COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/06/2023
la SELARL CABINET AUDREY HAMELIN
Me Christian QUINET
ARRÊT du : 08 JUIN 2023
N° : 100 – 23
N° RG 21/01516 –
N° Portalis DBVN-V-B7F-GL33
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 12 Février 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271710395501
Monsieur [K] [P] exerçant sous l’enseigne Etablissements [P]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Audrey HAMELIN, membre de la SELARL CABINET AUDREY HAMELIN, avocat au barreau de BLOIS
D’UNE PART
INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265265982356060
S.A.S. B.S.T.P. – BEAUCE SOLOGNE TRAVAUX PUBLICS
[Adresse 4]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me Christian QUINET, avocat au barreau de BLOIS, et pour aocat plaidant Me Christophe HENRION, avocat au barreau de RENNES
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 07 Juin 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 06 AVRIL 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 08 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
La société Beauce Sologne travaux publics (BSTP) a été chargée, en sous-traitance, de la réalisation des travaux de voiries et réseaux divers (VRD) dans le cadre d’une opération immobilière portant sur un immeuble qui, à l’époque, appartenait à la société Natixis et était donné à crédit-bail à M. [K] [P], qui exerçait dans les lieux une activité de vendeur automobile sous la dénomination commerciale « Etablissements [P] ».
Les voiries en enrobé ayant présenté des affaissements localisés, l’assureur dommages-ouvrage a désigné un expert qui, le 4 juin 2012, a conclu au caractère décennal des désordres et évalué le coût de leur reprise à la somme HT de 11 246,50 euros, sur la base d’un devis établi le 25 janvier 2012 par la société BSTP.
Le crédit-bailleur a reçu l’indemnité d’assurance dommages-ouvrage sans faire réaliser les travaux de reprise des désordres.
Le 11 mai 2017, M. [P] a passé commande de ces travaux de reprise à la société BSTP, sur la base du devis du 25 janvier 2012 validé par l’assureur dommages-ouvrage.
Les travaux ont été réalisés et facturés le 16 octobre 2017 sur la base de ce devis, pour un prix HT de 11 246,50 euros, soit 13 495,80 euros TTC.
Par courrier électronique du 9 février 2018, la société BSTP a adressé une facture de relance à M. [P] qui, par courrier recommandé daté du 27 juin 2018, a contesté cette facture au motif que le coût de la matière première et de l’évacuation des déchets n’avait pas été déduit, alors que selon lui le devis comprenait ces prestations.
Par courrier recommandé du 17 janvier 2019, la société BSTP a mis en demeure M. [P] de lui régler la facture litigieuse.
En réponse à une ultime mise en demeure du conseil de la société BSTP, M. [P] a indiqué dans un courrier du 22 février 2019 que la facture en cause concernait la société Natixis, ce que cette dernière a contesté par courriel du 26 février 2019 en expliquant que l’indemnité d’assurance avait fait 1’objet d’un avoir en faveur du crédit-preneur, affecté à des impayés de 2007/2008, et que M. [P] était devenu propriétaire des immeubles le 29 juin 2016.
Par acte du 4 avril 2019, la société BSTP a fait assigner M. [P] en paiement devant le tribunal de commerce de Blois qui, par jugement du 12 février 2021, en retenant en substance que M. [P], seul contractant de la société BSTP, ne démontrait pas que l’ouvrage réalisé présentait des défauts d’une importance telle qu’elle puisse l’autoriser à opposer à l’entrepreneur l’exception d’inexécution, a :
– condamné « les établissements [P] » à payer à la société BSTP la somme de 11 246,50 euros HT soit 13 495,80 euros TTC en principal,
– condamné « les établissements [P] » à payer à la société BSTP une pénalité égale à 3 fois le taux d’intérêt légal sur le principal de la facture à compter du 31 octobre 2017,
– ordonné la capitalisation des intérêts à 3 fois le taux d’intérêt légal à compter de la date de l’assignation soit le 4 avril 2019,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– condamné « les établissements [P] » à payer à la société BSTP la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné « les établissements [P] » aux entiers dépens liquidés à la somme de 63,36 euros ainsi que les coûts des frais d’huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire.
M. [K] [P] a relevé appel de cette décision par déclaration du 7 juin 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 mars 2023, M. [P] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Blois en ce qu’il a :
* condamné les établissements [P] à payer à la société BSTP la somme de 11 246,50 euros HT soit 13 495,80 euros TTC en principal,
* condamné les établissements [P] à payer à la société BSTP une pénalité égale à 3 fois le taux d’intérêt légal sur le principal de la facture à compter du 31 octobre 2017,
* ordonné la capitalisation des intérêts à 3 fois le taux d’intérêt légal à compter de la date de l’assignation soit le 4 avril 2019,
* condamné les établissements [P] à payer à la société BSTP la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné les établissements [P] aux entiers dépens liquidés à la somme de 63,36 euros ainsi que les coûts des frais d’huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire,
Statuant à nouveau,
– déclarer mal fondée la demande en paiement de la société BSTP,
– déclarer M. [P] bien fondé en son exception d’inexécution,
En conséquence,
– condamner la société BSTP à procéder au remboursement de la somme de 14 916,27 euros versée en exécution de la décision querellée,
– débouter la société BSTP de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du profit de la société BSTP,
– condamner la société BSTP au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de la première instance et de l’appel et faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl Cabinet Audrey Hamelin.
M. [P] fait valoir que, en l’absence de réception de l’ouvrage, expresse ou tacite, la responsabilité de la société BSTP peut être recherchée sur le fondement d edroit commun, si cette dernière a failli à son obligation de résultat qui consistait à lui livrer un ouvrage exempt de désordres.
Il soutient, en se prévalant d’un procès-verbal de constat dressé le 8 novembre 2019 par huissier de justice et du rapport d’une expertise privée réalisée le 2 mars 2022, que l’ouvrage réalisé en reprise par la société BSTP souffre des mêmes désordres que l’ouvrage initialement livré, à savoir un affaissement localisé des voiries en enrobé. En faisant valoir que l’expert dommages-ouvrage avait retenu que ces désordres présentaient les caractères décennaux, M. [P] en déduit que les désordres litigieux revêtent une particulière gravité qui l’autorise, en application de l’article 1219 du code civil, à refuser d’exécuter son obligation à paiement tant que la société BSTP n’aura pas satisfait à ses propres obligations en lui livrant un ouvrage exempt de défauts.
L’appelant précise que selon M. [C] [l’expert privé qu’il a consulté à hauteur d’appel], c’est en connaissance de cause que l’entreprise BSTP a réalisé, en 2002, des travaux incompatibles avec la nature du sol, et ainsi failli à son obligation de résultat, que les réparations préconisées par Saretec [l’expert dommages-ouvrage] ne sont pas satisfaisantes et que, de l’avis de M. [C] encore, la réparation ne peut être entreprise qu’en procédant à une démolition complète des enrobés, avec purge de la fondation actuelle et du sol, puis réfection de la couche d’assise et de l’enrobé, pour un coût HT estimé à 166 110,50 euros sur la base d’un devis de l’entreprise Colas.
M. [P] reproche enfin aux premiers juges de l’avoir condamné au paiement de pénalités de retard à compter de la date d’émission de la facture, alors que les mentions relatives aux pénalités de retard et à la date d’exigibilité du paiement ne figuraient ni sur le devis accepté, ni sur les conditions générales de vente, mais uniquement sur la facture établie postérieurement à la réalisation de la prestation, de sorte que seules les dispositions de l’article L.441-6 du code de commerce, qui prévoient que le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée, avaient vocation à s’appliquer en l’espèce.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 mars 2023, la société BSTP demande à la cour, au visa des articles 1101, 1103, 1104, 1113 et 1219 du code civil, de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 et des articles L.441-6 et L.441-10 du code de commerce, de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajouter,
– condamner l’appelant à payer à l’intimé, en complément des sommes allouées en première instance, la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Après avoir rappelé que les travaux litigieux n’ont fait l’objet d’aucune réserve à leur achèvement en 2017 et que M. [P] en a pris possession en poursuivant l’exploitation de son activité sur le terrain pendant plusieurs années, sans remettre en cause leur qualité ou leur conformité, la société BSTP souligne qu’en réponse à ses relances de paiement, M. [P] s’est contenté de soutenir, de manière fluctuante, que la facturation n’était pas conforme au devis, ou encore qu’il incombait à Natixis de payer les travaux en cause, et que ce n’est qu’ensuite de la délivrance de l’assignation en paiement que l’appelant a, pour la première fois, invoqué des malfaçons.
La société BSTP soutient que ce comportement de M. [P] caractérise une volonté non équivoque d’accepter l’ouvrage, lequel devra être considéré comme tacitement réceptionné, et en déduit que l’appelant n’est par conséquent pas en droit de lui opposer une exception d’inexécution pour des désordres qui seraient intervenus plus de deux ans après la prise de possession des travaux sans réserve et qui, s’ils étaient avérés, ne pourraient relever que des garanties légales.
L’intimée ajoute que les malfaçons invoquées n’empêchent nullement M. [P] d’exercer son activité et ne concernent de toute façon pas les zones reprises par ses soins en 2017.
En ce sens, la société BSTP fait valoir que les photographies du constat d’huissier de justice produit par M. [P] ne concernent pas les zones qu’elle a reprises, d’une superficie totale de seulement 70 m2, et que ce constat révèle en outre que, postérieurement à son intervention, un tiers a réalisé de multiples « rustines » sur l’ouvrage, dans un cadre qu’elle ignore.
L’intimée ajoute que les désordres dont se plaint M. [P] dépassent en toute hypothèse largement la zone de 70 m2 correspondant à celle qu’elle a reprise et fait valoir que, sauf à établir qu’elle n’aurait pas respecté les prescriptions de l’expert d’assurance dommages-ouvrage, elle ne saurait être tenue responsable de l’inefficacité des mesures de reprise préconisées par l’assureur du maître de l’ouvrage des travaux réalisés en 2002.
La société BSTP indique enfin que l’expert privé consulté tardivement par M. [P] est, certes, inscrit sur la liste des experts judiciaires, mais à la rubrique « gestion de projets de chantier » et n’est donc pas un spécialiste des voiries ou VRD.
En soulignant que cet expert n’a pas cru utile de l’inviter à participer à ses opérations, la société BSTP conclut qu’aucun crédit ne pourra être accordé à son avis, en relevant que celui-ci a toutefois le mérite d’établir que les dégradations dont se plaint M. [P] trouvent, pour partie au moins, leur origine dans un défaut d’entretien du réseau d’évacuation des eaux pluviales et dépassent très largement le périmètre de son intervention en reprise de sorte que, si elles avaient dû engager la responsabilité d’un intervenant, il n’aurait pu s’agir que de celle de l’assureur dommages-ouvrage ou du constructeur initial.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mars 2023, pour l’affaire être plaidée le 6 avril suivant et mise en délibéré à ce jour.
A l’audience, la cour a observé que « les établissements [P] », qui ne sont ni une personne morale ni une personne physique, n’ont pas la personnalité juridique, et a en conséquence invité les parties à bien vouloir indiquer si « les Etablissements [P] » auxquels il est fait référence dans le jugement déféré peuvent être tenus pour être M. [K] [P] (exerçant sous l’enseigne Etablissements [P]), tel qu’il avait été assigné devant les premiers juges.
Les parties ont acquiescé à l’audience et n’ont formulé aucune observation dans le délai de quinzaine qui leur avait été accordé pour transmettre le cas échéant contradictoirement une note en délibéré sur ce point.
SUR CE, LA COUR :
Sur la demande principale en paiement de la société BSTP :
Selon l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Il est constant, en l’espèce, que l’ouvrage n’a pas été formellement réceptionné.
S’il est aujourd’hui acquis que la réception de l’ouvrage peut être tacite, il appartient à celui qui invoque une telle réception tacite de la démontrer.
La prise de possession de l’ouvrage, à elle seule, n’est pas suffisante et le fait que M. [P] n’ait pas contesté la qualité des travaux avant d’avoir été assigné en paiement ne suffit pas à caractériser une volonté non équivoque, de sa part, d’accepter l’ouvrage.
La société BSTP n’établit donc pas l’existence d’une réception tacite.
En l’absence d’une réception qui aurait mis fin aux rapports simplement contractuels des parties et marqué le point de départ des garanties légales dites bienno-décennales, l’appelant reste autorisé à rechercher la responsabilité contractuelle de droit commun de la société BSTP et, par voie de conséquence, à opposer l’exception d’inexécution pour refuser d’exécuter sa propre obligation si les conditions de mise en ‘uvre de cette exception sont réunies.
Aux termes de l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Après avoir fait valoir, pour s’opposer au paiement du marché de travaux litigieux, que la facture n’avait pas été établie conformément au devis qu’il avait accepté, puis que cette facture devait être réglée par son ancien crédit-bailleur, M. [P] soutient désormais que les travaux en cause sont affectés de graves désordres et que la société BSTP a donc failli à l’obligation de résultat qu’elle avait souscrite à son égard.
S’il est exact que, en l’absence d’aléa, l’entrepreneur de travaux est tenu à l’égard du maître de l’ouvrage d’une obligation de résultat, il incombe à ce dernier d’établir que le locateur d’ouvrage n’a pas fourni le résultat attendu.
Au cas particulier, les parties n’étaient liées par aucun contrat en 2002, puisque la société BSTP n’était alors intervenue qu’en qualité de sous-traitante.
Il en résulte que M. [P] ne peut soutenir, en se prévalant de l’expertise privée de M. [C], que la société BSTP aurait failli à son obligation de résultat en 2002, en réalisant des travaux de voirie incompatibles avec la nature du sol, alors que, à cette époque, la société BSTP n’était débitrice à son endroit d’aucune obligation de résultat.
M. [P] ne peut utilement opposer l’exception d’inexécution qu’en démontrant que la société BSTP a failli, de manière suffisamment grave, aux obligations qui lui incombaient en vertu du marché de travaux qu’il lui a confié le 11 mai 2017.
Dans le courrier valant commande qu’il a adressé le 11 mai 2017 à la société BSTP, M. [P] se réfère au devis d’un montant TTC de 13 450,81 euros que la société BSTP avait adressé à l’expert de l’assureur de dommages de l’ouvrage réalisé en 2002. Ce devisportait sur la reprise, après purges et drainage, d’une surface d’enrobé de 70 m2, et M. [P] décrit lui-même les travaux dont il passe commande dans ce courrier du 11 mai 2017 comme portant sur la reprise d’une « cour-parking » située « devant son bâtiment accueillant du public ».
Pour offre de preuve des désordres affectant l’ouvrage réalisé par la société BSTP, M. [P] produit un procès-verbal dressé de manière non contradictoire le 8 novembre 2019 par huissier de justice, c’est-à-dire au cours de la première instance, dont on ne peut tirer aucun renseignement utile puisque l’huissier n’a pas procédé à ses constatations dans la cour ou le parking qui se trouvent devant le bâtiment exploité par M. [P], mais bien plus largement, dans l’allée qui mène à ce bâtiment et qui est située au-devant, dont la surface excède très largement celle de l’ouvrage dont la réalisation a été confiée à la société BSTP par le marché litigieux.
Il ne peut pas être tiré davantage de renseignements de l’expertise privée réalisée le 2 mars 2022 par M. [C], à hauteur d’appel et de manière non contradictoire là encore.
Outre que l’avis technique de M. [C] n’est corroboré par aucun élément, le technicien ne s’est pas prononcé sur les travaux réalisés par la société BSTP en 2017, mais sur l’ensemble des travaux de voirie et de VRD réalisés en 2002, en décrivant des désordres qui affectent une zone de parkings et de voirie représentant environ 1 900 m2, sans que rien, dans son rapport, ne permette de rattacher certains désordres aux travaux, très limités, commandés en 2017 à la société BSTP, sur la base des préconisations qu’avait transmises l’expert dommages-ouvrage en 2002 et dont il n’est nullement établi qu’elles n’auraient pas été respectées par l’intimée.
Dès lors qu’il n’établit pas que la société BSTP aurait failli aux obligations qu’elle a souscrites à son égard en 2017, M. [P] ne peut lui opposer l’exception d’inexécution.
Faute de justifier d’un paiement ou d’un fait libératoires au sens du deuxième alinéa de l’article 1353 du code civil, M. [P] sera donc condamné à payer à la société intimée, par confirmation du jugement entrepris, la somme principale HT de 11 246,50 euros, soit la somme TTC de 13 495,80 euros correspondant au prix du marché de travaux litigieux.
Sur les intérêts de retard :
Selon l’alinéa 4 de l’article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, le délai de règlement des sommes dues est fixé, sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation commandée.
Aux termes de l’alinéa 8 du même texte, les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux de l’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son obligation de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l’année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l’année en question. Pour le second semestre de l’année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l’année question.
Il n’est pas contesté, en l’espèce, que les seules mentions relatives aux pénalités de retard et à la date d’exigibilité du paiement de la prestation figurent, non pas sur le devis accepté ou sur d’éventuelles conditions générales de vente de la société BSTP, mais sur la facture établie postérieurement à la réalisation de la prestation, laquelle n’a pas de caractère contractuel.
Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, la condamnation à paiement précédemment prononcée sera majorée des intérêts au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 15 novembre 2017, trentième jour suivant la date d’établissement de la facture dont il n’est pas contesté qu’elle correspond à la date d’exécution de la prestation commandée.
En application de l’article 1343-2 du code civil qui prévoit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 4 avril 2019, date de la demande.
Sur les demandes accessoires :
Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges.
M. [P], qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, M. [P] sera condamné à régler à la société BSTP, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a condamné les établissements [P] à payer à la société BSTP la somme de 11 246,50 euros HT soit 13 495,80 euros TTC en principal, la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ses dispositions relatives aux dépens, sauf à préciser, en accord avec les parties, que « les « établissements [P] » doivent être tenus pour être M. [K] [P],
Infirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Dit que la condamnation en principal sera majorée des intérêts au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 15 novembre 2017, selon les modalités prévues à l’alinéa 8 de l’article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019,
Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 4 avril 2019, conformément aux modalités fixées à l’article 1343-2 du code civil,
Y ajoutant,
Condamne M. [K] [P] à payer à la société BSTP la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. [K] [P] formée sur le même fondement,
Condamne M. [K] [P] aux dépens,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré et dit en conséquence n’y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes le cas échéant trop versées en vertu de l’exécution provisoire attachée à ce jugement,
Dit n’y avoir lieu d’accorder à la SELARL Cabinet Audrey Hamelin le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT