Confidentialité des données : 6 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04665

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Confidentialité des données : 6 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04665
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 06 AVRIL 2023

(n°2023/ , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04665 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXUX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° 19/00410

APPELANTE

Madame [I] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

née le 08 Avril 1963 à [Localité 5]

Assistée de Me Kheir AFFANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0253

INTIMEE

Syndicat FEDERATION DES ENTREPRISES DE PROPRETE RANCE (FEP ILE DE FRANCE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 12 juin 2018, Mme [I] [G] a été engagée par le syndicat Fédération des entreprises de propreté ci après la FEP Ile de France en qualité de responsable administratif et comptable, statut cadre, échelon C3, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 840 euros pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures. En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel de base de 3’901,44 euros brut.

Par courriel du samedi 15 décembre 2018, adressé à sa supérieure hiérarchique, elle a réclamé le paiement d’un treizième mois et d’une prime en invoquant un usage dans l’entreprise en y joignant «’un document excel [‘] avec tous les éléments de salaire des salariés de la FEP IDF depuis plusieurs années. »

Par courrier recommandé du lundi 17 décembre 2018, la dispensant d’activité, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 décembre 2018 puis s’est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier adressé sous la même forme le 4 janvier 2019, l’employeur lui reprochant en substance d’avoir transmis, à l’appui de ses revendications, des données personnelles et confidentielles ayant trait à la rémunération de ses collègues et prédécesseur.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 22 mars 2018 en nullité de son licenciement pour violation de la liberté fondamentale d’agir et d’expression, discrimination et violation du principe de l’égalité de traitement afin d’obtenir essentiellement sa réintégration et le paiement de rappels de salaires, des dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et subsidiairement une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par jugement du 22 avril 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Créteil, section encadrement a débouté Mme [G] de l’intégralité de ses demandes et laissé les dépens à la charge de chacune des parties.

Mme [G] a régulièrement relevé appel du jugement le 20 mai 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n°4, notifiées par voie électronique le 22 novembre 2022, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Mme [G] prie la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et laissé à sa charge ses propres dépens et :

– déclarer le licenciement nul,

– ordonner sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent,

– condamner en conséquence la Fédération des entreprises de propreté d’île de France à lui payer un rappel de salaire sur la base d’un salaire moyen de 3 901,44 euros à compter de son éviction jusqu’à sa réintégration effective sans déduction des revenus de remplacement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– condamner la Fédération des entreprises de propreté d’île de France à lui payer la somme de 23’408,64 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul,

A titre subsidiaire : condamner la Fédération des entreprises de propreté d’île de France à lui payer les sommes de’:

* 23’408,64 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

* 15’000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de la liberté d’agir et d’expression,

En tout état de cause,

– condamner la Fédération des entreprises de propreté d’île de France à lui payer les sommes suivantes :

* 2 130,99 euros brut au titre du 13ème mois sur l’année 2018,

* 964,64 euros brut au titre du 13ème mois sur l’année 2019,

* 672,18 euros au titre de reliquat des congés payés,

* 720,25 euros brut au titre du reliquat du préavis du 1er au 4 avril 2019 outre 72,02 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 901,84 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail,

* 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Fédération des entreprises de propreté d’Ile de France aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n°4, notifiées par voie électronique le 23 novembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la Fédération des entreprises de propreté île de France prie la cour de :

– confirmer le jugement,

– débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes,

– la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2023.

MOTIVATION’:

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est motivée dans les termes suivants :

«'[‘] nous avons pris le temps de la réflexion pour disposer du recul nécessaire afin de prendre notre décision, laquelle pour les motifs ci-après, nous amène à rompre votre contrat de travail. Nous vous rappelons les raisons qui nous contraignent à prendre cette mesure : vous avez été embauchée en qualité de responsable administratif et comptable [‘] sur la base de rémunération 46’080 euros brut. [‘] Vous avez préféré être payée sur 12 mois ce que nous avons accepté [‘]. Nous avons alors conclu en ce sens le 12 juin 2018 un contrat de travail lequel stipulait expressément la rémunération contractuelle susmentionnée sur la base de laquelle nous sommes tombés d’accord ; contrat et rémunération dont vous avez accepté les termes, et que vous avez paraphé et signé, ainsi que la fiche descriptive de poste correspondant aux tâches qui vous ont été confiées, et figurant en annexe dudit contrat. Plus précisément, aux termes de l’article 8 de votre contrat de travail, parmi les obligations professionnelles que vous avez acceptées et que vous deviez donc respecter, vous étiez tenue à une obligation de discrétion concernant les renseignements que vous auriez pu recueillir durant votre période de travail, ainsi qu’à une obligation de bonne foi dans l’exécution de votre contrat de travail, conformément à l’article L. 1222’1 du code du travail. Le respect de la confidentialité figurait également dans la fiche de poste qui vous a été remise. [‘].

Vous avez ensuite manifesté le souhait d’être rémunérée à hauteur de 50’000 euros ce qui était tout à fait inenvisageable en l’état, de sorte que nous vous avons indiqué que nous ne pouvions accéder à votre demande. Face à la fin de non-recevoir que nous étions légitimement en droit de vous opposer, vous revendiquez aujourd’hui un treizième mois, ce qui est contraire à nos engagements ainsi qu’une prime de fin d’année, de sorte que rétroactivement votre rémunération puisse atteindre 50’000 euros. Cela ne correspondait pas en effet à nos accords.

Or, afin de parvenir à vos fins, vous avez adopté un comportement parfaitement indélicat et déloyal en prenant l’initiative de divulguer à l’appui d’un courriel contenant vos revendications, adressé le 15 décembre 2018 à l’attention de Mme [I] [Z], des données personnelles et confidentielles ayant trait à la rémunération de certains de vos collègues de travail et prédécesseurs, que vous avez reproduites dans un tableau récapitulatif figurant en annexe de votre mail.

Or dans le cadre de l’exécution de votre contrat de travail, vous êtes tenue à une obligation de loyauté ; à ce titre vous ne deviez en aucun cas divulguer des informations confidentielles vous avez eu connaissance dans l’exercice de vos fonctions.

Aussi, nous considérons :

que le fait que vous ayez pris l’initiative de révéler le montant des salaires de certains de vos collègues et prédécesseurs constitue un manquement inacceptable aux règles de confidentialité, de bonne foi contractuelle et de loyauté, ce qui est donc en totale inadéquation avec les fonctions de responsable administratif et comptable que vous exercez, et de nature à créer des difficultés au sein de notre entreprise ;

que les moyens que vous avez utilisés pour parvenir à vos fins sont contraires à la relation loyale qui doit exister entre nous, de sorte que le comportement que vous avez adopté est de nature à faire disparaître la confiance que nous avions placée en vous.

Les explications que vous nous avez fournies au cours de l’entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous notifions, en conséquence, par la présente, votre licenciement pour les motifs susvisés. [‘] ».

Sur la nullité du licenciement’:

Mme [G] sollicite la nullité du licenciement pour les motifs suivants :

– la violation de la liberté d’agir et d’expression pour avoir revendiqué l’application d’un usage ou d’un avantage concernant l’ensemble des salariés,

– la discrimination en raison de sa vulnérabilité et la différence de traitement subie.

La Fédération des entreprises de propreté d’île de France conclut au débouté.

Sur la violation alléguée de la liberté d’agir et d’expression pour avoir revendiqué l’application d’un usage ou d’un avantage concernant l’ensemble des salariés :

Sur la violation de la liberté d’agir :

La cour rappelle que le droit d’agir en justice est une liberté fondamentale pour tout salarié dont la violation par l’employeur emporte la nullité du licenciement prononcé. Aux termes de l’article L. 1134’4 du code du travail en effet, « est nul et de nul effet le licenciement d’un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n’ayant jamais cessé d’occuper son emploi. Lorsque le salarié refuse de poursuivre l’exécution du contrat de travail, les dispositions de l’article L. 1235’3’1 sont applicables.»

Mme [G] dont il est constant qu’elle n’avait pas intenté d’action en justice à l’encontre de l’employeur antérieurement à la notification du licenciement fait valoir qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié et ce, notamment sur le fondement des dispositions de l’article six § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’alinéa premier du préambule de la constitution du 27 octobre 1946.

Sur ce point, la cour relève d’une part que Mme [G] qui se contente d’évoquer les textes cités ne soutient pas dans ses écritures qu’elle était susceptible d’exercer une action en justice contre son employeur et d’autre part qu’il ne résulte pas de son courriel du 15 décembre 2017 qu’elle menaçait l’employeur d’une telle action. La cour ne retient donc pas que le licenciement est intervenu en représailles d’une action en justice que Mme [G] aurait pu être susceptible d’exercer. Le moyen de nullité est écarté.

Sur la violation alléguée de la liberté d’expression’:

Aux termes de l’article L 1121’1 du code du travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. ». L’article L. 2281’1 du code du travail dispose que « les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Selon l’article L. 2281’3 du code du travail : « les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une action ou un licenciement.’»

Il en résulte que le salarié jouit au sein de l’entreprise et en dehors de celle-ci de la liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionné au but recherché. L’exercice de la liberté d’expression ne peut donc constituer une faute qu’à la condition d’avoir dégénéré en abus.

Mme [G] fait valoir que le motif réel de son licenciement n’est pas d’avoir divulgué des données confidentielles, contrairement à ce qu’indique la lettre de licenciement puisqu’il ne saurait sérieusement lui être reproché d’avoir dressé un tableau contenant les données relatives à la rémunération de quelques salariés, auxquelles elle avait accès dans le cadre de ses fonctions de responsable des paie et dont seule sa supérieure hiérarchique était destinataire, à l’exclusion de toute autre personne, d’autant qu’elle l’a fait à la demande de celle-ci, mais d’avoir en réalité revendiqué le versement d’une prime de 13e mois et d’une prime exceptionnelle comme ses autres collègues ainsi que la rémunération convenue et donc exercé son droit d’expression de sorte que le licenciement intervenu en violation de celui-ci est nul.

La Fédération des entreprises de propreté Ile de France s’oppose à la demande en faisant valoir que compte tenu du manquement commis par la salariée aux règles de confidentialité de bonne foi contractuelle et de loyauté, le licenciement était bien fondé’sur une cause réelle et sérieuse, l’aspect confidentiel des données divulguées et leur détournement pour usage personnel étant caractérisé.

Pour déterminer le motif réel du licenciement, il convient tout d’abord de s’interroger sur l’existence de la cause réelle et sérieuse du licenciement telle qu’elle ressort de la lettre de licenciement.

La cour observe que la lettre de licenciement après avoir rappelé les réclamations de Mme [G] en matière de rémunération fait état de deux motifs de licenciement’:

– en premier lieu, avoir «’pris l’initiative de révéler le montant des salaires de certains de vos collègues et prédécesseurs »

– en second lieu, la perte de confiance qui en découle.

La cour considère que la «’révélation’» alléguée n’est pas établie dès lors que la seule destinataire du tableau contenant les données était la déléguée générale de l’association, supérieure hiérarchique de la salariée, pouvant avoir connaissance, elle aussi, des données relatives à la rémunération de ses subordonnés et connaissant au moins les siennes, comprises dans le tableau et ce d’autant plus que Mme [G] les lui avait transmises précédemment en pièce jointe dans un mail du 20 novembre 2018 intitulé salaires de 2013 à 2018 qu’elle communique . Par ailleurs, la salariée conteste avoir pris l’initiative de ce tableau et prétend avoir agi sur les instructions de la déléguée générale ce que celle-ci a démenti dans une attestation communiquée par l’employeur mais la cour, relevant que des discussions se sont nécessairement tenues entre Mme [G] et sa supérieure hiérarchique ayant d’ailleurs abouti à un relèvement de sa rémunération fixe au bout de six mois d’ancienneté, rappelle que le doute profite au salarié et ne retient donc pas que les faits sont établis.

S’agissant de la perte de confiance, la cour rappelle qu’elle ne peut être retenue que si elle repose sur des faits pouvant objectivement être qualifiés de fautifs de sorte que la cour ne retenant pas la faute alléguée ne retient pas que la perte de confiance est justifiée. Le licenciement de Mme [G] ne repose donc pas sur une cause réelle et sérieuse.

Dés lors, la cour, observant que la procédure de licenciement a été engagée le lundi 17 décembre, trois jours après l’envoi de son mail du vendredi 15 décembre 2018 considère que le motif réel du licenciement consiste, comme le soutient la salariée en l’envoi de ce mail.

En interpellant l’employeur dans son mail du 15 décembre 2018 en la personne de sa supérieure hiérarchique Mme [Z] pour lui exprimer son désaccord sur le montant de sa prime exceptionnelle, le montant de son salaire et revendiquer un treizième mois d’usage dans l’entreprise dans des termes fermes mais demeurant courtois, Mme [G] n’a fait qu’user de sa liberté d’expression dont l’abus n’est pas établi. Le licenciement n’est donc pas caractérisé par une cause réelle et sérieuse de sorte qu’il constitue en réalité, comme le soutient la salariée une mesure de rétorsion à son courriel du 15 décembre et caractérise une violation de la liberté d’expression de la salariée.

La cour considérant que la violation de la liberté d’expression, droit fondamental de la salariée est caractérisée prononce la nullité du licenciement en application de l’article L. 1235-3-1 1° du code du travail. Le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté Mme [G] de ce chef de demande.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement’:

Sur la réintégration’:

Mme [G] sollicite sa réintégration dans l’entreprise tandis que la FEP s’y oppose en faisant valoir que celle-ci est impossible puisqu’elle a trouvé un nouvel emploi ce qui ne suffit pas à caractériser l’impossibilité matérielle de la réintégration 1920397 P

La cour fait donc droit à la demande de réintégration de Mme [G] et ordonne sa réintégration au sein de la FEP IDF dans son emploi ou à défaut un emploi équivalent sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte. La demande en ce sens est rejetée. Le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande de réintégration.

Sur l’indemnité d’éviction’:

Sur la rémunération’:

La cour observe que Mme [G] a signé un contrat de travail prévoyant le versement d’une rémunération de 46 080 euros soit 3’840 euros par mois et qu’elle ne verse aucun élément aux débats établissant qu’en réalité la rémunération convenue était de 50 000 euros brut en dehors de ses propres affirmations lesquelles ne sont corroborées par aucun élément objectif. A compter de janvier 2019, la rémunération mensuelle de base est passée à 3 901,44 selon les mentions du bulletin de salaire correspondant. La cour retient donc que la rémunération mensuelle de base s’élève à cette somme.

La nullité du licenciement ayant été prononcée pour violation d’un droit ou d’une liberté ayant une valeur constitutionnelle, les revenus perçus par la salariée pendant la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration ne peuvent être déduits contrairement à ce que sollicite l’employeur. La cour condamne donc la FEP Ile de France à verser à Mme [G] l’ensemble des salaires qu’elle aurait dû percevoir depuis son licenciement jusqu’à sa réintégration sur la base d’un salaire mensuel brut de 3 901,44 euros, comme elle le revendique. Le jugement est infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur la demande d’indemnité pour licenciement nul’:

Mme [G] réclame également la condamnation de l’employeur à lui verser une indemnité égale à six mois de salaire en invoquant les dispositions de l’article L. 1235’3-1 du code du travail mais cette disposition n’est pas applicable puisqu’elle sollicite sa réintégration dans l’entreprise. Elle est déboutée de ce chef de demande et le jugement et confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes financières’:

Sur les demandes au titre du 13e mois:

S’agissant du treizième mois, Mme [G] s’appuie sur l’attestation de Mme [M] [O], ancienne secrétaire de la FEP Ile de France de 1978 à 2019 selon laquelle tous les salariés permanents percevaient une prime de 13ème mois en décembre outre une prime exceptionnelle ainsi que sur le contrat de travail de M. [L] son prédécesseur lequel prévoyait expressément que la rémunération était versée sur treize mois. Il ressort également du tableau d’évolution des salaires et primes de 2013 à 2018 qu’elle avait joint à ses mails du 20 novembre 2018 et du 15 décembre 2018 adressés à sa supérieure hiérarchique que tous les permanents IDF bénéficiaient d’un treizième mois. Ces éléments suffisent à établir que les permanents de la FEP Ile de France percevaient tous un treizième mois à l’exception de Mme [G] et il appartient donc à l’employeur de prouver que la différence de traitement dont Mme [G] fait l’objet est en réalité justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L’employeur en se contentant d’affirmer que Mme [G] a choisi de recevoir sa rémunération sur douze mois lors de la signature du contrat de travail échoue à démontrer que par là même, elle entendait renoncer à bénéficier du treizième mois qu’il versait aux autres salariés et il ne verse aucun élément aux débats pour démontrer qu’il ne s’agissait pas d’un usage, général fixe et constant dont elle devait bénéficier, comme les autres salariés placés dans une situation comparable à la sienne.

Dès lors, Mme [G] est fondée à percevoir un rappel de prime de treizième mois.

Pour l’année 2018, elle sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer une somme de 2 130,99 euros à ce titre. La FEP île de France conclut au débouté.

La cour ayant reconnu le droit de Mme [G] au versement d’un treizième mois condamne la FEP Ile de France à lui verser à ce titre la somme de 2’130,99 euros. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

Pour l’année 2019 , Mme [G] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de 964,64 euros brut à ce titre. La FEP Ile de France conclut au débouté.

Eu égard à la solution du litige, la cour condamne la FEP Ile de France à lui verser à ce titre la somme de 964,64 euros brut. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

Sur la demande au titre du reliquat des congés payés’:

Mme [G] fait valoir qu’elle a acquis 14,56 jours de congés au 31 décembre 2018 qu’il convenait, à la rupture du contrat de travail de déduire cinq jours pris et d’en rajouter 6,24 acquis de sorte qu’un total de 15,80 jours lui restaient dus et ne lui ont pas été payés.

La FEP Ile de France s’oppose à la demande en se référant à sa pièce 4 pour justifier son calcul. Il s’agit en réalité de la pièce 14 laquelle fait apparaître un solde de 451,50 euros que l’employeur ne justifie pas avoir versé, prenant en compte les 5 jours pris et les jours acquis. La cour condamne la FEP Ile de France à payer cette somme à Mme [G] et le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du reliquat de préavis pour la période du 1er au 4 avril’:

Mme [G] fait valoir que comme la lettre de licenciement lui a été notifiée le 4 janvier 2019, la date d’expiration du délai de préavis de trois mois était le 4 avril 2019 mais qu’elle n’a pas été payée pour la période du 1er au 4 avril 2019. La FEP Ile de France indique s’en rapporter sur cette demande et conclut au débouté.

La cour rappelant que le délai congé pour le personnel cadre est de «’trois mois à l’expiration de la période d’essai’» en application de l’article 9. 08. 2 de la convention collective et constatant, au vu de l’avis de réception, que la lettre de licenciement a été présentée à la salariée le 4 janvier 2019, fait droit à la demande et condamne la FEP Ile de France à verser à Mme [G] la somme réclamée de 720,25 euros. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts au titre de la mauvaise foi dans l’exécution du contrat travail:

Mme [G] indique avoir fait l’objet d’un licenciement en représailles de ses revendications salariales auprès de sa hiérarchie et sollicite des dommages-intérêts en invoquant le détournement des dispositions légales sur le licenciement par le recours à des motifs fallacieux et mensongers. Elle ne justifie cependant pas d’un préjudice distinct de celui qu’elle invoque au titre de la nullité du licenciement et en réparation duquel elle a perçu une indemnité d’éviction de sorte qu’elle est déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement est confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

La FEP Ile de France, partie perdante est condamnée aux dépens de première instance et d’appel et doit indemniser Mme [G] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS’

LA COUR statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [I] [G] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, et mauvaise foi dans l’exécution du contrat travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

PRONONCE la nullité du licenciement,

ORDONNE la réintégration de Mme [I] [G] à son emploi ou un emploi équivalent,

CONDAMNE la Fédération des entreprises de propreté d’Ile de France à payer à Mme [I] [G] une indemnité équivalente aux salaires qu’elle aurait dû percevoir depuis son licenciement jusqu’à sa réintégration sur la base d’un salaire mensuel brut de 3 901,44 euros sans déduction des revenus de remplacement,

CONDAMNE la Fédération des entreprises de propreté d’Ile de France à verser à Mme [I] [G] les sommes de :

– 2 130,99 euros brut au titre du 13e mois pour l’année 2018,

– 964,64 euros brut au titre du 13e mois pour l’année 2019,

– 451,50 euros au titre du reliquat des congés payés,

– 720,25 euros brut au titre du reliquat de préavis pour la période du 1er au 4 avril 2019 outre 72,02 euros au titre des congés payés afférents,

DÉBOUTE Mme [I] [G] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la Fédération des entreprises de propreté d’Ile de France aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [I] [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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