 2021 a été rétractée au motif que les mesures prises étaient de portée trop générale, permettant de fouiller sans limitation l’ensemble des documents et fichiers rendant ainsi la mesure disproportionnée et permettant à la société demanderesse d’obtenir connaissance de données confidentielles d’un concurrent dénommé l’AMARENA, dépassant le cadre du litige qui l’oppose à Monsieur [YA].

La demande d’ordonnance sur requête était recevable en raison de l’absence d’instance au fond au moment où cette demande a été formulée.

Tandis que la condition d’antériorité à un procès au fond détermine la compétence du juge du provisoire et doit s’apprécier à la date de saisine de celui-ci, l’appréciation concernant les mérites de la demande de mesures d’instruction doit au contraire être faite au moment où le juge statue.

L’effet dévolutif commande au juge du second degré de statuer au regard de tous les éléments qui lui sont produits, même s’ils ne sont parvenus à la connaissance des parties qu’en cours d’instance d’appel.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 octobre 2002, a cassé au regard des articles 145 et 561 du nouveau code de procédure civile, l’arrêt d’une cour d’appel qui retenait qu’à la date de la décision initiale le juge du fond n’avait pas été saisi dès lors que l’assignation n’avait pas encore été mise au rôle. La Cour de cassation a considéré : « qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait d’examiner les faits et le droit à la date à laquelle elle statuait, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

En l’espèce,la demande d’ordonnance sur requête était recevable en raison de l’absence d’instance au fond au moment où cette demande a été formulée.

Compte tenu de l’engagement d’une instance au fond concernant le même litige, suivant assignation précitée du 10 décembre 2021, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rétracté l’ordonnance rendue le 23 septembre 2021 à la requête de la société SOLOREDAX,sans apprécier les motifs invoqués par cette ordonnance mais sur la seule considération que les conditions d’ application de l’article 145 du code de procédure civile ne sont plus plus réunies à ce jour.

Il y a lieu de condamner la SARL SOLOREDAX à payer à société JEMADE la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort.

Confirme l’ordonnance déférée du 7 juin 2022 en son entier dispositif ce qu’elle a rétracté l’ordonnance rendue le 23 septembre 2021 à la requête de la SARL SOLOREDAX, annulé la désignation de l’ huissier de justice instrumentaire, annulé les opérations de saisie menées le 29 novembre 2021 dans les locaux de la société JEMADE en exécution de l’ordonnance du 23 septembre 2021 ainsi que les actes subséquents ,précision faite que la rétractation est motivée par l’assignation délivrée au fond le 10 décembre 2021.

Condamne la SARL SOLOREDAX à payer à société JEMADE la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

DIT la SARL SOLOREDAX tenue aux entiers dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

 


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