Confidentialité des données : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06726

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Confidentialité des données : 2 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06726
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 02 MARS 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06726 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCLW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Melun – RG n° 22/00208

APPELANTES

Syndicat LE COLLECTIF DE DEFENSE INTER ENTREPRISES DES SALA RIES ENGAGES TRANSPORTS ROUTIERS DE VOYAGEURS prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [E] [M], dûment habilité au titre d’un mandat

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Syndicat LA CONFÉDÉRATION NATIONALE DES TRAVAILLEURS-SOLIDARITÉ OUVRIÈRE prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [L] [B], dûment habilité, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Tous deux représentés par Me Xavier COURTEILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G539

INTIMÉE

S.A.S. J.L. INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre

Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente

Madame LAGARDE Christine, conseillère

Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Les départements assurent le transport scolaire des enfants en situation de handicap et attribuent ce service par marchés publics à des entreprises privées.

La société JL International (ci-après la ‘Société’) est l’une de ces entreprises attributaires et relève de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport.

Par acte du 4 avril 2022, le Collectif de Défense Inter Entreprises des Salariés Engagés transports routiers de voyageurs C°DIESE TRV (ci-après le C°DIESE), et la Confédération Nationale des Travailleurs-Solidarité Ouvrière (la CNT-SO) ont assigné la Société devant le président du tribunal judiciaire de Melun aux fins de voir ordonner à cette dernière sous astreinte :

– de cesser d’organiser toute opération de distribution de tracts au profit de certaines organisations syndicales sans y convier l’intégralité des organisations jusqu’à l’issue des élections professionnelles ;

-de cesser d’envoyer des courriers ou courriels dénigrant directement ou indirectement une organisation syndicale spécifiquement ciblée jusqu’à l’issue du processus électoral ;

-de rectifier ses propos attentatoires à l’encontre du C°DIESE auprès de l’ensemble de son personnel.

Ils demandaient aussi de :

– constater qu’ils ont été victimes d’une discrimination syndicale et sollicitaient la condamnation de l’employeur à afficher et communiquer le jugement ;

-condamner l’employeur à communiquer aux organisations syndicales intéressées les tournées des conducteurs et à verser des dommages et intérêts à titre de provision.

Par ordonnance en date du 22 juin 2022, le juge des référés a rendu la décision suivante :

« Disons que le CODIESE a un intérêt à agir ;

Disons que la CNT-SO n’a pas qualité pour agir ;

Disons que les demandes de la CNT-SO sont irrecevables ;

Déboutons le CODIESE de ses demandes ;

Déboutons les parties de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons le CODIESE et la CNT-SO aux entiers dépens ».

le C°DIESE et la CNT-SO ont interjeté appel de la décision le 5 juillet 2022.

PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 30 novembre 2022, les appelants demandent à la cour de :

« Vu les dispositions des de l’article 835 du Code de procédure civile,

Vu le bloc de constitutionnalité,

Vu les dispositions de l’article L2141-7 du Code du travail

Vu les dispositions des articles 699 et 700 du Code de procédure civile

Vu la jurisprudence applicable

Vu l’ensemble des pièces produites au débat,

Il est sollicité de la Cour d’appel de Paris qu’elle reçoive le C°DIESETRV et la CNT-SO en ses demandes, fins et conclusions,

ET Y FAISANT DROIT,

INFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Tribunal Judiciaire de Melun le 22 juin 2022 à l’encontre de la CNT SO et du C°DIESE,

ET STATUANT A NOUVEAU,

Il est sollicité de Votre juridiction qu’elle constate le trouble manifestement illicite, et l’urgence à le réparer, causé par la discrimination et l’atteinte au principe d’égalité,

‘ JUGER que la Société JLI a organisé illicitement une distribution de tract au profit de certaines organisations syndicales choisies,

‘ JUGER que la Société JLI a adopté des mesures de dénigrement et de rétorsions injustifiées envers le C°DIESE TRV;

EN CONSÉQUENCE,

‘ ORDONNER à la Société JLI et sous astreinte, de cesser d’organiser toute opération de distribution de tract au profit de certaines organisations syndicales sans y convier l’intégralité des organisations syndicales jusqu’à l’issue des élections professionnelles à venir et ce, sous astreinte de 10.000 € par manquement constaté,

‘ ORDONNER à la Société JLI, sous astreinte également, de cesser d’envoyer des courriers ou courriels dénigrant directement ou indirectement une organisation syndicale spécifiquement ciblée jusqu’à l’issue du processus électoral et ce sous astreinte de 10.000 € par manquement constaté,

‘ ORDONNER à la Société JLI, sous astreinte également, de rectifier ses propos attentatoires à l’encontre du C°DIESE TRV auprès de l’ensemble de son personnel, « La Société JL INTERNATIONAL reconnaît que le courrier du C°DIESE n’est pas frauduleux. La Direction certifie en effet que le C°DIESE n’a pas utilisé de fichier dérobé à l’entreprise et atteste que les données personnelles des salariés ont été communiquées par la Direction elle-même aux organisations syndicales.

C’est donc à tort que le PDG de JL INTERNATIONAL a déclaré aux salariés qu’il s’agissait d’une infraction pénale.

Le courrier du PDG constitue un manquement à son obligation de neutralité et n’aurait jamais dû être envoyé au salarié.

La Direction de JL INTERNATIONAL reconnaît que son courrier nuit à l’image du C°DIESE.» ‘ et ce via les mêmes supports que la direction a utilisé pour l’envoi de sa lettre des 16 et 17 décembre 2021, à savoir par courriel adressé sur la messagerie privée des salariés doublé d’envoi postal à leur domicile respectif,

‘ CONSTATER que les organisations syndicales C°DIESE TRV et CNT-SO ont été victimes d’une discrimination syndicale et ce, en violation des articles L 2141-7 et L 2141-8 du code du travail,

‘ CONDAMNER l’employeur à afficher le jugement en son siège durant 6 mois et à l’envoyer à tous les salariés de l’entreprise et ce via les mêmes supports que la direction a utilisé pour l’envoi de sa lettre des 16 et 17 décembre 2021, à savoir par courriel adressé sur la messagerie privée des salariés doublé d’envoi postal à leur domicile respectif,

‘ CONDAMNER l’employeur à communiquer aux organisations syndicales intéressées les tournées des conducteurs (lieux de travail de prise et fin de service ainsi que les établissements desservis avec horaires),

‘ Enfin, au vu de l’atteinte portée aux intérêts de la profession, le Syndicat sollicite l’octroi d’une provision sur dommages et intérêts à hauteur de 10.000 €,

‘ CONDAMNER la Société JLI à verser au Syndicat appelant la somme de 10.000 € à titre de provision sur dommages et intérêts,

‘ CONDAMNERla Société JLI à payer au C°DIESE TRV et à la CNT SO la somme de 5.000 €chacun sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ CONDAMNER encore l’entreprise intimée à supporter l’ensemble des dépens de la présente instance, en ce compris le coût de la l’acte introductif d’instance et dont recouvrement par Me Xavier COURTEILLE, avocat aux offres de droit ».

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 8 décembre 2022, la Société demande à la cour de :

« Vu l’article R. 3111-24 du code des transports,

Vu les articles L. 2132-3 et L. 2131-1 du code du travail,

Vu l’article 835 du code de procédure civile,

– infirme l’ordonnance de référé, en ce qu’elle a :

o considéré que Codièse avait un intérêt à agir,

o dit que ses demandes étaient recevables,

– confirme l’ordonnance de référé, en ce qu’elle a :

o considéré que CNT-SO n’avait pas intérêt à agir,

o dit que ses demandes étaient irrecevables,

o débouté Codièse de ses demandes.

Ce faisant,

JLI sollicite de la cour d’appel, à titre principal, qu’elle :

– juge irrecevables les demandes de Codièse, pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

– juge irrecevables les demandes de CNT-SO, pour défaut de qualité et d’intérêt à agir,

À titre subsidiaire :

– se déclare incompétente pour trancher le litige opposant JLI à Codièse et CNT-SO,

A titre très subsidiaire,

– déboute Codièse et CNT-SO de l’intégralité de leurs demandes, En tout état de cause :

– condamne Codièse et CNT-SO à verser à JLI 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne Codièse et CNT-SO aux entiers dépens de première instance et d’appel ».

La clôture a été prononcée le 9 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n’y a pas lieu de répondre aux demandes tendant voir ‘constater’ qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles rappellent les moyens invoqués par les appelants au soutien de leurs demandes et sont dépourvues d’effet juridictionnel.

Sur l’intérêt et la qualité à agir du C°DIESE

La Société fait valoir que :

– contrairement à ce qu’a retenu le juge des référés, le C°DIESE n’est pas un syndicat mais une association professionnelle et ne peut donc agir au nom de l’intérêt collectif d’une profession qu’elle ne représente pas ;

– il ressort des statuts du C°DIESE que son objet n’est pas la défense de l’intérêt collectif de la profession, mais seulement la défense des intérêts « de ses adhérents (transférés d’une entreprise à une autre) » ;

– si elle a invité le C°DIESE à négocier le protocole préélectoral, aux côtés des « vrais syndicats », c’était pour éviter tout blocage ou action judiciaire, et parvenir à un accord rapide sur le protocole préélectoral ;

– aucune des décisions judiciaires mentionnées par les appelants n’a reconnu au C°DIESE la qualité de syndicat en se fondant sur son objet, même si la question de la recevabilité a été discutée, de plus certaines décisions ne sont pas définitives ;

– la motivation du premier juge ne repose que sur une décision du tribunal judiciaire de Melun du 31 mai 2021 qui renvoie à une décision du même tribunal du 13 décembre 2019.

Le C°DIESE soutient que :

– dans le cadre de différents contentieux, le tribunal judiciaire de Melun lui a reconnu la qualité d’organisation syndicale ;

– un représentant de la section syndicale quotidienne est désigné au sein de l’entreprise, et elle a été considérée comme une organisation syndicale intéressée au processus électoral et elle a été répertoriée par la direction générale du travail ;

– si la Société entendait contester sa qualification de syndicat il lui appartenait de former un recours administratif contre la décision d’enregistrement du syndicat ce qui n’a pas été le cas.

Sur ce,

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé ».

Il convient de rappeler ici les dispositions pertinentes du code du travail :

– article L. 2131-1 :

« Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts » ;

– article L. 2132-3 :

«  Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ».

Il convient aussi de rappeler les dispositions des statuts du C°DIESE intéressant le litige :

– article 1 :

« – L’organisation syndicale est admise à négocier tout protocole d’accord préélectoral et à établir ses listes de candidats aux fonctions de membre de la délégation du personnel au sein de tout établissement, toute entreprise ou toute unité économique et sociale relevant du champ de syndicalisation général délimité par les présents statuts, et ce en application de l’article L 2314-5 du code du travail.

Le cas échéant, au regard de la législation régissant les règles applicables à tout accord inter-entreprises, l’organisation syndicale sera habilitée à négocier un tel accord, et ce à condition de se conformer aux modalités légales de la Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ».

« Champ d’application géographique, professionnel ainsi que niveaux d’audiences :

* « Géographique (National) :

Le champ de compétence géographique de l’organisation est national et recouvre donc le périmètre de tout établissement ou toute entreprise ou toute unité économique et sociale s’étendant au niveau national ou inter-régional ou régional ou inter-départemental ou départemental et qui relève du champ d’application professionnel ci-dessous.

* Professionnel (Transports routiers de voyageurs) :

Le champ d’application professionnel de l’organisation recouvre l’ensemble des métiers similaires ou connexes qui relèvent de l’activité des transports routiers de voyageurs (nomenclature et codes statistiques APE 49398, 4939A et 4932Z), et ce avec une nature de service nécessitant, de façon non exhaustive, une signalétique sur les véhicules (LOTI, VTC ou autres) ou bien encore des documents de contrôle afférents au code des transports (licence de transport intérieur en application du R 3113-8 ou une carte professionnelle en application du R 3120-6). Tels par exemples, les transports de personnes à la demande, les transports en périodes scolaires, les transports non médicalisés de personnes à mobilité réduite, les transports en voitures avec chauffeurs ou autres au moyen de véhicules légers ».

Il résulte de la lecture des statuts que contrairement à ce que soutient la Société, le C°DIESE ne limite pas son intervention à la défense des intérêts de ses adhérents mais prévoit son intervention sur un champ professionnel qui recouvre « l’ensemble des métiers similaires ou connexes qui relèvent de l’activité des transports routiers de voyageurs » et partant, tous les salariés relevant de ce champ professionnel qui est le champ d’activité de la Société.

Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le premier juge a décidé que le C°DIESE à intérêt à agir dans le cadre de cette instance, de sorte que la décision sera confirmée sur ce point.

Sur l’intérêt et la qualité à agir de la CNT-SO

La CNT-SO soutient que :

– elle est représentée par son secrétaire général en exercice désigné au titre d’un pouvoir ;

– elle a reçu pouvoir d’agir en justice de son bureau confédéral, organe interne de l’organisation syndicale, compétent pour lui octroyer un tel pouvoir ;

– le mandat précise que c’est le bureau de la CNT SO qui a octroyé à M. [B], un pouvoir, « étant précisé qu’il résulte du récépissé de dépôt des statuts que (ce dernier) est le Secrétaire Confédéral du syndicat, soit un membre du Bureau désignés dans les conditions de l’article 8  des statuts ».

La Société fait valoir que rien n’est prévu dans les statuts de la CNT-SO pour la délégation d’agir en justice et que le bureau du comité n’ayant pas la capacité à agir, la saisine par la CNT-SO était irrecevable.

Sur ce,

Il est de principe que pour que l’action de la personne désignée pour représenter un syndicat en justice soit recevable, il faut qu’elle détienne ce pouvoir soit en vertu d’une disposition des statuts régulièrement déposés, soit en vertu d’un mandat exprès.

Il est de principe encore que le défaut de pouvoir d’une personne figurant au procès comme représentant du syndicat est une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.

La CNT-SO produit un « mandat » daté du 20 mars 2022, aux termes duquel « le bureau confédéral donne mandat à [L] [B], pour ester en justice » dans le cadre de la procédure de référé en cause.

Les signataires de ce pouvoir sont M. [L] [B] « secrétaire confédéral » (le mandataire) et Mme [G], « trésorière confédérale ».

C’est à juste titre que le premier juge a relevé qu’aucune disposition des statuts ne précise qui peut agir en justice.

La CNT-SO soutient, à raison, que par délibération du 12 novembre 2019 elle a désigné M. [L] [B] « secrétaire confédéral » et Mme [G], « trésorière confédérale ».

Pour autant , force est de constater que si l’article 7 des statuts stipule que « le bureau est l’agent d’exécution et de liaison de la C.N.T Solidarité Ouvrière », il est taisant sur la capacité du bureau à agir en justice au nom de la CNT-SO.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a déclaré la CNT-SO irrecevable à agir.

Sur les demandes du C°DIESE tendant à ordonner à la Société « de cesser d’organiser toute opération de distribution de tract au profit de certaines organisations syndicales »

Le C°DIESE fait valoir que :

– la quasi-exclusivité du personnel de la Société est constitué de conductrices et conducteurs isolés qui ne travaillent pas dans les locaux de l’entreprise et auxquels la Société envoie des directives ou instructions par sms ;

– ces conducteurs ont été conviés à diverses distributions de gel hydroalcoolique ou de masques via leurs téléphones mobiles personnels, par la direction de la Société qui a permis à deux salariés, candidats déclarés aux élections professionnelles pour la CFDT, de distribuer des tracts syndicaux, et ce en méconnaissance du principe d’égalité entre les organisations syndicales ;

– en conviant ses conducteurs qui ne travaillent pas dans les locaux de l’entreprise sur ces lieux de rendez-vous, la Société organise et finance la propagande électorale de la CFDT tout en facilitant le dénigrement des organisations syndicales C°DIESE et CNT-SO ;

– cette pratique illicite est généralisée ce qui est établi par les syndicats USAP et Solidaires ;

– si comme le prétend la Société, un élu CFDT avait agi seul, et sciemment trompé l’employeur, en organisant de manière illicite une distribution de tracts « provoquant notamment, une procédure judiciaire et l’échec de la négociation du protocole d’accord préélectoral, la Société intimée avait toute latitude pour adopter une sanction » ;

– dans un contexte d’isolement du personnel roulant, M. M.  a été favorisé par la Société et avec les moyens de cette dernière, en connaissant le calendrier, les horaires et la localisation de plusieurs points distributions à travers tout le territoire ;

– ces comportement constituent un trouble manifestement illicite, peu important l’existence d’une contestation sérieuse ou le caractère irréversible de la décision prise.

La Société oppose que :

– le juge des référés n’est pas compétent alors que le C°DIESE ne se fondait que sur le trouble manifestement illicite et qu’aucune mesure de remise en état ne pouvait être prescrite « compte tenu de la situation » ;

– il a fallu plusieurs mois au C°DIESE pour saisir le tribunal ce qui démontre l’absence d’urgence ;

– pour favoriser la distribution de masques et de gel hydroalcoolique elle a décidé de procéder par distribution sur différents points par le biais de conducteurs référents ;

– M. M., rattaché à l’agence de [Localité 4] s’est proposé de procéder à la distribution et les salariés ont été informés, « sans sélection et par secteur géographique, à venir récupérer gels et masques, les lieux et horaires ont été envoyés par sms, via un outil de gestion interne » ;

– elle a été informé de ce que « plusieurs salariés procédant aux distributions semblaient promouvoir leur syndicat. En contact direct avec les salariés de JLI, ils parlaient syndicalisme, tout en leur remettant les gels et masques. D’autres syndicats s’étaient également présentés sur les lieux de distribution pour faire de même » ; et « Pour éviter toute discrimination syndicale, (elle) a fait arrêter les opérations de distribution » et « a rappelé à l’ordre le salarié concerné (M. M.) ».

Sur ce,

L’article 834 du code de procédure civile dispose :

« Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend  ».

L’article 835 prévoit :

«  Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

En application de la disposition précitée, le trouble manifestement illicite résulte d’un fait matériel ou juridique qui constitue une violation évidente d’une norme obligatoire dont l’origine peut être contractuelle, législative ou réglementaire, l’appréciation du caractère manifestement illicite du trouble invoqué, relevant du pouvoir souverain du juge des référés.

Il ressort du constat d’huissier du 17 février 2022, que sur le parking d’un centre commercial à [Adresse 5] des tracts étaient distribués par des personnes pour le compte de la CFDT et de l’UNSA en même temps qu’étaient distribués des produits masques et gel hydroalcooliques, le produit désinfectant étant remis par le seul syndicat CFDT.

Il est en outre établi, par procès verbal d’huissier, que la Société a adressé des SMS à ses salariés les informant qu’elle procédait à la distribution de masques et gel hydroalcoolique, en leur précisant les points de rendez-vous et les horaires les 8, 10 et17 février 2022, mentionnant « pour tout renseignement », MM. M et V G.

Ces derniers étaient candidats déclarés auprès de la direction aux élections professionnelles pour la CFDT depuis le 1er février 2022.

Pour autant, ces éléments et l’ensemble des pièces produites aux débats ne permettent pas de démontrer que la direction a organisé la diffusion de la propagande préélectorale de la CFDT au détriment d’autres syndicats en ayant choisi MM. M et V G., candidats aux élections professionnelles pour la CFDT, pour assurer la remise du matériel sanitaire, et/ou pour répondre aux questions, de nature à caractériser la méconnaissance du principe d’égalité entre les organisations syndicales.

Aucune discrimination syndicale n’est caractérisée, étant relevé surabondamment que le syndicat UNSA transport a aussi communiqué dans ce contexte de remise de matériel de protection.

Surtout, il n’est ni allégué ni établi que la distribution des produits de protection accompagnée par la remise de tracts syndicaux s’est poursuivie après les constats d’huissier en février 2022, étant rappelé que le C°DIESE et la CNT-SO ont fait assigner la Société le 4 avril 2022, et que l’audience s’est tenue devant le premier juge le 13 mai 2022.

Ce dernier a d’ailleurs pertinemment relevé qu’ « il n’est pas contesté que cette distribution selon ces modalités a été arrêtée après constats et réception d’un courrier de l’UNSA, syndicat qui lui-même allait au-devant des salariés avec distribution de tracts, du 23 février 2022 dénonçant ces faits, dès avant la saisine du juge des référés ».

Il résulte des considérations qui précédent qu’en l’absence de trouble manifestement illicite, c’est à bon droit que le juge des référés n’a pas fait droit à cette demande.

L’ordonnance déférée mérite confirmation sur ce point.

S’agissant du dénigrement

Le C°DIESE fait valoir que :

– ayant été écarté illicitement du processus électoral, « il ne dispose ni de panneau d’affichage ni des horaires des tournées des salariés et n’a aucun moyen de rentrer en contact et de communiquer avec les salariés ou de répondre aux accusations fallacieuses de l’employeur à son encontre » ;

– disposant de la liste des salariés « communiquée par l’employeur dans le cadre du PAP », il n’a eu d’autre choix que d’adresser un tract syndical aux conducteurs isolés qui ne travaillent pas dans les locaux de l’entreprise par voie postale le 1er décembre 2021 ;

– le président directeur général de la Société a tenu des propos dénigrant le C°DIESE et la CNT-SO auprès du directeur de la Direccte de [Localité 4] le 7 janvier 2021, propos relayés par le syndicat CFDT « choisi par cette même direction dans le seul but de salir les syndicat C°DIESE et la CNT-SO » ; ces tracts distribués par la CFDT, et accessibles sur le site internet de cette dernière mentionnaient que le C°DIESE et la CNT-SO étaient responsables de la liquidation judiciaire de la société Vortex et qu’il allait en être de même avec l’intimée ;

– après avoir distribué par voie postale un tract à l’attention des salariés de la Société, cette dernière a envoyé une lettre aux salariés les 16 et 17 décembre 2021 aux fins de le dénigrer ;

– la direction transgresse les articles L. 2141-7 et L. 2141-8 du code du travail en discriminant les organisations syndicales C°DIESE et CNT-SO et en sortant de son devoir de neutralité ;

– le fait de dénigrer publiquement et mensongèrement une organisation syndicale, à la veille d’élections professionnelles maintes fois repoussées, est une atteinte au principe d’égalité, une violation du devoir de neutralité et une discrimination flagrante ;

– les manquements sont donc graves et ne ressortent pas du droit de la presse ou du droit commercial.

La Société oppose que :

– elle conteste tout acte de discrimination et tout acte de dénigrement au travers des tracts distribués par une organisation syndicale la CFDT alors qu’elle n’en est pas l’auteur ;

– elle a été alertée aussi de ce que des courriers « ambigus » avaient été adressés aux salariés alors qu’après avoir « mené l’enquête », il est apparu que le C°DIESE avait utilisé la liste du personnel qui avait été communiquée dans le cadre d’une autre procédure, et qu’en tout état de cause, les courriers envoyés « par JLI ne mentionnaient pas Codièse) ;

– les appelants dénoncent en réalité, une diffamation non publique et souhaitent que les faits soient requalifiés en ‘dénigrement’ pour échapper à la prescription de trois mois, en matière de diffamation.

Sur ce,

Le C°DIESE ne conteste pas avoir adressé par courrier aux salariés de la Société un tract de deux pages accompagné d’une « fiche contact à retourner » et des mentions à remplir, telles que le nom, l’adresse mail et le numéro de téléphone notamment.

Le dénigrement est constitué selon le C°DIESE par la lettre adressée par la Société aux salariés le 16 et 17 décembre 2021, à la suite de l’envoi de ce courrier (ou tract) de deux pages, rédigée en ces termes :

« Attention !!! Ce courrier est frauduleux. Pour vous écrire à domicile, une organisation a utilisé un fichier dérobé à JLI contenant le nom, prénom et adresse d’un certain nombre de salariés.

C’est une infraction pénale.

Certains d’entre vous se sont émus en nous expliquant avoir pensé, dans la confusion du contenu qu’il s’agissait d’un courrier adressé par l’entreprise JLI’ il n’en est rien.

La direction de JLI prend très au sérieux cet incident. Une alerte a été faite à la CNIL, gendarme des données en France et une plainte pénale va être déposée auprès du Procureur de la République compétent. Les mesures de sécurité de vos données ont été renforcées, et des contrôles aléatoires vont être mis en place.

Si vous avez des questions concernant ce courrier, votre directeur d’agence se tient à votre disposition pour tout échange complémentaire ».

Pour autant, force est de constater que le courrier litigieux ne cite aucune organisation syndicale et que la Société a réagi à l’utilisation du fichier, quand bien même il a été obtenu par des moyens licites, et les termes employés ne sont pas de nature à démontrer une intention malveillante de la Société.

Le courrier rappelle l’exigence des mesures de sécurités devant accompagner l’utilisation des données à caractère personnel.

De plus, le fait d’inviter les salariés à se rendre auprès de leur directeur d’agence pour échanger, non pas « au sujet du C°DIESE » contrairement à ce que soutient ce dernier, mais au sujet du courrier, ne saurait constituer une « entrave au juste développement du syndicat ».

Surtout, ce courrier n’a pas été rendu public pour avoir été adressé au domicile personnel des salariés.

S’il n’est pas contesté que le contexte social de la Société est tendu, au regard notamment des différentes procédures engagées, force est de constater cependant que les éléments produits à l’appréciation de la cour sont insuffisants à caractériser le caractère manifestement illicite du trouble allégué.

L’ordonnance déférée sera en conséquence confirmée de ce chef.

Sur la demande du C°DIESE tendant à « condamner la Société à communiquer aux organisations syndicales intéressées les tournées des conducteurs (lieux de travail de prise et fin de service ainsi que les établissements desservis avec horaires) »

Le C°DIESE fait valoir que :

– il importe de faire cesser l’entrave au bon déroulement des élections et le favoritisme à l’égard de la CFDT puisque le personnel roulant isolé qui ne travaille dans les locaux de l’entreprise a pu aller à la rencontre de M. M., notamment ;

– l’employeur doit permettre à toutes les organisations qui ont désigné un représentant de section syndicale au sein de l’entreprise, sur un pied d’égalité, de pouvoir rencontrer les salariés; or, les salariés ne se regroupent pas au sein d’un siège social ,et n’ont pas accès aux panneaux d’affichage, ni même au local syndical qui s’avère inexistant pour le C°DIESE et la NCT-SO ;

– A défaut d’avoir un lieu de travail commun, il est manifeste que l’accès aux données afférentes aux tournées des conducteurs, à savoir le lieu de travail (prise et fin de service) et les établissements desservis avec horaires est le moyen le plus adapté pour que les représentants de section syndicale puissent rencontrer les conducteurs qui ne travaillent pas dans les locaux de l’entreprise.

La Société oppose que :

– la demande est déraisonnable et porte sur des données confidentielles et à portée commerciale importante et n’est pas nécessaire pour faire cesser le prétendu trouble ;

– le C°DIESE tente d’obtenir des informations, notamment sur les conducteurs isolés ;

– fournir les adresses et horaires de passage dans les établissements ou aux domiciles des enfants transportés « est impensable » s’agissant des données personnelles des familles ;

– les organisations appelantes cherchent, par tous les moyens, à pouvoir rencontrer physiquement les conducteurs qui ne peuvent être abordés par une organisation syndicale ou tout salarié durant une vacation ;

– de très nombreux salariés desservent plus d’un établissement scolaire par jour et compte tenu de la spécificité des usagers, il n’est pas envisageable pour les conducteurs d’être dérangés pendant leur service.

Sur ce,

En l’absence de démonstration d’entrave au bon déroulement des élections et de favoritisme à l’égard de la CFDT, et alors qu’il n’est plus discuté que le C°DIESE peut adresser sa communication syndicale au domicile des salariés, le C°DIESE échoue à démontrer le dommage imminent ou le caractère manifestement illicite constitué par l’absence de communication des éléments relatifs à la tournée des chauffeurs, de sorte que l’ordonnance déférée sera confirmée en son dispositif.

S’agissant des autres demandes qui sont la continuité des demandes qui n’ont pas connu de suite favorables , il y a lieu de constater qu’elles sont devenues sans objet, de sorte que l’ordonnance déférée sera confirmée en son dispositif, et ce sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que les constatations précédentes rendent inopérantes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile  

Les appelants qui succombent, supporteront les dépens d’appel et seront condamnés, chacun, à payer à la Société une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance de référé en date du 22 juin 2022 du tribunal judiciaire de Melun ;

Y ajoutant,

Condamne le Collectif de Défense Inter Entreprises des Salariés Engagés transports routiers de voyageurs (C°DIESE TRV) et la Confédération Nationale des Travailleurs-Solidarité Ouvrière (la CNT-SO) aux dépens d’appel ;

Condamne le Collectif de Défense Inter Entreprises des Salariés Engagés transports routiers de voyageurs (C°DIESE TRV) et la Confédération Nationale des Travailleurs-Solidarité Ouvrière (la CNT-SO) à payer, chacun, à la société JL International la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les déboute de leur demande à ce titre.

La greffière, Le président,

 


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