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Extraits : rvice, que la clause attributive de compétence figurant dans le contrat du 1er août 2016 ne lui est pas opposable dans la mesure où elle recherche la responsabilité délictuelle de la société Bureau Véritas et que l’exécution de ce contrat n’est pas à l’origine du dommage, que de surcroît, cette clause ne ressort pas de façon très apparente de son engagement contractuel ne figurant que dans les conditions générales de vente annexées après les signatures, sans être paraphées et sans que son attention ait été attirée sur son existence.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de son action, elle considère que la prescription quinquennale n’est pas acquise dès lors que si elle reproche à la société Bureau Véritas une faute commise dans l’établissement de son diagnostic en 2013, c’est à la comparai
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Cour d’appel de Grenoble, Chambre Commerciale, 23 mars 2023, 21/02938
N° RG 21/02938 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K6GG
C1
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL COOK – QUENARD
la SELARL AXIS AVOCATS ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023
Appel d’un jugement (N° RG 2018J290)
rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 04 juin 2021
suivant déclaration d’appel du 01 juillet 2021
APPELANTE :
SAS FONCIERE DES DAUPHINS au capital de 5 600 000 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 790.052.070, représentée par son Président en exercice
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée et plaidant par Me QUENARD de la SELARL COOK – QUENARD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉES :
SAS BUREAU VERITAS EXPLOITATION immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 790 184 675, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
SA MSIG INSURANCE EUROPE AG société de droit allemand dont le siège social est en Allemagne et ayant un établissement en France immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 753 143 882, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentées par Me Nawale GASMI de la SELARL AXIS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me BRUNEL de la SELARL CABINET DRAGHI-ALONSO, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Caroline BERTOLO, greffière, et en présence de Clémence RUILLAT, greffière stagiaire
DÉBATS :
A l’audience publique du 26 octobre 2022, Mme BLANCHARD, conseillère, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte authentique du 13 novembre 2015, la Sas Foncière des Dauphins a acquis un immeuble à usage de bureaux situé [Adresse 6] à [Localité 1].
Son vendeur, la société Cicobail, lui a remis un rapport de diagnostic amiante réalisé par la Sas Bureau Véritas Exploitation et qui a été annexé à l’acte.
Avant d’entreprendre des travaux de réhabilitation de ce bien immobilier, la société Foncière des Dauphins a fait réaliser un nouveau repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante, confié au même diagnostiqueur qui a rendu son rapport le 7 décembre 2016.
Se prévalant de l’identification dans ce rapport de nombreux matériaux et produits amiantés qui ne figuraient pas dans le rapport établi en vue de la vente, la société Foncière des Dauphins a indiqué à la société Bureau Véritas par courrier recommandé du 12 janvier 2017 vouloir rechercher sa responsabilité professionnelle et obtenir réparation du préjudice résultant pour elle du surcoût des travaux.
La société Bureau Véritas déniant sa responsabilité, la société Foncière des Dauphins l’a faite assigner ainsi que ses assureurs devant le tribunal de commerce de Grenoble par acte d’huissier du 18 juillet 2018.
Par jugement du 4 juin 2021, cette juridiction commerciale a :
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Bureau Véritas Exploitation,
– dit et jugé valable l’assignation délivrée le 18 juillet 2018 à la société Bureau Véritas Exploitation,
– dit et jugé recevable, non prescrite et bien fondée l’action engagée par la Sas Foncière des Dauphins,
– déclaré irrecevables les demandes à l’action de la société Foncière des Dauphins à l’encontre de Hiscox Europe Underwrinting Limited, courtier d’assurance et pris acte de l’intervention volontaire de Hiscox Compagny Limited au titre titre d’assureur de la société Bureau Véritas police d’assurance numéro HA RCP0084238 pour l’année 2013,
– débouté Foncière des Dauphins de l’intégralité de ses demandes,
– condamné la Foncière des Dauphins à payer à la société Bureau Véritas Exploitation, la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les demandes des sociétés MSIG Insurance Europe AG et Hiscox Insurance Compagny Limited au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté pour le surplus toute autre demande, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement,
– condamné la Foncière des Dauphins aux entiers dépens.
Suivant déclaration au greffe du 1er juillet 2021, la société Foncière des Dauphins a relevé appel de cette décision, en ce qu’elle a :
– débouté la Foncière des Dauphins de l’intégralité de ses demandes,
– condamné la Foncière des Dauphins à payer à la société Bureau Véritas Exploitation, la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté pour le surplus toute autre demande, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement,
– condamné la Foncière des Dauphins aux entiers dépens.
Prétentions et moyens de la société Foncière des Dauphins:
Au terme de ses dernières écritures notifiées le 10 octobre 2022, la société Foncière des Dauphins demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
. rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Bureau Véritas Exploitation,
. jugé recevable et non prescrite l’action engagée par la société Foncière des Dauphins,
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
. débouté la Foncière des Dauphins de l’intégralité de ses demandes,
. condamné la Foncière des Dauphins à payer à la société Bureau Véritas Exploitation, la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. rejeté pour le surplus toute autre demande, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement,
. condamné la Foncière des Dauphins aux entiers dépens tels que liquidés en seconde page du présent jugement,
– statuant à nouveau,
– dire et juger que la société Bureau Véritas Exploitation a manqué à ses obligations légales, et ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l’égard de la Sas Foncière des Dauphins,
– dire et juger inopposable à la société Foncière des Dauphins la clause de limitation de responsabilité invoquée par la société Bureau Véritas Exploitation, – condamner solidairement la société Bureau Véritas Exploitation et la société MSIG Insurance Europe AG à payer à la Sas Foncière des Dauphins la somme totale de 1.562.663,86 euros ht, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
– condamner la société Bureau Véritas Exploitation et la société MSIG Insurance Europe AG à payer à la Sas Foncière des Dauphins la somme de 20.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance, sous réserve de l’appréciation de la garantie due par la compagnie Hiscox,
– confirmer le jugement pour le surplus,
– débouter la société Bureau Véritas Exploitation et la société MSIG Insurance Europe AG de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société Bureau Véritas Exploitation et la société MSIG Insurance Europe AG du surplus de leurs demandes.
La société Foncière des Dauphins recherche la responsabilité délictuelle de la société Bureau Véritas en se prévalant d’une faute commise dans l’établissement du diagnostic technique obligatoire préalable à la vente.
Elle fait valoir que chargée par le vendeur d’établir l’état des matériaux ou produits contenant de l’amiante prévu par les articles L.271-4 du code de la construction et de l’habitation et L.1334-13 du code de la santé publique, la société Bureau Véritas n’a repéré aucun matériau de catégorie A (flocages, calorifugeages et faux plafonds) et mis en évidence quelques matériaux de catégorie B, que c’est sur la base de cet état qu’elle a acquis le bien et budgétisé le coût du désamiantage, que le diagnostic de repérage effectué avant travaux par la même société Bureau Véritas le 7 décembre 2016, a révélé de nombreux
matériaux et produits des listes A et B non repérés initialement, ce qu’a confirmé le rapport additif de répérage d’un autre diagnostiqueur le cabinet Mehu.
Elle soutient qu’en 2013, le diagnostiqueur a omis de vérifier l’ensemble des calorifugeages sans avoir pour autant indiqué que cette vérification était impossible, ni effectué de recherche sur les matériaux utilisés en projections et en enduits des murs intérieurs, et ce contrairement à ses obligations légales, que son état des matériaux contenant de l’amiante était incomplet ce qui a faussé l’évaluation des travaux de réhabilitation de l’immeuble.
Elle ajoute que cette évaluation a été réalisée par un maitre d’oeuvre d’exécution, qu’elle avait une importance fondamentale puisque destinée à évaluer le coût de l’opération d’acquisition et de rénovation immobilière.
Elle considère, contrairement au jugement de première instance, que le constat d’huissier réalisé en présence du maître d’oeuvre et du conducteur de travaux de la société de démolition permet de démontrer l’ampleur des travaux supplémentaires, qu’elle justifie des factures des travaux correspondant aux seuls matériaux non repérés en 2013, ainsi que l’ensemble des marchés de travaux conclus pour la réhabilitation de l’immeuble.
Elle fait valoir que les travaux supplémentaires sont la conséquence directe du défaut d’identification de tous les matériaux amiantés et de l’information incomplète qui lui a été fournie avant la vente par le rapport de la société Bureau Véritas sur l’état réel du bien.
Elle se prévaut de l’assurance de responsabilité civile souscrite par la société Bureau Véritas auprès des compagnies Hiscox pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et Msig Insurance Europe AG pour l’année 2016, couvrant les missions de diagnostic amiante et les missions connexes d’assistance technique et/ou de conseil en découlant.
Sur la clause limitative de responsabilité soulevée par l’intimée, elle estime qu’elle lui est inopposable dans la mesure où seule la responsabilité délictuelle de la société Bureau Véritas est recherchée à raison du diagnostic incomplet du 26 mars 2013, alors qu’elles n’étaient liées par aucun contrat.
Sur l’exception d’incompétence territoriale, elle soutient que le tribunal de commerce de Grenoble est compétent au titre du lieu d’exécution de la prestation de service, que la clause attributive de compétence figurant dans le contrat du 1er août 2016 ne lui est pas opposable dans la mesure où elle recherche la responsabilité délictuelle de la société Bureau Véritas et que l’exécution de ce contrat n’est pas à l’origine du dommage, que de surcroît, cette clause ne ressort pas de façon très apparente de son engagement contractuel ne figurant que dans les conditions générales de vente annexées après les signatures, sans être paraphées et sans que son attention ait été attirée sur son existence.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de son action, elle considère que la prescription quinquennale n’est pas acquise dès lors que si elle reproche à la société Bureau Véritas une faute commise dans l’établissement de son diagnostic en 2013, c’est à la comparaison de son rapport de l’époque avec celui réalisé le 7 décembre 2016 qu’elle a pris connaissance des manquements commis.
Prétentions et moyens des sociétés Bureau Véritas et MSIG :
Selon leurs dernières conclusions notifiées le 7 octobre 2022 par voie électronique, la société Bureau Véritas et la société d’assurances MSIG entendent voir :
– infirmer le jugement sur la compétence du tribunal de commerce de Grenoble, – prononcer l’incompétence du tribunal de commerce de Grenoble et de la cour d’appel de Grenoble au profit du tribunal de commerce de Nanterre,
– à titre subsidiaire,
– infirmer le jugement sur la recevabilité des demandes de Foncière des Dauphins,
– prononcer l’irrecevabilité des demandes de Foncière des Dauphins dirigées à l’encontre de Bureau Véritas Exploitation et de MSIG,
– enjoindre à Foncière des Dauphins de communiquer les pièces suivantes :
. le contrat d’architecte / maîtrise d”uvre de conception,
. le contrat de maîtrise d”uvre (désamiantage),
. le dossier de conception et programme de travaux détaillé tel que prévu avant le repérage avant travaux de décembre 2016,
. les CCTP concernant les travaux de toutes natures réalisés dans le cadre de la rénovation de 2017,
. l’ensemble de la documentation relative aux travaux de désamiantage réalisés (rapport final d’intervention, mesures de restitution, bordereau de suivi des déchets d’amiante),
– débouter Foncière des Dauphins de l’intégralité de ses demandes,
– confirmer la mise hors de cause de Bureau Véritas Exploitation et MSIG,
– juger que toute condamnation susceptible d’être mise à la charge de Bureau Véritas Exploitation et de son assureur MSIG sera limitée à la somme de 19.250 euros ht,
– confirmer la condamnation de Foncière des Dauphins à payer à Bureau Véritas Exploitation et MSIG la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de procédure de première instance,
– condamner Foncière des Dauphins à verser à Bureau Véritas Exploitation et MSIG la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de procédure d’appel,
– condamner Foncière des Dauphins aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Nawale Gasmi de la Scp Axis Avocats Associés – Mazare, Croze, Lepercq, Gasmi, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
Les intimés soulèvent l’exception d’incompétence du tribunal de commerce de Grenoble aux motifs que :
– le contrat conclu le 1er août 2016 avec la société Foncière des Dauphins contient une clause attributive de compétence figurant dans les mêmes termes dans le contrat initial de 2013,
– c’est bien sur le fondement du rapport amiante de 2016 dont elle compare les résultats que la société Foncière des Dauphins recherche sa responsabilité,
– la clause figure dans les conditions générales insérées dans le contrat et a été portée à la connaissance de sa cocontractante dont le représentant a paraphé l’ensemble des pages, dont celle où elle est énoncée.
Ils soulèvent également la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’article L.110-4 du code de commerce, l’assignation ayant été délivrée plus de cinq années après le diagnostic du 27 mars 2013, date à laquelle la société Foncière des Dauphins a ou aurait dû avoir connaissance de la présence d’amiante dans l’immeuble.
Ils estiment que la société Foncière des Dauphins ne fournit que des pièces parcellaires qui ne permettent ni de déterminer l’étendue et la nature des travaux de désamiantage réalisés et donc du préjudice invoqué, ni de vérifier le lien de causalité entre la présence d’amiante et les travaux.
Ils contestent notamment que les revêtements (enduits et peintures) correspondent bien aux matériaux et produits visés par les listes A et B visées par les dispositions du code de la santé publique.
Ils font valoir que la société Foncière des Dauphins opère une confusion entre les régimes applicables :
– d’une part, au dossier technique amiante que doit établir le propriétaire d’un immeuble bâti avant sa vente relatif à la présence ou l’absence d’amiante dans les matériaux ou produits de construction visibles et accessibles, règlementé par les dispositions du code de la santé publique, qui procède d’un constat visuel, sans sondage destructif sur les parties accessibles lors de la visite, conformément à la norme NF X 46.020, et qui ne constitue pas un document exhaustif,
– d’autre part, le repérage avant travaux, relevant des dispositions du code du travail , qui vise à identifier les matériaux et produits susceptibles de libérer des fibres d’amiante à l’occasion de travaux prévus, au titre de l’analyse des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et dont le périmètre de repérage dépend des objectifs du maître de l’ouvrage.
Ils considèrent que la Foncière des Dauphins opère un renversement de la charge de la preuve en se prévalant de l’absence de mention du caractère impossible des vérifications et soutiennent qu’il ne peut être reproché à la société Bureau Véritas de ne pas avoir décelé d’amiante dans :
a) les calorifugeages des gaines techniques alors que :
– elle n’a pu accéder aux sous sols en raison d’une inondation et a émis une réserve à ce sujet dans son rapport,
– il n’est pas démontré qu’elle a pu avoir accès aux gaines techniques des étages, ni que ces calorifugeages étaient visibles et accessibles en 2013,
– elle n’a pas été accompagné d’une personne connaissant les lieux,
– le programme des travaux ne prévoyait pas d’intervention sur ces calorifugeages,
b) les enduits de réagréage qui ne figurent pas dans les listes A et B de l’annexe 13-9 du code de la santé publique, n’entraient pas dans le périmètre de sa mission et , le plus souvent recouverts d’un enduit de plâtre, d’une peinture ou d’un crépi, ne sont pas visibles sans travaux destructifs,
c) les autres matériaux en cause (joints de dilatation, joints de brides, membranes gaine ventilation, colle faïence et plinthe) sont visés par la liste C et ne relevaient pas de son examen.
Ils ajoutent qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la présence d’amiante dans le bâtiment dont la société Bureau Véritas n’est pas responsable et la faute alléguée dans l’exécution de sa mission, que les frais de retrait des matériaux amiantés ne peuvent être mis à sa charge et ne constituent pas un préjudice indemnisable alors que le retrait ne s’impose pas si le matériau n’est pas dégradé et que la société Foncière des Dauphins ne justifie pas de cette nécessité.
Les intimés contestent le montant des travaux de désamiantage aux motifs qu’il a été calculé unilatéralement par la société Foncière des Dauphins et hors production de factures, que l’ampleur des travaux de réhabilitation relève du seul choix du maitre de l’ouvrage alors qu’à l’origine le programme de rénovation ne dépassait pas 467.000 euros et qu’aucune nécessité technique des travaux de désamiantage et des travaux connexes n’est démontrée.
En toute fin, ils invoquent la clause limitative de responsabilité figurant à l’article 7 des conditions générales de service de la société Bureau Véritas, cantonnant sa responsabilité financière à 5 fois le montant de ses honoraires.
Par ordonnance du 23 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement partiel de la société Foncière des Dauphins et l’extinction de l’instance d’appel à l’égard de la société Hiscox Compagny Limited
La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2022.
1°) sur l’exception d’incompétence :
La société Financière des Dauphins reproche à la société Bureau Véritas d’avoir commis une faute dans l’établissement du diagnostic qui lui avait été confié par le propriétaire, préalablement à la vente de l’immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 1].
C’est donc bien sur le fondement de la responsabilité délictuelle, qu’en sa qualité de tiers au contrat, elle invoque un manquement contractuel et poursuit la réparation du dommage qu’elle considère lui avoir été causé.
Elle ne peut en conséquence se voir opposer la clause contractuelle attributive de compétence et ce même si, postérieurement à l’exécution de cette première mission, elle a contracté avec la société Bureau Véritas pour la réalisation d’un second diagnostic.
Selon l’article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut choisir en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
Il résulte de ces dispositions que le tribunal de commerce de Grenoble était territorialement compétent et sa décision rejetant l’exception d’incompétence sera confirmée.
2°) sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :
La responsabilité délictuelle de la société Bureau Véritas est recherchée sur le fondement d’une faute commise lors de l’exécution de sa mission de diagnostic dont elle a rendu compte dans un rapport de repérage et un dossier technique amiante du 26 mars 2013.
Si en vertu de l’article L.110-6 du code de commerce, les obligations nées entre commerçants à l’occasion de leur commerce se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, le régime de cette prescription quinquennale suit celui de droit commun édicté par l’article 2224 du code civil qui prescrit que le délai ne court qu’à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Or, au cas particulier, la société Foncière des Dauphins n’a été en mesure de connaître les faits lui permettant d’agir à l’encontre de la société Bureau Véritas que lorsque le rapport de repérage des matériaux contenant de l’amiante avant réalisation de travaux, a révélé la présence de tels matériaux qui n’avaient pas été repérés lors du diagnostic précédent.
C’est donc à compter de la date du second rapport du 7 décembre 2016 que le délai de prescription quinquennale de son action en responsabilité à l’encontre du diagnostiqueur a commencé à courir.
A la date de délivrance de l’assignation, le 18 juillet 2018, la prescription n’était pas acquise et la décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a jugé non prescrite et implicitement recevable l’action de la société Foncière des Dauphins.
3°) sur la responsabilité du diagnostiqueur :
Conformément aux dispositions combinées des articles L.271-4 du code de la construction et de l’habitation, L.1334-13 du code de la santé publique, un constat sur la présence ou l’absence de matériaux et produits contenant de l’amiante doit être produit à l’occasion de toute promesse de vente ou d’achat d’immeuble construit avant le 1er juillet 1997, indiquant la localisation et l’état de conservation de ces matériaux et produits.
Il est de principe que l’état prévu par l’article L.1334-13 du code de la santé publique ainsi annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque d’amiante et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné.
Il résulte des articles R.1334-24 et R 1334-27 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue du décret 2011-629 du 3 juin 2011, que le repérage préalable à la vente de l’immeuble comme celui exigé avant travaux portent tous les deux sur les composants de la construction, matériaux et produits pouvant contenir de l’amiante, répertoriés par l’annexe 13-9 du même code en trois listes A, B et C.
Concernant les matériaux des catégories A et B, les articles R.1334-20 et R. 1334-21 du code de la santé publique précisent que le repérage doit s’entendre de la recherche de la présence des matériaux et produits accessibles sans travaux destructifs, et ajoutent qu’en cas de doute sur la présence d’amiante dans les matériaux ou produits découverts, des prélèvements sont effectués aux fins d’analyse.
De plus, les listes A et B de l’annexe 13-9 du code de la santé publique détaillent les composants : «à sonder ou à vérifier».
Il s’en déduit que le contrôle auquel doit procéder le diagnostiqueur ne saurait être limité à un contrôle purement visuel des matériaux et produits découverts sans travaux destructifs, mais qu’il lui appartient d’effectuer les vérifications nécessaires, y compris par prélèvements et analyses, pour lever les doutes sur la présence d’amiante dans les dits matériaux et produits.
Dans la liste A des matériaux et produits figurent les flocages, calorifugeages et faux plafonds.
La liste B inclut dans le périmètre de la recherche les parois verticales intérieures, les planchers et plafonds, les conduits, canalisations et équipements intérieurs et les éléments extérieurs tels que toiture, bardages, façades légères et conduits, et vise les enduits, revêtements, enduits projetés, revêtements durs (plaques menuiserie, amiante-ciment) et entourages de poteaux (carton, amiante-ciment, matériau sandwich, carton + plâtre), coffrage perdu, panneaux de cloisons. panneaux collés ou vissés, dalles de sol, conduits, enveloppes de calorifuges, clapets, volets, rebouchage, joints (tresses, bandes), plaques, ardoises, accessoires de couverture (composites, fibres-ciment), bardeaux bitumineux, ainsi que les conduits en amiante-ciment d’eaux pluviales, d’eaux usées et de fumée.
La liste C quant à elle reprend les mêmes catégories de matériaux et produits que les deux précédentes en les détaillant et en complétant la liste des composants de construction, étendant le repérage aux ascenceurs, chaudières, systèmes de chauffage et installations industrielles.
Dans son rapport établi le 26 mars 2013 de ses opérations de constat du 25 janvier 2013, la société Bureau Véritas a indiqué, d’une part ne pas avoir repéré de matériaux ou produits de la liste A ; d’autre part avoir localisé les matériaux et produits de la liste B suivants :
– joint de dilatation en toiture terrasse / local technique
– joint tresse conduit de désenfumage en toiture terrasse / chaufferie
– dalle de sol et colle noire en rez de chaussée/ bureau 39 + 6 bureaux.
Le diagnostiqueur a précisé ne pas avoir visité le sous sol en raison de son inondation, ainsi que le réfectoire et la cuisine en l’absence de moyens d’accès.
Le rapport de repérage avant travaux du 7 décembre 2016 fait état de la présence de matériaux de la liste A en treize différents points du bâtiment et consistant dans des matériaux calorifuges et leur enveloppe.
Le diagnostic a en outre révélé la présence d’amiante dans d’autres matériaux ne relevant pas de la liste A, au niveau de poteaux, d’enduits muraux et de peintures, de dalles de sol et leur colle, de joints de bride et de dilatation, de colles de faience et plinthes, de membrane de gaine, de plaques de caniveaux et sous évier.
La comparaison des deux rapports de repérage établit que des matériaux de calorifugeage, de flocage ou de faux plafonds contenant de l’amiante ont été repérés en 2016 dont la présence n’avait pas été signalée en 2013, notamment dans les locaux techniques des étages et de la terrasse, zones que le diagnostiqueur a, selon les termes de son premier rapport, déclaré avoir visitées.
Il n’a mentionné dans son rapport aucun obstacle à son constat et par aillleurs, les photographies jointes au rapport de repérage de 2016 démontrent que ces éléments étaient accessibles sans travaux destructifs.
Concernant les matériaux et produits de la liste B, le repérage établi en 2016 ne liste que les matériaux ” hors liste A ” sans distinguer entre listes B et C.
Néanmoins, s’agissant des éléments supplémentaires identifiés en 2016, ils relèvent de ces deux listes et les mentions du second rapport comme les photographies qu’il contient démontrent que leur recherche n’a pas nécessité de travaux destructifs, seuls des prélèvements pour analyse ayant été réalisés, et qu’elle aurait du être faite au titre des vérifications imposées par la liste B dès le mois de janvier 2013.
Or, à ce titre, le rapport du laboratoire d’analyse des échantillons annexé au rapport de repérage permet de constater qu’aucun prélévement n’a été effectué sur les murs, poteaux, cloisons, alors que les dalles de sol et de faux plafonds et certains calorifugeage ont donné lieu à ce type d’investigations.
Compte tenu des réserves émises par la société Bureau Véritas dans son premier rapport sur l’inaccessibilité des sous sols, du réfectoire et de la cuisine, la société Foncière des Dauphins ne peut se prévaloir de la découverte en 2016 de matériaux amiantés dans ces zones.
Néanmoins, il ressort de la lecture des rapports que le diagnostic réalisé en janvier 2013 par la société Bureau Véritas était incomplet en ce que l’ensemble des calorifugeages et certains composants de la construction, notamment les parois verticales intérieures, n’ont pas fait l’objet de vérifications permettant le repérage de tous les matériaux et produits contenant de l’amiante de la liste B et qu’il s’est révélé erroné comme écartant la présence de matériaux et produits de la liste A.
La société Bureau Veritas a donc commis une faute dans l’accomplissement de sa mission et doit réparation du préjudice ainsi causé à la société Foncière des Dauphins.
4°) sur le préjudice :
La société Foncière des Dauphins se prévaut du coût des travaux supplémentaires de désamiatage et de remise en état du bâtiment qu’elle a mis en ‘uvre au-delà des évaluations qui avaient été initialement chiffrées sur la base du premier diagnostic de 2013.
Elle verse aux débats les devis initiaux, les devis établis après le second rapport de la société Bureau Veritas de décembre 2016, les marchés de travaux confiés à différentes entreprises et leurs factures au titre d’une part du désamiantage, d’autre part des travaux de réhabilitation des locaux.
L’examen de ces différents éléments permet de justifier de l’évaluation initiale des travaux de désamiantage sur la base du premier rapport de repérage, de la nature et du montant des travaux de réhabilitation du bâtiment décrits dans la notice sommaire du 15 décembre 2016, ainsi que de la nature et du montant total de l’ensemble des travaux exécutés en distinguant ceux qui correspondent aux travaux initiaux de ceux consécutifs au repérage de 2016, comme de ceux ajoutés à la suite du rapport complémentaire du cabinet Mehu.
Cette répartition des travaux sur le fondement des différentes factures, selon leur nature, leur origine et les parties du bâtiment concernées permet d’écarter la critique de la société Bureau Veritas relative à la modification du projet de réhabilitation postérieurement à 2016 et un accroissement de l’enveloppe des travaux sans lien de causalité avec la faute qui lui est reprochée.
Il n’y a en outre pas lieu d’imposer à la société Foncière des Dauphins la production d’autres pièces tenant à son projet de réhabilitation.
Il résulte également de l’examen des pièces que la société Foncière des Dauphins avait dès l’origine l’intention de procéder au désamiantage du bâtiment et à la réhabilitation des locaux en vue de les louer.
La société Bureau Veritas ne peut donc lui reprocher un choix de désamiantage antérieur à la découverte des insuffisances et inexactitudes de son premier rapport et ne peut pas non plus lui opposer le fait que le retrait de certains matériaux amiantés ne s’imposait pas compte tenu de leur état de conservation et de leur emplacement dans la construction, sauf à priver le propriétaire de la faculté de jouir de son bien comme il l’entend et au cas particulier, le choix du moyen le plus adapté d’assurer à son locataire une jouissance paisible.
Le plan de retrait des matériaux amiantés établi le 19 décembre 2016 par la société Arnaud Démolition, ainsi que les procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice les 23 décembre 2016 et 7 février 2017, attestent en outre des mesures de protection particulières mises en ‘uvre pour procéder aux travaux expliquant leur coût élevé.
Il est ainsi établi que la présence d’amiante dans le bâtiment repérée en décembre 2016 dans un plus grand nombre de matériaux et de produits qu’en janvier 2013, par suite des inexactitudes et des insuffisances du diagnostic réalisé avant la vente, a généré pour la société Foncière des Dauphins un préjudice résultant des coûts supplémentaires des travaux de désamiantage, mais également des travaux induits directement par l’ampleur de ces derniers et notamment par la dépose nécessaire d’éléments de construction et d’équipements (cloisons, appareils de chauffage/ climatisation).
Cependant, dès lors que la société Foncière des Dauphins se prévaut du coût des travaux de réhabilitation supplémentaires directement causés par les travaux, eux-mêmes supplémentaires, de désamiantage, l’évaluation de son préjudice doit tenir compte de l’ensemble des travaux de réhabilitation qu’elle avait l’intention de faire réaliser, décrits par la notice descriptive sommaire du 15 décembre 2016 et pour lequels elle avait recueilli des devis en 2015.
Les devis des sociétés Deltaclim, Patruno, Bonazza établis à cette époque correspondent à des travaux de remise en état, nettoyage du groupe froid et de la ventilation (hors alimentation en eau, réseau hydraulique et canalisations), de peintures des murs des 5 niveaux du bâtiment, des plinthes et cadres de portes, de réfection de sols, de réfection des armoires électriques et de remplacement d’éléments d’éclairage, qui auraient été réalisés indépendamment de toute faute du diagnostiqueur. Ils ne présentent aucun lien de causalité avec cette faute et doivent être déduits du montant des sommes réclamées.
Enfin, la société Foncière des Dauphins ne peut se prévaloir de travaux supplémentaires au titre des sous-sols puisque ces parties du bâtiment avaient fait l’objet, dans le rapport de repérage du 26 mars 2013, de réserves expresses tenant à leur inaccessibilité, dont elle a eu connaissance en sa qualité d’acquéreur du bien, le rapport de repérage lui ayant été communiqué et annexé à l’acte de vente.
En conséquence, les travaux résultant du rapport de repérage du 7 décembre 2016 s’étant élevés à 1.620.135, 32 euros ht, et après déduction d’une part du coût des travaux de désamiantage réalisés sur la base du rapport de 2013 (57.471, 52 euros ht) ; de seconde part, des travaux de réhabilitation que les opérations de désamiantage plus importantes qu’initialement prévues ont accru et modifiés (348.635,72 euros ht), et enfin de troisième part, du coût des travaux relatifs aux sous-sols du bâtiment ( 220.873, 99 euros ht), le surcoût de travaux auquel la société Foncière des Dauphins a dû faire face et qui constitue son préjudice s’élève à 993.154,09 euros ht.
La société Bureau Véritas ne peut opposer à la réclamation indemnitaire de la société Foncière des Dauphins une clause des conditions générales de service insérées dans ses contrats alors que la faute qui lui est reprochée est de nature délictuelle, les parties n’étant pas, à l’époque des faits, engagées dans un rapport contractuel.
En conséquence, infirmant le jugement de première instance, la cour condamnera solidairement la société Bureau Véritas Exploitation et la société MSIG Insurance Europe AG, son assureur, à payer à la société Foncière des Dauphins la somme de 993.154,09 euros ht, outre intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2018, date de l’assignation.
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 21 juin 2021 en ce qu’il a :
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Bureau Véritas Exploitation,
– dit et jugé recevable, non prescrite et bien fondée l’action engagée par la Sas Foncière des Dauphins,
L’INFIRME en ses autres chefs de dispositif soumis à la cour,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE solidairement la Sas Bureau Véritas Exploitation et MSIG Insurance Europe AG à verser à la Sas Foncière des Dauphins la somme de 993.154,09 euros ht, outre intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2018,
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
CONDAMNE solidairement la Sas Bureau Véritas Exploitation et MSIG Insurance Europe AG à verser à la Sas Foncière des Dauphins la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidairement la Sas Bureau Véritas Exploitation et MSIG Insurance Europe AG aux dépens de première instance et d’appel.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente