Confidentialité des données : 4 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00546

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Confidentialité des données : 4 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00546
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ARRÊT n°23/00261

04 avril 2023

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N° RG 20/00546 –

N° Portalis DBVS-V-B7E-FH2F

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Conseil de Prud’hommes de SCHILTIGHEIM

Décision du 28 avril 2017 (RG F 16/00003)

Cour d’Appel de COLMAR

Arrêt du 12 juin 2018

(RG 17/02512)

Cour de cassation

Arrêt du 22 janvier 2020

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRÊT DU

Quatre avril deux mille vingt trois

DEMANDERESSE À LA REPRISE D’INSTANCE – APPELANTE :

SA SOCIETE GENERALE prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles ROZENEK, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Jean-Oudard DE PREVILLE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDEUR À LA REPRISE D’INSTANCE – INTIMÉ :

Monsieur [S] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Jessy SAMUEL, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [S] [H] a été embauché par la SA Société Générale selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1998, en qualité de chargé d’études schémas application comptable.

La convention collective applicable est celle du travail du personnel des banques.

M. [H] occupait depuis fin 2006 un poste de responsable comptable qui, selon modification de son code emploi au 1er septembre 2009, a été formalisé en Responsable de la comptabilité monétique.

M. [H] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement qui s’est tenu le 16 juin 2015. Par lettre recommandée datée du 1er juillet 2015, M. [H] a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Par acte introductif enregistré au greffe le 13 janvier 2016, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Schiltigheim aux fins de voir prononcer la nullité du licenciement dont il a fait l’objet pour non respect de la protection syndicale, pour discrimination salariale et pour harcèlement moral. Il demandait en outre d’ordonner la réintégration, subsidiairement la réparation du préjudice à hauteur de 180 960 euros. Il demandait de constater que son licenciement est abusif pour défaut de reclassement et absence de motif réel et sérieux, et en tous les cas mal fondé. Il sollicitait en conséquence des indemnités en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif, mais également des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct subi, outre une sommetitre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 avril 2017, conseil de prud’hommes de Schiltigheim, section encadrement, a statué ainsi qu’il suit :

Dit et juge le licenciement de M. [H] nul pour non respect de la protection syndicale,

Ordonne la réintégration de M. [H] dans son emploi antérieur ou dans un emploi équivalent,

Fixe le salaire de M. [H] à 45 800 euros bruts annuels,

En conséquence, condamne la Société Générale Centre Monétique à verser à M.[H] la somme de 90 000 euros au titre de l’indemnité d’éviction,

Déboute M. [H] du surplus de ses demandes,

Déboute la Société Générale Centre Monétique de ses demandes reconventionnelles,

Condamne la Société Générale Centre Monétique aux entiers frais et dépens,

Condamne la Société Générale Centre Monétique à payer à M. [H] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 12 juin 2018, la cour d’appel de Colmar a statué ainsi qu’il suit :

– Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur la condamnation au paiement par la Société Générale de la « somme de 90 000 euros indemnité d’éviction », et sur le débouté de demande reconventionnelle de celle-ci au titre des repos compensateurs,

– Infirme le jugement entrepris de ces chefs,

– Statuant à nouveau dans ses limites et y ajoutant :

. condamne la SA Société Générale à payer à M. [H] les sommes suivantes:

25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

45 800 € à titre d’indemnités pour violation du statut protecteur,

540 € titre de la prime de garde d’enfant,

3 000 € titre des frais irrépétibles d’appel,

. condamne M. [H] à payer à la SA Société Générale la somme de 2 100 euros en restitution de l’indemnité de repos compensateurs ;

. déboute les parties de leurs demandes additionnelles ;

. condamne la SA Société Générale aux dépens d’appel.

La SA Société Générale a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt du 22 janvier 2020, la Cour de Cassation a statué ainsi qu’il suit :

– Casse et annule mais seulement en ce qu’il dit le licenciement nul pour non-respect du statut protecteur, ordonne la réintégration du salarié et alloue au salarié des dommages et intérêts pour le licenciement nul et violation du statut protecteur, l’arrêt rendu le 12 juin 2018 par la cour d’appel de Colmar ;

– Remet sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Metz ;

– Condamne M. [H] aux dépens ;

– En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Au visa de l’article L 2411-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, et de l’article L2234-3 du code du travail, la Cour de cassation précise :

Les institutions représentatives du personnel créées par voie conventionnelle doivent, pour ouvrir à leurs membres le bénéfice de la procédure spéciale protectrice prévue en faveur des représentants du personnel et des syndicats, être de même nature que celles prévues par le code du travail ; tel n’est pas le cas des commissions internes à une entreprise compétentes en matière de procédure disciplinaire, dont l’existence n’est pas prévue par le code du travail.

Pour reconnaître au salarié le bénéfice du statut protecteur, la cour d’appel relève qu’il est membre syndical de la commission paritaire de recours interne instaurée par la Société générale en application de la Convention nationale de la banque et que cette commission, qui est composée paritairement d’une délégation syndicale et d’une délégation patronale et a pour objet d’examiner les recours formés en interne par les salariés concernés par une procédure de rétrogradation ou de licenciement disciplinaire constitue une institution de même nature que les commissions paritaires professionnelles, créées par accord collectif, et qui ont, aux termes de l’article L 2234-2 du code du travail, une compétence en matière de « réclamations individuelles et collectives » et pour lesquelles l’article L 2234-3 du même code prévoit une protection pour les membres qui la composent.

En statuant ainsi, alors que les commissions paritaires professionnelles au plan local, départemental ou régional, qui ont principalement pour mission de concourir à la mise en place d’un dialogue social interentreprises, n’ont pas la même nature que des commissions instituées au sein d’une entreprise pour examiner les recours des salariés à l’encontre des décisions de l’employeur en matière de rétrogradation, licenciement ou mise à la retraite, la cour d’appel a violé, par fausse application, les articles précités.

Par déclaration formée par voie électronique le 20 février 2020 et enregistrée au greffe le 25 février 2020, la SA Société Générale a saisi la cour d’appel de Metz désignée en qualité de juridiction de renvoi.

Par ses dernières conclusions n°5 notifiées par voie électronique le 30 décembre 2021, la SA Société Générale demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

– Infirmer le jugement du conseil de prud’homme de Schiltigheim en ce qu’il a fait droit à certaines demandes M. [H] et en ce qu’il a jugé le licenciement nul pour non-respect de la protection syndicale, ordonné la réintégration de M. [H] dans son emploi antérieur ou dans un emploi équivalent, condamné la SA Société Générale à payer les dépens et à lui verser les sommes de 90 000 euros à titre d’indemnité d’éviction et de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté la SA Société Générale de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau,

– Débouter M. [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

– Ordonner la déduction des revenus de remplacement perçus par M. [H] depuis la fin de son contrat de travail ;

– Condamner M. [H] à payer à la SA Société Générale la somme de 30 794 euros au titre de la restitution de l’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que la somme totale de

4 845,61 euros brut qu’il a perçue au titre du préavis dispensé et payé jusqu’en octobre 2015, du 13ème mois correspondant et des congés payés afférents ;

– Réduire les demandes à de plus justes proportions, en l’absence de préjudice supérieur au minimum prévu par l’article L 1235-3 du code du travail ;

A TITRE RECONVENTIONNEL,

– Condamner M. [H] à verser à la SA Société Générale la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La SA Société Générale précise :

que M. [H] n’a pas fait l’objet d’une discrimination syndicale, ni d’une inégalité de traitement, ni d’un harcèlement moral et qu’il ne bénéficiait d’aucune protection particulière au titre de son affiliation syndicale et de sa qualité de membre de la commission de recours interne à l’entreprise ;

que la cour d’appel de Colmar a définitivement jugé par une décision de justice irrévocable que la SA Société Générale avait respecté le principe d’égalité de traitement et rejeté toutes les demandes à ce titre ;

que le licenciement de M. [H] est justifié par une insuffisance professionnelle persistante, illustrée par des faits réels et précis ;

que l’article 26 de la convention collective nationale des banques ne s’applique pas en l’espèce ;

que les demandes pécuniaires de M. [H] ne sont pas justifiées dans leur principe ni dans leur montant.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2021, M.[H] demande à la Cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

– Confirmer le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a constaté la nullité du licenciement et condamné la Société Générale à verser à M. [H] la somme de 90 000 euros, celle de 1 000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers frais et dépens ;

– Débouter la Société Générale de l’intégralité de ses prétentions ;

A TITRE INCIDENT,

– Constater que le licenciement du demandeur est nul pour non-respect de la protection syndicale, pour discrimination syndicale, pour discrimination salariale, pour harcèlement moral ;

– Ordonner sa réintégration ;

– Condamner la Société Générale à payer à M. [H] la somme de 535 340 euros aux salaires non perçus du 01.09.2015 au 01.09.2021, puis 7 540 euros par mois à compter de sa réintégration effective ;

SUBSIDIAIREMENT, A DEFAUT DE REINTEGRATION,

– Condamner la Société Générale à verser à M. [H] en réparation de la violation du statut protecteur la somme de 174 000 euros ;

– Condamner la Société Générale à payer à M. [H] en réparation du caractère abusif du licenciement la somme de 535 340  euros ;

PLUS SUBSIDIAIREMENT,

– Constater que le licenciement du demandeur est abusif pour défaut de reclassement et sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamner la Société Générale à verser M. [H] au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif la somme de 140 000 euros ;

– Condamner la Société Générale à verser M. [H] au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral distinct subi la somme de 20 000 euros ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

– Condamner la défenderesse en tous les frais et dépens ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 5 000 euros.

M. [H] indique qu’il bénéficiait d’une protection en raison de sa qualité de délégué syndical désigné pour siéger à la Commission Permanente de Recours Interne et que l’inégalité de traitement est caractérisée, tout comme la disecrimination en raison de son appartenance syndicale, et le harcèlement moral qu’il a subi. Subsidiairement, il précise que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, son insuffisance professionnelle n’étant pas caractérisée et l’employeur n’ayant pas respecté l’obligation de reclassement que lui imposaient les dispositions de la convention collective (article 26). Il ajoute enfin qu’il n’a toujours pas retrouvé d’emploi stable.

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement :

En application des articles L 1132-4 et 1152-3 du code du travail, tout licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié en méconnaissance des dispositions relatives à la discrimination et au harcèlement moral est nul.

La sanction du non respect du statut protecteur applicable au salarié licencié est également la nullité du licenciement ainsi prononcé.

En l’espèce, M. [H] demande que le licenciement prononcé à son encontre pour insuffisance professionnelle le 1er juillet 2015 soit déclaré nul, au motif qu’il a été victime de harcèlement moral, de non-respect par l’employeur du principe d’égalité de traitement, de discrimination syndicale, et enfin pour non respect par l’employeur du statut protecteur dont il devait bénéficier.

Sur l’application du statut protecteur

Selon l’article L 2411-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l’un des mandats suivants :

1° Délégué syndical ;

2° Délégué du personnel ;

3° Membre élu du comité d’entreprise ;

4° Représentant syndical au comité d’entreprise ;

5° Membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d’entreprise européen ;

6° Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société européenne;

6° bis Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société coopérative européenne ;

6° ter Membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société issue de la fusion transfrontalière ;

7° Représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

8° Représentant du personnel d’une entreprise extérieure, désigné au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail d’un établissement comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue à l’article L. 515-36 du code de l’environnement ou mentionnée à l’article L 211-2 du code minier ;

9° Membre d’une commission paritaire d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en agriculture prévue à l’article L 717-7 du code rural et de la pêche maritime ;

10° Salarié mandaté, dans les conditions prévues à l’article L. 2232-24, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ;

11° Représentant des salariés mentionné à l’article L. 662-4 du code de commerce ;

12° Représentant des salariés au conseil d’administration ou de surveillance des entreprises du secteur public, des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions ;

13° Membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale mentionné à du code de la sécurité sociale ;

14° Membre du conseil d’administration d’une mutuelle, union ou fédération mentionné à l’article L. 231-11 du code de la mutualité ;

15° Représentant des salariés dans une chambre d’agriculture, mentionné à l’article L. 515-1 du code rural et de la pêche maritime ;

16° Conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l’autorité administrative et chargé d’assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d’un licenciement ;

17° Conseiller prud’homme ;

18° Assesseur maritime, mentionné à l’article 7 de la loi du 17 décembre 1926 relative à la répression en matière maritime.

En outre, selon l’article L 2234-3 du même code, les accords instituant des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles fixent, en faveur des salariés participant aux négociations, de même qu’aux réunions des commissions paritaires, les modalités d’exercice du droit de s’absenter, de la compensation des pertes de salaires ou du maintien de ceux-ci, ainsi que de l’indemnisation des frais de déplacement. Ces accords déterminent également les modalités de protection contre le licenciement des salariés membres de ces commissions et les conditions dans lesquelles ils bénéficient de la protection prévue par les dispositions du livre IV relatif aux salariés protégés.

M. [H] indique qu’il devait bénéficier du statut protecteur en raison d’une part de sa qualité de membre, désigné en mars 2015, de la Commission Paritaire de Recours Interne de la SA Société Générale, et d’autre part de sa qualité de représentant syndical.

La SA Société Générale s’oppose à l’application du statut protecteur, et à la nécessité qui en découle de demander préalablement à la décision de licencier le salarié l’autorisation de l’inspecteur du travail pour procéder à son licenciement, et explique que M. [H] n’a jamais été investi d’un mandat syndical au sens des articles L 2143-3 et L 2411-1-1° du code du travail, et que par ailleurs son appartenance à la Commission Paritaire de Recours Interne (CPRI) de la SA Société Générale ne lui fait pas bénéficier du statut protecteur, la Cour de cassation ayant retenu que ces commissions n’avaient pas le même objet que les commissions paritaires professionnelles au plan local, départemental ou régional, prévues à l’article L 2234-3 pré-cité.

Les jurisprudences convergentes du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation considèrent de façon désormais constante que, lorsqu’ils sont d’origine conventionnelle, les mandats représentatifs ne peuvent ouvrir le bénéfice du statut protecteur que s’ils sont de même nature qu’un mandat légal.

S’agissant de la Commission Paritaire de Recours Interne de la SA Société Générale instituée par la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000, leur objet est défini par cette convention de la façon suivante (annexe II de la convention collective) :

« Les dispositions de la présente convention collective prévoient la possibilité pour un salarié ayant fait l’objet d’une procédure de rétrogradation impliquant un changement de poste ou de licenciement pour motif disciplinaire de saisir la commission paritaire de recours interne de son entreprise, si cette instance existe.

Un salarié mis à la retraite avant l’âge de 65 ans à la date de la rupture de son contrat de travail, contre son avis, peut également saisir la commission paritaire de recours interne de son entreprise, si cette instance existe. »

Cette commission, ayant pour mission exclusive de servir d’instance de recours interne en cas de rétrogradation, de licenciement pour motif disciplinaire ou de mise à la retraite avant l’âge de 65 ans d’un salarié, doit être considérée comme ayant une nature différente de celle des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles bénéficiant du statut protecteur en application de l’article L 2234-3 du code du travail précité, et dont l’objet, défini par l’article L 2234-2 du code du travail, est de :

– concourir à l’élaboration et à l’application de conventions et accords collectifs de travail, négocier et conclure des accords d’intérêt local, notamment en matière d’emploi et de formation continue ;

– examiner les réclamations individuelles et collectives ;

– examiner toute autre question relative aux conditions d’emploi et de travail des salariés intéressés.

Dès lors, le fait que M. [H] ait été désigné par courrier du 25 mars 2015 du syndicat FO comme représentant de ce syndicat au sein de la Commission Paritaire de Recours Interne (CPRI) de la SA Société Générale ne lui fait pas bénéficier du statut protecteur.

Par ailleurs, le statut de délégué syndical ouvrant droit au bénéfice du statut protecteur en application de l’article L 2411-1-1° ne résulte pas de la simple désignation par le syndicat FO comme membre de la délégation syndicale composant la CPRI, seuls les délégués syndicaux désignés par le syndicat pour le représenter auprès de l’employeur, dans les conditions de l’article L 2143-3, pouvant en bénéficier.

M. [H] n’ayant pas la qualité de délégué syndical au sens de l’article L 2143-3 du code du travail, il ne peut pas bénéficier du statut protecteur du seul fait de sa désignation par le syndicat FO comme représentant au sein de la CPRI.

Au vu de ces éléments, M. [H] ne bénéficiait pas du statut protecteur, de sorte que la demande aux fins de constater la nullité de son licenciement sur le fondement du non respect de ce statut doit être rejetée, tout comme la demande de dommages et intérêts formée par M. [H] au titre de la violation du statut protecteur.

Le jugement entrepris doit être infirmé sur ces points.

Non-respect des dispositions relatives à l’égalité de traitement

L’article L 3221-2 du code du travail dispose que «tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ».

Cette disposition se fonde sur le principe « à travail égal, salaire égal » qui a vocation à s’appliquer à l’ensemble des salariés d’une même entreprise, quel que soit leur sexe, et qui repose lui-même sur le principe général de non discrimination édicté par l’article L1132-1 du même code, qui interdit toute mesure discriminatoire entre salariés, notamment en matière de rémunérations, en raison, entre autres, de leur activité syndicale ou de leur état de santé.

En l’espèce, M. [H] souligne au préalable que la cour d’appel de Colmar n’a pas statué sur le non-respect du principe d’égalité de traitement, et que seules ses dispositions ayant rejeté la demande de revalorisation salariale, qui n’ont pas été cassées par l’arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2020, sont devenues définitives.

M. [H] précise que compte tenu de ses responsabilités, du nombre de personnes encadrées, des salaires pratiqués par le SA Société Générale et de l’évolution plus rapide de la rémunération des salariés de son équipe, son salaire était insuffisant et aurait dû s’élever à environ 70 000 euros brut par an, au lieu des 45 800 euros constituant la moyenne de son salaire annuel brut.

La SA Société Générale s’oppose à cette demande, expliquant que la violation du principe d’égalité de traitement n’est pas caractérisée en l’espèce, et que ce motif a déjà été tranché définitivement par l’arrêt de la cour d’appel de Colmar du 12 juin 2018. Elle ajoute subsidiairement que la violation de ce principe n’entraîne pas la nullité du licenciement.

Il convient au préalable de constater que si la cour d’appel de Colmar a retenu la nullité du licenciement litigieux sur le fondement du non-respect du statut protecteur, et que consécutivement elle n’a pas examiné les autres moyens au soutien de la prétention visant à voir reconnaître la nullité du jugement, elle a cependant statué sans être cassée sur ce point sur la demande formée par M. [H] au titre de la régularisation de sa rémunération, prétention fondée sur le seul moyen tiré du non respect de l’inégalité de traitement.

Dès lors, les dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, statuant sur le non-respect du principe d’égalité de traitement, sont définitives et la demande formée par M. [H] aux fins de prononcer la nullité de son licenciement sur ce fondement doit être rejetée.

Discrimination syndicale

Selon l’article L 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (…), notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de (…) de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Toujours en vertu de ce même code, pris en son article L 1134-1 dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige, « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte » et « au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. »

Il s’ensuit, en l’espèce, qu’il incombe à M. [H] de présenter des éléments de fait laissant supposer la discrimination, notamment qu’il a été victime d’agissements défavorables de l’employeur en lien avec l’appartenance syndicale.

M. [H] estime avoir été victime de discrimination syndicale de la part de la SA Société Générale depuis janvier 2014, date de son engagement syndical pour le syndicat FO, en ayant fait l’objet depuis 2013 de brimades en termes de rémunération, d’audits fréquents de son service, d’une proposition de poste déclassé en octobre 2014 ne comportant aucun management d’équipe et dépourvu de toute possibilité de réévaluation salariale à court, moyen ou long terme.

La SA Société Générale estime qu’il n’y a pas de discrimination liée à l’appartenance syndicale de M. [H], les motifs de son licenciement étant objectifs et sans lien avec l’appartenance syndicale de M. [H]. Elle souligne que les brimades invoquées remontent à 2010 alors qu’elle n’a eu connaissance de l’appartenance syndicale de M.[H] qu’en mars 2015, qu’aucune brimade sur sa rémunération n’a été constatée par le cour d’appel de Colmar, que le poste proposé à M. [H] en octobre 2014 est de même niveau hiérarchique que le poste occupé par M. [H] et qu’une revalorisation de la rémunération en cas de changement de poste n’est pas systématique.

L’examen des pièces versées aux débats par M. [H] montre d’une part que la SA Société Générale n’a été informée de l’appartenance syndicale de M. [H] que par courrier établi par le syndicat FO le 25 mars 2015, précisant à l’employeur que M. [H] représenterait le syndicat à la CPRI, et d’autre part qu’aucun des échanges, et aucune des évaluations ou autres pièces ne fait état de l’appartenance syndicale de M. [H] ou des conséquences éventuelles de celle-ci sur le travail de M. [H].

Dès lors, M. [H] ne présente pas d’éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination fondée sur son appartenance syndicale, et il convient de le débouter de sa demande aux fins de prononcer la nullité de son licenciement sur ce fondement.

Harcèlement moral

L’article L 1152-1 du code du travail stipule qu’ « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Le harcèlement moral s’entend en l’occurrence selon sa définition commune d’agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l’humilier.

S’agissant de la preuve du harcèlement, l’article L1154-1 du même code précise, dans sa version applicable au litige, que lorsque survient un litige relatif notamment à l’application de l’article L. 1152-1, « le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement » et « au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. »

Pour étayer sa demande tendant à voir constater qu’il est victime de harcèlement moral, M. [H] invoque :

sa détresse qu’il a déjà signalée depuis de nombreux mois aux délégués syndicaux de la société ;

les audits diligentés à la demande de l’employeur au sein du service de M. [H], dont le nombre était anormalement fréquent ;

le fait que M. [H] a été vu par le médecin du travail en 2014, auprès duquel il s’est confié, ainsi qu’auprès de l’assistance sociale ;

le fait que l’inspection du travail a été interrogée sur la situation de M. [H] ;

le décès de deux collègues de M. [H] intervenu après son départ en raison d’un surmenage, et le suicide d’un autre en 2011 qui a donné lieu à une enquête sociale indépendante qui décrirait une situation calamiteuse ;

le motif réel de son licenciement, la SA Société Générale cherchant à se débarrasser de lui en tentant de lui imposer une mobilité géographique et un poste sans dimension managériale.

S’il résulte d’un courriel du 29 juin 2015 adressé par Mme [X], salariée ayant assisté M. [H] au cours de l’entretien préalable à son licenciement fixé au 16 juin 2015, et Mme [E], représentante du syndicat FO, que M. [H] a été signalé en souffrance dès le mois d’octobre 2014, aucune pièce ne vient démontrer que le nombre d’audits pratiqués au sein du service de M. [H] était anormalement fréquent, ni que le médecin du travail, l’inspection du travail et l’assistante sociale ont été sollicités par M. [H].

Par ailleurs, aucun élément ne démontre que les décès des trois collègues de travail de M. [H] sont en lien avec les conditions de travail de celui-ci, qui ne fait pas état dans ses échanges et dans ses pièces de ces événements, le compte rendu de l’enquête sociale indépendante n’étant en outre pas produit aux débats.

En revanche, les échanges de courriels datés du 6 et du 10 octobre 2014 (pièce n°8 de l’appelante) produits aux débats montrent que la proposition de poste de Chargé de Projets Bancaires faite par la SA Société Générale à M. [H], et refusée par celui-ci, portait sur un poste de même niveau de rémunération (I-J) mais ne comportait pas de management hiérarchique (seulement des compétences de « management fonctionnel et transversal »).

Les éléments établis par le salarié (proposition de poste sans management hiérarchique ; détresse signalée depuis octobre 2014), pris dans leur ensemble, sont suffisamment précis et concordants pour laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral dont il aurait été victime sur son lieu de travail à compter d’octobre 2014.

Pour s’opposer à l’existence de harcèlement moral invoqué par M. [H], l’employeur produit les comptes rendus d’évaluation de M. [H] couvrant les années 2011 à 2014, montrant que des faiblesses en terme de communication et de management sont soulignées à compter de 2012 s’agissant du salarié, des difficultés entre certains salariés travaillant sous l’autorité de M. [H] et celui-ci étant soulignées par ailleurs dans des comptes rendus d’évaluation versés aux débats (pièces n°24 et n°27 de la SA Société Générale) et des échanges de courriels (pièce n°23 de l’appelante).

Aucun élément ne démontre en revanche que l’employeur a été informé de la détresse de M. [H] signalée aux délégués syndicaux dès octobre 2014 ni que les conditions de travail de ou l’état de santé de M. [H] se sont dégradées.

Il résulte ainsi de tous ces développements que la SA Société Générale justifie d’éléments objectifs extérieurs à tout comportement de harcèlement moral de sorte que celui-ci n’est pas caractérisé.

Les demandes formées par M. [H] tendant à faire constater l’existence d’un harcèlement moral qu’il aurait subi dans l’entreprise, à faire prononcer pour ce motif la nullité de son licenciement intervenu le 1er juillet 2015, et à se voir allouer des dommages et intérêts pour licenciement nul ne sont donc pas fondées et doivent être rejetées.

La demande de réintégration devra également être rejetée, étant formée dans les suites de la demande aux fins de voir prononcer la nullité du licenciement, tout comme celle tendant à la condamnation de la SA Société Générale à verser à M. [H] les salaires échus entre le licenciement et sa réintégration.

Sur la validité du licenciement pour insuffisance professionnelle

Il résulte des dispositions de l’article L 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et des dispositions de l’article L 1232-6 du même code que l’employeur qui décide de licencier un salarié, lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, cette lettre comportant l’énoncé du ou des motifs invoqués pour procéder à son licenciement.

L’employeur s’étant basé sur le terrain de l’insuffisance professionnelle, il lui appartient de justifier de faits objectifs matériellement vérifiables imputables au salarié pouvant caractériser cette insuffisance professionnelle et conférant au licenciement un caractère à la fois réel et sérieux, sans cependant que le juge ne puisse substituer son appréciation à celle résultant pour cet employeur de l’exercice de son pouvoir de direction.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et les motifs invoqués doivent être suffisamment précis, objectifs et vérifiables.

En l’espèce, le lettre de licenciement du 1er juillet 2015 est rédigée de la façon suivante :

« Vous avez été engagé au sein de Société Générale à compter du 01/04/1998 et exercez, depuis le début de votre parcours professionnel au sein de notre Établissement, des fonctions dans le domaine de la comptabilité et du contrôle de gestion.

Depuis le 01/09/2009, vous occupez le poste de Responsable Comptabilité au sein du Centre monétique de [Localité 5]. Votre mission principale consiste, au sein de l’entité OPE/MON/STG, à assurer le management de votre équipe, composée de 12 collaborateurs, dans un objectif de recherche d’efficacité et de maîtrise des risques, et la supervision de l’ensemble des opérations comptables du pôle monétique.

A ce titre, il vous est demandé de :

Superviser l’ensemble des activités du service,

Maîtriser les processus opérationnels et leur évolution,

Maîtriser les coûts,

Élever le niveau de qualité.

Pour mener à bien vos missions, vous avez régulièrement bénéficié des formations nécessaires dans votre domaine de métier mais également en termes de développement personnel (management, gestion du temps) et de gestion des risques, ainsi que de l’accompagnement et de l’appui constant de cotre hiérarchie.

En dépit de votre expérience et des moyens mis à votre disposition, des difficultés récurrentes à répondre aux attentes de votre poste ainsi que des carences manifestes dans le cadre de l’exercice de vos missions ont été constatées.

Celles-ci se sont avérées d’autant plus graves que vous avez systématiquement refusé de prendre en considération les remarques et observations répétées de votre hiérarchie pour vous permettre de redresser la situation, créant une situation de blocage préjudiciable tant pour les dossiers qui vous étaient confiés que pour le bon fonctionnement du service dont vous aviez la responsabilité, et sources de risques opérationnels avérés pour l’établissement.

. Ces carences se sont, en tout premier lieu, manifestées dans le cadre de vos missions managériales.

En votre qualité de responsable d’une équipe de collaborateurs, il était attendu de vous une capacité de gestion, de contrôle et d’animation, dans le but d’assurer une bonne organisation et le bon fonctionnement du service pour tous. A ce titre il vous appartenait, notamment de :

définir les priorités et veiller à une répartition optimisée des activités,

veiller à la formation des salariés et favoriser le développement des compétences et de la polyvalence,

veiller à une bonne circulation de l’information, apporte à l’équipe l’expertise comptable et les éclairages nécessaires à la maîtrise des activités opérationnelles.

Lors de votre évaluation annuelle pour l’année 2012, vous avez été alerté quant à la nécessité de « prendre du recul afin de veiller à prioriser l’essentiel en s’affranchissant des tâches récurrentes pouvant par ailleurs être déléguées ».

En effet, en dépit des observations et alertes répétées de votre hiérarchie quant à ses attentes, il a été fait le constat de votre incapacité à prendre toute la mesure de votre poste sur ce point.

Confrontée à votre incapacité à assumer vos missions managériales (incapacité à déléguer, difficulté à communiquer et à faire circuler l’information…), votre adjointe a exprimé toute la difficulté à travailler avec vous et son désarroi face à la nécessité d’assumer régulièrement les missions vous incombant. En outre, les membres de votre équipe se sont également plaints d’un management défaillant caractérisé par un manque de proximité, de communication, d’accompagnement pour leur permettre d’évoluer, et d’organisation, entraînant des retards dans les délais de réponse et de traitement préjudiciables à la bonne marche du service et à son image. Cette situation, directement préjudiciable aux collaborateurs de votre service, a finalement abouti à ce qu’en octobre 2014 une nouvelle répartition des tâches au sein du service soit envisagée.

Outre les difficultés ainsi remontées par les membres de votre équipe, vous n’avez pas réalisé les entretiens réguliers avec les membres de votre équipe qu’il vous avait été demandé d’organiser, ne vous permettant pas d’assurer un suivi de leur activité et d’anticiper leurs besoins et difficultés éventuelles.

Par ailleurs, et à titre d’exemple, le manque de formation et d’information de votre équipe a été manifeste dans le cadre du nouveau process de règlements VISA nouvellement mis en place qu’il vous appartenait d’assurer.

Ces carences managériales persistantes, et plus particulièrement votre manque d’encadrement et de proximité à l’égard des collaborateurs placés sous votre responsabilité en dépit de nos remarques et demandes régulières, ont eu des conséquences directes sur le bon fonctionnement du service. Vos explications au cours de l’entretien préalable, aux termes desquelles vous vous êtes contentés de mettre en avant vos compétences techniques, ont confirmé votre incapacité à

comprendre nos attentes et celles de votre équipe quant à votre rôle de responsable et de manager du service comptabilité.

Dans ces conditions, nous sommes aujourd’hui contraints de constater votre incapacité à répondre aux attentes de votre poste et de votre niveau de responsabilité.

. Votre insuffisance professionnelle s’est également manifestée dans le cadre de l’exécution des dossiers qui vous ont été confiés au titre de vos missions.

La gestion de plusieurs sujets stratégiques vous est confiée en votre qualité de responsable de la comptabilité du centre monétique. Or, dans le cadre du traitement de ces dossiers, nous avons à vous reprocher des carences :

Dans votre communication à l’égard des intervenants internes et externes,

Dans votre capacité à rendre compte à la hiérarchie,

Dans le respect des délais de réponse engendrant de nombreux rappels,

Et dans la clarté des livrables.

Nous vous avons demandé, dans le cadre de votre évaluation pour l’année 2012, «  une évolution positive en ce qui concerne la qualité de la communication et le respect des délais de réponse », et ces mêmes attentes ont été renouvelées à l’occasion de votre évaluation pour l’année 2013, puis réitérées par courrier du 05/02/2014.

Cependant, là-encore, vous n’avez pas su tirer profit de ces remarques puisque, à plusieurs reprises, de nouveaux manquements ont été constatés, qui cumulés ont eu des conséquences en termes de risques, notamment de réputation interne et externe.

Ainsi, à titre d’exemple, dans le cadre du dispositif de contrôle permanent comptable GTPS (certification des comptes), il était de votre responsabilité d’effectuer un travail proactif et précis. Finalement, et en dépit de multiples relances, la note de synthèse attendue n’a été livrée que plus de deux mois après la demande initiale. En outre, cette note comportait des imprécisions. Ce retard a eu pour conséquence non seulement de donner une image négative de votre service auprès de l’ensemble de la filière concernée mais de constituer une faille dans le dispositif.

Ces faits ne présentent pas un caractère isolé et votre manière de traiter les dossiers a supposé, à plusieurs reprises, l’intervention de votre hiérarchie :

Soit pour vous relancer pour qu’ils soient traités dans les délais impartis (par exemple concernant le dossier de reprise des activités du Crédit du Nord ou le sujet des virements liés à l’activité DCC commerçant pour les cartes MasterCard).

Soit également pour répondre aux interrogations de vos interlocuteurs se plaignant de votre manque de clarté et de vos réponses (par exemple concernant le sujet des virements liés à l’activité DCC commerçant pour les cartes MasterCard).

Vos carences dans la gestion de ces dossiers nous a porté préjudice : Société Générale s’est vue appliquer des pénalités (sujet concernant l’activité DCC commerçant pour les cartes MasterCard) ce qui a porté atteinte à notre image de professionnalisme dans le cadre global des projets.

Nous vous avons expliqué nos attentes à l’égard d’un cadre disposant de votre niveau d’expérience et de responsabilité et nous vous avons demandé de modifier votre comportement en ne vous contentant pas de donner des explications, de surcroît non pertinentes, mais d’être réactif et d’être force de proposition. Vous avez cependant été dans l’incapacité de prendre en considération ces remarques.

Ces manquements répétés sont, là encore, révélateurs de votre incapacité à répondre aux attentes de votre hiérarchie et de votre poste.

. Enfin, des manquements répétés dans le respect de procédures sensibles sont à déplorer.

La gestion du risque opérationnel et de conformité, inhérent à toutes les activités d’OPE/MON, s’appuie sur un ensemble de principes opérationnels et de procédures qu’il convient d’appliquer scrupuleusement dans un souci de sécurité et de respect des obligations réglementaires. Cette gestion, non seulement, vous incombe au même titre que tous les agents, mais fait également partie intégrante de vos fonctions de management.

Or, plusieurs manquements ont été constatés dans la mise en ‘uvre de ces procédures.

Ainsi, alors que vous deviez appliquer, le 02/02/2015, une nouvelle procédure concernant le formalisme des tests sur des postes de travail sensibles destinés à assurer les plans de continuité d’activité qui permettent de maintenir les activités critiques, il a dû vous être adressé plusieurs relances pour que cette procédure ne soit finalement réalisée que le 21/04/2015.

Par ailleurs, en avril 2015, vous n’avez pas respecté la procédure sensible liée aux habilitations permettant de réaliser des requêtes dans notre système d’information, alors même que ce sujet, extrêmement sensible car lié à l’accès aux données confidentielles contenues dans notre système d’information, a fait l’objet d’alertes à de nombreuses reprise notamment en comités de direction. Ce non-respect a déclenché plusieurs alertes de la part des acteurs concernés et deux rappels de consignes vous ont été formalisés par message du 02/04/2015.

Ces manquements et négligences sont source de risques opérationnels et de non-conformité importants, démontrant ainsi une défaillance en matière d’exemplarité vis-à-vis des collaborateurs et de nos partenaires tant internes qu’externes.

Vous avez été alerté à plusieurs reprises de la nécessité d’améliorer vos prestations professionnelles. Vous avez cependant systématiquement refusé de prendre en considération la moindre remarque concernant la qualité de votre travail, créant une situation de blocage préjudiciable pour tous.

Nous sommes aujourd’hui contraints de constater une insuffisance professionnelle persistante dans l’exercice de vos fonctions, ainsi que votre capacité à intégrer les remarques ainsi que toutes observations de votre hiérarchie pour vous permettre de redresser et améliorer la situation et la qualité de vos prestations professionnelles. Vous comprendrez que la persistance de votre comportement et de vos défaillances professionnelles ne répond ni aux attentes de votre hiérarchie ni aux exigences du poste occupé.

Force est de constater que votre hiérarchie a fait preuve de patience, a mis en ‘uvre tous les moyens dont elle disposait pour vous permettre de vous investir dans vos fonctions et vous aider à leur accomplissement, et que votre incapacité à améliorer la qualité de vos prestations professionnelles et à répondre aux attentes de votre poste rend aujourd’hui impossible la poursuite de notre collaboration.

Nous sommes donc contraints, après avoir observé un délai de réflexion, de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle en application des articles 26-1 et 26-2 de la Convention Collective de Banque ».

M. [H] conteste les reproches qui lui sont faits pour caractériser son insuffisance professionnelle, souligne que certains griefs sont anciens, imprécis et sont formés sur la base d’évaluation de son supérieur hiérarchique dont l’objectivité est sujette à caution. Il ajoute que ses qualités professionnelles sont soulignées par certains de ses collègues et que la nature de ses responsabilités, son ancienneté à ce poste, l’augmentation du nombre de personnes qu’il devait encadrer, et la nature de ses responsabilités démontrent que les reproches qui lui sont faits par son employeur sont infondés. Il souligne enfin que la SA Société Générale était tenu à une obligation de reclassement en application de l’article 26 de la convention collective, mais qu’elle n’y a pas procédé.

La SA Société Générale explique que l’article 26 de la convention collective ne s’applique que lorsque l’insuffisance résulte d’une mauvaise adaptation de l’intéressé à ses fonctions, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, M. [H] ayant refusé toute évolution professionnelle au sein du groupe Société Générale, de sorte qu’elle n’était pas tenue de proposer à M. [H] un reclassement dans un autre poste. Elle ajoute que les motifs caractérisant l’insuffisance professionnelle de M. [H] sont établis.

Il convient de rappeler que les griefs pouvant caractériser l’insuffisance professionnelle doivent être suffisamment précis et objectifs, imputables à M. [H] mais ne sont pas soumis au délai de prescription de deux mois applicable à la seule matière disciplinaire aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail.

Il résulte des pièces versées aux débats que l’employeur soulignait dès 2012, dans son évaluation de M. [H], que si ses objectifs étaient globalement atteints, celui-ci devait « évoluer positivement en ce qui concerne la qualité de la communication et le respect des délais de réponse ». La nécessité de déléguer certaines tâches était évoquée cette même année et reprise dans les évaluations de 2013 et 2014 qui soulignent notamment la nécessité pour M. [H] de mettre en place des indicateurs pertinents.

Aucune pièce ne permet de remettre en question l’objectivité du supérieur hiérarchique de M.[H] ayant procédé à ces évaluations, de sorte que la force probante attachée à ces documents, qui font état par ailleurs des objections de M. [H], n’est pas remise en cause.

Les difficultés de management de son équipe, rencontrées par M. [H], sont également mises en évidence par les remarques de deux salariés (pièces n°24 et n°27) qui rapportent, au travers de leur compte-rendu d’entretien de gestion, que M. [H] connaît des difficultés de management et de communication (ne fait pas évoluer ses collaborateurs voire les freine, se garde ce qui est confortable pour lui ; reste dans son bureau et n’intervient pas pour mettre de l’ordre et remettre au travail les collaborateurs de son équipe).

Les nombreux courriels versés aux débats montrent également que, entre septembre 2011 et avril 2015, M. [H] est régulièrement relancé par ses collègues ou remis en question pour des manques de précisions, des retards dans l’accomplissement de certaines tâches, ou le non respect de certaines procédures (pièces n°34 à n°59), pour lesquels M. [H] ne justifie pas d’explications suffisantes.

L’employeur justifie également par des courriels avoir dû intervenir en octobre 2014 pour répartir différemment les tâches confiées à M. [H] et à son adjointe, celle-ci s’étant plainte de l’obligation qu’elle avait de faire des « perpétuels rappels de deadline » à M.[H] (pièce n°22 et n°23 de la SA Société Générale).

Ces comportements sont précis, objectifs et imputables à M. [H].

En revanche, selon l’article 26 de la convention collective nationale des banques applicable en l’espèce, avant d’engager la procédure de licenciement, l’employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l’insuffisance résulte d’une mauvaise adaptation de l’intéressé à ses fonctions.

Cet article de la convention collective met à la charge de l’employeur une obligation particulière vis-à-vis des salariés en situation d’insuffisance professionnelle, en le contraignant à offrir aux salariés concernés un accompagnement personnalisé dans la recherche de solutions afin d’éviter le licenciement.

Cette obligation conventionnelle constitue une garantie de fond dont la méconnaissance prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Ainsi, l’employeur est tenu, avant de licencier un salarié qu’il considère comme n’étant plus adapté à son poste de travail, de rechercher toutes les solutions envisageables pour éviter son licenciement, et de justifier de ces recherches.

La lettre de licenciement de M. [H] du 1er juillet 2015 mentionnant clairement comme motif de licenciement l’insuffisance professionnelle de celui-ci, qui implique nécessairement un défaut d’adaptation à son poste, il convient de constater que l’article 26 de la convention collective s’appliquait bien en l’espèce et que la SA Société Générale était tenue de justifier avoir recherché toutes les solutions envisageables pour éviter le licenciement de M. [H].

L’examen des pièces versées aux débats montre que la SA Société Générale encourageait M. [H] lors de ses évaluations à compter de 2013 à évoluer dans ses fonctions et lui a en outre proposé un poste de Chargé de Projets Bancaires en octobre 2014. Il n’est pas contesté par la SA Société Générale que ces démarches entraient dans le cadre de l’évolution de carrière normale de M. [H] et n’étaient pas un préalable destiné à éviter d’engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle.

La SA Société Générale ne justifie pas ni n’allègue d’un suivi de M. [H] destiné à lui trouver un poste adapté à ses compétences et ne justifie pas de propositions d’évolutions faites dans ce cadre que M. [H] aurait refusées.

Dès lors, la SA Société Générale a méconnu l’obligation que lui imposait les dispositions de l’article 26 de la convention collective nationale des banques, de sorte que le licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé le 1er juillet 2015 contre M.[H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les sommes réclamées

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes des dispositions de l’article 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si la réintégration n’est pas demandée, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l’employeur, indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois, si le salarié a plus de deux ans d’ancienneté et si l’entreprise compte au moins onze salariés, ce qui est le cas en l’espèce au vu de l’attestation Pôle emploi qui précise que la société compte 410 salariés et de l’ancienneté de M. [H] qui s’élève à plus de 17 ans.

Au-delà de ce minimum de six mois, le salarié doit justifier de la réalité de son préjudice.

En l’espèce, M. [H] sollicite le versement de la somme de 140 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et invoque sa situation personnelle (deux jeunes enfants à charge) ainsi que le préjudice financier et moral particulièrement important qu’il a subi du fait notamment qu’il n’a pas retrouvé d’emploi stable depuis.

La SA Société Générale s’oppose à cette demande qu’elle estime excessive, précise que M. [H] n’est resté que deux mois au chômage, qu’il ne présente pas de caractéristique rendant sa réinsertion professionnelle difficile, et qu’il ne justifie pas de ses préjudices.

Compte tenu de l’âge de M. [H] au moment de son licenciement (43 ans), de sa situation personnelle, de son ancienneté dans l’entreprise (plus de 17 ans), du temps qu’il a mis a trouver un contrat durée indéterminée suite à son licenciement (plus de 10 mois) et des circonstances de la rupture, la créance de M. [H] au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme 66 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral distinct

M. [H] sollicite la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé contre lui dans des conditions particulièrement vexatoires.

La SA Société Générale s’oppose à cette demande, indiquant que M. [H] ne justifie pas de la réalité et de la teneur d’un quelconque préjudice moral distinct des conséquences de la rupture de son contrat de travail.

Si M. [H] produit des attestations et messages de collègues montrant qu’ils ont été surpris par son licenciement, ces éléments ne démontrent pas ni n’allèguent de l’existence de circonstances vexatoires subies par M. [H] au moment de son licenciement.

La demande de dommages et intérêts formée à ce titre doit donc être rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, il sera ordonné à la SA Société Générale de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage payées au salarié du jour du licenciement au jour de l’arrêt à concurrence de 6 mois de ces indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Société Générale qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

La SA Société Générale sera en outre condamnée à payer à M. [H] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, sur renvoi après cassation partielle, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Schiltigheim le 28 avril 2017 sauf en ce qu’il a condamné la SA Société Générale aux dépens de l’instance et au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Constate le caractère définitif de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Colmar le 12 juin 2018 sur tous les points non frappés de cassation, notamment en ce qu’il a condamné la SA Société Générale à verser la somme de 540 euros à M. [H] au titre de la prime de garde d’enfants, condamné M. [H] à payer à la SA Société Générale la somme de 2 100 euros en restitution de l’indemnité de repos compensateurs et débouté M. [H] de sa demande de régularisation de salaire fondée sur la violation du principe d’égalité de traitement ;

Statuant à nouveau dans la limite de la cassation partielle de cet arrêt et y ajoutant,

Déboute M. [S] [H] de sa demande aux fins de voir constater la nullité de son licenciement pour non-respect du statut protecteur,

Déboute M. [S] [H] de sa demande aux fins de voir constater la nullité de son licenciement pour discrimination salariale,

Déboute M. [S] [H] de sa demande aux fins de voir constater la nullité de son licenciement pour discrimination syndicale,

Déboute M. [S] [H] de sa demande aux fins de voir constater la nullité de son licenciement pour harcèlement moral,

Déboute M. [S] [H] de sa demande aux fins de voir ordonner sa réintégration et sa demande en paiement des salaires échus entre son licenciement et sa réintégration ;

Déboute M. [S] [H] de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de la violation du statut protecteur ;

Requalifie le licenciement de M. [S] [H] prononcé le 1er juillet 2015 en licenciement sans cause réelle et sérieuse  ;

Condamne la SA Société Générale à payer à M. [S] [H] la somme de 66 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [S] [H] de sa demande de dommages et intérêts formée en réparation du préjudice moral distinct (licenciement vexatoire) :

Ordonne le remboursement par la SA Société Générale des indemnités de chômage versées à M. [H] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt prononcé à concurrence de 6 mois de ces indemnités dans les conditions prévues à l’article L.1235-4 du code du travail,

Condamne la SA Société Générale aux dépens d’appel ;

Condamne la SA Société Générale à verser à M. [S] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

La Greffière, La Présidente,

 


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