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COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
N° RG 21/07242 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDP3O
Nature de l’acte de saisine : Déclaration d’appel valant inscription au rôle
Date de l’acte de saisine : 14 Avril 2021
Date de saisine : 21 Avril 2021
Nature de l’affaire : Recours contre les décisions du directeur de l’INPI – marques –
Décision attaquée : n° 15/12093 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS le 15 Janvier 2021
Appelante :
Société TEOXANE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège , représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 – N° du dossier 40865
Intimés :
Monsieur [K] [R], représenté par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241 – N° du dossier 20210063
S.A.S. F.INITIATIVES agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 – N° du dossier 20210150
S.A.S. LABORATOIRES FILL-MED agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 – N° du dossier 20210150
S.A.S. LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 – N° du dossier 20210150
S.A. FILORGA BENELUX agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 – N° du dossier 20210150
S.A. LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 – N° du dossier 20210150
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 2 pages)
Nous, Deborah BOHEE, magistrat en charge de la mise en état,
Assistée d’Alice LEAUTAUD, adjointe administrative, faisant fonction de greffier, lors des débats,
Assistée de Karine ABELKALON, Greffier, lors de la mise à disposition,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 15 janvier 2021 dans le litige opposant la société TEOXANE, d’une part, aux sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING et à M. [K] [R] d’autre part, qui a statué en ces termes:
– DÉBOUTE la société TEOXANE de ses demandes dirigées contre les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING ainsi que contre [K] [R] au titre du détournement d’informations confidentielles constitutives de son savoir-faire ;
– DIT que la reproduction des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 2 945 293 n’est pas démontrée ;
– DIT n’y avoir lieu d’examiner la validité du brevet FR 2 945 293 dont la nullité est invoquée à titre subsidiaire ;
– REJETTE la demande visant à voir constater la nullité du brevet FR 2 968 305 pour insuffisance de description et défaut d’activité inventive ;
– DIT qu’en distribuant sur le territoire français des échantillons de produits de la gamme ART FILLER fabriqués selon un procédé nécessitant la mise en ‘uvre des revendications 1 à 10 du brevet FR 2 968 305 dont la société TEOXANE est titulaire, les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING ont commis des actes de contrefaçon à son préjudice ;
– FAIT INTERDICTION aux sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL- MED MANUFACTURING, en tout lieu sur le territoire français d’importer, de détenir, d’offrir à la vente et de commercialiser des gels de la gamme ART FILLER fabriqués selon un procédé nécessitant la mise en ‘uvre des revendications 1 à 10 du brevet FR 2 968 305 ;
– DIT n’y avoir lieu d’ordonner une mesure de rappel des produits distribués en vue de leur confiscation ;
– REJETTE les demandes tendant au retrait et à l’interdiction de toute communication publique des sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL- MED MANUFACTURING faisant référence aux produits précités, incluant leur site Internet, les présentations professionnelles lors de congrès, et toute documentation commerciale ;
– DIT n’y avoir lieu d’ordonner une mesure d’expertise destinée à l’évaluation du préjudice allégué;
– DIT n’y avoir lieu de faire droit à la demande de production de pièces au titre du droit d’information ;
– REJETTE les demandes de publication ;
– DEBOUTE [K] [R] de sa demande fondée sur la procédure abusive ;
– CONDAMNE la société TEOXANE à verser à [K] [R] une somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE in solidum les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL- MED MANUFACTURING à verser à la société TEOXANE la somme
de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE in solidum les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL- MED MANUFACTURING aux dépens ;
– DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
Vu l’appel interjeté le 14 avril 2021 par la société TEOXANE;
Vu les conclusions d’incident n°3 transmises le 29 août 2022 par les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING, (ci après les sociétés FILORGA)
Vu les conclusions d’incident n°3 transmises le 9 septembre 2022 par la société TEOXANE,
Entendu les conseils des parties en leurs observations le13 septembre 2022;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux conclusions des parties.
Il sera seulement rappelé que la société TEOXANE immatriculée en octobre 2003, se présente comme l’un des leader opérant sur le marché des « fillers », dispositifs médicaux de classe III au sens de la réglementation européenne, qui sont des produits à injection conditionnés sous la forme de seringues remplies de gel viscoélastique stérile destinés au comblement des rides. Ils sont composés d’acide hyaluronique réticulé auquel est intégré un anesthésiant local.
Elle est notamment titulaire des brevets suivants :
– le brevet FR 2 945 293 ayant pour intitulé un « procédé de préparation d’un gel réticulé » déposé le 11 mai 2009 et délivré le 17 juin 2011,
– le brevet FR 2 968 305 également intitulé « procédé de préparation d’un gel réticulé », issu d’une demande déposée le 6 décembre 2010 et délivré le 28 février 2014.
La société LABORATOIRES FILORGA, fondée en 1978 et dont la dénomination sociale actuelle est LABORATOIRES FILL-MED, se présente comme pionnière dans le domaine de la médecine esthétique anti-âge et notamment le secteur de l’acide hyaluronique ayant en 2009 mis sur le marché une gamme de fillers à base d’acide hyaluronique en gel commercialisés sous la marque « X-HA », fabriqués par la société autrichienne CROMA.
Elle expose que, dans le but de développer une nouvelle génération de fillers à base d’acide hyaluronique réticulé, elle a créé en 2012 les sociétés de droit belge FILORGA MANUFACTURING – devenue LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING – et FILORGA BENELUX destinées à la production d’une nouvelle gamme d’hydrogel injectable à base d’acide hyaluronique dénommée « ART FILLER ».
La SAS FILORGA INITIATIVES est une société française holding qui détient les deux filiales belges précitées à hauteur de 99,8%.
La société LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, issue d’une opération de scission du groupe intervenue en 2015 et qui correspond à son activité cosmétiques – laquelle n’inclut pas les fillers relevant de la médecine esthétique – a été acquise en 2019 par le groupe COLGATE-PALMOLIVE.
Indiquant avoir découvert à l’occasion du congrès international de l’esthétique médicale «F.A.C.E 2 Face » le 12 septembre 2014 que la société FILORGA s’apprêtait à lancer une nouvelle gamme de fillers présentant, selon elle, des caractéristiques similaires à celles de ses propres produits, tant du point de vue de leur composition – même concentration d’acide hyaluronique, présence de BDDE et lidocaïne – que de leurs propriétés physiques, la société TEOXANE a par requêtes présentées le 10 juillet 2015, sollicité et obtenu sur le fondement des articles L.615-5 du code de la propriété intellectuelle et 145 du code de procédure civile l’autorisation de faire diligenter deux mesures de saisie-contrefaçon et d’instruction par des huissiers accompagnés de conseils en propriété industrielle d’une part, au siège social de la société LABORATOIRES FILORGA au [Adresse 1], et d’autre part, au sein de son établissement secondaire situé à [Localité 2].
Ces opérations se sont déroulées de façon simultanée le 23 juillet 2015.
C’est dans ces conditions que la société TEOXANE a, par actes séparés des 19 et 20 août 2015, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés LABORATOIRES FILORGA, FILORGA INITIATIVES, FILORGA BENELUX, FILORGA MANUFACTURING ainsi que M. [K] [R] sur le fondement des dispositions relatives à la contrefaçon de brevet et à la concurrence déloyale.
Des opérations de saisie-contrefaçon autorisées par la cour d’appel de Bruxelles, selon une ordonnance du 3 mars 2016, ont ensuite été réalisées en Belgique, et les résultats des investigations menées dans ce cadre ont donné lieu à une comparaison des procédés de fabrication de FILORGA avec ceux de TEOXANE, dont les conclusions ont été présentées aux termes d’un rapport d’expertise établi le 31 mai 2016.
Par ordonnance du 6 octobre 2016, le juge de la mise en état, saisi à l’initiative de la société TEOXANE, a fait injonction aux parties de communiquer à l’expert parallèlement désigné une copie du dossier de marquage CE et des dossiers de lots correspondant à leurs produits respectifs, l’expert ayant pour mission « de comparer ces documents et de constater si le dossier de marquage CE de la société FILORGA MANUFACTURING reproduit des informations, éléments de savoir- faire et/ou de la technologie qui sont présentes dans le dossier de marquage CE de la société TEOXANE, et de procéder ainsi à une comparaison de ces documents afin d’en relever, sous formes d’extraits, les points identiques, les similitudes ainsi que les différences, le cas échéant sous forme de tableaux ».
L’expert, dont la mission était de procéder à une comparaison objective des informations en cause sans se prononcer sur la valeur de celles-ci, a rendu son rapport le 22 décembre 2017.
C’est dans ce contexte qu’a été rendue la décision précitée par le tribunal judiciaire de Paris dont il a été fait appel.
S’agissant des demandes fondées sur le détournement de savoir faire qui ont été rejetées, le tribunal a notamment retenu que «la société TEOXANE ne démontre pas avoir elle-même développé l’ensemble du savoir-faire qu’elle revendique – indépendamment du point de savoir si les données en cause sont ou non éligibles à cette qualification- pas plus qu’elle n’établit les circonstances dans lesquelles elle en serait devenu la détentrice légitime, étant observé à cet égard que bien qu’y ayant été invitées par les sociétés FILORGA, elle ne communique aucun élément se rapportant à l’issue transactionnelle de la procédure relative à sa mise en cause aux côtes de sa fondatrice dans le cadre d’une instance introduite en mai 2005 par la société CORNEAL INDUSTRIE pour des actes de contrefaçons de brevet et d’exploitation de secrets de fabrication.»
Dans le cadre de la procédure d’appel, la société TEOXANE a communiqué des extraits d’un protocole daté du 25 mai 2006 conclu entre notamment entre la société CORNEAL INDUSTRIE et la société TEOXANE sur 21 pages, seules trois pages en partie caviardées étant accessibles.
C’est dans ces circonstances que le présent incident de communication de pièce a été diligenté par les sociétés FILLORGA.
Les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, FILORGA INITIATIVES, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING demandent au conseiller de la mise en état de:
‘ Enjoindre à la société TEOXANE SA de produire l’intégralité du document, correspondant à « Extraits du protocole transactionnel confidentiel conclu entre Cornéal, Laboratoire d’Esthétique Appliquée et M. [Z] d’une part, et, Impax’s Diffusion, Teoxane et Mme [H], d’autre part, en date du 25 mai 2006 » numéroté pièce n°118 sur le bordereau de pièces qu’elle a communiqué le 13 septembre 2021 au soutien de ses conclusions d’appel ;
‘ Débouter la société TEOXANE SA de sa demande de production forcée de l’intégralité du Rapport du cabinet ACCURACY ayant procédé à l’évaluation du Groupe Fill-Med du 12 mai 2021 (mentionné en Annexe 3, page 37, du traité de fusion-absorption du 7 juin 2021 entre LABORATOIRES FILL-MED et F.INITIATIVES) ;
‘ Accorder un délai aux sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELX, LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING pour remettre au conseiller de la mise en état le rapport du cabinet ACCURACY du 12 mai 2021 conformément aux dispositions des articles L.153-1 et R.153-1 à R.153-7 du Code de commerce relatifs à la protection du secret des affaires, à l’article 226-13 du Code Pénal et à l’article 4 du Décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatifs au secret professionnel de l’avocat ;
‘ Fixer une date d’audience au cours de laquelle le conseiller de la mise en état entendra séparément les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELX, LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING sans la présence des représentants et avocats de la société TEOXANE SA ;
‘ Statuer sans audience sur la communication du Rapport du cabinet ACCURACY du 12 mai 2021 et ses modalités de consultation avec la mise en place d’un cercle de confidentialité en application de l’article L.153-2 du Code de commerce ;
‘ Dire que les données mentionnées dans le Rapport du cabinet ACCURACY du 12 mai 2021 relatives :
‘ A l’évaluation et à la valeur des sociétés du Groupe Fill-Med ;
‘ Aux autres gammes de produits que celles de Art Filler ;
‘ A la répartition des ventes du groupe, à l’identité des distributeurs par pays, hors Europe et aux modalités de distribution par pays ; et
‘ A la structure des coûts des sociétés du Groupe Fill-Med
devront rester masquées et ne pas être divulguées aux représentants de la société TEOXANE SA dans le cadre du cercle de confidentialité ;
‘ Interdire la présence de représentants et préposés de la société TEOXANE SA et des sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX, LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING dans le cercle de confidentialité qui sera mis en place pour les besoins de la production du Rapport du cabinet ACCURACY du 12 mai 2021, à l’exception des professions réglementées soumises au secret professionnel telles que les avocats, les conseils en propriété industrielle et les experts-comptables ;
‘ Enjoindre aux membres du club de confidentialité de respecter une obligation de confidentialité;
‘ Débouter la société TEOXANE SA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
‘ Condamner la société TEOXANE SA à payer 10.000 € aux sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX, LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamner la société TEOXANE SA aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 et suivants du code de procédure civile.
La société TEOXANE demande au conseiller de la mise en état de :
I. À TITRE PRINCIPAL :
‘ JUGER que la demande de production forcée de l’intégralité du document, correspondant à «Extraits du protocole transactionnel confidentiel conclu entre Cornéal, Laboratoire d’Esthétique Appliquée et M. [Z] d’une part, et, Impax’s Diffusion, Teoxane et Mme [H], d’autre part, en date du 25 mai 2006 » numéroté Pièce n°118, est injustifiée, vaine et disproportionnée ;
En conséquence :
‘ JUGER la demande de production forcée de pièces des sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING mal fondée ;
‘ DÉBOUTER les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING de leur demande de production forcée de pièces ;
II. À TITRE SUBSIDIAIRE :
‘ FIXER à la société TEOXANE un délai pour remettre au conseiller de la mise en état les documents visés à l’article R. 153-3 du Code de commerce ;
‘ FIXER une date d’audience pour entendre le conseil de la société TEOXANE en l’absence des représentants et avocats des sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING ;
‘ STATUER sur les modalités de communication de la pièce après transmission des documents visés à l’article R. 153-3 du Code de commerce, étant entendu que, quelles que soient les modalités de communication retenues, l’accès à la pièce devra être limité à un cercle de confidentialité constitués des seuls avocats et des conseils en propriété industrielle des parties.
III. À TITRE RECONVENTIONNEL :
‘ ENJOINDRE aux sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING de produire l’intégralité du Rapport du cabinet ACCURACY ayant procédé à l’évaluation de la société LABORATOIRES FILL-MED (mentionné en Annexe 3, page 37, du traité de fusion-absorption du 7 juin 2021 entre LABORATOIRES FILL-MED et F. INITIATIVES) ;
SUBISIAIREMENT :
‘ FIXER aux sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING un délai pour remettre au conseiller de la mise en état les documents visés à l’article R. 153-3 du Code de commerce ;
‘ FIXER des dates d’audience pour entendre séparément les représentantes de la société TEOXANE et des sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING ;
‘ STATUER sur les modalités de communication et de production de la pièce après transmission des documents visés à l’article R. 153-3 du Code de commerce, étant entendu que l’accès à la pièce sera limité à un cercle de confidentialité constitués des avocats, des conseils en propriété industrielle et des experts-comptables des parties.
IV. EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :
‘ DÉBOUTER les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
‘ CONDAMNER in solidum les sociétés LABORATOIRES FILL-MED, LABORATOIRES FILORGA COSMETIQUES, FILORGA BENELUX et LABORATOIRES FILL-MED MANUFACTURING à verser à la société TEOXANE la somme de 15.000 euros, sauf à parfaire, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Sur la demande de communication de pièces
Sur le principe de la communication
Les sociétés FILORGA soutiennent que la production de l’intégralité du protocole est nécessaire à la solution du litige, le tribunal ayant retenu notamment que la société TEOXANE ne démontrait pas avoir développé le savoir faire revendiqué au soutien de son action en concurrence déloyale, en faisant état notamment du contentieux l’opposant à la société CORNEAL, qui est précisément l’objet du document en cause, dont la communication très partielle et parcellaire ne permet pas d’en connaître le contenu ainsi que les droits conférés par celui-ci. Elle ajoute que la confidentialité de ce document, au demeurant non démontrée, ne constitue pas un obstacle à sa communication.
La société TEOXANE s’oppose à cette communication retenant qu’elle n’est pas nécessaire à la solution du litige, critiquant la décision du tribunal en ce qu’il a posé comme condition à son action la question de la détention légitime de ce savoir faire alors que cette condition est imposée par un texte qui n’était pas en vigueur au moment des faits litigieux. Elle ajoute que cette demande de communication est disproportionnée compte de la production de nombreuses pièces justifiant, selon elle, du caractère légitime de détention du savoir faire allégué au regard notamment des programmes de recherche menés, outre que les éléments du protocole déjà portés à la connaissance de ses adversaires justifie de la légitimité de sa détention.
À titre subsidiaire, elle demande que soient mises en ouvres les dispositions propres à la protection du secret des affaires.
L’article 138 code de procédure civile dispose que ‘Si, dans le cours d’une instance, une partie entend faire état d’un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n’a pas été partie ou d’une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l’affaire d’ordonner la délivrance d’une expédition ou la production de l’acte ou de la pièce’, l’article 139 du même code prévoyant notamment que ‘Le juge, s’il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l’acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu’il fixe, au besoin à peine d’astreinte’.
En vertu de l’article 770 du code de procédure civile auquel renvoie l’article 907 du même code relatif à la procédure d’appel, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.
Sur ce, il convient de rappeler qu’il n’appartient nullement au conseiller de la mise en état dans le cadre d’un incident de communication de pièces de porter une appréciation ou une critique sur la motivation retenue par le tribunal pour fonder sa décision.
En conséquence, l’ensemble des considérations opposées par la société TEOXANE pour conclure au débouté de la demande de production de pièce relatives à la question de la légitimité de la détention du savoir faire en cause ne peut être examiné à ce stade.
Par ailleurs, le tribunal dans son jugement, fait précisément référence au litige ayant opposé la société CORNEAL à la société TEOXANE en contrefaçon de brevet et en responsabilité contractuelle et délictuelle pour avoir exploité ses secrets de fabrication en matière de «filler», ce point étant au demeurant amplement discuté par les parties dans leurs conclusions au fond en appel.
C’est dans ce contexte que la société TEOXANE a fait le choix, au soutien de la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure d’appel, de communiquer une version largement cancellée de ce protocole.
Or, la communication de seulement 3 pages en grande partie caviardées de ce document qui en comporte 21, ne permet nullement d’en apprécier l’objet et la portée, alors que la société TEOXANE l’invoque pour contester toute illégitimité dans la possession de son savoir faire.
En outre, si cette dernière plaide que le protocole porte sur un savoir faire différent, les seuls extraits versés aux débats ne permettent nullement de confirmer ce point.
En conséquence, la demande de communication de ce protocole présentée par les intimées est justifiée, étant nécessaire à la solution du litige, en l’état dans lequel il se présente au stade de l’appel et au vu du débat qu’il suscite entre les parties, et proportionnée, au regard notamment de l’enjeu du litige en cause et des demandes formulées sur le fondement de la concurrence déloyale.
La communication sollicitée sera donc ordonnée dans les conditions définies ci-après et au dispositif.
Sur les modalités propres à assurer la confidentialité
L’article L. 153-1 du code de commerce (loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires), relatif aux mesures de protection du secret des affaires devant les juridictions civiles ou commerciales, dispose :
‘Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense :
1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;
2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ;
3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ;
4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de la publication de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires’.
Selon l’article R. 153-3, «A peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :
1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ;
2° Une version non confidentielle ou un résumé ;
3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.
Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce.»
En vertu de l’article R. 153-4, «Le juge statue, sans audience, sur la communication ou la production de la pièce et ses modalités.»
Enfin, selon l’article R. 153-6, « Le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires.
Dans ce dernier cas, le juge désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale. Lorsqu’une des parties est une personne morale, il désigne, après avoir recueilli son avis, la ou les personnes physiques pouvant, outre les personnes habilitées à assister ou représenter les parties, avoir accès à la pièce.»
Il y a lieu, en application de ces dispositions de dire que la société TEOXANE nous communiquera le protocole en cause dans sa version intégrale, non expurgée, en nous faisant connaître le(s) passage(s) de ce protocole qu’elle estimerait, le cas échéant, susceptible(s) de comporter des secrets d’affaires, ainsi qu’une version non confidentielle ou un résumé et le mémoire prévu par l’article R.153-3 du code du commerce, au regard des conditions édictées à l’article L.151-1 code du commerce, selon lequel « Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants:
1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.»
Le cas échéant, il sera alors décidé, par ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état, la mise en oeuvre de l’une des mesures prévues à l’article L. 153-1 précité dans les conditions posées par l’article R.153-4 du code du commerce.
Sur la demande reconventionnelle de communication de pièces
La société TEOXANE sollicite la production forcée de l’intégralité du rapport du cabinet ACCURACY ayant procédé à l’évaluation de la société LABORATOIRES FILL-MED (mentionné en Annexe 3, page 37, du traité de fusion-absorption du 7 juin 2021 entre LABORATOIRES FILL-MED et F. INITIATIVES), nécessaire, selon elle, à la solution du litige et, plus précisément, à l’évaluation du préjudice qu’elle prétend avoir subi notamment suite aux faits de concurrence déloyale dénoncés. À cet égard, elle retient que seule la production de ce document permettrait d’établir avec précision la valeur spécifique de l’activité «Fillers» de la société LABORATOIRES FILL-MED, de corroborer les éléments chiffrés déjà communiqués par les sociétés FILORGA et d’apporter des éléments chiffrés concernant les données prévisionnelles des intimées relatives à la période 2025-2030.
Les sociétés FILORGA contestent cette demande soulignant avoir déjà produit dans le cadre de la présente instance l’ensemble des données pouvant être utiles à l’évaluation du préjudice invoqué par leur adversaire, attestées par leur commissaire aux comptes, alors que le rapport ACCURACY FUSION vise à évaluer l’ensemble des sociétés du Groupe Fill-Med dans le monde entier. Elles ajoutent que la société TEOXANE dispose d’éléments suffisants permettant de chiffrer son préjudice futur, rien ne justifiant que celle-ci dispose d’éléments postérieurs à 2025, les faits dénoncés s’étant produits en 2011.
Sur ce, le conseiller de la mise en état constate que la société TEOXANE qui invoque sur le fondement de la responsabilité délictuelle subir un préjudice consécutif au comportement fautif des sociétés FILORGA, n’explique nullement en quoi les nombreux éléments chiffrés versés aux débats par ces dernières, s’agissant tant d’attestations de leur commissaire aux comptes que du rapport ACCURACY rédigé sur 67 pages comprenant de nombreuses annexes chiffrées, ainsi que l’ensemble des pièces ayant servi à l’élaboration de ce rapport ( soit 17 pièces) seraient insuffisants pour connaître «la valeur spécifique» de l’activité «Fillers» des intimées. Elle ne démontre pas davantage en quoi ces documents établis par des professionnels du chiffre tenus à des obligations professionnelles strictes devraient être corroborés par la production de ce rapport qui vise à évaluer la valeur des parts de la société LABORATOIRES FILL-MED au travers de l’activité de l’ensemble des sociétés du groupe FILL-MED pour le monde entier et comporte des données confidentielles, notamment concernant l’activité prévisionnelle future relatives à la période 2025-2030, dont rien ne justifie, en l’état, qu’elles soient portées à la connaissance d’une société directement concurrente, la société appelante étant à même de procéder aux extrapolations nécessaires à partir des éléments déjà communiqués.
Il convient en conséquence de débouter la société TEOXANE de sa demande de communication forcée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dépens seront réservés, les parties conservant à leur charge les frais exposés par elles à l’occasion de cet incident.
PAR CES MOTIFS,
Disons que la société TEOXANE nous communiquera, au plus tard le 2 novembre 2022, le document intitulé « Extraits du protocole transactionnel confidentiel conclu entre Cornéal, Laboratoire d’Esthétique Appliquée et M. [Z] d’une part, et, Impax’s Diffusion, Teoxane et Mme [H], d’autre part, en date du 25 mai 2006 » numéroté pièce n°118 sur le bordereau de pièces qu’elle a communiqué le 13 septembre 2021 au soutien de ses conclusions d’appel en son intégralité, en nous indiquant, le cas échéant, le(s) passage(s) de ce rapport qu’elles estimeraient susceptible(s) de comporter des secret d’affaires, ainsi qu’une version non confidentielle ou un résumé et un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires, au sens de l’article L.151-1 du code du commerce,
Disons que le dossier sera rappelé à la mise en état du 6 décembre 2022 (en cabinet) pour suite à donner,
Déboutons la société TEOXANE de sa demande de production forcée de l’intégralité du rapport du cabinet ACCURACY ayant procédé à l’évaluation de la société LABORATOIRES FILL-MED
Réservons les dépens,
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonnance rendue par Déborah BOHÉE, magistrat en charge de la mise en état assistée de Karine ABELKALON, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Paris, le 11 Octobre 2022
Le greffierLe magistrat en charge de la mise en état
Copie au dossier
Copie aux avocats