Confidentialité des données : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00737

·

·

Confidentialité des données : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00737
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00737 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H6QC

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

05 janvier 2021 RG :2020J156

E.U.R.L. EURL LES MAGNOLIAS

C/

S.A.S. CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 05 Janvier 2021, N°2020J156

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

E.U.R.L. EURL LES MAGNOLIAS, Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée au capital de 7622 €, immatriculée au RCS de NÎMES sous le numéro B 388 071 813, agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Lieu dit [Localité 2], Centre Commercial ‘[3]’

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Bertrand BOUQUET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. CARREFOUR PROXIMITE FRANCE Société par actions simplifiée, inscrite au RCS de CAEN sous le n°345 130 488, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social sis

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jean-philippe CONFINO de la SELAS CABINET CONFINO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Claire MARICQ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Décembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 25 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l’appel interjeté le 20 février 2021 par l’EURL Les Magnolias à l’encontre du jugement prononcé le 5 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n°2020J156,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 septembre 2021 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 17 août 2021 par la SAS Carrefour Proximité France, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l’ordonnance du 24 octobre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 29 décembre 2022,

Par acte authentique du 27 avril 1995, la société Les Magnolias a consenti un bail à la société Carrefour Proximité France, venant aux droits de la société Europa Discount Sud SNC, sur des locaux commerciaux aux fins d’exploitation d’un commerce d’alimentation générale de type supermarché.

La bail a pris effet le 1er mai 1995 pour une durée de 9 ans et s’est poursuivi par tacite reconduction à compter du 30 avril 2004, puis a été renouvelé le 1er janvier 2007.

Le 26 décembre 2017, la société Les Magnolias a délivré un congé avec offre de renouvellement à compter du 1er juillet 2018.

Par acte du 26 juillet 2018, la société Carrefour Proximité France a informé son bailleur qu’elle quitterait définitivement les locaux à la date du 27 septembre 2018.

La restitution des locaux et la remise des clés sont intervenues le 27 septembre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 février 2019, le gérant de la société Les Magnolias a mis en demeure la société Carrefour Proximité France de régler, sous quinze jours, la somme de 64 452,24 euros TTC, à la suite de la dégradation des façades du local. A ce courrier, était joint un devis du 5 février 2019 du même montant.

Suivant un devis d’un autre entrepreneur du 13 janvier 2020 et des factures des 14 janvier, 16 mars et 29 mai 2020, la bailleresse a fait procéder à des travaux de réhabilitation d’un montant de 120 000 euros TTC.

Par exploit du 12 juin 2020, la société Les Magnolias a fait assigner la société Carrefour Proximité France devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement d’une somme de 100 000 euros au titre de la réfection des façades du bâtiment, outre la somme de 1 800 euros en remboursement du coût de l’intervention d’un architecte.

Par jugement du 5 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 1134 ancien et 1353 du code civil :

-Condamné la SAS Carrefour Proximité France à régler à la société Les Magnolias une somme forfaitaire de 10 000 euros à la société Les Magnolias pour les dégâts occasionnés

-Condamné la SAS Carrefour Proximité France à régler à la société Les Magnolias la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

-Condamné la SAS Carrefour Proximité France aux dépens de l’instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 20 février 2021, l’EURL Les Magnolias a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions, à l’exception de la condamnation de la SAS Carrefour Proximité France aux dépens de l’instance que le tribunal a liquidés et taxés à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la présente décision ainsi que tous autres frais et accessoires.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1134 (ancien) et 1102 et suivants du code civil, de :

Réformant partiellement le jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 5 janvier 2021,

-Condamner la SAS Carrefour Proximité France à lui porter et payer la somme de 100 000 euros au titre des réparations;

-Condamner la SAS Carrefour Proximité France à lui porter et payer la somme de 1 800 euros en remboursement du coût de la nécessaire intervention de Monsieur [C] [D], architecte

-Condamner la SAS Carrefour Proximité France aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

-Débouter la SAS Carrefour Proximité France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir :

-que la première locataire a pris possession des locaux commerciaux en parfait état et que, s’agissant de locaux neufs, aucun état des lieux n’a été établi

-qu’elle s’est engagée à se conformer au règlement intérieur qui prévoit des obligations spécifiques à propos des enseignes

-qu’elle ne conteste pas la commission des dégradations à l’occasion de l’enlèvement des enseignes commerciales et se garde bien de produire le procès-verbal de constat établi par son propre huissier de justice, lors de la restitution des locaux

-qu’il est clairement démontré que les lieux (en ce compris les façades du bâtiment comportant les enseignes litigieuses) n’ont pas été restitués en parfait état

-que les travaux finalement entrepris ne correspondent qu’à la réparation strictement nécessaire des dégradations occasionnées par la locataire, sans que ne puisse être opposée à la bailleresse une quelconque amélioration de son bien immobilier

-que la suggestion de la bailleresse, intervenue au cours de la libération des locaux, n’avait pour but que de permettre à l’ancienne locataire d’abandonner du matériel à l’intérieur des locaux et donc d’éviter à celle-ci une dépense inutile dans la mesure où ces éléments d’équipement étaient tout simplement destinés à être détruits

-que l’article 6 du règlement intérieur invoqué par la locataire n’est relatif qu’à l’entretien des enseignes, en cours de bail

-que les dispositions des articles 1144 et 1146 du code civil ne sont pas applicables à la situation litigieuse alors qu’il ne s’agit pas d’obtenir l’exécution d’une obligation contractuelle par l’ancienne locataire mais de solliciter sa condamnation au titre des conséquences à tirer de son comportement fautif

-que même en présence d’obligations contractuelles, une mise en demeure est inutile lorsque l’inexécution est consommée

-qu’il n’a été ni impératif, ni utile de recourir à la désignation d’un expert judiciaire

-que la remise en état des façades n’a été entreprise ni pour les besoins du nouveau locataire, ni pour améliorer par la même occasion l’esthétique désuète du bâtiment

-que seules des considérations strictement techniques ont imposé une méthodologie de remise en état

-que l’ancienne locataire ne prouve pas que les travaux de remise en état des façades l’aient été pour les besoins de la structure commerciale lui ayant succédé dans les locaux

-que les importants travaux de remise en état des façades ont été imposés à la bailleresse pour lui permettre d’être en mesure d’envisager une re-location de ses locaux vides à quelque structure commerciale, que ce soit

-que le choix des matières, coloris et forme du revêtement est sans lien avec l’actuelle locataire

-qu’aucun document technique de nature à contredire les choix opérés par la bailleresse et son architecte n’est produit par l’ancienne locataire

-que seule la condamnation au montant hors taxes des travaux réalisés a été sollicitée

-que la demande très subsidiaire de réduction des prétentions de la bailleresse constitue de toute évidence l’aveu d’une pleine et entière responsabilité de la locataire sortante.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée forme appel incident et demande à la cour, au visa des articles 1144 et 1146 anciens et 1222 et 1231 nouveaux du code civil, 1142 et 1147 anciens du code civil, 1231-1 et 1231-2 nouveaux du code civil, 1719 et 1720 du code civil, de :

-la Recevoir en ses conclusions et en son appel incident et, l’y déclarant bien fondée,

A titre principal,

-Réformer le jugement du 10 novembre 2020 du tribunal de commerce de Nîmes en toutes ses dispositions et débouter la société Les Magnolias de l’ensemble de ses demandes ;

-Déclarer la société Les Magnolias mal fondée en son appel et en ses demandes, et la débouter de l’ensemble de ses demandes

-Condamner la société Les Magnolias à restituer à la société Carrefour Proximité France la somme de 12 082,65 euros, payée en exécution du jugement du 10 novembre 2020 du tribunal de commerce de Nîmes;

A titre subsidiaire, si par impossible la société Carrefour Proximité France était condamnée à indemniser la société Les Magnolias au titre des travaux de réhabilitation de la façade en raison de son état de restitution,

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à la société Les Magnolias une indemnité de 10 000 euros au titre des dégâts occasionnés, le quantum des dommages et intérêts alloués devant être très significativement inférieur non seulement au devis de la société Concept Gardois (100 000 euros HT) mais encore au devis initial PM Services (53 710,20 euros HT);

-Dire et juger en tout état de cause que toute somme ou indemnité qui serait mise à la charge de la société Carrefour Proximité France ne pourrait être qu’un montant hors taxes, TVA exclue

En tout état de cause,

-Condamner la société Les Magnolias à lui verser une indemnité de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-Condamner la société Les Magnolias aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’intimée réplique :

-que, par courriel adressé le 30 juillet 2018 à sa gestionnaire locative, la bailleresse a marqué sa volonté et donc son accord de se voir restituer les locaux en l’état

-que les locaux ont donc été restitués le 27 septembre 2018, sans réparation ou remise en état spécifique, ainsi que le souhaitait la bailleresse

-qu’en réalisant les travaux dont elle demande aujourd’hui l’indemnisation, en l’absence de toute expertise judiciaire, la bailleresse a délibérément empêché tout contrôle de ses dépenses et tout débat contradictoire

-qu’elle s’est affranchie de la procédure contractuelle de mise en demeure, prévue à cet effet par l’article 6 du règlement intérieur et des règles légales applicables en la matière, ce qui la prive de tout droit au remboursement des postes de travaux visés au devis et aux factures versées au débat

-qu’après avoir envisagé une remise à neuf, la bailleresse a finalement décidé, unilatéralement, de modifier totalement les caractéristiques de la façade en procédant à une amélioration du bâti

-que préalablement à la réalisation des travaux, elle n’a adressé à la locataire sortante aucune mise en demeure l’informant de la modification de la nature des travaux à réaliser et de leur montant

-qu’elle ne démontre pas qu’elle subirait effectivement un préjudice indemnisable et directement lié à l’état de restitution des locaux

-qu’elle a procédé au ré-aménagement spécifique des locaux pour les adapter au concept du nouveau locataire

-que ce ré-aménagement aurait été entrepris, quel qu’eut été l’état de restitution de la façade par la locataire sortante

-que la présence de deux enseignes ainsi que de deux panneaux très localisés et de quelques trous non rebouchés et traces de colle résultant de la dépose de ces enseignes et panneaux ne pouvait justifier la remise à neuf de la totalité des trois façades du bâtiment

-qu’à supposer la peinture écaillée, il ne pouvait être mis à la charge de la locataire sortante que 50% maximum du coût de remise en peinture du bâtiment puisqu’elle ne louait que le rez-de-chaussée

-que le constat d’huissier réalisé pour le compte de la bailleresse ne fait état d’aucune dégradation de la couvertine justifiant son remplacement

-que l’obligation de tenir les lieux loués en bon état n’emporte pas obligation de remise à neuf

-que même dans l’hypothèse où les réparations ayant pour cause la vétusté sont à la charge du preneur, en vertu d’une clause expresse du bail, la prise en charge de ces travaux n’équivaut jamais à une obligation de remise à neuf

-que la bailleresse est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et a donc été en mesure de la déduire des travaux réalisés.

MOTIFS

1) Sur la demande de dommages-intérêts

Le bail commercial litigieux a été conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et aucun état des lieux d’entrée n’a été établi de sorte que les dispositions de l’article L.145-40-1, alinéa 3, du code de commerce ne sont pas applicables au cas d’espèce.

Par conséquent, conformément aux dispositions de l’article 1731 du code civil, le preneur est présumé avoir reçu les lieux en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

Lors de la restitution des locaux par le preneur, aucun état des lieux contradictoire n’a été effectué et le constat dressé le 26 septembre 2018 par l’huissier de justice mandaté par le bailleur ne comporte aucune mention relative à l’état du bâtiment.

Il est toutefois établi que la société intimée vient, à la suite d’une opération de fusion par absorption, aux droits de la société commerciale qui a signé le 27 avril 1995 le bail initial; que les locaux étaient neufs, lors de la prise d’effet du bail au 1er mai 1995, et que la société intimée et celle qu’elle a absorbée en ont été les seules occupantes jusqu’au 27 septembre 2018.

Par conséquent, les traces de colle, les trous et autres détériorations de peinture, constatés le 6 décembre 2019 par huissier de justice, proviennent nécessairement de l’enlèvement des enseignes du preneur sortant.

Si l’intimée n’avait pris à bail que le rez-de-chaussée de l’immeuble, il ressort du projet de façade joint à sa demande d’autorisation du 6 septembre 2016 qu’elle avait posé des enseignes sur les façades Ouest, Sud et Est du bâtiment, y compris en partie haute. Elle est donc responsable des dégradations généralisées mises en évidence dans le procès-verbal du 6 décembre 2019 qui ne pouvaient être masquées par une simple remise en peinture partielle, après rebouchage des trous.

Le courrier électronique adressé le 30 juillet 2018 par le bailleur au preneur est relatif à l’aménagement intérieur des locaux qu’il a souhaitait récupérer ‘en l’état’, c’est à dire avec le matériel et le mobilier s’y trouvant (gondoles, rayonnages, matériel de manutention, présentoirs, luminaires), excepté celui contenant des données confidentielles. Faute de précision suffisante dans ce document, il ne saurait en être déduit que le bailleur a renoncé, de manière non équivoque, à se prévaloir de l’obligation du preneur de restituer les lieux en bon état extérieur, à l’expiration du bail. D’ailleurs, dans son courrier électronique en réponse du 1er août 2018, le preneur n’évoque lui-même que la question du matériel déjà évacué du magasin.

Aux termes de l’article 1353, alinéa 1 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Ainsi, il incombe au bailleur de rapporter par tous moyens la preuve du préjudice résultant de l’inexécution contractuelle du preneur ; à cet égard, il ne saurait être imposé au bailleur de recourir à une expertise judiciaire ; d’autres modes de preuve, tels que les devis et factures qu’il produit, soumis au débat contradictoire, constituent un mode de preuve admissible des travaux qui doivent être entrepris pour remédier aux dégâts commis sur son immeuble.

Le preneur reproche au bailleur de ne pas l’avoir mis en demeure d’effectuer les travaux nécessaires à la remise en état du bâtiment et d’y avoir procédé en ses lieux et place.

L’article 6 du règlement intérieur, opposable au preneur, régit l’obligation par ce dernier d’entretenir les enseignes, pendant le cours du bail, afin de ne pas nuire à l’esthétique du bâtiment ; à défaut d’entretien, il prévoit la possibilité pour le bailleur de mettre en demeure le preneur de faire les travaux nécessaires et à défaut, il l’autorise à y procéder lui-même.

L’article 1144 ancien du code civil disposait que « le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l’avance des sommes nécessaires à cette exécution ».

L’article 1146 du même code précisait que les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s’était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer.

En l’espèce, il ne saurait être reproché au bailleur de ne pas avoir mis en demeure le preneur de procéder à la réfection des façades alors que le constat de leur dégradation n’a été effectué qu’à la fin du bail et que les locaux ayant été restitués au bailleur, ce dernier avait seul qualité pour effectuer tous travaux qu’il estimait utile sur son immeuble.

Aux termes de l’article 1732 du code civil, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

En l’espèce, les dégradations sont bien avérées et le preneur ne démontre pas que les dégâts ont eu lieu sans sa faute.

L’indemnisation du bailleur, à raison des dégradations qui affectent le bien loué et qui sont la conséquence de l’inexécution par le preneur de ses obligations, n’est subordonnée ni à l’exécution de réparations par le bailleur, ni à l’engagement effectif de dépenses.

Toutefois, des dommages-intérêts ne peuvent être alloués au bailleur que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle (en ce sens Civ. 3e, 3 décembre 2003 n°02-18.033).

En l’occurrence, il est établi par la note technique de l’architecte mandaté par le bailleur que la pose d’une peintre acrylique blanche, faisant l’objet du devis du 5 février 2019, n’était pas adaptée pour la rénovation des façades très dégradées du bâtiment et qu’elle n’aurait pas permis de masquer les trous et dégradations qui seraient restées visibles; qu’il a été préconisé la mise en oeuvre d’un ravalement complet de façade en insérant un tissu de verre, avant la pose d’un enduit à peindre, pour un coût de 95 000 euros TTC mais que ce procédé aurait supprimé les trames verticales des panneaux de béton cellulaire des façades et aurait nui à l’esthétique du bâtiment; qu’il a été ainsi finalement opté pour un rebouchage des trous et pose d’un bardage métallique, au prix de 120 000 euros TTC.

Le maître d’oeuvre mandaté par le bailleur reconnaît cependant, dans sa note technique du 5 mai 2020, que le procédé adopté a contribué à une amélioration sensible de la qualité et de l’esthétique du bâtiment, bien que pour un coût peu supérieur au prix d’un ravalement de la façade.

Le bail signé le 16 octobre 2019 avec un autre preneur contenait en annexe un état prévisionnel des travaux que le bailleur envisageait de réaliser dans les trois années suivantes dont la réfection des façades.

La façade initiale du bâtiment en siporex, c’est à dire en béton cellulaire, était recouverte d’une peinture blanche; elle présente désormais un bardage métallique de couleur noire en partie basse et de couleur gris irisé avec des reflets dorés, en partie haute.

Il ne saurait être mis à la charge de l’intimée le coût de l’amélioration et de la modernisation du bâtiment dont l’aspect esthétique, adapté aux besoins du nouveau preneur et aux goûts actuels des clients, est très éloigné de celui qu’il présentait, lors de l’ancien bail.

Le devis du 13 janvier 2020, accepté par le bailleur, porte la mention ‘réhabilitation de façade, projet Fnac’. Il est donc établi que la pose d’un bardage bicolore qui est compatible avec le concept de magasin du nouveau preneur a été avalisée par ce dernier, bien qu’il ne soit pas pour autant démontré qu’elle corresponde à une demande spécifique de l’enseigne nationale, alors que l’architecte en charge du projet a attesté du contraire, le 6 novembre 2020.

Ainsi, il n’est pas démontré que si les façades du bâtiment n’avaient pas été dégradées par l’ancien preneur, le bailleur aurait, en tout état de cause, procédé à une réhabilitation de la façade et donc exposé des dépenses identiques à celles invoquées, en vue de trouver un nouveau preneur, quel que soit l’état de l’immeuble, lors de sa restitution.

L’intimée reconnaît, en page 16 de ses dernières écritures, que le devis initial qui lui a été transmis correspond au procédé qui aurait permis une rénovation à l’identique au regard de l’esthétique générale du bâtiment.

Le préjudice du bailleur est bien avéré dès lors que son immeuble a été restitué dans un état tellement dégradé qu’il n’était pas possible de le remettre à nouveau en location, sans procéder à des travaux de nettoyage et de réfection d’un montant au moins égal au premier devis émis le 5 février 2019 d’un montant hors taxes de 53 710,20 euros.

Dès lors, l’intimée sera condamnée à payer la somme de 53 710,20 euros au titre des réparations locatives.

En revanche, l’appelante sera déboutée du surplus de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande en remboursement des honoraires de l’architecte qui a été recruté pour mener à bien le projet de modernisation du bâtiment et non une simple remise en état.

2) Sur les frais du procès

L’intimée qui succombe sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’appelante et de lui allouer une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a condamné la SAS Carrefour Proximité France à payer à l’EURL Les Magnolias une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la première instance

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SAS Carrefour Proximité France à payer à l’EURL Les Magnolias la somme de 53 710,20 euros à titre de dommages-intérêts

Déboute la SAS Carrefour Proximité France du surplus de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande en remboursement des honoraires d’architecte

Y ajoutant

Condamne la SAS Carrefour Proximité France aux entiers dépens d’appel,

Condamne la SAS Carrefour Proximité France à payer à l’EURL Les Magnolias une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x