Votre panier est actuellement vide !
ARRÊT N°
JFL/FA
COUR D’APPEL DE BESANÇON
– 172 501 116 00013 –
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 29 novembre 2022
N° de rôle : N° RG 20/00836 – N° Portalis DBVG-V-B7E-EIKI
S/appel d’une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON en date du 13 mai 2020 [RG N° 2018004843]
Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix
S.A.S. CODIGEL C/ E.U.R.L. JACOULOT PRIMEURS, S.A.R.L. BERSOT
PARTIES EN CAUSE :
S.A.S. CODIGEL prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, inscrite au RCS de Versailles sous le numéro 612 001 297
Sise [Adresse 1]
Représentée par Me Isabelle MADOZ, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTE
ET :
E.U.R.L. JACOULOT PRIMEURS, inscrite au RCS de Besançon sous le numéro 313 537 896, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Sise [Adresse 3]
Représentée par Me Jean Paul LORACH de la SCP LORACH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON
S.A.R.L. BERSOT prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de Besançon sous le num&ro 552 820 824
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Camille BEN DAOUD, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉES
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.
L’affaire, plaidée à l’audience du 29 novembre 2022 a été mise en délibéré au 31 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
*************
Exposé du litige
Suivant devis du 21 juillet 2014, la SARL Jacoulot Primeurs (la société Jacoulot) a commandé trois vitrines de libre-service réfrigérées à la SARL Bersot qui s’en est fournie auprès de la SAS Codigel et les a installées, pour un prix de 9 897 euros HT facturé le 30 novembre 2014.
Déplorant des dysfonctionnements divers et répétés malgré les interventions de la SARL Froid Sainthillier mandatée par la société Codigel, la société Jacoulot, après constat d’huissier, réunion des parties, expertise privée puis expertise judiciaire ordonnée en référé le 25 janvier 2017, dont le rapport relève sept désordres nécessitant 5 699,80 euros de reprises ainsi qu’un préjudice économique et un trouble de jouissance qui engageaient selon l’expert la responsabilité des sociétés Bersot et Codigel, a assigné celles-ci les 31 octobre et 2 novembre 2018 pour les voir condamner solidairement à indemniser ses préjudices.
Le tribunal de commerce de Besançon, par jugement du 13 mai 2020 visant les articles 1231-1, 1582, 1603 et 1641 du code civil, a :
– dit l’action de la société Jacoulot recevable et fondée ;
– condamné la société Bersot à lui payer les sommes de :
* 5 688,80 euros TTC au titre de la reprise des vitrines défaillantes ;
* 247 euros TTC au titre du préjudice économique ;
* 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
– condamné la société Codigel à payer à la société Bersot la somme de 4 473,40 euros TTC au titre de sa responsabilité dans les dysfonctionnements constatés ;
– débouté la société Bersot de toute demande autre que l’appel en garantie contre la société Codigel ;
– débouté la société Codigel de toutes demandes ;
– condamné solidairement les sociétés Bersot et Codigel à payer à la société Jacoulot Primeurs la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
– que la société Bersot avait failli à son obligation de délivrance en vendant à la société Jacoulot des vitrines affectées des sept dysfonctionnements relevés par l’expert judiciaire, et lui en devait réparation par application de l’article 1231-1 du code civil, pour les montants évalués par l’expert pour les désordres et pour le préjudice économique, et à hauteur de 3 000 euros pour le préjudice de jouissance au regard des nombreux dysfonctionnements, de la nécessité de réclamer de nombreuses interventions, et de l’indisponibilité d’une vitrine pendant plus de six mois ;
– que six des sept dysfonctionnements relevaient de défauts de fabrication ou de conception imputables à la société Codigel qui en était responsable au titre de la garantie légale des vices cachés, qui excluait la garantie contractuelle ;
– que cependant la société Bersot était responsable d’un des sept dysfonctionnements, ce qui justifie de limiter à 50 % la garantie que lui devait la société Codigel.
La société Codigel a interjeté appel de cette décision contre les deux autres parties, par déclaration parvenue au greffe le 2 juillet 2020. L’appel critique expressément tous les chefs de jugement.
Par conclusions transmises le 9 mars 2021, l’appelante, au visa des articles 122 du code de procédure civile et 1231-1, 1231-3 et 1604 du code civil, demande à la cour de :
à titre principal,
– réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
– débouter les sociétés Bersot et Jacoulot Primeurs de leurs demandes dirigées contre elle ;
subsidiairement,
– limiter le préjudice subi par la société Jacoulot Primeurs à 2 254,74 euros TTC ;
– limiter en conséquence sa condamnation envers la société Bersot à 1 277,37 euros ;
en tout état de cause,
– condamner la société Jacoulot Primeurs ‘et/ou’ la société Bersot à lui payer 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Isabelle Madoz.
L’appelante soutient :
– que ses conditions générales de vente, acceptées et opposables, limitaient la garantie de l’acquéreur pour les vices de construction ou de matière affectant un appareil neuf à une durée d’un an suivant la date de la facture, de sorte que la garantie légale, ainsi limitée par le contrat, expirait le 20 novembre 2015, et que l’action exercée contre elle par la société Bersot était non seulement forclose mais encore mal fondée ;
– qu’au demeurant les dysfonctionnements litigieux résultaient de l’usure normale ou de l’intervention intempestive de tiers et ne lui étaient pas imputables ;
– et que les préjudices invoqués étaient, soit non caractérisés, soit excessifs.
La société Bersot, par conclusions transmises le 31 mars 2021 portant appel incident, demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer des sommes à la société Jacoulot et à payer les dépens, et en ce qu’il limite la garantie de la société Codigel à 50 % ;
– débouter la société Jacoulot de ses demandes ;
– subsidiairement, condamner la société Codigel à la garantir en totalité ;
– cantonner les préjudices de la société Jacoulot à 2 454,74 euros ;
– et condamner in solidum la société Jacoulot et la société Codigel à lui payer 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens, dont distraction au profit de la SCP Henneman Breton Ben Daoud.
Cette intimée soutient :
– que n’ayant commis aucune faute elle n’est pas responsable des désordres qui ont affecté la vitrine et qui résultent de défauts de conception et de réalisation ainsi que l’a relevé l’expert ;
– que, subsidiairement, la société Codigel, responsable selon l’expert de six des sept désordres, devra la garantir intégralement ;
– que la limitation de garantie ne lui est pas opposable dès lors que les conditions générales ne lui ont jamais été transmises, qu’elle ne les a jamais acceptées, et qu’est abusive toute clause contractuelle dérogeant à la garantie légale de conformité ;
– que sont injustifiées les demandes indemnitaires concernant le traitement anti-rouille, lié à un défaut de qualité des matériaux, les transformateurs, qui sont exempts de défauts, et les rideaux, qui ont été renouvelés ;
– et qu’aucun trouble de jouissance n’est caractérisé puisque les vitrines n’ont jamais cessé de fonctionner.
La société Jacoulot, par conclusions transmises le 14 décembre 2020 visant les articles 1231-1 et 1604 et suivants du code civil, demande à la cour de :
– confirmer le jugement ;
subsidiairement,
– dire les sociétés Bersot et Codigel solidairement responsables de son préjudice ;
– les condamner solidairement à lui payer les dommages et intérêts retenus par le premier juge ;
– rejeter leurs demandes ;
– les condamner à lui payer 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens, comprenant ceux de référé et les frais d’expertise judiciaires, dont distraction au profit de la SCP Lorach Avocats Associés.
La société Jacoulot intimée soutient :
– que l’expert judiciaire a exactement analysé les dysfonctionnements et identifié leurs causes ;
– que ces dysfonctionnements relèvent de la garantie de conformité due par la société Bersot en ce que les vitrines vendues, non conformes à l’utilisation qu’on pouvait en attendre, n’ont pas été délivrées conformément aux prévisions contractuelles, au sens de l’article 1604 du code civil ;
– que la responsabilité de la société Bersot et celle de la société Codigel sont manifestement engagées ;
– qu’étant tiers au contrat liant la société Bersot à la société Codigel, elle ne peut se voir opposer la clause de limitation de garantie qui y est insérée ;
– que le préjudice matériel doit être évalué conformément aux conclusions de l’expert judiciaire, de même que le préjudice économique ;
– et que le préjudice de jouissance existe dès lors qu’une des trois vitrines a été inutilisable du mois d’octobre 2015 au 18 mai 2016, ainsi que l’a retenu l’expert ;
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction a été clôturée le 1er mars 2022. L’affaire a été appelée à l’audience du 29 novembre 2022 et mise en délibéré au 31 janvier 2023.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité de l’action de la société Jacoulot
L’appel de la recevabilité de l’action de la société Jacoulot n’étant pas soutenu, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité de la société Bersot
Le contrat passé entre la société Bersot et la société Jacoulot est un contrat de vente, qui en application des articles 1582 et 1604 du code civil, obligeait le vendeur à délivrer la chose convenue, et qui en application de l’article 1641 du même code, l’obligeait aussi à garantir l’acquéreur à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
L’obligation de délivrance, quand la vente n’est pas conclue entre un professionnel et un consommateur, telle la vente litigieuse qui a été conclue entre deux professionnels, se limite à la remise matérielle de la chose entre les mains de l’acquéreur et à la conformité de cette chose aux caractéristiques définies par les parties dans le contrat. Elle ne porte pas en revanche sur les dysfonctionnements, qui relèvent alors de la seule garantie des vices cachés.
La société Bersot invoque exclusivement le défaut de délivrance conforme. Le devis n’étant pas produit, le contenu de l’accord des parties est connu par la facture établie par la société Bersot en date du 30 novembre 2014, qui désigne trois vitrines libre-service avec trois étagères et deux vitres coulissantes à l’arrière ainsi que divers accessoires et l’installation du matériel. Il n’est pas allégué que les biens livrés ne répondent pas à ces caractéristiques, mais seulement qu’ils ne seraient pas conformes à l’utilisation qu’on pouvait en attendre en raison de plusieurs dysfonctionnements, ce qui est indifférent à l’appréciation de l’exécution de l’obligation de délivrance et ne pouvait relever, le cas échéant, que de la garantie des vices cachés. En conséquence, il n’apparaît pas que le vendeur ait manqué à son obligation de délivrance, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Bersot à indemniser la société Jacoulot, qui sera déboutée de ce chef.
La société Bersot échappant à la condamnation, son appel en garantie contre la société Codigel est sans objet.
Sur la responsabilité directe de la société Codigel envers la société Jacoulot
Le premier juge a condamné la société Codigel à garantir partiellement la société Bersot mais il ne l’a pas condamnée solidairement à indemniser la société Jacoulot comme celle-ci le demandait, omettant de la débouter de ce chef.
Cette demande de condamnation solidaire subsiste devant la cour mais, partiellement rejetée en ce qu’elle était dirigée contre la société Bersot, elle se limite désormais à la condamnation de la société Codigel.
A ce titre, devant la cour, la société Jacoulot, bien qu’elle admette ne pas être contractante de la société Codigel, invoque exclusivement un manquement de celle-ci à son obligation de délivrance. Or, la société Codigel n’avait d’obligation de délivrance qu’envers la société Bersot, seule à contracter avec elle, de sorte que le contenu de l’obligation invoquée doit être apprécié au regard de la vente, dont la facture établie par Codigel en date du 19 octobre 2015 montre qu’elle porte sur trois vitrines libre-service à trois étagères et deux portes coulissantes arrière de couleur grise avec accessoires.
La société Jacoulot n’établit pas que le matériel vendu par la société Codigel à la société Bersot serait non conforme à ces spécifications, se bornant à alléguer des dysfonctionnements qui, comme précédemment, sont indifférents à l’obligation de délivrance et relevaient le cas échéant de la garantie des vices cachés qu’elle n’invoque pas.
En conséquence, ajoutant au jugement qui omet de statuer de ce chef, la cour déboutera la société Jacoulot de sa demande indemnitaire dirigée contre la société Codigel.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu entre les parties le 13 mai 2020 par le tribunal de commerce de Besançon, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action de la société Jacoulot Primeurs, cette disposition étant confirmée ;
statuant à nouveau de chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société Jacoulot Primeur de ses demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Jacoulot Primeurs aux dépens d’instance et d’appel ;
Accorde aux avocats qui l’ont demandé le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
La greffière Le président de chambre