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01/12/2022
ARRÊT N°737/2022
N° RG 21/04955 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OQUG
CBB/CD
Décision déférée du 14 Décembre 2021 – Tribunal de Commerce d’ALBI ( 2021001536)
M. BLANC
S.A.S. FREYSSINET AERO EQUIPMENT
S.A.S. FREYSSINET TITANIUM CASTING
C/
S.A.S. TARAMM
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU PREMIER DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTS
S.A.S. FREYSSINET AERO EQUIPMENT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Fabienne PANNEAU du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.A.S. FREYSSINET TITANIUM CASTING
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Fabienne PANNEAU du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A.S. TARAMM
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C.BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
La SAS Taramm, créée en 1990, exerce une activité de fonderie de précision à la cire perdue et fabrique des pièces en métaux durs (titane), à haut point de fusion.
La SAS Freyssinet Aero Equipment est une entreprise d’usinage dans le domaine de l’aéronautique qui a été créée en 1994.
La SAS Freyssinet Titanium Casting créée le 12 novembre 2020 s’est spécialisée dans la fonderie de métaux légers (pièces en titane).
Deux salariés de la SAS Taramm, M. [D], directeur d’établissement licencié en novembre 2019 pour faute grave et M. [U] responsable de projet d’étude, dessinateur et concepteur, démissionnaire en octobre 2020 ont été embauchés par la SAS Freyssinet Titanium Casting
La SAS Taramm soutient l’existence d’actes de concurrence déloyale de la part de la SAS Freyssinet Titanium Casting SAS Freyssinet Aero Equipment et relève également la violation par ses deux anciens salariés de leur obligation de confidentialité renforcée après la fin de leur contrat de travail.
PROCEDURE
Par requête en date du 22 juin 2021, la SAS Taramm a saisi le Président du tribunal de commerce d’Albi pour obtenir, sur le fondement des articles 145, 493, 875 du code de procédure civile, 1240 du code civil et L1222-1 du code du travail, deux mesures d’instruction exécutées par un huissier de justice au siège social de la SAS Freyssinet Titanium Casting et au siège social de la SAS Freyssinet Aero Equipment à [Localité 3].
Par ordonnance du 22 juin 2021, le président du tribunal a’:
– autorisé la société Taramm à mettre en place les mesures suivantes :
– autorisé tout huissier de justice territorialement compétent que la requérante pourrait mandater, avec mission, si besoin est, avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique ou en présence de deux témoins conformément à l’article L142-1 du code de procédure civile d’exécution à :
o Une fois sur les lieux :
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur clés USB, disques durs externes ou terminaux informatiques) l’ensemble des documents, fichiers, courriers électroniques, sms et messages se trouvant sur supports papiers ou sur tous supports informatiques, ordinateurs portables, tablettes, ordinateurs fixes, disques dur, clés USB, téléphones attribués ou appartenant à M. [W] [D] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de M. [D] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées manipulées ou appartenant à ce dernier (en ce compris les réseaux sociaux, clouds, messageries cryptées ou non) et relatifs à la société Taramm.
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur clés USB, disques durs externes ‘ ou terminaux informatiques) l’ensemble des documents, fichiers, courriers électroniques, sms et messages se trouvant sur supports papiers ou sur tous supports informatiques, ordinateurs portables, tablettes, ordinateurs fixes, disques dur, clés USB, téléphones attribués ou appartenant à M. [N] [U] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de M. [U] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées manipulées ou appartenant à ce dernier (en ce compris les réseaux sociaux, clouds, messageries .cryptées ou non) et relatifs à la société Taramm.
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur clés USB, disques durs externes ou terminaux informatiques) l’ensemble des messages électroniques ou sms se trouvant sur les ordinateurs portables et fixes, tablettes, disques dur externes et internes, clés USB et téléphones attribués ou appartenant à M. [W] [D] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de M. [D] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées (en ce compris les réseaux sociaux, clouds, messageries cryptées ou non) et relatifs à la société Taramm et notamment sans s’y limiter les courriers électroniques reçus ou envoyés par la ou les messageries affectées à M. [D] par le groupe Freyssinet (mais également sans s’y limiter) la messagerie [Courriel 4]) ainsi que les échanges entre ces messageries et M. [N] [U], Mme [H] [I], M. [A] [I], Mme [F] [I] épouse [M], Mme [E] [T], M. [V] [K] et/ou M. [O] [P]
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur clés USB, disques durs externes ou terminaux informatiques) l’ensemble des messages électroniques ou sms se trouvant sur les ordinateurs portables et fixes, tablettes, disques dur externes et internes, clés USB et téléphones attribués ou appartenant à M. [N] [U] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de M. [U] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées (en ce compris les réseaux sociaux, clouds, messageries cryptées ou non) et relatifs à la société Taramm et notamment sans s’y limiter les courriers électroniques reçus ou envoyés par la ou les messageries affectées à M. [U] par le groupe Freyssinet ainsi que les échanges entre ces messageries et [W] [D], Mme [H] [I], M. [A] [I], Mme [F] [I] épouse [M], Mme [E] [T], M. [V] [K] et/ou M. [O] [P].
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur clés USB, disques durs externes ou terminaux informatiques) à partir de sur supports papiers ou tous supports informatiques, ordinateurs portables et fixes, tablettes, disques durs externes et internes, clés USB et téléphones attribués ou appartenant à M. [W] [D] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de M. [D] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées manipulées ou appartenant à ce dernier (en ce compris les réseaux sociaux, clouds, messageries cryptées ou non) tous documents, fichiers, courriers électroniques, sms, messages et toutes informations relatives à la société Taramm en utilisant notamment les mots clés suivants :
o Four fusion
o Titane
o Inducteur
o Induction
o Taramm
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur clés USB, disques durs externes ou terminaux informatiques) à partir de sur supports papiers ou tous supports informatiques, ordinateurs portables et fixes, tablettes, disques durs externes et internes, clés USB et téléphones attribùés « ou appartenant à M. [N] [U] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de M. [N] [U] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées manipulées ou appartenant à ce dernier (en ce compris les réseaux sociaux; clouds, messageries cryptées ou non) tous documents, fichiers, courriers électroniques, sms, messages et toutes informations relatives à la société Taramm en utilisant notamment les mots clés suivants :
o Four fusion
o Titane
o Inducteur
o Induction
o Taramm
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur clés USB, disques durs externes ou terminaux informatiques) à partir de sur supports papiers ou tous supports informatiques, ordinateurs, tablettes, disques durs externes, clés USB, téléphones attribués ou appartenant à M. [W] [D] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de Monsieur [D] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées manipulées ou appartenant à ce dernier (en ce compris les réseaux sociaux, clouds et messageries cryptées ou non) tous les documents échangés avec les clients et les fournisseurs de la société Taramm et relatifs à la société Taramm et notamment sans s’y limiter avec :
o La société TARAMM,
o Le groupe SAFRAN,
o Le groupe AIRBUS,
o La société DASSAULT,
o La société MBDA
o La société FIVE CELFS
o La société DRALAM
o La société SEF
o La société SDMS
* Examiner, recueillir, copier ou faire copier (notamment sur. clés USB, disques durs externes ou. terminaux informatiques) à partir de sur supports papiers ou tous supports informatiques, ordinateurs, tablettes, disques durs externes, clés USB, téléphones attribués ou appartenant à M. [N] [U] et sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment ou au sein du véhicule de M. [U] sis [Adresse 6] ou à partir de données délocalisées manipulées ou appartenant à ce dernier (en ce compris les réseaux sociaux, clouds et messageries cryptées ou non) tous les documents échangés avec les clients et les fournisseurs de la société Taramm et relatifs à la société Taramm et notamment sans s’y limiter avec :
o La société TARAMM,
o Le groupe SAFRAN,
o Le groupe AIRBUS,
o La société DASSAULT,
o La société MBDA
o La société FIVE CRUS
o La société DRALAM
o La société SEF
o La société SDMS
– autorisé l’huissier de justice à se faire assister d’un ou plusieurs collaborateurs de son Etude ainsi que d’un ou plusieurs experts en informatique inscrit(s) sur la liste des experts judiciaires, indépendants de la partie requérante, à charge pour lui d’indiquer précisément l’identité et la profession du sachant requis,
– autorisé l’huissier de justice à se faire communiquer par toutes personnes présentes sur les lieux leur aide et leur assistance pour effectuer ces opérations, notamment se faire communiquer les mots de passe ou code d’accès nécessaires à ces opérations, à prendre des photos et/ou des copies sur supports papier et/ôu sur tout support informatique (notamment clé USB, disque dur externe, CD, DVD, périphérique, …) au besoin en les emportant temporairement en son étude, à charge pour lui de les restituer promptement une fois les opérations de reproduction terminées,
– autorisé, en cas de difficultés; l’huissier de justice assisté de l’expert informaticien à extraire les disques durs et autres supports numériques et à les connecter directement aux outils de recherches apportés sur place pour les besoins des constats,
– autorisé l’huissier à réaliser toutes les opérations de saisie nonobstant toute opposition de la partie saisie, et qu’il pourra se faire assister dès le début des opérations par la force publique et un serrurier,
– autorisé dans le cas où l’accomplissement complet de la mission aurait été impossible à réaliser ou terminer lors de la première intervention l’huissier de justice à poursuivre son intervention dans des conditions identiques le premier jour ouvré suivant,
– requis que l’huissier instrumentaire dresse de ses opérations un procès-verbal qui servira à ce que de droit et le remette à la requérante avec l’ensemble des éléments requis par lui, sous format papier ou électronique,
– autorisé l’huissier instrumentaire à consigner les déclarations des répondants, toutes paroles prononcées et les faits constatées au cours des opérations mais en s’abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
– ordonné à l’huissier instrumentaire de séquestrer en son étude l’ensemble des éléments recueillis lors de ses opérations pendant un délai d’un mois à compter de l’accomplissement de sa mission afin de permettre le cas échéant d’obtenir avant le terme de ce délai une ordonnance de rétractation de sa mission,
– ordonné à l’huissier de remettre à la partie requérante les éléments saisis au cours des opérations de constat au-delà de ce délai d’un mois et en l’absence d’assignation en référé rétractation de la présente ordonnance,
– ordonné à l’huissier instrumentaire de procéder à sa mission dans le délai de deux mois suivant l’ordonnance à venir,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
– dit que le double de la présente ordonnance et la copie des pièces jointes seront déposés au Greffe du Tribunal Judiciaire où il pourra en être donné connaissance au défendeur mais seulement après pleine et complète exécution de la présente ordonnance conformément aux dispositions de l’article 496 du code de procédure civile.
Par ordonnance du même jour, le président du tribunal a ordonné la même mesure à effectuer au siège social de la SAS Freyssinet Titanium Casting société par action simplifiée inscrite au RCS d’Albi sous le numéro 890 900 723, sis [Adresse 6].
Par acte en date du 28 juillet 2021, la SAS Freyssinet Titanium Casting a fait assigner la SAS Taramm devant le juge des référés du tribunal de commerce d’Albi pour obtenir, sur le fondement des articles 145, 493 et suivants du code de procédure civile et R153-1 et suivants du code de commerce, la rétractation de l’ordonnance sur requête du 22 juin 2021ayant ordonné la mesure d’instruction la concernant.
Par acte en date du 28 juillet 2021, la SAS Freyssinet Aero Equipment a fait assigner la SAS Taramm devant le juge des référés du tribunal de commerce d’Albi pour obtenir, sur le fondement des articles 145, 493 et suivants du code de procédure civile et R153-1 et suivants du code de commerce, la rétractation de l’ordonnance sur requête du 22 juin 2021ayant ordonné la mesure d’instruction la concernant.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance en date du 30 novembre 2021.
Par ordonnance en date du 14 décembre 2021, le juge a’:
– confirmé les mesures d’instruction ordonnées par le Président de ce Tribunal suivant ordonnances rendues en date du 22/06/2021,
– condamné les SAS Freyssinet Titanium Casting et Freyssinet Aero Equipment à remettre les ordinateurs professionnels de M. [D] à la SCP Vialelle Merle-Beral Calmes, Huissiers de justice, dans les 8 jours suivant la présente décision,
– condamné les SAS Freyssinet Titanium Casting et Freyssinet Aero Equipment in solidum au paiement de la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens de la présente instance, ainsi que les dépens de l’instance jointe enrôlée sous le numéro 2021001538, sont laissés à la charge des SAS Freyssinet Titanium Casting et Freyssinet Aero Equipment, outre le coût de la signification de la présente décision.
Les mesures d’instruction autorisées ont été réalisées le 1er février 2022.
Par déclaration en date du 18 décembre 2021, les SAS Freyssinet Titanium Casting et Freyssinet Aero Equipment ont interjeté appel de la décision. L’ensemble des chefs du dispositif de la décision sont critiqués.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Les SAS Freyssinet Titanium Casting et Freyssinet Aero Equipment, dans leurs dernières écritures en date du 7 octobre 2022 demandent à la cour au visa des articles 145, 493 et suivants du code de procédure civile, L. 151-1 et suivants et R. 153-1 et suivants du code de commerce, de’:
– accueillir la SAS Freyssinet Titanium Casting et la SAS Freyssinet Aero Equipment en leur appel et les y déclarer recevables et bien fondées,
en conséquence,
– écarter des débats le procès-verbal de constat du 1er février 2022 (pièce Taramm 42) et les pièces 47 à 52, ne pouvant servir de justification à la requête ;
si, par impossible, la Cour n’écartait pas des débats l’ensemble des pièces figurant procès-verbal de constat du 1er février 2022 (Pièce Taramm n° 42), elle écarterait des débats les courriels n° 9, 11, 13 et 29 (selon la numérotation adoptée par l’huissier instrumentaire) figurant sous la pièce Taramm n° 42 en ce qu’ils sont couverts par le secret des affaires ;
– infirmer l’ordonnance du 14 décembre 2021 en toutes ses dispositions, en ce compris en son chef de condamnation de la SAS Freyssinet Titanium Casting et de la SAS Freyssinet Aero Equipment visant à la remise des « ordinateurs professionnels » de M. [D], pour les motifs exposés ci-avant ;
et, statuant à nouveau :
à titre principal
– prononcer la rétractation en toutes leurs dispositions des ordonnances sur requête en date du 22 juin 2021 ayant autorisé les mesures d’instruction contestées et visant la SAS Freyssinet Titanium Casting, d’une part, et la SAS Freyssinet Aero Equipment, d’autre part ;
en conséquence :
– dire l’ensemble des actes d’exécution des ordonnances du 22 juin 2021 et visant respectivement la SAS Freyssinet Titanium Casting et la SAS Freyssinet Aero Equipment privés d’effet, en ce compris en ce qu’ils visent les « ordinateurs professionnels » de M. [D] ;
– prononcer la nullité du ou des procès-verbaux qui auraient été établis par la SCP [W] Vialelle ‘ Nicolas Merle-Beral ‘ Nadège Calmes, Etude d’huissiers de justice instruite, en exécution des ordonnances sur requête du 22 juin 2021 ainsi que de l’ordonnance de référé du 14 décembre 2021, en ce inclus le procès-verbal de constat d’huissier en date du 1er février 2022, produit sous la pièce Taramm n° 42 ;
– ordonner à la SCP [W] Vialelle ‘ Nicolas Merle-Beral ‘ Nadège Calmes, de restituer à la SAS Freyssinet Titanium Casting et la SAS Freyssinet Aero Equipment, à première demande, sur présentation de la décision à intervenir, l’ensemble des pièces entre ses mains, en ce compris les éléments saisis sur les « ordinateurs professionnels » de M. [D] en exécution de l’ordonnance de référé du 14 décembre 2021, et de n’en conserver aucune copie ;
– faire interdiction à la SAS Taramm d’utiliser, quel qu’en soit le cadre ‘ judiciaire ou non ‘ l’ensemble des pièces saisies par la SCP [W] Vialelle ‘ Nicolas Merle-Beral ‘ Nadège Calmes en exécution des ordonnances sur requête du 22 juin 2021 ainsi que de l’ordonnance de référé du 14 décembre 2021 et notamment la pièce Taramm n° 42 ;
à titre subsidiaire, si, par impossible, les mesures d’instructions in futurum étaient confirmées en tout ou partie,
– dire la SAS Freyssinet Titanium Casting et la SAS Freyssinet Aero Equipment recevables et bien fondées à mettre en place la procédure prévue par les articles R. 153-3 à R. 153-10 du code de commerce ;
– écarter des débats les courriels n° 9, 11, 13 et 29 (selon la numérotation adoptée par l’huissier instrumentaire) figurant sous la pièce Taramm n° 42 en ce qu’ils sont couverts par le secret des affaires et en conséquence faire interdiction à la SAS Taramm d’utiliser, quel qu’en soit le cadre ‘ judiciaire ou non ‘ lesdits courriels ;
– débouter la SAS Taramm de l’ensemble de ses moyens et prétentions, y inclus de sa demande au titre du caractère abusif de la procédure ;
– condamner la SAS Taramm à payer à la SAS Freyssinet Titanium Casting et la SAS Freyssinet Aero Equipment, la somme totale de 18.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner enfin aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Crépin, avocat au Barreau de Toulouse.
Elle soutiennent que’:
– il n’est pas justifié d’une dérogation au principe du contradictoire dans la requête et encore moins dans l’ordonnance,
– l’intimée ne fait pas la preuve de l’implication des sociétés Freyssinet dans la collusion dénoncée entre elles et M. [D],
– la preuve d’un motif légitime n’est pas rapportée,
– le périmètre de la mission sollicitée démontre que Taramm ne cherche pas à faire la preuve d’actes de concurrence déloyale, en ce que les mesures ordonnées excèdent les mesures légalement admissibles,
– elle ne sont pas circonscrites dans leur objet et dans le temps’: elles s’apparentent à une mesure générale d’investigation et elles ne sont pas proportionnées aux intérêts en cause.
– Susidiairement il convient de faire application des articles R 153-1 du code de commerce sur le secret des affaires.
La Sas Taramm, dans ses dernières écritures en date du 28 septembre 2022 portant appel incident, demande à la cour au visa des articles 145, 493 et 700 du code de procédure civile et 1240 du code civil, de’:
– débouter les SAS Freyssinet Aero Equipment et Freyssinet Titanium Casting de l’ensemble de leurs fins, moyens et prétentions,
– confirmer l’ordonnance rendue en date du 14 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
– condamner in solidum la SAS Freyssinet Aero Equipment et la SAS Freyssinet Titanium Casting à avoir à payer à la SAS Taramm la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en appel et au fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’appel et de première instance,
– juger abusif l’appel formé par les SAS Freyssinet Aero Equipment et Freyssinet Titanium Casting,
– condamner in solidum la SAS Freyssinet Aero Equipment et la SAS Freyssinet Titanium Casting à avoir à payer à la SAS Taramm la somme de 10.000 euros en réparation des préjudices causés par son appel manifestement abusif.
Elle soutient que’:
– elle développe un savoir faire unique qui selon M. [D] lui même repose sur un secret technique’; elle est un sous traitant des groupes Safran, Airbus ou Dassault et ses fournisseurs sont les sociétés Five, Celes, Dralam, SEF et SDMS,
– M. [D] était directeur d’établissement pendant 18 ans’: il connaît parfaitement la société, son savoir faire et ses clients ainsi que des informations confidentielles’; il est tenu à une obligation de confidentialité de discrétion post contrat’; à la suite d’un audit comptable en 2019 il lui a été reproché des détournements de fonds estimés à 330 000€, qui n’ont été rendus possibles que par la complicité d’autres salariés qui se retrouvent aujourd’hui chez Freyssinet’; il a été licencié pour faute grave le 14 novembre 2019 mais durant cet audit il a pu soustraire et copier tout document utile,
– elle a déposé plainte et a introduit une action devant le tribunal judiciaire de Carcassonne,
– la mesure d’investigation a permis de révéler que M. [U] a transmis des documents à M. [D] par mail du 27 juillet 2021′;
– elle rapporte la preuve de suspicion d’actes de concurrence déloyale par une enquête privée parfaitement licite et une expertise informatique de l’ordinateur de l’aide comptable,
– il s’agit d’actes de débauchage massif de salariés clés (4), de l’appropriation de son savoir faire, l’appropriation de documents et informations confidentiels, du dénigrement de la société et sa désorganisation,
– la nécessité de déroger au principe du contradictoire est étayée dans la requête et repose sur des circonstances spécialement détaillées au vu du comportement des salariés ci dessus décrit,
– les mesures sont fondées au regard du comportement de M. [D] et des autres salariés qui profite aux sociétés Freyssinet,
– les mesures sont circonscrites dans leur objet et dans le temps,
– les procès verbaux d’exécution qui sont des preuves postérieures et non des circonstances postérieures sont parfaitement opposables pour étayer la demande.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2022.
MOTIVATION
Sur la dérogation au principe du contradictoire
Les SAS Freyssinet Titanium Casting et SAS Freyssinet Aero Equipment soutiennent que ni la requête ni l’ordonnance ne visent de circonstances spécifiques dérogatoires au principe du contradictoire en ce que’:
*l’enquête privée n’est pas recevable dès lors qu’elle porte une atteinte disproportionnée à la vie privée’; elle est établie par un détective mandaté par les requérantes et n’est pas corroborée par d’autres éléments objectifs’; elle n’est pas indispensable à l’exercice d’un droit ni proportionnée au but poursuivi,
*il n’est visé que des motifs généraux non circonstanciés (risque de déperdition de preuve),
*c’est le comportement des sociétés qu’il fallait objectiver et non celui de M. [D]’; le motif tiré de la collusion et la malice de ces sociétés n’est pas précis ni déterminant,
* l’intimée se fonde sur des circonstances postérieures à la requête’ (et à défaut elle oppose le secret des affaires) notamment le procès verbal d’exécution des mesures ordonnées et les plaintes qui sont des circonstances nouvelles et non des preuves nouvelles de circonstances visées à la requête.
La SAS Taramm soutient au contraire que la requête vise des éléments de fait justifiant la nécessité de procéder à l’insu des appelantes au regard’:
* du comportement des salariés juste avant leur départ de l’entreprise pour être embauchés par l’une des deux sociétés appelantes, dont M. [D] licencié pour faute grave,
* de leur collusion pour transférer des données confidentielles à ses concurrentes via M. [D] ainsi qu’il est révélé par l’enquête privée du 19 avril 2021,
* de l’exploration du site par les sociétés Freyssinet à l’occasion de pourparlers pour la vente en 2017 d’une partie de son activité,
* du procès verbal d’exécution de la mesure qui a totalement confirmé les soupçons de collusion au profit des appelantes,
* parallèlement aux mesures ordonnées par le juge d’Albi, elle a fait diligenter suivant autorisation du juge de Carcassonne le 8 juin 2021 les mêmes mesures à l’encontre de certains de ces salariés M. [D] et M. [U] ainsi que l’aide comptable Mme [I] (ordonnance du président du tribunal judiciaire de Foix qui n’a toutefois pas pu être menée à son terme),
* du risque effectif de déperdition de preuves.
Selon l’article 493 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. Et l’article 497 dispose que le juge a la faculté de modifier ou rétracter son ordonnance.
La demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ne tendant qu’au rétablissement du principe de la contradiction, le juge à qui elle est soumise doit apprécier les éléments de la cause au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement qui le conforteraient.
Ainsi, le juge ne peut pas rechercher les circonstances justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire dans les pièces produites au soutien de la requête ou déduire ces circonstances de termes vagues ni se fonder sur des faits postérieurs à la requête.
De sorte que la cour ne peut se fonder sur la pièce 42 de la SAS Taramm qui n’est autre que le procès-verbal d’exécution des mesures qui sont contestées devant cette cour.
Il est admis que dès lors que la requête énonce expressément la ou les circonstances susceptibles d’autoriser une dérogation au principe de la contradiction et qu’il ne s’agit donc pas d’affirmations abstraites et stéréotypées, l’ordonnance qui la vise en a adopté les motifs et a ainsi satisfait aux exigences de l’article 495 du Code de procédure civile.
Et, la dérogation au principe de la contradiction ne s’impose que si l’information de la partie adverse risquerait de rendre vaine la mesure sollicitée, laquelle ne présente d’intérêt que si un effet de surprise est ménagé.
En l’espèce, la requête de la SAS Taramm vise le licenciement pour faute grave de M. [D] en novembre 2019 pour des faits de détournement de fonds et déloyauté à la suite d’un audit comptable, son embauche aussitôt par la SAS Freyssinet Titanium Casting société concurrente créée en novembre 2020, la démission de plusieurs salariés occupant des postes clés comme M. [U] en octobre 2020 et son embauche par l’appelante, le constat d’huissier du 21 avril 2020 suivi de la note technique de M.[R] du 19 mai 2020 et l’enquête privée du 19 avril 2021.
Les appelantes sollicitent le rejet du rapport d’enquête privée comme portant une atteinte disproportionnée à la vie privée.
Or, d’une part, le droit à la preuve justifie la production d’éléments portant atteinte à la vie privée si cette production est indispensable à l’exercice de ce droit et si l’atteinte est proportionnée au but poursuivi.
Et, d’autre part, l’article 9 du code civil protège la vie privée des personnes physiques. Ainsi, une personne morale n’a pas qualité pour invoquer une atteinte à la vie privée de ses salariés.
L’enquête privée réalisée par M. [Y] du cabinet Helios Investigations est limitée à la période du 8 au 12 mars 2021 et ponctuellement entre le 15 mars et le 9 avril 2021 et porte sur les fréquentations de M. [D] avec ses anciens collègues dont certains encore salariés de la SAS Taramm.
Dans ces conditions, cette enquête dont le rapport a été déposé le 19 avril 2021 peut valablement être invoquée à titre de preuve non seulement de la nécessité de déroger au principe du contradictoire mais encore pour justifier du motif légitime.
Or, il ressort de cette enquête réalisée, qu’en mars et avril 2021′:
– M. [D] ancien dirigeant de la SAS Taramm licencié en novembre 2019 est entré en contact à plusieurs reprises avec ses anciens collègues encore salariés de la SAS Taramm’: Mme [F] [I] agent d’atelier cire (démissionnaire en mars 2021), M. [P] conducteur de four fusion soumis à une obligation contractuelle de confidentialité (démissionnaire en mai 2021) ;
– que Mme [T] (licenciée pour faute grave en novembre 2019) apparaît sur des photographies lui remetant un objet ressemblant à un disque dur.
La plupart des anciens salariés de la SAS Taramm ont depuis le licenciement de M. [D] été embauchés par le groupe Freyssinet’: notamment M. [U] responsable de projet d’étude (démissionnaire en octobre 2020 tenu à une obligation de confidentialité), M.[I] chef d’équipe soudure, et Mme [H] [I] aide-comptable (licenciée en août 2020).
Par ailleurs, il ressort de l’expertise informatique du 19 mai 2020 du poste de Mme [H] [I] qu’elle a extrait des données comptables qui lui avaient été remises sur clé USB par son employeur la SAS Taramm, qu’elle les a enregistrées sur clé USB et qu’elle a aussitôt effacé cette opération de la mémoire de l’ordinateur’; qu’au surplus il est apparu l’introduction d’une clé USB tierce, à 4 autres reprises précédentes en 2019 et début 2020 pour réaliser des copies de documents confidentiels.
Dans ces conditions, la SAS Taramm qui invoquait dans sa requête l’ensemble de ces circonstances de fait qui démontrent des dissimulations et fuites de données informatiques et qui invoquait la nécessité de préserver un effet de surprise pour éviter la disparition de preuves, justifiait donc de la nécessité de procéder à l’insu des appelantes au regard de la crainte de man’uvres de dissimulation ou destruction de documents, l’information de la partie adverse risquant alors de rendre vaine la mesure sollicitée.
Sur le motif légitime
En vertu de l’article 145 du code de procédure civile une mesure d’instruction peut être ordonnée, à la demande de tout intéressé, s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
Ce motif existe dès lors que l’éventuelle action au fond n’est pas manifestement vouée à l’échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu’elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l’adversaire.
Sur le rejet des pièces 42 et 47 à 52 de la SAS Taramm
Ainsi qu’il a été rappelé plus haut,le juge de la rétractation doit apprécier les éléments de la cause au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement qui le conforteraient. L’article 561 du code de procédure civile donne au juge d’appel le pouvoir de connaître de l’entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit.
De sorte qu’en l’espèce, il est évident qu’il convient d’écarter des débats la pièce 42 de la SAS Taramm qui n’est autre que le procès verbal d’exécution des mesures dont l’ordonnance d’autorisation est contestée devant cette cour.
Les appelantes sollicitent le rejet des pièces 47 à 52 qui sont postérieures à la requête et à l’ordonnance et constituées à partir des éléments saisis en ce compris la plainte pénale déposée opportunément en septembre 2022′; et à l’exception de la pièce 47 mais qui est extérieure au débat.
– La pièce 47 est la convocation de M. [D] en date du 7 septembre 2022 devant le tribunal correctionnel de Foix pour des faits d’abus de biens sociaux sur plainte de la SAS Taramm,
– La pièce 48 est un procès verbal de constat d’huissier du 9 août 2022 faisant suite au procès verbal d’exécution de la mesure d’investigation autorisée par le juge de Carcassonne au domicile de M. [D],
– La pièce 49 est une plainte déposée par le conseil de la SAS Taramm auprès du procureur de la République de Carcassonne le 20 septembre 2022 contre les appelantes et ses anciens salariés pour vol et recel, destruction de preuves, faux et usage.
Ces pièces qui émanent de la SAS Taramm (voire pour la pièce 47 qui n’en est que la conséquence) constituent des circonstances nouvelles et ne tendent pas à renforcer la démonstration de la situation existante au jour où le juge des requêtes a statué’; elles doivent donc être écartées des débats.
– La pièce 50 est un courrier de la société LED signé par M. [D] à la SAS Freyssinet Aero Equipment du 11 octobre 2019 qui est extrait des opérations d’investigation contestées et qui donc doit être écarté des débats.
– Les pièces 51 et 52 sont des photocopies illisibles sans intérêt probatoire qui doivent donc être écartées des débats.
Sur la preuve d’un litige plausible
Pour que le motif de l’action soit légitime, il faut que la mesure sollicitée soit pertinente et qu’elle ait pour but d’établir ou conserver une preuve dont la production est susceptible d’influer sur la solution d’un litige futur.
Il est dès lors indispensable que le demandeur établisse l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner. Mais l’article 145 du code de procédure civile n’exige pas que le fondement et les limites d’une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.
Le juge saisi sur le fondement de l’article 145 n’a pas à trancher l’existence et la réalité d’actes de concurrence déloyale qui relève de l’appréciation du juge du fond. Il lui appartient seulement de vérifier l’existence d’un litige probable en matière de concurrence déloyale c’est à dire une suspicion d’actes de dénigrement, de parasitisme, de désorganisation, de détournement de clientèle, débauchage, d’imitation servile de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle, justifiant que soit ordonnée une mesure d’instruction légalement admissible.
En l’espèce, il appartient donc à la SAS Taramm qui sollicite une mesure in futurum de rapporter la preuve des actes qu’elle invoque de débauchage massif de salariés, de dénigrement, de détournement de savoir faire et de compétences et de désorganisation soit des circonstances susceptibles de justifier d’un litige plausible en matière de concurrence déloyale sans qu’il soit exigé d’elle la preuve de la réalité formelle de tels actes.
Or, il ressort des pièces versées au débat et notamment l’enquête privée dont la validité vient d’être confirmée que’:
– l’activité fonderie est une activité nouvelle pour le groupe Freyssinet dont il n’est pas contesté qu’elle doit être exercée par la SAS Freyssinet Titanium Casting laquelle a été créée en novembre 2020,
– qu’il n’est pas contesté non plus que l’embauche de M. [D] ancien directeur d’établissement de la SAS Taramm, de même que la démission de M. [U], responsable projet d’étude pour les fours de fonderie en octobre et son embauche par le groupe Freyssinet ont été réalisées dans la même année 2020,
– que leurs fonctions respectives les conduisaient à détenir des informations sensibles tant en matière de gestion ou financière de l’entreprise, qu’en matière technique,
– qu’ils étaient tenus à une obligation de confidentialité au-delà de la rupture du contrat de travail,
– les appelantes ne contestent pas non plus l’embauche d’autres salariés de la SAS Taramm dont Mme [H] [I] en délicatesse avec son ancien employeur qui lui reproche des fuites de renseignements,
– que ces anciens salariés dont Mme [T] comptable licenciée pour faute grave en même temps que M. [D] et Mme [H] [I] aide comptable de la SAS Taramm licenciée le 31 août 2020 se sont rencontrés à plusieurs reprises sur la seule période de mars et avril 2021 soit plus d’un an après le départ de M. [D] et son embauche au sein du groupe Freyssinet et alors que certains faisaient encore partie du personnel de la SAS Taramm tels que M. [K] et M. [P] lequel n’a démissionné que le 7 mai 2021 à effet au 6 juin 2021.
Ainsi, il est suffisamment justifié d’un motif légitime d’établir ou conserver une preuve dont la production est susceptible d’influer sur la solution d’un litige futur en raison des suspicions d’actes de concurrence déloyale par débauchage, désorganisation et parasitisme, au regard des nombreux départs de l’entreprise de salariés détenant des informations confidentielles dans un secteur d’activités très spécifique, de leurs nombreuses rencontres contemporaines de leur embauche au sein de la SAS Freyssinet Titanium Casting dont la création très récente est destinée à l’exercice d’une activité directement concurrentielle de la SAS Taramm.
Sur les mesures légalement admissibles
Les mesures autorisées ne doivent pas être des mesures d’investigation générale portant sur l’ensemble de l’activité d’une société permettant d’accéder à d’autres documents que ceux qui sont strictement en rapport avec l’opération critiquée. Il appartient au juge de vérifier la proportionnalité des mesures sollicités au but recherché, de concilier les droits et intérêts des parties au litige en ménageant l’efficacité des mesures d’instruction et le respect de ces droits.
Ainsi, les mesures doivent être circonscrites dans leur objet et dans le temps.
Dès lors, toute mesure non circonscrite aux faits invoqués dans la requête, non limitée quant à la recherche de documents en lien avec ces faits ou prescrite sans limitation de durée, est prohibée.
La SAS Taramm soutient que les mesures d’investigation sollicitées étaient circonscrites dans leur objet en raison de l’emploi de mots-clés et dans le temps «’puisqu’elles ne visent que les supports appartenant à Messieurs [D] et [U] employés au plus tôt en décembre 2019 par l’appelante’».
Les appelantes soutiennent que cette affirmation est fausse puisque «’les supports appartenant à ces salariés permettant d’accéder à tout le réseau des Sociétés Freyssinet, de sorte que la mesure n’est pas limitée’». Ce faisant elles opèrent une confusion entre les limites de l’objet de la mesure autorisée et ses limites temporelles et n’argumentent donc pas spécialement sur ce moyen.
Pour être circonscrite dans le temps la demande d’investigation doit préciser le point de départ des mesures et la date butoir.
Dès lors que le juge, pour apprécier le bien fondé du motif légitime doit se placer au jour de la requête à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et ceux produits ultérieurement, il convient de constater que:
– la durée des investigations n’était pas expressément visée à la requête,
– le point de départ aujourd’hui proposé relève d’une déduction à opérer depuis l’objet de la mission, en ce qu’il porte sur l’examen des supports de chaque salarié à compter de leur embauche au sein d’une des deux sociétés sans d’ailleurs préciser laquelle,
– mais cette déduction ne permet pourtant pas de préciser clairement le point de départ des mesures d’investigation en ce que la date d’embauche de M. [D] diffère de celle de M. [U] qui n’a démissionné de la SAS Taramm qu’en octobre 2020,
– et ce alors que la date d’embauche n’est pas connue au contraire de la date de la rupture de leur contrat de travail au sein de la SA Tarramm,
– de sorte que le point de départ des investigations ne peut être fixé tout à la fois ‘au plus tôt en novembre 2019″ et en référence à la date de leur embauche,
– sachant que s’il peut être déduit que la date butoir est celle de l’exécution de la mesure le 1er février 2022, celle-ci, selon les termes précis des ordonnances devait être réalisée dans les deux mois de la décision, la vérification du respect de ce délai ne relevant toutefois pas des pouvoirs de la cour, saisie de l’appel de la décision du juge de la rétractation.
En conséquence, la mission qui n’est pas limitée dans le temps ne permet pas de circonscrire les recherches à ce qui est strictement nécessaire à la solution du litige’; dans la mesure où le point de départ des investigations à mener n’est pas connu ni la date butoir précisée autrement que par déduction, il doit être considéré qu’elles sont d’une durée illimitée ce qui s’apparente à une immixtion générale dans les affaires de la SAS Freyssinet Titanium Casting et la SAS Freyssinet Aero Equipment’; en conséquence, la mission confiée aux huissiers s’analyse comme une mission générale excédant les prévisions de l’article 145 du code de procédure civile.
Et dès lors que le motif légitime s’apprécie au jour de la requête, il n’appartient pas à la cour statuant sur l’appel d’une décision du juge de la rétractation de circonscrire dans la durée les mesures d’investigation sollicitées. En effet, l’article 497 du code de procédure civile qui autorise le juge à procéder à la modification de la mission voire la rétractation totale ou partielle de l’ordonnance, ne lui permet pas de suppléer l’imperfection de la requête.
Par ailleurs, quant à l’objet des mesures sollicitées, il est à noter qu’aux termes des deux ordonnances sur requête les investigations ont été autorisées au sein des deux entreprises en ces termes:
Equipment, société par action simplifiée inscrite au RCS d’Albi sous le numéro 393 802 855, sis [Adresse 6],
Mais au sein de ces deux sociétés les investigations qui ont été autorisées ne portaient que sur les équipements de M. [D] et M. [U] ‘ sis dans les locaux de la SAS Freyssinet Aero Equipment’ et non pas ceux détenus dans les locaux de la SA Freyssinet Titanium Casting, de sorte que les mesures diligentées dans cette société sont sans intérêt probatoire.
En outre, la mission confiée à l’huissier l’autorisait à investiguer grâce à des termes beaucoup trop imprécis tels que «’Groupe Freyssinet’» qui n’est pas dans la cause, ou des termes approximatifs tels que «’relatifs à la société Taramm’», «’notamment’» et «’sans s’y limiter’», ce qui s’apparente à une mission d’ordre général dont l’objet n’est pas suffisamment circonscrit à ce qui est strictement en rapport avec les faits recherchés de concurrence déloyale.
Dans ces conditions, les mesures n’étant pas circonscrites dans leur objet et dans le temps,l’ordonnance doit être infirmée en toutes ses dispositions ce qui conduit à la rétractation des ordonnances sur requêtes du 22 juin 2021.
PAR CES MOTIFS
La cour
– Ordonne le rejet des pièces 42, 47 à 52 de la SAS Taramm.
– Infirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce d’Albi en toutes ses dispositions.
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute la SAS Freyssinet Titanium Casting et la SAS Freyssinet Aero Equipment de leur demandes.
– Condamne la SAS Taramm aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER