Confidentialité des données : 24 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04389

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Confidentialité des données : 24 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04389
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24/03/2023

ARRÊT N°2023/143

N° RG 21/04389 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OOHG

NB/LT

Décision déférée du 20 Septembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/00030)

E.LAFABREGUE

Section Encadrement

S.A.S. EOLE CONSULTING

C/

[B] [P]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 24 mars 2023

à Me CHARRIERE, Me MONFERRAN

Ccc à Pôle Emploi

le 24 mars 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. EOLE CONSULTING

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Arnault CHARRIERE de la SELARL LEGAL & RESOURCES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM”

Monsieur [B] [P]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N.BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM”, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [B] [P] a été embauché le 1er février 2016 par la SAS Eole Consulting, en qualité d’ingénieur, position 2.1, coefficient 115, suivant contrat de travail régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinet d’ingénieurs conseil et sociétés de conseil.

Par courrier du 28 mai 2018, le salarié a notifié sa démission ; il a quitté les effectifs de l’entreprise le 18 septembre 2018.

À compter du 19 septembre 2018, M. [P] a été embauché par la SAS Projixi Europe.

M. [B] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, le 9 janvier 2020, en vue d’obtenir le paiement de la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence.

Par jugement du 20 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, a :

– jugé que M. [B] [P] n’avait pas violé la clause de non-concurrence et qu’il n’y avait pas lieu de faire application de la clause pénale ;

– jugé que la SAS Eole Consulting n’avait pas levé la clause de non-concurrence ;

– condamné la SAS Eole Consulting à payer à M. [B] [P] :

*12.672 € au tire de la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence,

*1.267 € au titre des congés payés y afférents,

*1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– condamné la société Eole Consultingaux entiers dépens.

***

Par déclaration du 27 octobre 2021, la SAS Eole Consulting a régulièrement interjeté appel de cette décision.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 14 janvier 2022, la SAS Eole Consulting demande à la cour d’infirmer le jugement et de :

– débouter M. [B] [P] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [B] [P] à lui payer la somme de 31.475,39 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la clause pénale qui assortit le non-respect de l’obligation de non-concurrence ;

– condamner M. [B] [P] à payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 13 avril 2022, M. [B] [P] demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la SAS Eole Consulting de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu’ à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’obligation de non-concurrence :

En application du principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle et des dispositions de l’article L. 1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives.

Le paiement de la contrepartie pécuniaire d’une clause de non-concurrence est exigible dès lors que le contrat de travail a cessé, que l’employeur n’a pas expressément renoncé à se prévaloir de cette clause et que le salarié en a respecté les termes.

La violation d’une clause de non-concurrence doit être caractérisée par l’accomplissement d’actes positifs concrets de concurrence, la charge de la preuve en incombe à l’employeur qui prétend ne pas devoir verser la contrepartie financière stipulée. L’employeur ne saurait, sans renverser la charge de la preuve, exiger que le salarié produise des éléments pour palier sa propre carence.

Au cas d’espèce, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de M. [P] est ainsi rédigée :

« Compte tenu de la formation, des connaissances acquises au service d’Eole Consulting et de la nature de la fonction occupée (données confidentielles, développement métier et organisationnel spécifique à Eole Consulting, contact établi avec la clientèle’), [B] [P] s’interdit en cas de cessation du présent contrat, à l’issue de la période d’essai, quelle qu’en soit la cause :

– d’entrer au service d’une structure pouvant concurrencer Eole Consulting ou mettre en ‘uvre ses métiers,

– de s’intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une structure de cet ordre,

– d’exercer toute activité sous quelque forme que ce soit, en quelque qualité que ce soit, se rapportant directement ou indirectement aux activités exercées par Eole Consulting, à savoir : * Intervenir directement ou indirectement sur les mêmes activités et/ou projet assurés chez Eole Consulting,

* Utiliser des outils et méthodes acquises chez Eole Consulting.

Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 12 mois commençant le jour de la cessation effective du contrat, et couvre le territoire de la Région Midi-Pyrénées.

Toute violation de la présente clause de non-concurrence rendra automatiquement redevable d’une pénalité fixée dès à présent et forfaitairement au montant du salaire de la dernière année d’activité, pénalité due pour chaque infraction constatée, sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure d’avoir à cesser l’activité concurrentielle.

Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte aux droits que la Société se réserve expressément de poursuivre [B] [P] en remboursement du préjudice pécuniaire et moral subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité concurrente.

En contrepartie de l’obligation de non-concurrence prévue ci-dessus, [B] [P] percevra après la cessation effective de son contrat et pendant toute la durée de cette interdiction une indemnité spéciale forfaitaire égale à 40% du salaire mensuel de base, indemnité versée mensuellement.

Toute violation de l’interdiction de concurrence, en libérant la société du versement de cette contrepartie, rendra [B] [P] redevable envers elle du remboursement de ce qu’il aurait pu percevoir à ce titre et cela indépendamment des sanctions et pénalités prévues ci-dessus.

La société pourra cependant libérer [B] [P] de l’interdiction de non-concurrence ‘ et, par là même, se dégager du paiement de l’indemnité prévue en contrepartie ‘ soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat, soit à l’occasion de sa cessation sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée, au plus tôt, dès notification de la rupture et, au plus tard, avant la fin de la période de préavis effectuée ».

Sur l’efficacité de la clause

Ainsi que le soutient à juste titre M. [P], la SAS Eole Consulting n’a pas levé la clause de non-concurrence avant son départ de l’entreprise et ne lui a pas versé la contrepartie financière stipulée, et ce, malgré ses multiples demandes (courriel du 3 octobre 2018 et courriers des 10 décembre 2018 et 30 avril 2019).

Sur la violation de la clause

M. [P] a quitté l’entreprise Eole Consulting le 18 septembre 2019 ; il est constant que celui-ci a été embauché le 19 septembre suivant par la société Projixi Europe, en qualité d’ingénieur consultant automation & orchestration & cloud.

La société Eole Consulting, sur qui pèse la charge de la preuve du non-respect de l’obligation de non-concurrence, invoque les éléments suivants :

– M. [P] a été embauché par la SAS Projixi Europe ayant également une activité de conseil en systèmes logiciels et informatiques ;

– M. [P] a travaillé pour le compte de la société Projixi, dès le 19 septembre 2018, depuis son domicile de [Localité 9] situé en région Midi-Pyrénées et donc dans le périmètre couvert par l’interdiction de concurrence ;

– M. [P] est entré au service de la société Projixi, d’envergure internationale, laquelle exerce une activité concurrente sur le territoire national, et notamment dans la région Midi-Pyrénées. Il a donc travaillé pour le compte de cette société susceptible d’intervenir dans la zone de non-concurrence (fiche de poste et offre d’emploi d’un ingénieur cloud ou devOPS chez Projixi, extrait de profil LinkedIn d’un consultant cloud automation de Projixi basé à [Localité 4] (31), participation de la société Projixi à la journée DevFest à [Localité 8]).

La cour constate que le nouveau contrat de M. [P] prévoit qu’il exercera ses fonctions « à partir du siège de la société [[Localité 7] 92] et éventuellement depuis son domicile et pourra être détaché chez l’un des clients de la société à [Localité 6], en Région parisienne, en Province et éventuellement à l’étranger. L’agent pourra être amené à se déplacer auprès de toutes sociétés clients de la société (‘) ».

D’abord, s’il est établi que M. [P] a travaillé pour le compte de la société Projixi, du 19 septembre au 1er octobre 2018, depuis son domicile se trouvant dans le périmètre de la clause de non-concurrence, il est impossible d’en déduire qu’il effectuait des missions de nature à concurrencer la société Eole Consulting dans ledit périmètre.

Ensuite, le salarié justifie de ce qu’il a été affecté sur le site du client Crédit Agricole, à [Localité 5] (33) depuis le 1er octobre 2018, dans un secteur différent de celui de la clause litigieuse. La seule mention « Région Midi-Pyrénées » figurant sur son compte LinkedIn ne permet pas d’affirmer qu’il réalisait des missions concurrentielles dans cette région, étant rappelé que son nouveau contrat de travail prévoit qu’il peut travailler chez le client ou depuis son domicile, lequel est situé dans le périmètre de non-concurrence.

De plus, même si M. [P] est entré au service d’une entreprise d’envergure nationale, susceptible d’avoir une activité commerciale et des clients basés en région Midi-Pyrénées, la société Eole Consulting ne démontre pas l’existence d’actes positifs de concurrence, ni même que les nouvelles missions du salarié pouvaient concurrencer ses propres activités, dans la région précitée. Affirmer le contraire, du seul fait que M. [P] a été embauché par une société d’envergure nationale, reviendrait à contourner le périmètre strictement défini par la clause de non-concurrence.

Enfin, c’est de manière inopérante que la société Eole Consulting soutient que l’intimé a manqué à son obligation de non-concurrence avant son départ de l’entreprise eu égard aux stipulations du nouveau contrat conclu avec Projixi, lequel mentionne une période d’essai déjà réalisée et que le salarié est libre de tout engagement de non-concurrence.

Par conséquent, alors que la charge de la preuve de la violation de l’obligation de non-concurrence pèse exclusivement sur l’employeur, celui-ci ne démontre aucunement que M. [P] exerçait des missions de nature à concurrencer les activités de la société Eole Consulting dans la région Midi-Pyrénées.

M. [P] a donc respecté la clause de non-concurrence et la société Eole Consulting est redevable de la contrepartie financière stipulée.

À défaut pour le salarié d’avoir manqué à ses obligations, l’appelante sera également déboutée de sa demande indemnitaire au titre de la clause pénale.

Le jugement sera ainsi confirmé de ces chefs.

Sur les demandes annexes :

La SAS Eole Consulting, partie principalement perdante, sera condamnée aux entiers dépens de l’appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

M. [P] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure. La SAS Eole Consulting sera donc tenue de lui payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant:

Condamne la SAS Eole Consulting aux entiers dépens de l’appel ;

Condamne la SAS Eole Consulting à payer à M. [P] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La déboute de sa demande formée à ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, président et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

C. DELVER S. BLUM” .

 


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