Confidentialité des données : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04365

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Confidentialité des données : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04365
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/04365 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MN73

[J]

C/

Société AUB CARRE DE SOIE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 23 Mai 2019

RG : 17/01151

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

APPELANT :

[I] [J]

né le 24 Juin 1967 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-christophe GIRAUD de la SELARL PARIS GIRAUD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société AUB CARRE DE SOIE anciennement dénommée société JACOBS PUB CAFE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Hervé DESCOTES de la SELARL HERVE DESCOTES NOUVELLE PARTICIPATION, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Septembre 2022

Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Novembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [I] [J] a été embauché par la société JACOBS PUB CAFE le 15 mai 2016 au poste d’adjoint de direction.

Le contrat de travail à durée indéterminée a été signé le 1er juin 2016, prévoyant une rémunération de 1 964,13 euros bruts pour 151,67 heures mensuelles, et celle de 246,87 euros pour la réalisation de 17,33 heures supplémentaires par mois), au taux majoré de 10% (soit un taux horaire majoré de 14,24 euros), soit un salaire de base brut mensuel de 2 211,00 euros.

Le contrat prévoit également une rémunération variable payable chaque mois, assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé par le salarié.

Le 15 octobre 2016, la société JACOBS PUB CAFE a convoqué monsieur [I] [J] à un entretien préalable en vue de son licenciement, fixé le 26 octobre 2016.

À l’issue de cet entretien, la société JACOBS PUB CAFE a notifié à monsieur [I] [J] son licenciement pour faute grave aux termes d’une lettre du 31 octobre 2016 ainsi libellée

‘Je fais suite à l’entretien préalable qui s ‘est tenu le 26 octobre courant, et vous notifie par la présente, votre licenciement pour faute grave.

Je vous rappelle que je vous ai engagé en qualité de chef de rang niveau 5 moyennant une rémunération qui s’avère être la plus importante parmi les contrats de travail de l’Etablissement .

Or, malgré ce niveau de responsabilité et de rétribution, je ne parviens pas à vous faire respecter les règles collectives de travail.

Pourtant votre fonction devait vous conduire à montrer l’exemple pour imposer votre autorité hiérarchique.

Ainsi, lorsque j’exige du personnel qu’il porte sa tenue de travail, ceux-ci m’oposent que vous-même ne la revêtiez plus depuis plusieurs semaines et qu’au contraire vous la dénigrez à leur égard.

Je subis les mêmes remarques à propos de l’interdiction d’utiliser le téléphone portable.

Plusieurs salariés m’ont fait observer que vous ne cessiez d’envoyer des messages, y compris de manière ostentatoire devant la clientèle.

Vous adoptez d’ailleurs une posture de plus en plus légère, voire méprisante à leur endroit, alors que l’accueil est l’élément essentiel de notre attrait commercial.

Votre irresponsabilité est particulièrement significative en terme d’horaires.

Je vous ai engagé pour me seconder dans la direction d’une activité de restauration.

Vous disposiez certes d ‘une autonomie d’horaires dont vous avez largement usée en termes de disponibilité les après-midi et de pauses.

Par contre, compte tenu de l’activité que vous aviez vous-même exercée, vous connaissiez l’impératif d’être présent au plus tard à 11 heures le matin et de me substituer pendant les temps où j’étais retenu à l’extérieur de l’Etablissement.

Or, vous preniez votre poste de plus en plus régulièrement à midi, c’est’à -dire après la préparation intensive de l ‘arrivée des clients, voire déjà en plein coup de feu .

De la même manière , je vous ai surpris régulièrement en pause ou dans le bureau à mon retour d’une obligation extérieure au lieu de superviser le personnel.

C’est lors de l’une de ces ultimes occasions que j’ai découvert votre intrusion informatiques pour accéder à des données privées, confidentielles, ou même utiliser l’outil de travail à des fins personnelles.

Votre explication d’user de votre liberté pendant le temps de pause n ‘est pas satisfaisante.

En effet, je vous ai rappelé que vous preniez vos coupures pendant mon temps de présence à l’Etablissement, en vain.

D ‘autre part, vous ne pouviez pas, sans me demander l’autorisation, vous servir des moyens de l’Entreprise à des fins personnelles (impression de votre voiture pour la colorier avec des crayons acquis sur la charge de l ‘entreprise, ou plus grave, opération de modification de factures pour constituer un dossier de remboursement de votre cambriolage..).

Votre réplique lors de l’entretien préalable énoncée sous forme de menaces ‘tu veux aller sur ce chemin là …’ ne justifie pas le risque que vous avez fait courir à l’établissement.

De plus , ayant été contraint de demander des vérifications à l’assistante de direction celle-ci a découvert récemment, que le dimanche 4 septembre à 13h13 ‘, vous vous étiez introduit dans sa boîte mail pour vous envoyer un message à vous-même et ce, pour obtenir, à mon insu, des informations confidentielles sur les salaires du personnel.

Toutes ces manoeuvres s’avèrent inadmissibles.

Je viens également de recueillir les déclarations de salariés se plaignant de propos désobligeants à leur encontre et tendant à les dévaloriser.

Là encore ce comportement est incompatible avec les responsabilités que je vous ai confiées.

De la même manière, l’assistante de direction et votre collègue chargée en alternance avec vous de dresser la caisse, m’ont avisé que celle-ci était régulièrement fausse depuis votre intervention.

Il a été constaté que pour effectuer cette clôture de caisse, vous vous accordiez des délais bien supérieurs à ceux de votre collègue qui a observé en outre vos manipulations d ‘espèces à cette occasion (échange de petites coupures contre des grosses…).

D’ autres salariés ont dénoncé votre appropriation de pourboires y compris pour pallier à ces erreurs de caisse.

Ce détournement les pénalise injustement et les multiples manipulations allant jusqu’à l’initiative d’offrir des prestations sont incompatibles avec la rigueur de votre fonction et engendrent des risques en termes de contrôle pour l’entreprise.

Votre explication de ne pas être le seul à faire les encaissements, notamment pendant vos absences, me conforte dans ce diagnostic.

Enfin, lorsque je vous ai interpellé le 7 octobre dernier sur l’état de fatigue généralisé exceptionnel du personnel . Vous ne saviez pas l’expliquer dans un premier temps.

J’ai donc dû vous préciser que j’avais été moi-même contraint d’interroger les intéressés.

Les salaries m’ont expliqué que vous les aviez invités et incités à participer à une nuit de poker à votre domicile.

Vos explications selon lesquelles le lendemain vous ne travailliez pas et qu’il s’agissait de votre ‘sphère privée’ révèlent votre inconscience des responsabilités de votre fonction et des répercussions subies par l’entreprise.

ll est donc impossible de vous confier la poursuite de votre emploi un seul jour de plus.

Vous cesserez de faire partie de l’entreprise dès la présentation de ce licenciement pour faute grave.’

Le 2 novembre 2016, Monsieur [I] [J] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Lyon pour obtenir condamnation de la société JACOBS PUB CAFE au paiement de provisions sur rappel de salaire et heures supplémentaires.

Par ordonnance du 11 janvier 2017, le conseil de prud’hommes a dit n’y avoir lieu à référé, les demandes de monsieur [I] [J] se heurtant à une contestation sérieuse.

Le 25 avril 2017, monsieur [I] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON de demandes de condamnation de la société JACOBS PUB CAFE au paiement de rappel de salaire, rappel rémunération variable , de rappel sur heures supplémentaires, d’indemnité pour travail dissimulé, pour manquement aux règles protectrices de la santé du salarié, indemnité compensatrice de préavis, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour licenciement vexatoire.

Par jugement du 23 mai 2019, le conseil de prud’hommes de LYON a :

mis hors de cause Me [R], commissaire à l’exécution du plan ;

dit que le licenciement de monsieur [I] [J] est sans cause réelle et sérieuse ;

condamné la société JACOBS PUB CAFE à payer au salarié un rappel sur salaire et les congés payés afférents, un rappel sur rémunération variable et les congés payés afférents, un rappel d’indemnité compensatrice de congés payés, des dommages intérêts pour manquement aux règles protectrices de la santé du salarié (15 000 euros), une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

débouté monsieur [I] [J] du surplus de ses demandes ;

condamné monsieur [I] [J] aux dépens.

Le 21 juin 2019, monsieur [I] [J] a fait appel de ce jugement, à l’égard de la société AUB CARRE DE SOIE, nouvelle dénomination de la société JACOBS PUB CAFE.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 14 avril 2022, monsieur [I] [J] demande à la cour d’appel de :

infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de LYON du 23 mai 2019 en ce qu’il a :

rejeté ses demandes au titre des heures supplémentaires,

rejeté ses demandes au titre du travail dissimulé

rejeté sa demande au titre des conditions de la rupture du contrat de travail

cantonné les dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à 2 500,00 euros,

cantonné à la somme de 4 032,78 euros les sommes dues au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

Statuant à nouveau :

condamner la société JACOBS PUB CAFE à lui payer la somme de 15 264,197 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre le 15 mai 2016 et le 7 octobre 2016, outre 1 526,41 euros au titre des congés payés afférents ;

juger la société JACOBS PUB CAFE coupable (sic) de travail dissimulé,

En conséquence,

condamner la société JACOBS PUB CAFE à lui payer la somme de 36 186,85 euros à titre de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé ;

condamner la société JACOBS PUB CAFE à lui payer la somme de 8 285,48 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 828,55 euros au titre des congés payés afférents,

condamner la société JACOBS PUB CAFE à lui payer la somme de 40 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamner la société JACOBS PUB CAFE à lui payer à la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts réparant les circonstances brutales et vexatoires de la rupture,

confirmer le jugement pour le surplus,

condamner la société JACOBS PUB CAFE aux dépens ainsi qu’à lui payer la somme de 4 000,00 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

***

Par conclusions notifiées le 14 janvier 2020, la société JACOBS PUB CAFE désormais désignée AUB CARRE DE SOIE demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté monsieur [I] [J] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé et pour le surplus de le réformer, de débouter monsieur [I] [J] de l’ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur le rappel de salaire et part variable

Le salarié soutient qu’il a été embauché le 15 mai 2016 ainsi que cela figure sur les bulletins de paie, le certificat de travail et que dès son embauche, il a occupé le poste d’adjoint à la direction et non de chef de rang comme indiqué sur le bulletin de paie du mois de mai de sorte que la rémunération versée au mois de mai n’est pas la rémunération convenue quant au taux horaire et aux heures supplémentaires et qu’il y a lieu à rappel de ces chefs.

Il relate qu’un nouveau contrat de travail, à effet au 1er juin 2016, établi au cours de l’été 2016, modifiant la rémunération variable, non signé par les parties, a été appliqué par l’employeur pour calculer la part variable de sa rémunération. Il sollicite que pour le mois de mai 2016, le calcul de la part variable soit fait sur cette base et estime que la somme de 905,46 euros lui est due à ce titre outre congés payés afférents.

La SARL AUB CARRE DE SOIE s’oppose à ce qu’il soit fait application des dispositions du contrat du 1er juin 2016 à la relation contractuelle antérieure.

Elle prétend avoir embauché monsieur [I] [J] en qualité de chef de rang, poste susceptible d’évoluer vers celui de directeur adjoint.

***

Il ressort du certificat de travail délivré par l’employeur que M. [I] [J] a été employé en qualité d’adjoint de direction du 15 mai 2016 au 4 novembre 2016.

Cette qualité ressort également de la lettre de licenciement ‘lorsque je vous ai engagé en qualité d’adjoint de direction niveau 5… ‘.

Dès lors, nonobstant la mention portée sur le bulletin de paie du mois de mai 2016, il est établi que Monsieur [I] [J] a été embauché, dès le 15 mai en qualité d’adjoint à la direction.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a alloué à Monsieur [I] [J] un rappel de salaire et congé payés afférents ainsi qu’un rappel sur la part variable et congés payés afférents, pour le mois de mai 2016.

Sur le rappel d’heures supplémentaires :

M. [J] fait valoir que pour la période courant du 15 au 31 mai , il a été présent chaque jour et effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées ; que cela ressort du mail du comptable lui transmettant le chiffre d’affaire pour le mois de mai.

Pour la période courant du 1er juin au 7 octobre 2016, il soutient que les jours travaillés apparaissent sur les tableaux des calculs de la part variable, corroborés par les éditions des données statistiques et des règlements qu’il a édités en exécution de ses fonctions d’adjoint de direction et ses bulletins de paie qui ne décomptent aucun jour de congés payés.

Il fait état d’une présence à compter de 9 heures, 11 heures ou 11 heures 30 et jusqu’à 23H30 et fait valoir :

qu’il était présent en salle, pendant les services du midi et du soir, afin de mettre en place et contrôler les équipes, accueillir les clients, procéder aux encaissements etc…

qu’entre les services, il accomplissait les tâches administratives, soit de son bureau, soit à l’extérieur s’agissant des approvisionnements et des relations avec les prestataires ;

qu’il était présent dans l’établissement jusqu’à sa fermeture et éditait les tickets statistiques et des règlements à l’aide d’une clé d’accès sécurisé à la caisse enregistreuse, fournie le 26 septembre 2016 ;

qu’aucun élément contractuel ne prévoit les coupures alléguées par l’employeur, lequel ne produit aucun décompte.

La SARL AUB CARRE DE SOIE réplique :

que la demande est tardive et une contre attaque à l’incident du 7 octobre 2016

que monsieur [I] [J] a signé le contrat du 1er juin pour 169 heures par mois et n’a pas fait d’objection quant à sa charge de travail

qu’il ne rapporte pas la preuve ni de la réalisation d’heures différentes de celles convenues le 1er juin ni d’une demande de l’employeur d’effectuer des prestations au delà du quantum contractuel ;

qu’elle établit qu’il s’absentait entre les deux services de 14h30 à 18H30 et n’arrivait qu’entre 11h30 et 12 heures et n’était pas présent à tous les services le week-end

***

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il est versé aux débats par le salarié un tableau, faisant apparaître, pour chaque jour de la semaine, l’heure d’arrivée et de départ. Ce tableau ne précise aucune date, mais seulement le jour de la semaine (du lundi au dimanche).

Monsieur [I] [J] a adressé un courrier à son employeur le 19 octobre 2016, auquel est annexé le détail du calcul : il retient 11,50 heures de travail par jour sur 5 à 7 jours par semaine. Il ne déduit aucune pause et revendique avoir réalisé 829 heures supplémentaires entre le 15 mai 2016 et le 9 octobre 2016.

Il verse aussi aux débats des tickets récapitulant le nombre de couverts par service ( vendeur 15 CFX, comme [T] [V]) et des échanges de SMS, ce qui ne renseigne pas sur le nombre d’heures réalisées par M. [J] ni sur l’amplitude de la journée.

Enfin un décompte détaillé figure dans les écritures de son conseil, différent du décompte initial, plus détaillé, où l’amplitude journalière, pause d’une heure déduite, s’inscrit dans une fourchette entre 11 h09 et 13h10 minutes.)

L’employeur verse aux débats :

des bons de livraison de marchandise, signés pour la plupart de ‘[Y]’ ou illisible ou non signé ;

l’attestation d’un client M. [O] qui dit avoir vu M. [I] [J] partir en coupure à la fin du service de midi et avoir déjeuné le samedi midi et dimanche sans que monsieur [I] [J] ne soit présent ;

une attestation de [F] [N], serveur, qui déclare qu’il réceptionnait les livraisons de boissons à la place de M. [I] [J] qui arrivait entre 11H30 et 12H00 et travaillait ‘majoritairement sous forme de coupure’ ;

une attestation de [U] [H], serveur, qui témoigne que M. [J] arrivait entre 11H45 et 12H, faisait des coupures presque tous les jours entre 15 H et 18H30 ;

une attestation de M. [A] [P], chef de cuisine ‘j’ai pu constater que monsieur [I] [J] travaillait majoritairement sous forme de coupure et s’absentant les après midis, de 14H00-14H30 jusqu’à 18H30, ensuite je l’attendais pour faire les menus jusqu’à son retour de coupure’ ;

une attestation de M. [C] [X] ‘[…] [I] [J] partait parfois en coupure et fumer avec moi à la fin de mon service. Les week ends il faisait souvent un seul service (midi ou soir), il était là plus souvent le soir[…]’

Au vu des éléments versés de part et d’autre, il est établi que Monsieur [I] [J] a réalisé 150 heures supplémentaires sur la période du 15 mai 2016 au 9 octobre 2016, dont il convient de fixer le montant à 2 700 euros, outre congés payés afférents (270 euros).

Sur l’indemnité de travail dissimulé :

S’appuyant sur les dispositions des articles L 8221-3 et L8221-5 du code du travail, il souligne que la société JACOBS PUB CAFE n’ignorait pas les heures réalisées et le sollicitait en permanence ; que les plannings qu’elle établissait imposait la réalisation d’heures supplémentaires et sollicite la condamnation de la société JACOBS PUB CAFE au titre du travail dissimulé.

La SARL AUB CARRE DE SOIE soutient qu’il ne peut lui être imputé une intention de ne pas examiner la demande en paiement des heures supplémentaires que monsieur [I] [J] n’a pas présentée.

***

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il ne résulte pas des éléments du dossier que l’employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail en sachant qu’elles avaient été accomplies.

Le jugement qui a rejeté ce chef de demande sera confirmé.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés :

Le salarié soutient qu’il n’a pris aucun jour de congé ; que sa rémunération mensuelle brute moyenne s’est élevée à 3 513 euros; qu’à la date de la rupture, il avait cumulé 12,5 jours de congés non pris, ce qui lui ouvrait droit à un rappel à ce titre de 2 093,30 euros tandis qu’il a perçu la somme de 220,34 euros, soit un différentiel de 1 873,56 euros dû par l’employeur.

La SARL AUB CARRE DE SOIE soutient avoir réglé le solde de congés payés par lettre du 21 décembre 2016.

***

Il résulte de l’examen des fiches de paie des mois d’octobre 2016 que M. [J] s’est trouvé en congés payés entre le 11 et le 25 octobre 2016 ; il apparaît une mention ‘arbitrage des congés payés’ : 1 756,08 euros brut tandis qu’en novembre 2016 a été réglée une indemnité de congés payés de 220,34 euros brut.

Le 21 décembre 2016, le conseil de la S.A.R.L. AUB CARRE DE SOIE a adressé au conseil du salarié un courrier et un décompte reconnaissant un solde de 47,54 euros brut à ce titre. Un virement a été émis le 13 décembre 2016 au bénéfice de Monsieur [I] [J].

Ce dernier est donc rempli de ses droits.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé de ce chef et la demande du salarié sera rejetée.

Sur le repos hebdomadaire :

S’appuyant sur l’article 21 de la convention collective des cafés, hôtels, restaurants, qui prévoit une durée maximale journalière de 11H30, une durée hebdomadaire, des repos hebdomadaires ainsi qu’un temps de repos entre deux journées de travail, le salarié affirme que l’employeur n’a respecté aucune de ces règles et qu’il a travaillé plus de 11H30 par jour n’a pris que 9 jours de repos en 4,5 mois, ce qui lui a causé nécessairement un préjudice eu égard au rythme auquel il a été soumis.

L’employeur souligne que monsieur [I] [J] ne justifie d’aucune demande de repos ; qu’il avait une autonomie dans l’organisation de son travail ; que la demande à ce titre fait double emploi avec l’indemnité pour travail dissimulé.

***

L’article 21 de la convention collective des Hôtels, Café, restaurants du 30 avril 1997, prévoit que les salariés doivent bénéficier de deux jours de repos hebdomadaires, consécutifs ou non.

Le planning fourni par Monsieur [I] [J] et le détail du calcul de part variable établissent qu’il n’a pris que 9 jours de repos entre le 15 mai et le 9 octobre 2016.

Ce non respect des règles de repos a créé un préjudice au salarié, lequel a toutefois inexactement été apprécié par le conseil de prud’hommes et sera indemnisé à hauteur de 1 500 euros.

Sur le licenciement :

Monsieur [I] [J] conteste avoir refusé de porter sa tenue de travail et soutient :

qu’il n’a utilisé son téléphone portable pendant son service qu’à des fins professionnelles ;

qu’il a fait de légitimes remarques aux salariés qu’il encadrait ;

qu’il ne peut lui être reproché de se présenter tardivement à son poste alors que ses fonctions le conduisaient à se déplacer en dehors de son restaurant;

que ses fonctions administratives lui imposaient de se trouver dans le bureau de la direction pour réaliser son travail ;

qu’il n’a pas accédé à des données interdites dès lors qu’il devait gérer le restaurant ;

que n’étant pas le seul à procéder aux encaissements, il ne peut lui être reproché les erreurs de caisse ;

que la société JACOBS PUB CAFE ne peut lui imputer l’état de fatigue des salariés alors qu’elle leur impose des plannings contrevenant aux règles afférentes au temps de travail ;

que le licenciement entrepris n’est qu’une mesure de riposte à la saisine du conseil de prud’hommes en référé pour obtenir le paiement de ses salaires

La S.A.R.L. AUB CARRE DE SOIE reproche à monsieur [I] [J] ne pas avoir porté sa tenue de travail, d’avoir adopté une conduite désinvolte à l’égard des clients, de manquer à ses responsabilités et d’être régulièrement absent.

Elle ajoute :

qu’il était responsable du bon fonctionnement de la caisse mais que dès le mois de juin, il a été constaté que les caisses étaient fausses avec des écarts importants, ce qui n’était jamais arrivé auparavant ;

qu’il s’est approprié les pourboires destinés au personnel pour masquer les erreurs de caisse ;

qu’il a usurpé l’identité de madame [E] pour réaliser des opérations informatiques et s’approprier des données confidentielles ;

qu’il a organisé une nuit de poker avec ses subordonnés, ce qui a eu une incidence sur leur état de fatigue le lendemain ;

que cela dénote un manque de conscience professionnelle incompatible avec son niveau de responsabilité ;

***

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s’il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail.

L’employeur reproche à M. [I] [J] :

1/ le non respect des règles collectives de travail (port de la tenue de travail et interdiction d’utiliser le téléphone portable)

Le contrat de travail stipule ‘si une tenue ou partie de tenue de travail est fournie par l’employeur, celle-ci sera portée obligatoirement par le salarié’.

Le non respect du port de la tenue de travail ne ressort d’aucune pièce versée aux débats pas plus que le dénigrement de cette tenue à l’égard du personnel.

Il ressort de l’attestation de M. [H], serveur, en date du 25 octobre 2016 que, concernant sa rigueur de travail, M. [J] ‘était sur son téléphone portable devant la caisse au lieu de faire l’accueil clients’.

Le grief du non respect de l’interdiction d’utiliser le téléphone portable est établi.

2/ Un comportement incompatible avec ses responsabilités (arrivée non pas à 11 heures mais à 12 heures, ne pas superviser le personnel, tenir des propos désobligeants à l’égard du personnel).

Il ressort :

de l’attestation de M. [H] que M. [J] arrivait tous les jours après la mise en place, entre 11H45 et 12h00, que ‘son management était inexistant et, il faisait juste acte de présence et n’était pas à l’écoute de ses serveurs’ ; qu’il ‘se permettait de parler au personnel de façon disproportionnée, souvent déplacé et mesquin’ ;

de l’attestation de M. [N], serveur, qu’un samedi matin à sa prise de poste, il a constaté que les assiettes de la veille au soir n’avaient pas été débarrassées par ses collègues et que de plus ‘ du vomi était sur le tapis de l’entrée des toilettes’ qu’en théorie cette tâche ingrate revient à l’équipe assurant la fermeture, qu’il a contacté son directeur [I] [J], présent à la fermeture pour lui faire part de son désaccord et mécontentement et qu’il s’est senti rabaissé auprès de ses collègues ; que monsieur [I] [J] a tourné à la dérision ses remarques pour finir par l’obliger de le faire sous peine de remontrances ;

des échanges de SMS entre [F] [N] et [I] [J], concernant cet événement, que les réponses de ce dernier sont désinvoltes.

Le grief est établi.

3/ l’intrusion informatique, dans la boîte mail de Mme [E] :

Il ressort :

de l’attestation, en date du 13 octobre 2016, de Mme [L] [E], salariée de la SARL AUB CARRE DE SOIE, qu’elle s’est aperçue que durant son absence Monsieur [I] [J] allait sur la session de son ordinateur et que le dimanche 4 septembre à 13h13 depuis sa boîte mail ( celle de Mme [E]) il s’était envoyé un fichier confidentiel (sur les fiches de paie des employés) à son attention avec le message suivant ‘Informations à vérifier sur les salariés sur le mois d’Août 2016 avant salaires ”Merci [I]’ ;

Le grief est établi.

4/ erreurs de caisse, appropriation de pourboires :

Il ressort de l’attestation de M. [H] que ce dernier a constaté régulièrement ses erreurs d’encaissement entre les tables et observé un après midi que M. [I] [J] avait pris l’argent des pourboires pour combler ses erreurs de caisse.

M. [W] [G], client régulier du restaurant témoigne avoir assisté à une situation surprenante : au moment de régler l’addition, ses collègues ont réglé en tickets restaurants et carte bancaire ; qu’il s’est présenté pour régler en espèce, ‘le directeur, M. [I] a alors remplacé le serveur, a encaissé mes espèces, et m’a rendu la monnaie, de sa poche’ .

Un tel comportement peut être à l’origine d’erreur de caisse.

Mme [E] témoigne pour sa part que dès le mois de juin, elle a informé M. [I] [J] et M. [T] [V] que les caisses étaient très souvent fausses, avec des écarts pouvant aller jusqu’à une centaine d’euros alors que cela n’était jamais arrivé par le passé.

Le grief est établi.

5/ organisation d’une nuit de poker :

Il est constant que M. [I] [J] a organisé une nuit de poker et a invité les salariés de la société JACOBS PUB CAFE, certains d’entre eux travaillant le lendemain ( M. [K] ) d’autres étant de repos (M. [M]).

Le grief est établi : il s’agit d’un événement de la vie privée de M. [I] [J], étant toutefois observé que l’un des salariés à qui il a proposé une nuit de poker travaillait le lendemain et que M. [I] [J] a formulé la proposition depuis le lieu du travail.

En suite de quoi ceux des griefs contenus dans la lettre de licenciement qui sont établis et notamment l’intrusion dans la boîte mail de Mme [E] mais également l’accumulation des faits rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la période du préavis

Le licenciement pour faute grave de M. [I] [J] était justifié et le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé.

Il convient de rejeter les demandes de M. [J] formées au titre du licenciement.

M. [J] ne démontrant pas que la rupture du contrat est intervenue dans des circonstances vexatoires et brutales, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a rejeté ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Chacune des parties gardera à sa charge les dépens qu’elle a exposés en cause d’appel.

Il est équitable de laisser à la charge de M. [I] [J] et de la S.A.R.L. AUB CARRE DE SOIE les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition et contradictoirement :

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la société JACOBS PUB CAFE à payer à M. [I] [J] les sommes de 192,31 euros à titre de rappel de salaire du mois de mai 2016 et 19,23 euros au titre des congés payés afférents, de 905,46 euros au titre de la part variable du mois de mai 2016 outre 90,54 euros pour congés payés afférents, en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité pour travail dissimulé et la demande de dommages et intérêts fondée sur les circonstances vexatoires du licenciement et en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure

INFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la S.A.R.L. AUB CARRE DE SOIE à payer à M. [I] [J] :

la somme de 2 700 euros au titre des heure supplémentaires outre 270 euros pour les congés payés afférents ;

la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des règles sur le repos hebdomadaire

DÉBOUTE M. [I] [J] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

DIT que le licenciement de M. [I] [J] repose sur une faute grave et le déboute de ses demandes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

DIT que chacune des parties gardera à sa charge ses dépens d’appel ainsi que ses frais irrépétibles d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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